jeudi 4 septembre 2014

Afrique du Sud : grève des métallurgistes

En défense de la grève – Cessez les mensonges !

 

 
Au mois de juillet, une puissante grève nationale des métallurgistes (ouvriers de la sidérurgie, de l'industrie automobile, etc.), menée par le syndicat Numsa, a ébranlé la société sud-africaine. Cette grève, qui a duré quatre semaines, faisait immédiatement suite à une grève longue de plusieurs mois dans le secteur des mines. Le bilan est une victoire, avec l'obtention d'une hausse salariale de +10 % pour les catégories les moins payées de la main d'œuvre, même si le gain est mitigé par le fait que l'inflation dans le pays est de 6,6 %. 

Lors de cette grève, la classe des capitalistes sud-africains, ANC en tête, a été véritablement prise de panique à l'idée que de plus en plus de tels mouvements puissent se développer dans le pays, d'autant que ce regain de combativité de la classe ouvrière sud-africaine coïncide également avec l'apparition de nouvelles forces de gauche radicale, telle que le WASP et les EEF. C'est pourquoi une énorme campagne de propagande anti-grève a été lancée, afin d'accuser les grévistes de “saboter l'économie” et de liguer la population contre le mouvement. 

Dans cet article, paru le 10 juillet 2014, nos camarades sud-africains répondent aux mensonges des médias et des capitalistes. On parle ici de la situation en Afrique du Sud, mais nombre des arguments avancés pourraient également être utilisés pour contrer la propagande antisyndicale dans d'autres pays, c'est pourquoi ce texte vaut la peine d'être étudié pour tous les militants où qu'ils se trouvent, afin de ne plus se laisser démonter par les mensonges des soi-disant “experts” économiques.


Les patrons, les médias et les politiciens capitalistes de l'ANC et de la DA sont en train de mener une grande campagne de dénigrement contre les métallurgistes en grève. Ils cherchent à faire passer les métallurgistes pour responsables de tous les problèmes de l'économie capitaliste. Les médias invitent toute une série d'“experts” qui ne sont tous en réalité que des porteparoles du capitalisme. Ces “experts” sont tous d'accord sur le fait que la grève des métallurgistes va “nuire à l'économie” et amener l'Afrique du Sud à la faillite.

Est-ce vrai ? Bien sûr que non ! Tout cela n'est que mensonges, une pure invention destinée à manipuler l'opinion publique pour empêcher que ne se développe un soutien envers la grève, les métallurgistes ou les syndicats. En réalité, si l'économie va mal, c'est parce que les patrons sont en train de la saboter.


Une grève “violente” ?
Afin de préparer la population à accepter ces mensonges, la grève est dépeinte dans les médias comme « violente ». Les “experts” aiment tellement parler du « droit au travail », qu'ils emploient uniquement afin de ternir l'image des grévistes et saboter leur action ! L'Alliance démocratique (DA) a même proposé de faire passer une loi selon laquelle une grève qui serait « excessivement » violente deviendrait illégale et permettrait donc aux patrons de licencier les travailleurs grévistes.

Cette proposition de la DA n'est en réalité qu'une invitation pour les patrons et les politiciens pro-capitalistes à envoyer des agents provocateurs sur les piquets. Si cette loi était acceptée, cela signifierait que pour mettre un terme à une grève, il leur suffirait de payer quelques voyous semer le désordre sur le piquet de grève et y causer des violences, afin de pouvoir directement déclarer la grève comme illégale et forcer les travailleurs à retourner au travail de peur de perdre leur emploi. L'Alliance “démocratique” n'est en réalité intéressée qu'à défendre les droits des patrons.

Qui crée la richesse dans la société ?
On parle d'économie, mais d'où vient la richesse de cette économie ? Le fondement de toute la richesse vient de la valeur ajoutée par les travailleurs au cours de leur travail – surtout dans l'industrie. Les “experts” disent que cette grève est particulièrement nuisible, parce que l'industrie du métal compte pour 15 % de l'économie nationale. Ça veut donc dire que 15 % de toute l'économie du pays est produite par 230 000 travailleurs métallurgistes, qui ne constituent que 0.44 % de la population de ce pays de 52 millions d'habitants !

Pourquoi nos “experts” ne préfèrent-ils donc pas plutôt remercier les métallurgistes pour leur énorme contribution à la richesse nationale (et aux bénéfices de nos patrons) ? Ces métallurgistes doivent décidément faire partie des personnes les plus généreuses du pays, eux qui créent 15 % de l'économie nationale pour de si petits salaires ! En réalité, tout cela ne fait que montrer le degré inouï d'exploitation des métallurgistes par ces patrons qui sont si rapaces qu'ils déploient tant d'énergie à se battre contre la modeste revendication de 12-15 % de hausse salariale !

En Afrique du Sud, les ouvriers métallos qui représentent 0,44 %
de la population, produisent 15 % de la richesse nationale.
L'effort ne mérite-t-il pas récompense ?

“L'économie”, ça veut dire quoi ?
Dans leur lutte contre leurs ouvriers, les patrons tentent de semer la confusion en faisant intervenir leurs “experts”. Les “experts” adorent parler de “l'économie”. Mais quand nous entendons cette phrase dans leur bouche, il nous faut être très vigilants ! En réalité, lorsque les “experts” utilisent ce terme, ce n'est pas pour parler de “l'économie” qui contribue à la société, mais uniquement des intérêts des patrons à l'intérieur de cette économie. Or, les intérêts des patrons ne sont pas ceux des travailleurs.

L'industrie compte pour 15 % de l'économie. Après cette grève, que les métallurgistes gagnent une hausse salariale ou pas, l'industrie comptera toujours pour 15 % de l'économie, c'est tout ! Qu'est-ce qui va changer alors ? Ce qui va changer, c'est que si les métallurgistes obtiennent leur hausse salariale, la part de ces 15 % de l'économie qui va dans la poche des patrons sera plus petite qu'avant, tandis que la part de ces 15 % qui va dans la poche des ouvriers sera plus grande. 

La seule raison pour laquelle nous risquons de voir baisser l'importance de l'industrie dans l'économie nationale au cas où les métallurgistes recevraient de meilleurs salaires, est que les patrons risquent de se mettre à saboter l'économie. Les patrons vont vouloir récupérer leur part de profits – pour cela, ils vont se mettre à licencier des travailleurs, ou à fermer des usines. En d'autres termes, ils vont agir afin de réduire les gains des travailleurs après la grève. Ces fermetures, etc. ne seront pas le résultat de la grève, mais la décision des patrons.

Est-ce que la grève empêche les patrons d'investir ?
La réponse habituelle des “experts” est de dire que si les patrons tirent moins de bénéfices, alors ils ne seront plus capables d'investir pour créer de l'emploi. Tout ce que nous pouvons répondre par rapport à ça est : dans ce cas, ils attendent quoi pour investir ? Chaque année, la part de la richesse nationale qui va dans les salaires des travailleurs ne fait que diminuer. Pendant ce temps, les entreprises sud africaines ont déjà accumulé 500 milliards de rands sur leurs comptes en banque (23 000 milliards de francs CFA) qui restent là seulement. Ils ont déjà tellement d'argent qu'ils ne savent même pas quoi faire avec ! Pourquoi on ne prend pas cet argent là pour investir et créer de l'emploi ? Parce que les capitalistes trouvent qu'ils font plus de bénéfices en utilisant cet argent pour spéculer sur les marchés financiers. Tout ce qui les intéresse, c'est les bénéfices.

Pourquoi est-ce que la grève des métallurgistes qui a démarré la semaine passée est subitement devenue la raison pour laquelle les capitalistes sont incapables d'investir ? Cet argument ne tient clairement pas la route. En réalité, ça fait des années que les capitalistes sont eux-mêmes en grève – l'investissement dans les entreprises en Afrique du Sud en 2014 est 3 % inférieur à ce qu'il était en 2008 ! Est-ce que c'est la faute des métallurgistes ? Non : pendant tout ce temps, ce sont les patrons qui sabotent l'économie.

Les patrons sud-africains sont fiers de montrer au monde entier
qu'ils fabriquent voiture allemande, mais refusent de partager
le gâteau avec leurs travailleurs
 
Est-ce que la grève va rendre l'Afrique du Sud “moins compétitive” ?
Nos “experts” disent ensuite que des salaires trop élevés pour les métallurgistes sud africains vont rendre l'Afrique du Sud “moins compétitive”. Ils disent aussi que l'industrie va délocaliser pour se rendre dans d'autres endroits dans le monde, où les salaires sont encore plus bas. Les “experts” nous présentent cela comme étant aussi inévitable que le fait que le soleil se lève à l'Est. Ce qu'ils veulent dire en réalité, est qu'en cas de hausse salariale, nos patrons décideront de fermer leurs entreprises en Afrique du Sud pour aller les relocaliser ailleurs, afin d'engranger plus de bénéfices pour eux-mêmes plutôt que de payer aux métallurgistes un salaire plus juste.

Mais les capitalistes veulent tout avoir en même temps. L'ANC, un parti soutenu par les grands patrons sud africains, est totalement passé dans le camp du néolibéralisme dont l'idéologie domine à présent le capitalisme mondial, et parle de supprimer les barrières douanières, de privatiser les services publics et l'industrie étatique, d'ouvrir les marchés et de laisser la compétition décider de tout. Cela est la stratégie employée par les grands capitalistes d'Amérique et d'Europe afin de faire passer plus de pouvoir et de richesse de leur côté plutôt que du côté de la classe des travailleurs. 

Quand ça les arrange, les patrons sud africains sont tout à fait d'accord avec ça. Mais quand ça ne les arrange pas, alors ils viennent dire que tout ça est la faute des ouvriers. Mais pour les travailleurs, le néolibéralisme signifie la course au niveau mondial vers qui aura les plus bas salaires. Par exemple, beaucoup d'entreprises qui étaient parties en Chine parce qu'on y trouvait de bas salaires, sont maintenant en train de quitter la Chine pour aller s'installer vers d'autres pays où les salaires sont encore plus bas !


Face aux mensonges, le socialisme est notre réponse
Tous ces problèmes sont typiques du système capitaliste. C'est pourquoi les travailleurs doivent s'armer d'un programme socialiste. Les problèmes des capitalistes ne sont pas les nôtres – pourvu que nous ayons une compréhension claire de l'alternative socialiste. Les travailleurs doivent exiger l'ouverture des livres de compte des entreprises sud africaines qui prétendent ne pas pouvoir tenir la concurrence des importateurs étrangers. Des comités de travailleurs doivent être mis sur pied pour examiner les profits, les salaires des cadres, les couts de production, les salaires des employés et ouvriers et les prix demandés aux clients pour les produits et services.

Mais même au cas où il est prouvé que l'entreprise ne peut tenir la concurrence, cela ne veut pas dire que les travailleurs doivent soutenir les profits des capitalistes en demandant à la classe des travailleurs de payer plus cher les produits ou services de cette entreprise tout en acceptant des réductions de salaires afin de préserver les capitalistes. Si une entreprise ne peut tenir la concurrence, alors nous devons tout d'abord exiger sa nationalisation, sous contrôle des travailleurs. Cela doit être la principale revendication du mouvement syndical dans la lutte pour protéger l'emploi de la concurrence internationale.

Mais au final, il nous faut une société socialiste, afin de mettre un terme à cette course vers le bas, afin de donner un emploi et un salaire décent à chaque travailleur et à chaque membre de leur famille. Les travailleurs doivent s'organiser en syndicat, mais il leur faut aussi s'organiser politiquement, comme le montre l'exemple du Parti ouvrier et socialiste (WASP), afin de compléter la lutte sur leur entreprise par une lutte unie de l'ensemble de la classe des travailleurs, pour une société socialiste.

Numsa : « Non à la pauvreté, oui aux salaires décents »
Appel à la grève nationale dans toutes les régions d'Afrique du Sud

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