jeudi 25 février 2016

États-Unis : La révolution politique de Bernie inaugure une nouvelle ère de la politique états-unienne


Construisons le mouvement pour Bernie afin de vaincre la classe des milliardaires et les dirigeants du Parti démocrate


La victoire de Bernie Sanders à la primaire démocrate du New Hampshire a lancé un véritable séisme qui ébranle à présent les élections présidentielles américaines et l'ensemble de l'élite politique. Pour la première fois de l'histoire des États-Unis, un candidat qui se dit socialiste a remporté une victoire dans une primaire dans un État véritablement stratégique. 

Bernie a obtenu 22 % de plus que la candidate « officielle » Hillary Clinton : 60 % contre 38 %, ce qui fait qu'il obtient du même coup la plus grande marge d'avance jamais vue de toute l'histoire de la primaire du New Hampshire. La victoire de Bernie marque donc bien le début d'une nouvelle période tumultueuse de la vie politique aux États-Unis.

– Patrick Ayers, groupe Alternative socialiste (section du CIO aux États-Unis)


En plus du « match nul » lors de la primaire de l'Iowa, la victoire de Sanders au New Hampshire va déclencher une bataille bien plus féroce pour la nomination du Parti démocrate. Sanders est désormais perçu comme un candidat sérieux à la nomination et à la présidence, porté par l'énorme enthousiasme suite à son appel à une « révolution politique contre la classe des milliardaires ». À ce titre, les primaires dans le Nevada, en Caroline du Sud, puis dans les onze États où des primaires doivent se tenir le 1er mars, qui sont vues comme des terrains moins favorables à Sanders, constitueront pour lui le test décisif.

Les brillants résultats de Sanders en Iowa, dans le New Hampshire et dans les sondages réalisés au niveau national ont enclenché une vague sans précédent de petites donations. Rien qu'en janvier, Sanders a récolté 20 millions de dollars (12 milliards de francs CFA), sur base de dons d'un montant moyen de 27 $ (15 000 FCFA). Au cours du même mois, Clinton n'avait pu récolter « que » 15 millions $ (9 milliards FCFA), financés essentiellement par une poignée de très riches « parrains ». Suite à sa victoire dans le New Hampshire, Sanders a encore reçu la somme record de 6 millions $ (3 milliards FCFA) en transferts individuels faits par internet.

Pendant ce temps, le Parti républicain « scrute le fond de l'abysse ». Lors de la primaire de ce parti dans le New Hampshire, qui se tenaient en même temps que la primaire démocrate, Donald Trump est ressorti vainqueur de loin, avec 35 % des voix. La seconde place a été ravie par John Kasich (16 %), tandis que Ted Cruz était troisième (avec 11 %), suivi par Jeb Bush et Marco Rubio. (Jeb Bush, le petit frère de l'ancien président George W. Bush, était donné depuis des années comme le grand favori du camp républicain. Il a cependant fini par abandonner la course samedi 20 février, ne récoltant à nouveau que 7 % des voix en Caroline du Sud). Dans les faits, on voit se développer deux primaires en parallèle à l'intérieur du Parti républicain, ébranlé par une grave crise interne : d'un côté la primaire entre les candidats populistes, qui se joue entre Trump et le vainqueur des primaires en Iowa, Ted Cruz ; de l'autre, la primaire entre les candidats qui ont le soutien de l'élite politique : Rubio, Bush et Kasich.

Les candidats populistes comme Trump et Cruz ont ensemble remporté plus de 53 % des voix lors de la primaire républicaine du New Hampshire. Leur discours raciste, sexiste et islamophobe représente clairement une menace pour la classe ouvrière. Mais leur percée au sein du Parti républicain n'est en fait que le reflet d'une révolte de la part de simples citoyens qui sont fatigués du statu quo. Chez les démocrates comme chez les républicains, la primaire du New Hampshire a été, comme Sanders l'a expliqué, le théâtre d'une rébellion contre « la politique de l'élite, l'économie de l'élite et les médias de l'élite ».

Si la gauche devait échouer à construire une présence politique durable, si nous continuons à laisser nos mouvements se faire phagocyter par les candidats de la direction du Parti démocrate, cela ouvrira un espace de plus en plus grand aux idées d'extrême-droite. Il s'agit d'une course contre la montre, au cours de laquelle nous devons construire une puissante alternative de gauche totalement indépendante de la bourgeoisie afin de tacler le danger grandissant que représente la démagogie populiste de droite.

Donald en campagne contre l'immigration, contre l'islam,
contre les femmes et pour les riches

Une révolte de la jeunesse et de la classe ouvrière

Avec ses meetings de masse et l'affluence record de petites contributions individuelles, la campagne de Bernie a donné une expression à la profonde colère qui vit parmi la société américaine contre la domination de la finance et des grandes entreprises dans la politique du pays. C'est cet enthousiasme, suscité par l'appel de Bernie parmi les jeunes et les travailleurs (« une révolution politique contre la classe des milliardaires »), qui lui a assuré la victoire dans le New Hampshire.

En général, les personnes qui viennent voter lors des primaires ont tendance à être assez âgées et plutôt fortunées. C'est la couche qui continue à soutenir Clinton. Mais la victoire de Bernie a été assurée par une mobilisation massive de la jeunesse et des travailleurs.

Des sondages réalisés à la sortie du scrutin dans le New Hampshire, il ressort que 83 % des électeurs démocrates dont l'âge est compris entre 18 et 29 ans ont voté pour Bernie ; on constate donc ici le même phénomène qu'en Iowa. Les électeurs âgés de moins de 45 ans représentaient 41 % des électeurs à la primaire démocrate du New Hampshire – un taux encore plus grand qu'en Iowa où les électeurs âgés de moins de 45 ans n'étaient que 35 %. 65 % de ceux dont le revenu familial est inférieur à 100 000 $ par an et 71 % des électeurs dont le revenu familial est inférieur à 30 000 $ par an ont voté pour Bernie. Clinton n'a obtenu une majorité que parmi ceux dont le revenu est supérieur à 200 000 $ par an (soit plus de 10 millions FCFA par mois).

Bernie a aussi remporté les voix de 55 % des femmes du New Hampshire. Quelle brillante réponse à Madeleine Albright et Gloria Steinen (deux « féministes » bourgeoises, cadres du Parti démocrate) qui ont déclaré qu'« il existe un endroit spécial en enfer » pour les femmes qui ne soutiennent pas Clinton et que les jeunes filles qui, dans leur écrasante majorité, ont voté pour Sanders en Iowa l'ont fait « parce que les garçons sont avec Bernie ».

Si beaucoup de jeunes filles soutiennent Bernie, ce n'est pas par
« manque de solidarité féminine » avec Clinton

La riposte de l'élite

La campagne pour Clinton a vivement riposté face au succès de Bernie. Cela reflète la profonde anxiété qui vit parmi l'élite dirigeante. Elle craint la révolte en cours contre les dirigeants des deux partis traditionnels du capitalisme états-unien. Lloyd Blankfein, PDG de la banque Goldman Sachs, a récemment qualifié la campagne de Bernie de « tendance dangereuse ». Ils s'inquiètent du fait que la campagne de Bernie est en train de donner un écho aux espoirs de millions de personnes, qui veulent croire au fait qu'il est possible de vaincre les candidats imposés par les grandes entreprises. Le milliardaire Michael Bloomberg, qui est l'ancien maire de New York, est par exemple en train de réfléchir à se présenter comme candidat indépendant pour la présidentielle, vu la crise dans laquelle sont plongés les deux partis.

Depuis l'Iowa, la campagne de Clinton a adopté un ton beaucoup plus négatif et virulent. Lors du premier débat face à face qui a suivi la primaire en Iowa, Hillary a accusé Bernie de la « dénigrer » en insistant à chaque fois sur le fait qu'elle est financée par les patrons de Wall Street. Ses militants ont entonné un refrain comme quoi Bernie serait le candidat des hommes, afin de chercher à récupérer les votes des jeunes femmes qui le soutiennent. Cependant, beaucoup de ces attaques se sont retournées contre elle. Elles ont surtout révélé le fait que beaucoup de gens se méfient d'elle et n'accordent aucune confiance à ses arguments. Les soutiens de Clinton, qui incluent la direction du journal New York Times, ont appelé l'équipe de campagne de Clinton à revoir leur tactique, en proposant des méthodes selon eux plus efficaces pour contrer Sanders.

En même temps, la menace représentée par Sanders va inévitablement susciter une réponse plus générale de la part de l'ensemble de la classe dirigeante, y compris les grandes chaines médiatiques et la direction du Parti démocrate. Les attaques sur Sanders et sur le mouvement derrière lui vont se faire de plus en plus agressives et vicieuses.

Bernie a permis à tout le monde d'identifier Clinton comme la candidate de l'élite financière et industrielle. Récemment, il a révélé le fait qu'elle ait reçu 675 000 $ pour aller parler à trois séminaires organisés par la banque Goldman Sachs (c'est 400 millions FCFA). Quand on lui a demandé pourquoi elle a accepté cette somme, Clinton a simplement répondu « C'est ce qu'ils m'ont offert ». Beaucoup de gens ont insisté pour savoir de quoi elle avait été parler là-bas et recevoir le texte de son discours : elle a refusé. Révéler le contenu de son discours pourrait s'avérer fort mauvais pour elle, car cela aurait pour effet de mettre à jour l'ampleur de sa loyauté envers le monde de la finance. Selon une interview avec un cadre de Goldman Sachs qui était présent à un de ces discours, « C'était assez surprenant … C'était tellement différent des discours qu'elle donne en ce moment en tant que candidate à la présidentielle. Il s'agissait d'un discours très édulcoré. Elle avait plus l'air d'une directrice de la banque que d'une politicienne ». Mais même si Clinton finissait par accepter de révéler le contenu de son discours, les dégâts ont déjà été faits, et cela va peser sur sa campagne pour tout le reste des primaires.

Sous pression de Sanders, Clinton pourrait commencer à adopter un discours de gauche, de manière opportuniste, en disant qu'elle est le candidat à qui il faut faire confiance pour protéger les simples citoyens des méchantes banques. Mais pourtant son CV est limpide : Clinton est la candidate du grand patronat, point.

Hillary Clinton, dans l'ombre de son mari ?

Les avantages électoraux de Clinton

Même si Bernie bénéficie de tout un mouvement derrière lui, Clinton continue à bénéficier d'immenses avantages. Elle est soutenue par l'ensemble des médias, est financée à hauteur de 60 millions de dollars par les grandes entreprises et banques, et a à sa disposition l'ensemble des hauts cadres du Parti démocrate et tous leurs réseaux. Plus de 200 gouverneurs, sénateurs, et députés ont déjà affirmé soutenir Clinton, tandis que seuls deux députés se sont déclarés en faveur de Bernie (et aucun sénateur ni gouverneur).

Clinton compte aussi sur le soutien d'une large majorité des principaux leaders libéraux, tels que l'économiste Paul Krugman et la féministe Gloria Steinem. Bien plus scandaleux, la plupart des dirigeants des plus grandes fédérations syndicales soutiennent Clinton, alors qu'elle a tout de même fait partie de la direction de Walmart, la plus grande chaine de supermarchés des États-Unis qui, à ce jour, interdit toujours le moindre début de représentation syndicale en son sein. En Iowa, Clinton a remporté 53 % des voix des syndicalistes.

Un important facteur qui aide Clinton est le fait qu'elle est déjà bien connue et porte un nom célèbre. Elle estime pouvoir compter d'office sur les voix de l'ensemble des Noirs et des Latinos. Mais plus Sanders devient connu, plus son soutien est en train de grandir.

Nous pouvons nous attendre à ce que l'équipe de Clinton et ses partisans parmi la classe dirigeante lancent maintenant une campagne de terreur et de dénigrement tout au long des semaines à venir. Avec toute la puissance des médias mobilisée pour influencer les débats, cela pourrait avoir un impact, surtout parmi les électeurs plus âgés et des millions d'autres travailleurs qui s'intéressent un peu moins à la politique. La classe dirigeante va chercher à alimenter les craintes des électeurs selon lesquelles le fait de choisir Sanders comme candidat aidera les républicains à remporter les élections présidentielles en novembre. Pendant ce temps, des millions de travailleurs et de jeunes qui auraient pu être touchés par le message de Sanders sont totalement dégoutés de la politique, vu à quel point ils sont négligés depuis des années, et refusent de se mobiliser.

Les dirigeants du Parti démocrate vont tout faire pour contrer Sanders. Si les avantages institutionnels « normaux » ne suffisent pas à bloquer la campagne de Sanders, alors des mesures plus décisives seront exigées par les grands patrons. Ils vont exercer une forte pression sur de nombreuses personnalités médiatiques et politiques pour qu'ils se rangent derrière Clinton. Au cas où les divisions au sein du parti atteindraient un certain point, on ne peut pas exclure que même le président Obama puisse se ranger derrière Clinton, au mépris de la tradition de neutralité suivie par les présidents sortants.

Briser ces barrières institutionnelles va nécessiter un mouvement de soulèvement de masse contre l'élite dirigeante à une échelle bien plus grande que tout ce que nous avons pu faire jusqu'à présent. Il sera nécessaire d'activer les millions de gens qui ne participent normalement pas du tout dans la politique et qui ne votent même pas, ou qui ne sont pas convaincus du fait que la campagne de Bernie puisse leur apporter le moindre changement dans leur vie de tous les jours. Tout cela signifie que Bernie ferait une erreur fondamentale s'il commençait à vouloir « modérer » son discours dans l'illusion de s'attirer ainsi plus d'électeurs. Au contraire, Bernie doit approfondir son message de « révolution politique », pour présenter à de plus larges couches de la population une véritable perspective de changement en profondeur. Cela veut aussi dire qu'il faut reconnaitre le fait que l'appareil du Parti démocrate n'est pas de notre côté et que nous devons construire un mouvement basé sur la mobilisation et l'organisation des travailleurs à la base, en toute indépendance.

Marche pour Bernie à Boston : « Taxer les riches », « Nous voulons
15 $ de l'heure », « Non au racisme de Trump », « Votez pour Bernie »

#Movement4Bernie

Il nous faut une stratégie pour inspirer ces millions de gens à s'impliquer dans notre campagne de manière active. Comme Bernie le dit lui-même : « Même le meilleur président du monde ne pourra jamais se confronter seul à la classe des milliardaires ».

La politisation de la campagne de Bernie nous donne une change de construire un véritable mouvement à la base qui nous sera utile pour mener à bien cette « révolution politique », en tirant parti de l'enthousiasme suscité par sa campagne pour nous organiser au niveau de nos quartiers, de bas en haut. Il est aussi très important de constater que cette implantation à la base nous servira dans le futur dans le cadre de la lutte contre ces mêmes milliardaires, agents immobiliers, banquiers et patrons malhonnêtes qui oppriment la population.

Le groupe Alternative socialiste a lancé le Mouvement pour Bernie afin de contribuer à l'implantation à la base de la campagne pour Bernie, qui sera nécessaire pour vaincre les représentants politiques du grand patronat. Nous voulons jouer notre rôle en activant autant de gens que nous le pouvons afin de préparer la lutte qui se trouve devant nous, tout en liant cette bataille à la nécessité de construire un mouvement qui lutte pour les intérêts de la grande majorité de la population et pour une véritable transformation de la société. Nous avons participé à l'organisation des récentes « Marches pour Bernie » partout dans le pays, qui ont rassemblé 3000 manifestants à Chicago – y compris des militants de la campagne Black Lives Matter (« Les vies des Noirs comptent ») – et 2000 manifestants à New York, en plus des actions qui ont lieu dans de nombreuses autres villes.

Le 27 février, le Mouvement pour Bernie participera à la deuxième édition des « Marches pour Bernie » aux côtés des autres organisations de soutien à Bernie, de syndicats, de représentants de quartiers et d'associations de la société civile. Si nous agissons de manière audacieuse et cohérente, nous pouvons mobiliser des milliers de personnes dans chaque ville du pays pour exprimer de manière fracassante notre intense soif d'un véritable changement.

Alternative socialiste est aussi active dans le mouvement « Syndicalistes pour Bernie », qui vise à remettre en question les dirigeants des syndicats qui continuent à suivre Clinton – la plus grande amie des patrons – sous prétexte qu'elle « a plus de chances d'être élue ». En tant que socialistes, nous avons toujours mis en garde les syndicats contre les multiples trahisons de la part du Parti démocrate, dont les dirigeants sont tous des grands patrons, en les appelant à mettre plutôt en avant de vrais représentants politiques des travailleurs, indépendants de la bourgeoisie, qui refusent tout don de la part des banques et des grandes entreprises.

La campagne pour Sanders nous offre une occasion historique de populariser ces arguments parmi les travailleurs, pour chercher à mettre en place une nouvelle direction syndicale qui se battra contre les dirigeants cyniques qui n'ont jamais rien à reprocher à des politiciens comme Mme Clinton qui soutiennent les guerres et mangent avec les plus riches banquiers du pays. Tous nos tracts et déclarations sont disponibles pour impression sur le site laborforbernie.org

La campagne « Syndicalistes pour Bernie » tente de remettre en question
les liens entre les dirigeants des syndicats et l'appareil du Parti démocrate


Un parti pour les 99 %

Un des traits les plus séduisants de la « déferlante Bernie » est l'immense mobilisation de sympathisants – comme le meeting de janvier dans le Minnesota qui a rassemblé 20 000 personnes. Ces grands meetings donnent une expression visible et concrète de l'enthousiasme et du soutien dont bénéficie Bernie mais au-delà de lui, tout son discours, qui parle d'une politique d'un genre nouveau et qui ose s'en prendre à la classe des milliardaires. Tout comme les millions de dollars qu'il a reçu sous la forme de petites contributions individuelles, ces mobilisations montrent le potentiel qui existe pour la construction d'un mouvement social et politique, indépendant de la bourgeoisie, qui entrainerait des millions de simples gens.

Notre population est confrontée à tant de problèmes : racisme, sexisme, bas salaires, hausse vertigineuse des loyers, endettement pour frais de scolarité, etc. Mais tout cela se résume à la question de qui a le pouvoir : la classe des milliardaires dispose de beaucoup de moyens, et nous, simples prolétaires, nous n'avons pour ainsi dire rien. La campagne de Bernie nous offre donc une occasion de changer la donne.

Nous ne sommes pas obligés d'accepter l'idée de soutenir le « moindre mal » parmi les candidats des patrons, comme quoi cela serait soi-disant la seule façon de vaincre la droite. Le programme de Hillary Clinton est en réalité un désavantage dans le cadre d'un combat pour la droite, comme Bernie l'a d'ailleurs très bien fait remarquer. La meilleure façon de mobiliser contre la droite et de remporter les présidentielles au mois de novembre est de poursuivre la construction de la campagne pour Bernie, tout en continuant à entretenir cet immense enthousiasme.

La collecte de fonds effectuée par Bernie nous montre aussi que si nous le voulons, nous pouvons nous aussi rassembler les fonds nécessaires pour lutter à armes égales avec les politiciens du patronat. C'est notre capacité à mobiliser les foules des travailleurs, en toute indépendance, qui nous donne cette possibilité. Notre avantage serait toutefois bien plus déterminant si seulement les syndicats décidaient de se positionner derrière Sanders plutôt que d'apporter un soutien véritablement criminel à Clinton comme ils le font.

En réalité, bien que Sanders lui-même continue à s'en tenir à l'idée que le Parti démocrate peut être transformé de l'intérieur, la campagne de Bernie montre que le potentiel est bien là pour construire notre propre parti politique, un parti des 99 % de la population, contre les grands patrons et leurs deux partis. Ce nouveau parti pourrait rassembler sur une même plateforme les socialistes, les syndicalistes, les jeunes, et les militants progressistes de tous horizons, afin de nous donner l'outil nécessaire pour mobiliser des millions de gens contre l'oligarchie financière.

Même si Bernie cherche à se faire élire comme candidat du Parti démocrate, beaucoup des ses partisans comprennent bien que le Parti démocrate est une machine entre les mains des 1 % de riches qui nous dominent. Bernie a dit qu'au cas où il perdrait ces primaires (des élections qui, on le sait, sont truquées d'avance par toute une série de mécanismes bien huilés), il resterait un membre loyal du Parti démocrate et soutiendrait Clinton dans sa campagne financée par les plus grandes banques du monde : beaucoup de ses partisans sont fort mécontents de cette déclaration. Mais par sa dynamique, la campagne de Sanders est en train de démasquer Hillary Clinton et de révéler au grand jour les limites du Parti démocrate et sa nature profonde de parti de l'élite financière.

Il y a véritablement un grand danger que tout le mouvement de soutien à Bernie, cette révolte contre la classe des milliardaires et le système politique corrompu, soit au final instrumentalisé par le Parti démocrate pour forcer tous ces militants à soutenir Clinton. Notre groupe, Alternative socialiste, est en train de mener une mobilisation active dans la direction opposée. Nous sommes partout très bien accueillis parmi les partisans de Sanders, auprès de qui nous propageons l'idée d'une candidature indépendante de gauche à tous les échelons du gouvernement, dirigée à la fois contre les Républicains et contre les Démocrates. Ce mouvement doit être vu comme la semence qui finira par donner un nouveau parti de masse, dirigé par les travailleurs et pour les travailleurs.

Nous voyons de profondes fissures et divisions s'ouvrir entre les simples électeurs et le Parti démocrate, par nature une machine procapitaliste à la solde de la grande bourgeoisie. Si Michael Bloomberg envisage maintenant de se présenter en tant que candidat indépendant aux présidentielles, c'est parce que la classe dirigeante se prépare déjà à une révolte ouverte au cas où Sanders remporterait les primaires au sein d'un parti qu'ils considèrent sous leur contrôle. Ces forces vont tout faire pour saboter Sanders lors de la présidentielle plutôt que de permettre au mouvement derrière lui de consolider sa position.

Même la convention du Parti démocrate, qui doit désigner le candidat à la présidentielle, inclut un mécanisme destiné à empêcher la concrétisation d'une éventuelle victoire de Sanders. En effet, parmi les délégués à cette convention, si 80 % sont élus par les élections primaires qui se déroulent en ce moment, il reste 800 « superdélégués », des cadres désignés par la machine du Parti démocrate, qui constituent donc à eux seuls 20 % des électeurs finaux. Cela veut dire que quand bien même Sanders sortirait vainqueur des primaires, il est possible qu'il ne soit au final pas reconnu comme le candidat du parti. Même s'il est vrai que la direction du parti préfèrerait ne pas avoir à utiliser ce pouvoir pour bloquer Sanders, vu qu'un tel « coup d'État » provoquerait d'intenses critiques au sein et en-dehors du parti, ouvrant la voie à une grave crise politique. C'est pourquoi en ce moment, tous les efforts sont concentrés sur les primaires où ils tentent de battre Sanders coute que coute.

Le combat pour les primaires démocrates va continuer. 65 % des délégués à la convention seront désignés au cours du mois de mars. Il nous faut donc dès à présent lancer une mobilisation totale au niveau national pour contrer l'offensive que la classe dirigeante est en train de préparer contre Bernie dans les semaines à venir.

S'il veut gagner les élections (et, au-delà, faire appliquer le programme de Sanders même après qu'il ait été élu), le mouvement derrière Bernie ne doit pas se limiter au modèle traditionnel de campagne électorale où tout est décidé par des gens dans des bureaux. Notre campagne doit partir de l'auto-organisation à la base. Plus notre auto-organisation sera forte aujourd'hui, plus nous serons indépendants de la machine du Parti démocrate, plus nous serons capables de poursuivre la lutte pour une révolution politique même après les élections, quel que soit le résultat des primaires ou des présidentielles.


La campagne pour Sanders a déjà ouvert une nouvelle période dans la vie politique des États-Unis. Mais dans les semaines qui vont venir, le potentiel existe pour porter un coup encore plus grand à la politique du patronat, afin d'ébranler jusque dans ses fondements ce système de deux partis sous contrôle et corrompus, et d'ouvrir une nouvelle vague de lutte politique pour une transformation socialiste en profondeur de la société.

Si seulement il le souhaite, Bernie Sanders a toutes les chances de rompre
avec le Parti démocrate pour lancer son propre parti, au nom de sa
« révolution politique contre la classe des milliardaires »

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