lundi 8 janvier 2018

Sortie du franc CFA – oui, mais comment et pour quoi faire ?



La politique monétaire est l’action par laquelle une banque centrale agit sur l’offre de la monnaie dans le but de remplir son objectif triple : stabilité des taux d’intérêt, stabilité des prix (inflation), taux de change de la monnaie à l’extérieur. Il s’agit donc d’un outil important entre les mains des États pour réguler leur économie en fixant la valeur de l’argent : lorsque la valeur de change augmente, il est plus facile d’acheter des produits étrangers mais plus difficile de vendre, et vice-versa. De même, un taux d’intérêt (le « prix du crédit ») plus élevé décourage les emprunts et les investissements, un taux d’intérêt bas les encourage. Or, cet outil n’appartient pas à nos États.

– camarade Guide


Le franc CFA est depuis 1945 la monnaie commune de la Zone franc comprenant les 15 pays de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA : Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC : Cameroun, Centrafrique, Gabon, Congo-Brazza, Tchad et Guinée équatoriale), en plus des Comores. Près de 155 millions de personnes utilisent le franc CFA. Au moment de sa création, « CFA » signifiait « colonies françaises d’Afrique ». Par la suite, il a été réinterprété en « communauté financière africaine » en Afrique de l’Ouest « coopération financière africaine » en Afrique centrale. 

Si chacune de ces zones a sa propre banque centrale, étant donné que le franc CFA est arrimé à l’euro, dont le taux de change et le taux d’intérêt sont décidés par la Banque centrale européenne sise à Francfort en Allemagne et mandatée par la Commission européenne (sur laquelle les gouvernements même européens n’ont que peu de contrôle), et que les billets de CFA sont imprimés en France, à des milliers de kilomètres des banques centrales africaines, on est en droit de se demander à quoi servent ces dernières ! De plus, les pays de la zone CFA ont obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change au Trésor français – sans doute parce qu’« on » estime que cet argent sera mieux surveillé en France qu’à Bouaké ou à Man !

Mais qui a pris ces décisions ? Et à qui profitent-elles ? Nos dirigeants africains auraient-ils été contraints de signer ces accords infâmes au péril de leur vie ou de leurs propriétés privées ? Ou bien s’agirait-il d’une complicité pour maintenir une « alliance éternelle » entre nos pays et l’Europe ?

En effet, le fait d’avoir un taux de change fixe entre l’euro et le CFA favorise énormément les emprunts, échanges et investissements entre l’Europe et l’Afrique, mais nuit à notre capacité d’exportation et décourage les investissements locaux.

Doit-on sortir du franc CFA ? Nous pensons que oui, mais il faut être clair sur le fait que cela n’arrangera pas tous nos problèmes. Le fait d’avoir notre propre monnaie, si elle est forte, découragera les exportations et risquerait de ruiner nos producteurs ; si elle est faible, les prix des produits importés augmenteront et la population risque de mourir de faim, à moins que – et c’est là le nœud du problème – des investissements massifs  ne soient faits pour assurer une production locale pour remplacer ces importations (vêtements, appareils électroniques, riz, etc.). D’ailleurs, les expériences de monnaies nationales ailleurs en Afrique (Ghana, Guinée, Nigeria) ont clairement montré leurs limites dans le cadre de ce système ! La sortie du franc CFA ne peut donc se faire sans un contrôle strict de l’État sur l’économie nationale et la production et de véritables investissements locaux. Cela pose directement la question du contrôle de la population sur cet État !

Doit-on mettre en place une monnaie africaine ou une monnaie par pays ? Cette question  aussi est difficile à trancher tant qu’on reste dans ce système où le développement n’est pas décidé par les États mais par quelques riches patrons qui sont libres d’investir ou non leurs capitaux selon leur humeur. Si l’Afrique de l’Ouest devait adopter une monnaie commune, qui nous dit que le Burkina et le Mali ne se plaindraient pas bientôt de la main-mise ivoirienne sur leurs économies ? La création d’une monnaie africaine ne peut se faire qu’avec un mécanisme de juste répartition des investissements et des richesses entre les différents pays, ce qui nécessite un contrôle des populations sur les institutions monétaires et étatiques. 

De plus, il est impossible d’envisager une sortie du CFA, même en restant dans le système actuel, tant que nous aurons à la tête de nos États des dirigeants asservis et dévoués au système capitaliste mondial qui soumet la majorité des peuples du monde à une poignée de très riches individus.


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