Pas pour maintenant, à
ce qu’il semble, le gouvernement ayant décidé de prolonger de
façon unilatérale le mandat des maires et des présidents des
conseils régionaux. Pourquoi donc ce retournement de situation ?
Sans doute pour éviter d’effaroucher certains cadres de la
coalition au pouvoir à la veille de l’unification du RHDP ?
Quoi qu’il en soit, ce pouvoir prend de nouveau des libertés avec
la loi et le fonctionnement « normal » des institutions
pour faire ce qu’il veut, quand il veut, quand ça l’arrange. De
toute façon, ce n’est pas comme si la population était
intéressée !
– camarade Castro
Par ailleurs, les
élections sénatoriales (et la nomination expresse et
anticonstitutionnelle du président du Sénat) qui ont eu lieu
récemment ont démontré la grande indifférence de la population
vis-à-vis de tout ces petits jeux. Alors qu’au Burkina ou au
Sénégal, la création d’un Sénat a été prétexte à
révolution, allant jusqu’à pousser à la chute des dictateurs,
chez nous, c’est le calme plat – zéro. Tant les populations sont
habituées à voir ce régime trafficoter les lois comme il le
souhaite et sans que cela ait la moindre incidence sur nos vies.
C’est de la même
manière que, malgré les problèmes qui minent la Commission
électorale indépendante (CEI) dirigée par Youssouf Bakayoko, le
RHDP s’entête coute que coute à la maintenir telle quelle, malgré
la contestation des partis d’opposition et le fait que M. Bakayoko
ait dépassé depuis des années la limite de son mandat légal.
Rappelons que cette CEI s’est tristement illustrée lors des
élections présidentielles de 2010, et qu’elle ne s’est pas
améliorée depuis, avec des élections organisées n’importe
comment et à la dernière minute, des taux de participation
imaginaires et des résultats truqués, falsifiés à la faveur des
candidats du parti au pouvoir.
Vu le caractère douteux
de cette CEI, la tendance à terminer les élections dans la violence
(souvenons-nous des élections municipales à Koumassi en 2013 ou des
législatives à Bonon en 2012), et l’absence de tout parti
politique un tant soit peu crédible, nombreux sont les Ivoiriens qui
refusent de participer à leur « devoir civique » en
boycottant les élections organisées en Côte d’Ivoire.
La démocratie suppose le
choix du peuple, ce qui n’est plus le cas depuis quelques années
dans notre pays. La démocratie, c’est la liberté d’expression,
les élections libres et transparentes, mais malheureusement tout
cela a perdu son sens aujourd’hui. On peut facilement se faire
voler sa voix pendant le dépouillement au profit d’un candidat
qu’on n’a pas choisi, et cela est presque devenu coutume. En Côte
d’Ivoire, où l’opposition est inutile lorsqu’elle n’est pas
muselée, on nous impose nos dirigeants comme au temps du parti
unique de feu Félix Houphouët-Boigny. C’est ce qu’on appelle
« démocratie à l’ivoirienne ». Où va notre cher
pays, qui chante matin, midi et soir l’émergence en 2020 !
L’émergence tant
vantée par nos cadres n’est en fait que l’émergence de notre
classe dirigeante de patrons capitalistes, ivoiriens comme étrangers,
dont la richesse dépend de notre exploitation dans le calme et
l’ordre. Soyez sûr que cette émergence sera pour nous une
véritable immersion. Or, pour répliquer chez nous le modèle
chinois ou le modèle éthiopien, il est crucial pour le régime
capitaliste de se doter d’organes de pouvoir forts qui garantiront
que jamais la voix du peuple ne pourra se faire entendre par la voie
légale. C’est là tout le sens des manœuvres actuelles.
Pour nous, s’il importe
de continuer le combat pour la liberté d’expression et la
démocratie, il faut aussi lutter en dehors de la lutte purement
« politique » pour faire place à la lutte sociale –
dans la rue, dans les zones industrielles, pour les revendications
concrètes qui préoccupent au premier plan le citoyen : cherté
de la vie, accès à l’eau, au logement, contre les violences,
etc. Si nous parvenons à nous faire entendre et à nous imposer par
cette fin, même les cadres du pouvoir seront forcés de nous suivre.
Enfin, c’est bien beau
de vouloir lutter pour se faire entendre, mais encore faut-il avoir
quelque chose à dire ! Un programme concret à proposer, une
vision, une idéologie, pour le développement de la Côte d’Ivoire
et de l’Afrique. Sans quoi, à quoi bon vouloir devenir maire,
député ou conseiller régional ? Si ce n’est que pour
reproduire, encore et toujours, les mêmes schémas de soi-disant
développement capitaliste bourgeois, et finalement appliquer la même
chose que ceux que nous critiquons aujourd’hui.
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