lundi 28 juillet 2014

2014 : Une année de révolution et de contre-révolution

École d'été 2014 du CIO : rapport de la discussion sur les perspectives mondiales


Comme chaque année, l'école d'été européenne du CIO cette année a rassemblé plus de 350 camarades venus du monde entier. Cette école d'été, qui dure une semaine chaque année, est un moment important dans la vie de notre organisation, afin de rassembler les camarades de différents pays et discuter de nos perspectives et analyses au niveau mondial. C'est en outre un moment crucial pour se connaitre et échanger entre camarades de divers pays, ce qui renforce la construction du CIO en tant que parti unifié au plan mondial.


Des camarades étaient présents des pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, France, Espagne, Grèce, Irlande, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Suède, Turquie. Des camarades et contacts étaient également venus d'Afrique du Sud, Algérie, Australie, Brésil, Canada +Québec, Chine (Hong-Kong), États-Unis, Israël-Palestine, Malaisie, Maroc, Sri Lanka, Russie, Tunisie.

Aucun camarade du Nigeria n'a malheureusement pu faire la route, en raison de nos pertes financières vu que nous n'avons pu maintenir notre élu au parlement européen ; et que les camarades nigérians sont très occupés à récolter la somme de 3 millions de francs CFA pour pouvoir faire enregistrer le tout nouveau Parti socialiste du Nigeria auprès de leur Commission électorale.


Une année de réaction…

La première journée de discussion était centrée sur des rapports des camarades internationaux, concernant l'actualité dans leur pays mais aussi des analyses de l'économie mondiale et du jeu de pouvoir qui se dessine entre grandes puissances. 

Il a notamment été fait état des tensions croissantes dans la région Pacifique, où la puissance sur le déclin des États-Unis fait face à la Chine qui cherche à s'affirmer – cela pourrait se traduire par l'éclatement de conflits militaires dans le futur, entre la Chine et ses voisins alliés des États-Unis (Japon, Corée, Philippines…). Il a été remarqué également que de nouveaux foyers de conflits militaires se sont ouverts au cours de cette année, avec la crise en Ukraine, en Syrie, en Centrafrique, la rébellion au Venezuela… Avec toutes ces guerres, on a maintenant atteint le nombre de 33 millions de réfugiés dans le monde, presque deux fois la population entière de Côte d'Ivoire.

En même temps, cette année a été une année de recul et de défaites partielles pour le mouvement des travailleurs, c'est-à-dire de réaction. En Tunisie, de nombreux gouvernements ont chuté et ont été recomposés depuis la révolution, un nouveau gouvernement est constitué qui a déjà promis d'appliquer tous les plans du FMI, malheureusement avec la bénédiction de la direction du syndicat UGT et du Front populaire, ce qui freine l'organisation de la riposte. En Égypte, le général al-Sissi a pris le pouvoir et fait exécuter les opposants tout en rétablissant à leur poste les anciens cadres du régime de Moubarak, malgré de nombreuses grèves dans le pays. En Ukraine, le début de révolution a été détourné par des éléments réactionnaires et d'extrême-droite, ouvrant la voie au conflit actuel. Au Venezuela, les hésitations du gouvernement Maduro, le successeur de Chávez, qui cherche la “réconciliation” avec l'impérialisme plutôt que de prolonger la révolution, ont ouvert la voie à une rébellion impérialiste venue de Colombie et qui gagne l'ouest du pays. En Iraq, des milices islamistes fanatiques ont pris le contrôle d'une grande partie du territoire, tandis qu'au Nigeria, le Boko Haram continue à semer la terreur partout dans le pays. En Grèce et dans d'autres pays européens, des années de grèves et de manifestations n'ont mené à rien du tout, et les travailleurs et la gauche sont en ce moment fort démoralisés.

En Égypte, le général al-Sissi voudrait enterrer la révolution

…Mais aussi de luttes croissantes et de victoires

Mais au même moment, on a vu de réels succès, comme au Brésil, en Afrique du Sud et aux États-Unis.

Au Brésil, après l'explosion sociale de l'année passée contre la hausse du prix des transports, on a vu les nombreuses manifestations et grèves pour protester contre la dépense du budget gouvernemental dans la construction de stades de football. Les travailleurs du métro ont fait grève pendant la Coupe du monde, les nettoyeurs de rue ont fait grève pendant le carnaval, ce qui a forcé le gouvernement a faire de rapides concessions en termes salariaux. Dans plusieurs villes, la grève des enseignants mobilise les jeunes et les parents dans de grandes manifestations. Le Mouvement des travailleurs sans toit, un mouvement qui organise des occupations de terrain afin d'y construire des quartiers improvisés là où les bourgeois pensaient garder le terrain vide pour la spéculation, a forgé de très bons liens avec nos camarades, et pour la première fois de son histoire, a appelé à voter pour un candidat lors des élections, ce candidat étant un de nos membres.

En Afrique du Sud, le nouveau Parti ouvrier et socialiste (WASP), fondé à l'initiative de nos camarades et des comités de grève des mineurs après le massacre de Marikana, n'a pas obtenu le score électoral attendu, en raison de difficultés financières et médiatiques, du poids de l'ANC qui s'est maintenu “par miracle” après le décès de Mandela et malgré les très nombreux scandales de corruption et ses attaques sur les travailleurs, en raison aussi des manœuvres de Julius Malema qui a entre autre volé notre programme socialiste pour s'assurer son propre succès lors des élections, et du fait que le grand syndicat des métallurgistes, la Numsa, a refusé d'appeler clairement à voter pour nous, malgré le soutien extrêmement enthousiaste de ses affiliés. Mais malgré le fait que nous n'ayons pas même obtenu 1 % des voix, nous remarquons que la création du WASP a énormément pesé dans le débat politique, et que la question d'un nouveau parti pour les travailleurs est réellement discutée partout dans le pays, en plus de revendications mises en avant par nous et reprises par Malema, comme la nationalisation des mines, de l'industrie et des grandes plantations. D'excellentes bases ont été posées, et le WASP va continuer à grandir et à jouer un rôle très important dans l'évolution politique de l'Afrique du Sud, d'autant que le moral est en ce moment très haut du côté des travailleurs, avec la victoire de la grève des mineurs qui a duré 4 mois et obtenu de grandes hausses salariales, immédiatement suivie par la grève des métallurgistes, toujours en cours en ce moment.

Mais la plus grande victoire est sans conteste celle obtenue par notre organisation aux États-Unis, où notre camarade Kshama Sawant est parvenue, à la tête d'une épatante campagne de mobilisation populaire, à se hisser au conseil communal de la ville de Seattle (la première fois qu'un élu socialiste y parvient depuis plus de 100 ans), avec la promesse d'instaurer un salaire minimum de 15 $ de l'heure (7500 francs CFA) pour tout habitant de cette ville. Quelques mois à peine après son élection, le mouvement formidable pour l'instauration de ce salaire a remporté la victoire, forçant les conseillers communaux bourgeois à voter son introduction. En plein contexte de crise économique, cette nouvelle a représenté une incroyable nouvelle pour tous les travailleurs américains. Nous avons été instantanément contactés par des personnes vivant dans plus de 400 villes des États-Unis, et avons déjà doublé notre nombre de membres depuis, de 250 à 500 militants. La tâche principale à présent est de poursuivre notre offensive contre les capitalistes américains en l'étendant à l'échelle de tout le pays, tout en consolidant et éduquant notre nouvelle base militante et tous ces camarades qui nous ont rejoints. La situation politique aux États-Unis est extrêmement mure pour la création d'un nouveau parti des travailleurs qui romprait avec le système bipartite traditionnel en vigueur dans ce pays. Le socialisme est lui aussi une idée assez nouvelle dans le pays : les travailleurs et militants américains n'ont pas tout le poids des trahisons des partis “socialistes” ou “communistes” européens et africains, ce qui leur permet de foncer tête baissée et sans a priori à la découverte de cette nouvelle idéologie.

Nos camarades américains ont obtenu l'instauration du salaire minimum
à 7500 francs/heure pour tous dans la ville de Seattle aux USA

Une volonté de changement malgré les obstacles

Ailleurs dans le monde, on voit des mouvements se développer comme l'occupation du parlement de Taïwan par 20 000 étudiants révoltés, ou l'occupation du centre-ville de Hong Kong pour la démocratie et des élections équitables, en plus des mouvements d'immigrés qui réclament leurs droits. En Chine même, comme d'habitude, il est très difficile d'intervenir et de savoir ce qu'il se passe, puisque l'appartenance à toute organisation politique internationale est assimilée à de l'espionnage et est puni par 10 ans de prison, que les syndicats sont interdits et les médias extrêmement contrôlés par le régime dictatorial du Parti communiste chinois. Mais on a vu une grève splendide de 40 000 travailleurs dans une usine de chaussures (usine qui produit à elle seule 20 % des chaussures du monde entier), – qui a pu obtenir quelques concessions malgré une répression terrible –, des émeutes dans plusieurs villes contre la corruption et la violence d'État.

En Europe, on a vu l'extrême-droite ou des populistes de droite progresser dans beaucoup de pays, comme Ukip au Royaume-Uni (Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni) ou le Front national en France. Mais la progression du FN par exemple n'est que très relative, et ce parti n'est parvenu à progresser que parce qu'il a mis de côté la plus grande partie de son discours raciste pour se concentrer sur des “solutions” économiques par rapport à la crise qui touche les travailleurs, et adopter un discours “antisystème” ou “anticapitaliste”. Mais on voit que dans les pays où il existe une organisation de gauche combative et radicale, des victoires peuvent être obtenues et l'extrême-droite peut se voir mise de côté, comme en Belgique avec la percée du Parti du Travail de Belgique (stalinien), en Espagne avec Podemos! (“Nous pouvons !”), en Irlande avec l'Alliance anti-austérité.

Au Sri Lanka, malgré la terreur du régime militaire de Rajapakse qui renforce son emprise sur le pouvoir après la fin de l'offensive contre la population tamoule insurgée, nos camarades continuent à agir clandestinement pour l'unité des travailleurs de différentes ethnies et religions, malgré les appels à la haine de certains groupes fondamentalistes comme le parti bouddhiste qui dit vouloir chasser tous les musulmans et hindoux du pays.

En Israël-Palestine, l'horreur de la guerre à Gaza a lancé un mouvement antiguerre qui prend de l'ampleur, avec 8000 manifestants à Tel-Aviv cette semaine (contre 1000 la semaine précédente). Cependant, beaucoup de travailleurs israéliens ont été convaincus par le gouvernement raciste que la guerre est la seule solution pour mettre fin aux attaques terroristes qui les visent. Nous appelons à l'unité des travailleurs israéliens et palestiniens dans la lutte contre l'État impérialiste israélien tout comme contre les islamistes, pour la révolution socialiste, seule capable d'amener la paix et la coopération dans la région.

Manifestation antiguerre en Israël

Le capitalisme de plus en plus vacillant

Tout cela se passe dans un contexte de grande incertitude pour l'économie mondiale. Les capitalistes sont eux-mêmes très peu confiants dans leur système et refusent d'investir. Tout l'argent reste à la banque, pendant ce temps, les entreprises ferment et aucun emploi n'est créé. Par contre, on voit un très grand nombre d'importants rachats et fusions de grandes multinationales, ce qui fait que le monde tend de plus en plus au capitaliste monopolistique, donc à plus d'instabilité.

L'état de la spéculation sur l'immobilier en Chine menace à tout moment d'exploser. La Chine a construit un nombre incalculable de logements (la Chine a produit en 3 ans plus de ciment que les États-Unis n'en ont produit dans tout le 20ème siècle), qui restent vides car ils sont immédiatement rachetés par de gros capitalistes qui laissent monter les prix. Ce qui fait que les logements à Beijing et à Shanghai sont maintenant les plus chers au monde. Avec les prix actuels, un paysan chinois devrait économiser son revenu pendant 2000 ans pour pouvoir espérer acheter un petit appartement. Dans certains endroits, des villes entières ont été construites qui restent totalement vides. La “bulle” immobilière pourrait éclater à tout moment. Comme cette spéculation est étroitement liée au système bancaire, l'éclatement aura des répercussions pires sur l'économie mondiale que la crise venue des États-Unis en 2008. En plus, comme aujourd'hui la croissance de nombreux pays (comme l'Australie) est totalement déterminée par la croissance chinoise pour leurs exportations (minerai de fer, pétrole, etc.) ou importations (tout ce qui sort des usines chinoises), cela aura des conséquences effarantes, même en-dehors du secteur bancaire.


Bref, ce qu'on voit à l'échelle mondiale, est que la crise se poursuit et va forcer les populations et notamment les travailleurs à entrer en lutte contre le système. Cependant, il y a toujours le danger que ces mouvements soient détournés par des groupes réactionnaires comme en Égypte ou en Ukraine, ce qui mène à la défaite de la révolution. Mais ces défaites ne sont sans doute que temporaires, vu que la politique néolibérale mise en place par les nouveaux régimes va forcément ramener dans la rue la population déçue du résultat de leur révolution. Enfin, l'expérience des États-Unis, du Brésil et de l'Afrique du Sud montre que là où les travailleurs s'organisent correctement et suivent un programme progressiste visant à une mobilisation croissante et à l'unité des travailleurs plutôt que les divisions, des victoires, et même de grandes victoires, sont possibles. De manière générale, les travailleurs du monde entier sont à la recherche d'une alternative à ce système, et la situation est mure pour la croissance d'une organisation révolutionnaire telle que la nôtre.

Le CIO : une force révolutionnaire appelée à se développer
partout dans le monde


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