jeudi 7 mai 2015

Théorie : d'où vient le chômage ?

Le chômage – un phénomène propre au capitalisme


Même si ça fait des années qu'il est présent, comment se fait-il que dans notre pays où il y a tellement de besoins à satisfaire, tellement de travaux à faire, on nous dit qu'il n'y a pas de travail ? Il y a cent ans… le chômage n'existait pas. Les colons étaient même contraints de recourir aux travaux forcés pour nous convaincre de travailler pour eux ! Ou de faire venir des immigrés en masse. Alors pourquoi aujourd'hui est-ce qu'on voit tellement de gens qui cherchent un travail ? Qu'est-ce qui a changé ?

CIO-CI



Un système qui ruine les petits producteurs et crée une classe dénuée de moyens de productions – le prolétariat

En fait, c'est le fonctionnement même de l'économie qui est à la racine de ce phénomène. Nous parlons parle de l'économie du système qui nous a été imposé, le capitalisme, en tant que système mondial né en Europe il y a un peu plus de 200 ans.

Depuis le début de l'époque coloniale, après l'invasion française et la répression coloniale qui ont entrainé la mort de millions de personnes dans notre pays, la population n'a cessé de croitre, vu l'amélioration des soins de santé, des capacités de production, mais aussi l'immigration. 

Notre pays a connu un boom de population. « Le succès de ce pays repose sur l'agriculture », nous dit-on, mais aujourd'hui on trouve difficilement un coin de forêt pour aller y planter, si ce n'est dans une forêt classée. Non seulement la terre est rare, mais en plus elle est gravement appauvrie. Cela pousse les jeunes à aller se chercher en ville, c'est « l'exode rural ». 

En même temps, les métiers de l'artisanat, etc. ont disparu parce que les fruits de notre industrie traditionnelle ont été remplacés par des produits venus d'ailleurs (bassines en plastique, sachets en plastique, tapettes en plastique…). C'est pourquoi petit à petit, la majorité de la population se retrouve sans aucun moyen de production propre, et est donc contrainte d'aller chercher un travail auprès de quelqu'un d'autre, plutôt que de travailler elle-même sur un champ ou dans un métier. D'où cette foule qui est présente aujourd'hui, et qui constitue le prolétariat, une classe sociale dénuée de moyens de subsistance propre, qui grandit au fur et à mesure que grandit le système.

N'allez pas croire que c'est seulement en Côte d'Ivoire : même en France il fut un temps où la majorité des gens vivaient en brousse en train de faire champ, ou des petits métiers. Mais à un moment on les a chassés de leur champ, on les a chassés de leur atelier, et voilà qu'eux aussi sont tous partis en ville chercher du travail. En Amérique… en Chine… c'est la même chose qu'en Côte d'Ivoire.

D'un autre côté, si on va chercher un travail, c'est parce que face à nous, il y a des gens qui ont de l'argent et qui détiennent les moyens de production. Des moyens de production qui nécessitent des travailleurs. 

On ne se pose pas ici la question de savoir d'où est venu cet argent et cette propriété en premier lieu. Mais on constate qu'ils l'ont. Donc, ça tombe bien, je n'ai pas de terre, je n'ai pas d'outil, mais j'ai mes bras et ma tête pour travailler ; lui a la terre, a les outils, et il cherche quelqu'un pour travailler dessus. Et c'est comme ça que fonctionne le système.

Seulement voilà : le système ne fonctionne plus.
Pourquoi ?

Le capitalisme tue les petits métiers en remplaçant leurs produits
par ceux de la grande industrie

Une crise de surproduction

En fait on est dans un système qui crée la surproduction. Forcément, la surproduction, en Afrique, on ne la voit pas trop comme ça. Partout où tu regardes le pays est en friche. Mais concrètement ça veut dire quoi, la surproduction, ça veut dire que le monde entier produit déjà trop par rapport à ce qu'on peut consommer. 

Parce que quand un patron te paye ton salaire, ce n'est pas tout ton travail qu'il te donne. Si tu fabriques des pagnes dans un atelier, on te paye 500 francs par pagne que tu fais, mais le pagne se vend 2000. Ça veut dire que tu dois faire 4 pagnes pour en acheter un. Le restant est pour ton patron. À cause de ça, on ne peut pas tout racheter. Parce que l'argent va pour le patron.

Forcément, si le patron dépense l'argent, c'est bon. Avant, on avait beaucoup de petits patrons. Chacun qui gagnait un peu plus dépensait plus, et l'argent circulait. Mais aujourd'hui la moitié de l'économie de notre pays appartient à des grandes entreprises françaises. Le restant appartient à des Américains, des Marocains, des Chinois, des Russes… M. Bouygues a 130 000 employés dans 100 pays. Comme tout patron, petit ou grand, à chacun il ne donne en salaire qu'une partie de son travail réel. Qu'est-ce que M. Bouygues fait avec tout l'argent qu'il reçoit chaque jour de ses 130 000 employés dans 100 pays ? Il ne peut pas tout dépenser lui-même. Il est censé réinvestir cet argent. Seulement, ça devient difficile dans le monde actuel de trouver quoi faire avec tout cet argent. Donc l'argent reste bloqué quelque part, il ne circule pas.

Le monde entier aujourd'hui est contrôlé par 400 entreprises ou grandes banques qui financent toutes les autres. Ce n'est pas le résultat d'un complot, c'est le fonctionnement du système qui est comme ça. Parce que le système capitaliste mène naturellement à une concentration de plus en plus grande de la propriété des moyens de production. Tout simplement parce que quand un nouveau secteur d'activité se lance, tout le monde se lance dedans pour investir. Après quelques années, la plupart ont fait faillite, ceux qui restent ont racheté tous les autres, et ils occupent tout le terrain. En Côte d'Ivoire, qui fait le café ? Nestlé. Qui fait le thé ? Unilever. Qui fait la bière ? Solibra. Où sont les concurrents ? Ils ont disparu, ou ils n'arrivent pas à percer le marché face aux monopoles déjà installés.

Aujourd'hui 1 % de la population mondiale contrôle plus de la moitié des richesses de la Terre entière. Et qu'est-ce qu'ils font avec leur argent ? Ils dorment dessus. Aux États-Unis, la quantité d'argent qui dort en banque est estimée à sept millions de milliards de francs. C'est-à-dire 400 fois le PIB de la Côte d'Ivoire. Avec cet argent inutilisé, on peut racheter 400 fois la Côte d'Ivoire, toutes ses terres, tous ses habitants et tout ce qu'elle contient.

En Europe aussi, la quantité d'argent inutilisée est de deux millions de milliards de francs. Sans parler de tout l'argent qui dort sur des comptes dans des paradis fiscaux, qu'on estime encore à dix millions de milliards de francs. Ça fait combien de Côte d'Ivoires ? Combien de Ghanas ? Combien de Sénégals ? Mais on ne fait rien avec cet argent. Ça reste là seulement. Pendant ce temps, le peuple meurt de faim, et les gens deviennent de plus en plus pauvres, partout dans le monde.

Pourquoi les patrons n'investissent pas l'argent ? Parce qu'ils ne sont pas surs de récupérer assez d'argent en retour. S'ils veulent investir quelque part, ils veulent être surs de gagner assez. Ils ne vont pas dépenser leur argent quelque part juste pour nous faire plaisir, pour nous donner du travail. 

Pourquoi c'est devenu tellement difficile de gagner de l'argent dans le monde aujourd'hui ? Parce que la population mondiale devient de plus en plus pauvre. On dit que le taux de pauvreté en Allemagne est de 15 % maintenant. Comment ça c'est fait ? Avec la mondialisation, les entreprises occidentales ont fermé leurs usines en Occident pour aller les mettre en Chine. 

On a blagué les Occidentaux en leur disant que les usines, c'était mal, qu'il fallait aller vers une économie de service. Donc la Chine fabrique tout maintenant, et les Occidentaux rachètent. Ce ne sont pas les Chinois qui rachètent ça. 

Au bout d'un moment, les Chinois ont commencé à se mettre en grève pour demander des meilleurs salaires. Pour les punir, on est en train de fermer les usines en Chine pour les mettre au Cambodge, en Indonésie, en Éthiopie, au Kenya, où les gens travaillent pour encore moins cher et ont tellement faim qu'ils sont prêts à toutes les tortures en échange d'un peu d'argent.

Mais pendant ce temps, les Occidentaux n'ont plus d'argent pour racheter tout ce que tout le monde fabrique. Ça fait que toutes ces usines n'ont plus de clients. À cause de ça, les usines arrêtent d'acheter des matières premières. À cause de ça, on ferme des mines en Afrique du Sud, on arrache des plantations au Brésil… Le prix du caoutchouc est tombé, le prix du pétrole est tombé. C'est la crise en Europe, c'est la crise en Chine, c'est la crise au Brésil… Donc plus personne ne veut investir dans la production quelque part dans le monde.

Voilà pour libérer les artisans du cuir africains de leur dur labeur

Des patrons devenus très capricieux et qui refusent d'investir l'argent, fruit de notre travail

Parce qu'en réalité, les patrons du monde entier sont en grève. Ils réclament des garanties pour investir leur argent. C'est leur argent que tout le monde attend pour pouvoir travailler. Les patrons disent qu'il faut créer un « cadre propice au développement des affaires ». Ils se font très capricieux. Il faut zéro risque. Il faut des travailleurs déjà formés, et avec une formation adéquate. Il faut que l'État diminue les impôts. Il faut que l'État donne des subsides pour les stagiaires. Il faut qu'il n'y ait pas de grèves. Il faut être sûr que l'infrastructure soit de bonne qualité. Donc tout le monde est en train d'aller faire la danse du ventre devant les grands patrons du monde entier. 

Le président ivoirien, le Premier ministre ivoirien… partent « vendre la Côte d'Ivoire » aux États-Unis, en France, en Angleterre, en Chine, en Turquie… 

Donc, la Côte d'Ivoire attend que les patrons étrangers viennent investir en Côte d'Ivoire. Mais personne ne pose la question de pourquoi ces patrons viendraient investir chez nous au lieu d'investir dans leur propre pays ! Pourquoi un patron français viendrait investir en Côte d'Ivoire et pas en France ? Pourquoi un patron japonais viendrait investir en Côte d'Ivoire et pas au Japon ?

Et puis, on oublie de dire, que dès qu'ils sont partis, le président du Sénégal passe derrière eux. Le président du Malawi passe derrière eux. Le président de Bolivie passe derrière eux. Le président du Sri Lanka passe derrière eux. Le président d'Égypte passe derrière eux. Le président de Pologne passe derrière eux. Tous les pays sont en concurrence pour recevoir la pluie de milliards qui, en attendant, dort dans les banques du monde entier.

D'ailleurs on voit que même le président de la France a un problème pour convaincre les patrons français d'investir en France. Donc maintenant c'est son État qui va prendre en charge les salaires des jeunes travailleurs. Donc un patron vient, un jeune travaille pour lui, et ce n'est pas le patron qui le paye, mais l'État. Bon, on dit ça n'est que pour la durée du stage de six mois. Seulement comme il y a assez de jeunes qui cherchent un travail dans le pays, le patron te vire après six mois et prend un nouveau jeune « Pour que tout le monde ait la chance de travailler ». 

Donc en attendant c'est l'État qui paye, et les jeunes passent sans arrêt d'un petit “djossi” à l'autre. En Belgique le gouvernement dépense chaque année 7000 milliards de francs pour encourager les patrons à engager des gens. Malgré tout il y a 10 % de chômage dans ce pays.

Les besoins sont là. Mais les patrons n'investissent pas pour répondre à un besoin, s'ils ne voient pas que cela leur rapporte assez d'argent. Peut-être que l'investissement leur rapportera, mais pas autant qu'un investissement ailleurs. Peut-être que l'investissement leur rapportera, mais le patron n'est pas seul – il doit rembourser les capitaux empruntés, satisfaire les exigences des actionnaires etc. donc il lui faut obtenir un profit maximum qui doit correspondre à un certain taux de profit par rapport à l'argent investi. C'est pourquoi dans certains cas ils ne se contentent pas même d'un bénéfice de plusieurs millions par mois. Il leur faut plus. Alors ils refusent d'investir, malgré le fait que des besoins existent, que les ressources sont là et que les clients sont prêts. Il y a pourtant tellement de besoins à satisfaire !

Alors aussi on nous parle de PPP. Partenariat public-privé. C'est quoi. Prenons l'exemple du nouveau pont, le pont HKB. L'État veut que des privés viennent investir dans ce pont. Seulement M. Bouygues qui a financé le pont et qui reçoit le péage pendant 30 ans pour « se rembourser » soi-disant a exigé que l'État garantisse un trafic sur le pont d'au moins 60 000 véhicules par jour. Et si ce n'est pas le cas, l'État doit payer les tickets du péage pour chaque véhicule qui manque. C'est pourquoi l'État s'apprête à fermer le pont De Gaulle qui sera réparé pour une durée indéterminée. C'est compliqué non ! L'État aurait pu tout investir lui-même, mais il a refusé. Il lui fallait absolument un investisseur privé ! Pourquoi ? Si ce n'est pas par connivence, alors c'est purement par idéologie. Il n'y a pas d'autre raison.

Les PPP et autres plans de subsides aux entreprises, etc. sont autant d'aveux de la part des États capitalistes que le système ne fonctionne plus, qu'il ne peut survivre sans l'aide de l'État. On institue un socialisme pour les riches, et on dit aux pauvres qu'ils n'ont qu'à se passer de l'État-providence, qu'ils n'ont qu'à se responsabiliser.

Pas un problème pour les multinationales !

La menace des nouvelles technologies

En même temps, les entreprises qui nous donnent un travail investissent dans des nouvelles machines, des nouvelles technologies… qui libèrent le temps de travail. Pourquoi ?  À cause de la concurrence, qui fait qu'une entreprise qui produit plus de marchandises plus vite avec moins de moyens, peut abaisser le prix de sa marchandise et prendre ses concurrents de court. 

Aujourd'hui, on voit des machines arriver qui permettent à une personne de faire le travail de cent personnes avant. Si tu veux billonner un champ, tu peux prendre une équipe de solides gaillards armés de dabas qui vont le faire en trois jours, ou tu peux louer un tracteur avec un chauffeur qui va le faire en un jour. 

En plus, on voit arriver aujourd'hui les TIC, la robotique, l'impression 3D… qui font que bientôt beaucoup de métiers qui existent aujourd'hui vont disparaitre dans les pays développés. C'est autant de métiers qui vont disparaitre avant même de s'être développé ou d'avoir vu le jour chez nous ! 

Conducteur de train – c'est fini. Bibliothécaire – c'est fini. Pharmacien – c'est fini. Éleveur – c'est fini. Caissier – c'est fini. Manucure – c'est fini. Démarcheur immobilier – c'est fini. Tous ces métiers seront bientôt remplacés par des ordinateurs, par internet ou par des machines automatiques. 

Dans les nouveaux secteurs d'investissement, on n'a même plus besoin de travailleurs pour faire de l'argent. Le site Instagram compte 30 millions de clients dans le monde entier : il fonctionne avec 13 employés seulement.

On voit donc que la technologie qui est censé faciliter le travail de l'homme, travaille contre l'homme. Mettons que nous sommes en train de préparer du savon avec ma coopérative. Nous sommes 100. Voilà qu'on a gagné assez d'argent, on va acheter une machine. La machine nous permet de travailler 10 fois plus vite. C'est-à-dire que désormais, en une journée, 10 personnes font le même travail que 100 personnes. 

Qu'est-ce que je dois faire ? J'ai dit que c'est une coopérative non ? Donc on va réduire le temps de travail entre tous. Au lieu de travailler à 100 personnes tous les jours, grâce à notre nouvelle machine, on va faire des équipes de 10. On va gagner le même argent qu'avant hein ! Mais pendant que 10 travaillent un jour, grâce à la nouvelle machine, les 90 autres peuvent faire autre chose, ou bien peuvent dormir, s'amuser… Le lendemain c'est 10 autres personnes qui vont travailler à la place, c'est une tournante, on peut se relayer facilement et tout le monde est content. Puisqu'on gagne autant d'argent qu'avant, en faisant moins de travail. 

Mais dans le monde d'aujourd'hui, les grandes entreprises ne sont pas des coopératives. Ce sont des entreprises privées. Donc, si je suis patron et j'ai 100 travailleurs qui font du savon. J'achète une nouvelle machine qui fait que 10 personnes font le même travail que 100 personnes. 

Puisque je suis patron, que je veux gagner de l'argent, que je dois l'argent à la banque et à mes actionnaires, je suis obligé de faire quoi ? Eh bien c'est simple, les 90 dont je n'ai plus besoin n'ont qu'à quitter l'entreprise et aller se chercher ailleurs. Je garde les 10 meilleurs, ceux qui sont les plus calmes. Ils vont gagner le même salaire. Ils vont autant travailler qu'avant. Mais le fruit de leur travail, qui me permettait de payer 100 personnes avant, aujourd'hui je vais garder ça pour payer 10 personnes seulement, et tout le restant est pour moi.

Avant même d'installer des usines dans le pays, on invente déjà des machines
qui vont détruire des emplois qui n'auront même pas encore été créés

Les patrons aiment le chômage

Le chômage est nécessaire au fonctionnement de l'économie capitaliste. Les patrons ont besoin de constituer une « armée de réserve de chômeurs » pour assurer leur domination. Ainsi, vu la foule qui attend dehors de pouvoir travailler, si tu décides de demander une augmentation de salaire, de te plaindre du fait que les conditions de travail ne sont pas terribles, de demander au patron qu'il te paye tes frais de transport ou de logement… Le patron te répond : « Ya pas de problème camarade, si tu n'es pas content, voilà la porte, je vais vite trouver quelqu'un d'autre pour te remplacer ». Ainsi, le patron se fait même passer pour notre sauveur, celui qui a daigné nous donner un travail pour nous sortir de notre misère. Or, c'est du faux, nous l'avons vu plus haut.

Dans les situations de plein emploi, les travailleurs prennent courage et savent que le patron ne peut facilement les remplacer. C'est pourquoi dans ces phases de croissance, on fait intervenir des travailleurs immigrés qui sont moins bien intégrés que les travailleurs locaux, viennent de conditions de vie plus difficiles et sont contents de travailler même pour un très petit salaire, puisque c'est quand même mieux que chez eux. Cela est une manœuvre délibérée de la part des patrons pour diviser le prolétariat. 

Ils vont aussi retarder l'âge de la retraite, réduire l'âge minimum pour commencer à travailler, créer des conditions pour forcer les femmes à travailler aussi… Ils utilisent tous ces outils pour accroitre l'« armée de réserve ».

Les prolétaires à la recherche d'un travail sont très nombreux, si pas plus nombreux que ceux qui ont un travail. Isolés, ils se retrouvent en concurrence les uns avec les autres. Si une entreprise décide de licencier l'ensemble de ses travailleurs, d'autres vont applaudir en se disant que bientôt, ce sera leur tour d'être embauchés à leur place. 

Cependant, nous ne devons pas nous leurrer, et nous devons au contraire nous unir en associations syndicales regroupant l'ensemble de notre classe pour lutter pour un emploi pour tout un chacun – nationaux ou étrangers, hommes ou femmes, jeunes ou vieux – au lieu de la lutte pour la survie et le chacun pour soi qui prévalent en temps normal, si l'on s'en fie à la propagande idéologique du système. 

Mais pour pouvoir lutter de manière efficace, il nous faut bien comprendre la nature et l'origine du chômage, et pouvoir formuler des revendications et un programme adéquats afin de pouvoir orienter notre action dans une direction capable de nous faire progresser au lieu de perdre notre temps dans des faux débats.

« Celui qui n'est pas content, on le remplace ! »

La crise prolongée du chômage est inhérente au système capitaliste – il faut sortir de ce système

C'est comme ça que le système fonctionne. C'est pour ça qu'on est tous au chômage. Et que le chômage ne cesse de croitre partout dans le monde.

D'une part parce que la technologie nous permet tous les jours de libérer des gens du processus de production, mais comme la redistribution ne se fait pas, l'argent se concentre dans la poche des patrons, certains travaillent comme des chameaux tandis que tous les autres sont laissés pour compte. Voilà pourquoi il y a une croissance économique alors que la population partout dans le monde s'appauvrit, que ce soit aux États-Unis ou en Côte d'Ivoire.

D'autre part, parce que les patrons ne voient plus de raison d'investir leur argent, parce que le système est arrivé en fin de vie. Parce que pendant qu'ils deviennent de plus en plus riches, la population mondiale devient de plus en plus pauvre. Qu'il n'y a plus personne pour racheter tout ce que nous pourrions produire. C'est pour ça que personne ne vient investir en Côte d'Ivoire. Puisque nous-mêmes sommes là à attendre que quelqu'un vienne investir chez nous, alors que les biens de consommation dont nous avons besoin chaque jour : riz, légumes, poutres métalliques, téléphones, habits, véhicules… sont déjà fabriqués ailleurs en surplus. Alors à quoi bon développer ce pays ?

Pourtant, tous les éléments sont là pour nous permettre de travailler. Les ressources naturelles sont là, en abondance. Les outils sont là. Les moyens humains sont là aussi. Combien d'intellectuels dans ce pays, combien de bras valides, combien de cœurs courageux ! 

Qu'est-ce qui manque ? C'est l'argent ! Est-ce qu'il nous faut de l'argent pour commencer le travail ? Tout dépend du choix du gouvernement. Quelqu'un se souvient de Thomas Sankara au Burkina Faso ? Il a fait construire une ligne de chemin de fer. Comment ? Il n'avait pas d'argent, mais il a appelé la population à venir travailler. À chacun, il a donné des outils, il a donné le manger (on produit à manger au Burkina), il les a fait travailler. C'était il y a trente ans, mais le chemin de fer est encore là aujourd'hui. 

Tout dépend de l'État. C'est l'État seul qui peut briser les monopoles des grosses entreprises et permettre de redistribuer les profits de ces entreprises au bénéfice de toute la population. C'est l'État seul qui peut avoir la volonté d'investir dans l'infrastructure, dans l'agriculture, dans la distribution, dans les services publics… Sans attendre des promesses de bénéfices mirobolants en retour sous prétexte qu'on pourrait investir ailleurs. C'est l'État seul qui peut créer les conditions pour développer la libre entreprise au niveau des petits commerçants et des petits artisans. C'est l'État seul qui peut protéger le pays des importations extérieures pour développer l'industrie nationale. 

Toute personne qui prétend le contraire, qui dit que non, que c'est à la population à créer son propre emploi… c'est par idéologie !

Des patrons bienveillants qui viennent sortir les jeunes de leur misère ?

Le passage au socialisme, seule solution pour résoudre la crise prolongée du chômage !

La richesse des nations n'est pas l'argent. C'est le travail humain. La richesse, ce n'est pas l'argent. Ce sont nos habits, nos meubles, nos bics, nos chaussures, nos marmites, nos ventilateurs, nos téléphones, nos ignames… L'argent n'est qu'un outil pour faciliter les échanges. Mais ça ne se mange pas. Les besoins sont là. Le potentiel est là. Les ressources sont là. Les outils sont là. Les bras sont là. Les cerveaux sont là. 

C'est à nous qu'il revient d'organiser la société tous ensemble, via notre État, pour assurer que ces ressources soient employées et que le fruit de notre travail soit distribué à toute la nation. Avec cette politique, on pourra développer le pays et permettre à chacun de gagner un emploi. On développera le pays. On produira assez pour tout ce dont nous avons besoin et plus encore. À ce moment-là, on ne parlera même plus de problème d'étrangers dans le pays. 

Il nous faut un plan d'investissement national dans l'industrie, l'agriculture moderne, les transports, les services publics, les infrastructures, avec des budgets nationaux. 

Il nous faut une répartition de la richesse et du travail entre tout un chacun, pour ne pas que certains se tuent à la tâche pendant que d'autres sont assis à rien faire. 

Il nous faut la nationalisation totale et sous contrôle démocratique de tous les secteurs stratégiques de l'économie : l'eau, l'électricité, l'essence, la terre, les transports, le commerce extérieur, le port, les grosses usines, les banques.

Si les patrons ne veulent plus mettre leur richesse à notre disposition pour créer de l'emploi, nous allons récupérer cette richesse et l'utiliser pour travailler et nous développer nous-mêmes.

Assalé Tiémoko, rédacteur en chef de l'Éléphant déchainé, écrivait le 3 mai 2013 : « Vous les sans-emplois ! J'ai un conseil pour vous ! Prenez-vous en main ! Regardez votre nombre ! Vous êtes 4 742 000 personnes, soit plus des trois quarts des personnes en âge de voter dans notre pays… Est-ce que ça ne vous donne pas des idées ? »

Il faut se sortir de là

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