Dégager le régime
ne suffit pas : c'est le capitalisme qui est responsable de la
misère et de l'oppression
Le
Soudan a été ébranlé l'an dernier par de grandes manifestations
des travailleurs, des jeunes et des femmes opprimées après que le
régime détesté d'el-Béchir (au pouvoir depuis 1989, soit près de 25 ans) et de son Parti du rassemblement national, aient
fait doubler les prix de la nourriture, du carburant et du gaz en
annulant les subsides sur les carburants le 23 septembre 2013.
Les manifestants criaient des slogans tels que : « Le
peuple veut le départ du régime ! » et « Liberté !
Liberté ! ».
Article rédigé fin mars par les sympathisants
soudanais du CIO
Les
manifestants ont été confrontés à une énorme et très violente
répression policière, qui a envoyé des bombes lacrymos mais aussi
tiré à balles réelles. Selon les militants et le personnel d'un
hôpital de Khartoum (la capitale du Soudan), plus de 170 personnes
ont été tuées par le régime, y compris 15 enfants ; on
ne compte même pas les blessés. La police a arrêté plus de
mille personnes venues de différentes villes et a procédé à
de nombreuses rafles à domicile. Les groupes de défense des droits
de l'homme estiment que des dizaines de personnes sont encore
détenues sans aucun motif simplement pour leur participation réelle
ou supposée avec le mouvement ou pour leurs opinions politiques.
Le
gouvernement a procédé à la censure des médias. Des journaux ont
vu leurs exemplaires confisqués, certains ont été interdits de
publication. Cela a convaincu un groupe de journalistes à lancer un
appel à la grève générale. L'accès à internet a aussi été
bloqué.
En apparence, le régime semble avoir été capable de surmonter le
mouvement. La capitale Khartoum a retrouvé le calme. Les habitants
ont quitté les rues à cause de la violence étatique. Mais dans
d'autres villes, les manifestations continuent. Le parlement a
officiellement annoncé le retrait des subsides sur les carburants,
et les prix continuent à augmenter. On a vu un remaniement
gouvernemental avec des changements de ministres. Mais le régime a
été affaibli. Les partis d'opposition basés au Soudan ou à
l'étranger font tout pour dégager le régime d'el-Béchir. De
nombreux comités de jeunes ou de femmes ont été créés, et
poursuivent leurs activités.
Fin
janvier, le président el-Béchir s'est adressé à la nation en
présence d'un grand nombre de politiciens. Cependant, il paraissait
peu sûr de lui, et le but de son discours n'était pas très clair.
La population et beaucoup de politiciens d'opposition se sont moqués
de lui à cause du manque de clarté de son discours. Les gens
discutent du fait que les bases du régime actuel sont en train de se
fragmenter.
Omar el-Béchir, 70 ans, au pouvoir depuis 25 ans à la suite de son coup d'État de 1989, cherche à garder son image d'“homme fort” |
Les
récents évènements ont condamné le régime et ont révélé
l'ampleur de la crise et de la désintégration, tout en montrant
qu'il ne peut désormais plus compter sur l'emploi des forces de
sécurité et du terrorisme d'État. Le régime désespéré a émis
un appel risible au dialogue avec les partis et mouvements
d'opposition. Il ne s'agit que d'une tentative de la part du régime
de se sortir de la crise après avoir découvert à quel point il est
rejeté par le peuple. La jeunesse s'organise de plus en plus pour
renverser le régime.
Pourtant,
le procès des manifestants arrêtés continue encore depuis le mois
de septembre dernier, ce qui montre bien la fausseté des charges à
leur encontre et le fait que le régime ne veut pas en réalité de
ce dialogue, mais compte poursuivre sa politique répressive et
tyrannique. La Cour criminelle d'Alkalakla Sud a procédé au
jugement ces 17-18 févriers de sept manifestants arrêtés
en septembre pour des faux motifs ; ces personnes ont été
forcées d'avouer des crimes imaginaires sous la torture. Comme pour
le procès de l'étudiant Alnazeer Ismail, ils ont été forcés
de signer des déclarations créées de toutes pièces. L'audience
finale a été reportée au 13 mars.
Ces
jeunes gens sont jugés dans une ambiance hostile et en l'absence
complète de tout principe de justice. Ces procès représentent la
preuve finale que le régime est en train d'échouer dans ses
pseudo-tentatives de dialogue et de réconciliation (auxquelles seule
une poignée de petits groupes d'opposition ont répondu, sans aucune
autre base que l'intérêt personnel des dirigeants de ces groupes).
Si le régime pense que ce dialogue de théâtre lui permettra de
durer plus longtemps au pouvoir, il rêve ! Ce régime corrompu
va forcément continuer sa politique de procès injustes,
d'enfermement injustifié des manifestants à titre prolongé, de
répression, d'intimidation et d'arrestations, tout en appelant au
“dialogue” et à la “compréhension” (pour le moment !).
Ce mardi 11 mars,
les forces de sécurité ont chargé une manifestation estudiantine
pacifique sur le campus de l'université de Khartoum, qui avait été
organisée par l'Union du Darfour et par d'autres forces politiques
pour protester contre la situation humaine catastrophique au Darfour
(ou “Dâr Fûr”, la “maison des Fours” du nom de la
nation qui peuple historiquement cette région aride montagneuse de
l'ouest du Soudan et frontalière du Tchad, riche en uranium, cuivre
et pétrole, plongée dans la guerre civile depuis plus de dix ans).
Du fait de l'usage d'une violence excessive par les forces de
sécurité, un étudiant, Ali Abakar Moussa Idriss, a
été tué. Un nouveau conflit s'est produit le lendemain, lors de
ses funérailles auxquelles 3000 personnes ont participé. Un
autre étudiant, Mohammed Abdullah Isaac, a été gravement
blessé, et de nombreux autres étudiants blessés. Plusieurs
étudiants ont été arrêtés et envoyés en prison ou dans des
“maisons fantômes”.
Ce n'est là qu'un
nouvel exemple de l'ampleur de la brutalité de ce régime répressif
qui n'hésite pas la moindre seconde avant de recourir à l'usage
d'une force extrême. Le 15 mars, la police anti-émeutes
balançait encore des gaz lacrymos pour disperser un grand meeting
organisé par l'alliance d'opposition des Forces pour le consensus
national sur la place al-Rabta et devant le siège du Parti du
rassemblement soudanais.
Face à la
perspective de nouvelles manifestations, le régime a laissé
entendre que le président désirerait rencontrer le Parti communiste
soudanais, le Parti panarabe Ba'ath et le Parti du rassemblement
soudanais pour les convaincre de rejoindre son soi-disant dialogue.
Deux autres partis d'opposition, le Parti Umma national (islamiste) et
le Parti du rassemblement populaire, ont déjà accepté cette offre.
Mais toutes ces
discussions, même si elles pouvaient mener à la chute du régime,
ne pourront jamais mettre un terme à la crise du Soudan. Cette crise
vient de la pauvreté, de l'oppression, de la crise environnementale
et de sous-développement, toutes ces choses étant engendrées par
le capitalisme. Même les politiciens bourgeois “progressistes”
comme ceux de l'Alliance politique démocratique soudanaise ou du
Front révolutionnaire soudanaise n'ont pas dans leur programme la
moindre solution pour mettre un terme à la misère et pour améliorer
le niveau de vie de l'ensemble des pauvres et des travailleurs. Tout
appel émis à l'encontre des Nations-Unies ou d'autres gouvernements
capitalistes à l'étranger tombera dans l'oreille de sourds. Ces
gens ne veulent que plus d'austérité, infliger plus encore de
dettes à notre pays via leurs agences impérialistes.
Pour nous sortir de
cette crise, il nous faut un programme pour la nationalisation des
banques, des secteurs-clés de l'économie et de l'ensemble des
entreprises étrangères, sous le contrôle démocratique des
travailleurs et des pauvres ; il nous faut remplacer les hauts
fonctionnaires dans leur bureau climatisé avec des représentants du
peuple, élus démocratiquement. Pour obtenir cela, le peuple
soudanais doit prendre son destin entre ses propres mains, armé d'un
programme véritablement socialiste, et diffuser ces idées parmi les
travailleurs et les pauvres de tous les pays d'Afrique et du
Moyen-Orient.
La lutte déterminée
des militants du Darfour et de tout le Soudan, basée sur un
programme visant à mettre les richesses de la région au bénéfice
de toute la population et non de quelques-uns, pourrait faire appel
aux travailleurs, aux paysans et à tous les pauvres des villes et
des campagnes, y compris à tous ces pauvres qui se sont engagés
dans l'armée, pour lancer une grande campagne de libération et pour
le renversement de ce régime répressif corrompu. Malheureusement,
aucune des organisations existant en ce moment dans notre pays n'est
capable de jouer ce rôle. C'est pourquoi nous avons besoin de
construire de nouvelles forces, ayant une base de classe, rassemblant
les travailleurs et les pauvres de toutes ethnies, religions et
nationalités, pour pouvoir mener la lutte en avant. La solidarité
des travailleurs à l'échelle internationale sera cruciale pour
garantir le succès de notre combat.
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