Dans
ce troisième article sur l'histoire des différentes sociétés qui se sont succédé jusqu'à nos jours, nous examinons la nature et la base sociale des sociétés
qui ont constitué les premières véritables civilisations du
continent européen, généralement considérées comment étant à
la base de toute la civilisation dite “occidentale” en ce qui
concerne la pensée, la philosophie, la religion, la science et le
système politique. C'est-à-dire la Grèce antique et
l'Empire romain – sociétés esclavagistes à grande
échelle.
(Voir ici nos autres articles sur l'histoire des différentes sociétés telle qu'envisagée par les marxistes)
(Voir ici nos autres articles sur l'histoire des différentes sociétés telle qu'envisagée par les marxistes)
Spécificité
de l'histoire européenne
Les
sociétés esclavagistes telles que celles que nous allons écrire
semblent avoir été un phénomène essentiellement européen.
Certes, l'esclavage n'est pas en soi un phénomène purement
européen, mais dans les sociétés que nous appelons “sociétés
esclavagistes”, les esclaves jouaient un rôle prépondérant dans
la production, constituant dans bien des cas la majorité de la
population. On estime ainsi qu'à Athènes dans la Grèce antique,
vivaient en l'an -432 environ trois esclaves
pour chaque citoyen libre (sans compter les femmes et enfants de ces
citoyens) : c'est-à-dire que les esclaves formaient une très
grande partie de la population, que des quartiers entiers de la ville
étaient occupés par des familles d'esclaves, etc.
Au
contraire, avant cela et dans la plupart des sociétés en-dehors
d'Europe (que ce soit en Afrique, en Asie ou en Amérique avant les
invasions européennes), les esclaves ne jouaient un rôle que
marginal : ils étaient employés comme domestiques, ou bien
uniquement pour des travaux particulièrement pénibles comme les
mines, les galères (rameurs), etc. Des personnes étaient réduites
en esclavage pour non-paiement de dettes, après avoir commis un
crime, ou bien en tant que prisonniers de guerre, mais le gros de la
production agricole, artisanale, même le travail dans les grands
bâtiments comme les pyramides d'Égypte, était accompli par des
hommes libres (dans les limites de liberté que leur imposaient la
domination des castes de guerriers, prêtres, et de bureaucrates,
évidemment, qui variaient au fil des époques et des pays).
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Au
cours de l'histoire aussi, on a vu apparaitre des sociétés
esclavagistes à la périphérie, en marge de la société
capitaliste naissante (plantations d'Amérique, sociétés
esclavagistes du Fouta Djallon, du Dahomey, etc.). Mais
l'esclavage ne s'est pas développé dans ces pays de manière
autonome et ne conditionnait pas la lutte des classes et l'avenir de
ces sociétés : il s'agissait plutôt d'une extension du
système capitaliste mondial à ses débuts. En particulier en ce qui
concerne les sociétés “esclavagistes” africaines, il s'agissait
de sociétés dont l'économie était basée sur la capture et la
vente d'esclaves pour acheter des produits européens, plutôt que
d'économies dotées d'une base productive forte, opérée par des
esclaves. C'est-à-dire que l'esclave y était une marchandise et non
un facteur de production.
Mais
dans les sociétés purement esclavagistes comme celle de la
Grèce antique ou de l'Empire romain, la majeure partie du
travail, de la production, y compris dans les champs, dans les
ateliers, dans l'administration même, est réalisée par des
esclaves, au point que, dans le cas de l'Empire romain
notamment, la société a besoin d'un apport constant de nouveaux
esclaves afin de faire fonctionner son économie, d'où l'orientation
particulièrement guerrière de cette société. Les esclaves y
constituaient une classe sociale opposée à celle des maitres
d'esclaves (petits et grands), qui considéraient tout travail comme
honteux et étaient censés ne s'occuper que d'activités
intellectuelles (art, philosophie, science) ou guerrières.
Bref,
on le voit, les premières pages de la “glorieuse” histoire
européenne ont été écrites à travers le sang de milliers
d'esclaves.
Penchons-nous
à présent un peu plus en détail sur l'histoire de ces sociétés,
puis sur la manière dont ces sociétés fonctionnaient.
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L'histoire
des sociétés esclavagistes de l'antiquité européenne
La
Grèce antique n'a jamais été véritablement un pays unifié, mais
plutôt une civilisation composée de cités-États indépendantes
mais partageant une culture commune, situées dans les actuelles
Grèce et Turquie. Certaines de ces cités étaient dirigées par des
clans guerriers (Sparte), d'autres étaient célèbres pour leurs
artistes et philosophes (Athènes). Les cités grecques fondaient
également des colonies un peu partout dans la Méditerranée mais
aussi en Ukraine, etc. – ainsi, la ville française de
Marseille était à l'origine une colonie grecque, fondée il y a
2600 ans.
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La
menace d'invasion de la part de grands empires tels que la Perse
(actuel Iran mais qui recouvrait également à l'époque l'ensemble
du Moyen-Orient) poussa les cités grecques à s'unir contre l'ennemi
commun. Ce processus culmina vers l'an -334 avec Alexandre dit
“le Grand”, qui lança une grande expédition militaire avec
pour résultat la conquête de l'Égypte, du Moyen-Orient (Babylone,
Perse) et même une partie de l'Inde !
Alexandre, parti de chez lui à l'âge de 22 ans pour conquérir
le monde, mourut sur le chemin du retour à l'âge de 32 ans.
À sa mort cependant, son empire fraichement créé fut partagé entre quatre de ses généraux – faute d'une structure étatique commune capable d'unifier le tout. La période suivante (dite “hellénistique”) fut une période d'expansion de la culture et de la philosophie grecque à l'Égypte, etc. faisant énormément progresser la civilisation de l'Occident. À ce jour, de grands penseurs tels qu'Aristote, Platon, Anaximandre, Archimède… sont toujours étudiés dans le monde entier, 2500 ans après leur mort. La pensée et la science grecques ont également surtout jeté les bases de l'idéologie et de la structure sociale qui ont été celles de l'Empire romain, qui constitue à ce titre en quelque sorte une certaine continuation de la civilisation grecque.
La civilisation romaine, contrairement aux cités-États grecques, était centrée sur la seule ville de Rome, en Italie. À partir des années -300, les Romains ont conquis le reste de l'Italie, puis sont entrés en guerre contre leur grande rivale, Carthage (dont les ruines sont aujourd'hui situées non loin de Tunis). Les Romains se distinguaient par une culture beaucoup plus orientée vers les techniques, notamment au niveau de l'art militaire et de l'infrastructure. L'âpreté de la lutte de classes entre riches et pauvres, patriciens (descendants de familles autochtones) et plébéiens (descendants de familles allogènes) au sein de la société romaine a aussi donné naissance à tout un art de la science politique et de la rhétorique (art du discours) dont les grands noms sont Cicéron, Quintilien…
À sa mort cependant, son empire fraichement créé fut partagé entre quatre de ses généraux – faute d'une structure étatique commune capable d'unifier le tout. La période suivante (dite “hellénistique”) fut une période d'expansion de la culture et de la philosophie grecque à l'Égypte, etc. faisant énormément progresser la civilisation de l'Occident. À ce jour, de grands penseurs tels qu'Aristote, Platon, Anaximandre, Archimède… sont toujours étudiés dans le monde entier, 2500 ans après leur mort. La pensée et la science grecques ont également surtout jeté les bases de l'idéologie et de la structure sociale qui ont été celles de l'Empire romain, qui constitue à ce titre en quelque sorte une certaine continuation de la civilisation grecque.
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La civilisation romaine, contrairement aux cités-États grecques, était centrée sur la seule ville de Rome, en Italie. À partir des années -300, les Romains ont conquis le reste de l'Italie, puis sont entrés en guerre contre leur grande rivale, Carthage (dont les ruines sont aujourd'hui situées non loin de Tunis). Les Romains se distinguaient par une culture beaucoup plus orientée vers les techniques, notamment au niveau de l'art militaire et de l'infrastructure. L'âpreté de la lutte de classes entre riches et pauvres, patriciens (descendants de familles autochtones) et plébéiens (descendants de familles allogènes) au sein de la société romaine a aussi donné naissance à tout un art de la science politique et de la rhétorique (art du discours) dont les grands noms sont Cicéron, Quintilien…
À
l'origine petit royaume, Rome est devenue à la suite de troubles
sociaux une république gérée par un sénat élu et par un jeu
complexe de tribuns du peuple, magistrats, consuls, etc. avant que la
“crise de la république romaine” et une âpre guerre civile
(dont les principaux auteurs ont été César, Pompée, Cléopâtre…)
ne se solde par l'établissement définitif de l'empire, sous
l'empereur Auguste Octave.
Au
cours des siècles qui ont suivi, l'Empire romain est devenu une
grande puissance englobant l'ensemble de la Méditerranée, le
Maghreb et le Moyen-Orient et une grande partie de l'Europe, de la
Roumanie à l'Écosse en passant par l'Espagne et la France
actuelles. La plupart des peuples conquis étaient soumis, réduits à
l'esclavage à une échelle de masse, ou tout simplement décimés.
Les nombreux troubles sociaux, rébellions et crises politiques qui
ont émaillé la vie de l'empire ont également grandement favorisé
la propagation d'une nouvelle religion – le christianisme,
devenu religion officielle d'État sous l'empereur Théodose en
l'an 380.
L'Empire romain à son apogée sous Trajan |
L'Empire
romain a fini par tomber, victime de ses crises, sous le poids des
“invasions barbares” qui ont démarré vers 375. Après les
invasions barbares, l'Empire a été divisé en plusieurs pays
dominés par des rois germaniques (dont les Francs qui s'installent
dans le nord de la Gaule et renomment le pays “France”). Dans la
région où la culture grecque est restée dominante, centrée autour
de la ville de Constantinople (aujourd'hui Istanbul, capitale de
l'actuelle Turquie), l'Empire romain a plus ou moins survécu sous
l'appellation d'“Empire byzantin” (qui se maintiendra jusqu'à
l'invasion des Turcs, en 1453).
L'Empire byzantin, qui survécut jusqu'en 1453, était une continuation
de l'Empire romain qui recouvrait les territoires de la Grèce antique.
Son système de production n'était déjà plus tout à fait esclavagiste, mais
plus proche du système féodal européen.
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Structure
de la société esclavagiste
Comme
expliqué plus haut, le gros du travail dans les sociétés
esclavagistes était effectué par des esclaves. La plupart des
citoyens libres s'adonnaient aux loisirs, au sport, à la culture
– pour cette raison, ces sociétés ont énormément contribué
au progrès de la civilisation sur le plan philosophique,
scientifique, artistique, etc. Les citoyens pauvres (plébéiens) ne
pouvaient cependant pas se permettre un train de vie aussi oisif et
luxueux, et s'adonnaient au petit commerce, à l'artisanat, à
l'agriculture… dans la mesure où ces emplois n'étaient pas déjà
occupés par des esclaves.
À
Rome s'est constitué un prolétariat, une masse de personnes sans
aucune propriété, mais qui ne participaient pas à la production.
Ces gens étaient bien souvent nourris par l'État et abreuvés de
loisirs tels que le théâtre ou les fameux “jeux” du cirque où
sont organisés des combats de gladiateurs, des courses de chars, des
combats navals, ou bien où on observait des prisonniers se faire
déchiqueter par des bêtes sauvages. Ces prolétaires étaient
fondamentalement différents du prolétariat que nous connaissons
aujourd'hui, car ils n'occupaient absolument aucun rôle dans la
production. C'était une couche parasitaire dont la seule méthode de
lutte était l'organisation d'émeutes afin d'obtenir pour eux plus
de subsides de la part du gouvernement. Beaucoup d'entre eux étaient
également “clients” de familles patriciennes (descendants des premiers habitants de Rome, généralement plus riches et privilégiées par la loi) dont ils
dépendaient pour de petits boulots, etc. et servaient d'hommes de
main lors des vendettas entre familles, ou de “bétail électoral”
à la solde de leurs bienfaiteurs.
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Le
conflit entre les couches pauvres et riches de la société, et notamment entre patriciens et plébéiens (descendants de familles allogènes qui n'avaient au départ que très peu de droits), a eu pour conséquence de
nombreux troubles et de nombreuses réformes politiques, avec
diverses formes de partage du pouvoir et de distribution du
surproduit social entre ces différentes couches, même si ces
différentes classes restaient fondamentalement toutes intéressées
au maintien de la structure esclavagiste – c'est pourquoi les
révolutions à Rome (ou d'ailleurs dans la Grèce antique) sont
restées de l'ordre politique
(changement
dans la forme de l'État) et non
social
(changement dans la nature de l'État). Le conflit entre plèbe et
patriciat a joué un rôle important dans la “crise de la
république” (guerre civile) du premier siècle av. J-C,
dont les acteurs les plus célèbres ont été Jules César,
Pompée, Cléopâtre… et dans l'institution de l'Empire à la place
de la république. À d'autres époques, ces conflits ont pu être à
l'origine de réformes de moindre amplitude comme la création de tel
ou tel poste, la révision de tel ou tel procédé électoral,
l'abandon de telle ou telle taxe, etc.
De
nombreux esclaves, s'ils servaient bien leur maitre, pouvaient être
affranchis (libérés) au moment du décès du maitre ; leur
liberté pouvait également être rachetée. Ils restaient alors
souvent membres de la maisonnée du maitre et de sa famille,
rejoignant sa “clientèle”. Les petits-enfants des affranchis
pouvaient devenir citoyens romains, étant incorporé dans la plèbe.
Puisqu'ils ne pouvaient prétendre à des postes réservés aux
citoyens (comme celui d'empereur), de nombreux affranchis étaient en
outre employés à des postes critiques au sein de l'administration
qu'il aurait été dangereux de confier à des citoyens trop
ambitieux (notamment sous l'empereur Claude, mais on a également
vu des affranchis devenir empereur comme Dioclétien). Il arrivait également que des maitres de nombreux esclaves les affranchissent en masse avant des élections, afin que ceux-ci, devenus citoyens, votent pour eux.
Ainsi,
on estime que la ville de Rome au deuxième siècle (à l'apogée
de l'Empire) comptait une population de 1 million d'habitants.
Ce chiffre est assez incroyable pour l'époque. Une telle population
ne pouvait être maintenue que grâce à une organisation remarquable
de la production et des transports. Par exemple, les deux-tiers de
l'approvisionnement de la ville de Rome en blé venaient d'Égypte.
On voit également bien l'effort terrible, le drain des ressources du
continent exercé par une seule ville, alors que les moyens (outils)
de production restaient en réalité très limités. Après la chute
de l'Empire, la population de la ville de Rome est d'ailleurs
rapidement tombée à 30 000, et n'a plus atteint le chiffre
d'un million avant l'année 1936.
La ville de Rome comptait un million d'âmes au 2ème siècle,
un chiffre inouï pour l'époque
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Idéologie de la structure esclavagiste
Les
sociétés esclavagistes considéraient le travail comme quelque
chose de fondamentalement dégradant, d'inhumain. C'est pourquoi les
citoyens étaient encouragés à posséder au moins quelques esclaves
pour effectuer le travail à leur place. Une bonne manière de gagner
une propriété terrienne ou des esclaves était de s'engager dans
l'armée, qui était mobilisée en permanence, vu que la guerre était
le seul moyen de garantir un flot continu d'esclaves dans l'Empire.
Par
conséquent, l'idéal romain faisait une large place à la force et à
la violence, à la “vertu” : un citoyen doit se faire
respecter par la force, ne doit jamais avoir peur de se battre, doit
éviter tout sentimentalisme. À tous les niveaux de la société, on
voit un manque de considération pour la vie humaine, avec une
violence omniprésente. Les “jeux” du cirque où des gens sont
exécutés uniquement dans un but de spectacle étaient également
parfaitement révélateurs de cet état d'esprit. Ils avaient
également un but pédagogique : il fallait que les enfants
puissent voir des gens mourir et apprendre comment tuer sans en
ressentir le moindre dégout, car c'était là le fondement de la
société. Le spectacle contribuait en outre à l'affirmation de la
suprématie romaine.
Combat de gladiateurs dans l'arène. Le vainqueur demande l'avis du
public avant de savoir s'il doit achever le vaincu. Si le public a apprécié
le spectacle, le vaincu peut être sauvé. Sinon, il est mis à mort.
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Car
l'empire romain était une nation extrêmement xénophobe – surtout
à ses débuts, moins lorsqu'elle est devenue plus cosmopolite. Un
trait net était tiré entre le citoyen romain de souche, capable de
tracer son ascendance jusqu'à un des ancêtres mythiques de la race,
et le “barbare” étranger – tout étranger représentant
en effet un esclave potentiel. Ainsi, la religion romaine était un
panthéon national de dieux nationaux veillant sur les différents
clans et lignées à l'origine de l'empire.
De
manière générale, la vie était très courte à l'époque
romaine : l'espérance de vie n'était que de 25 ans, non
seulement à cause de la violence généralisée, mais aussi du fait
des maladies comme la malaria, la peste… de la malnutrition, de
l'âpreté de la vie, du manque de confort, et des nombreux accidents
de la vie de tous les jours.
Autre type de spectacle hautement apprécié des Romains :
l'exécution de prisonniers par des bêtes sauvages
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Une
philosophie alors très en vogue était celle du stoïcisme, surtout
à la mode parmi l'élite : selon le stoïcisme, l'homme ne doit
employer que sa raison et doit faire fi de ses sentiments. Les
émotions telles que l'amour, la compassion, la tristesse… sont des
traits animaux dont il faut se débarrasser. L'individu “stoïque”
est donc prêt à endurer la pire violence, la pire injustice,
commettre les pires atrocités, et endurer les pires souffrances et
brimades, au nom de la “raison” froide. Une autre grande
philosophie de l'époque était celle de l'épicurisme, qui disait
que l'homme doit éviter une trop grande recherche de plaisirs et
apprécier les bonheurs de la vie quotidienne.
Ces
idéologies sont révélatrices d'un monde violent, amoral, et qui ne
connait aucun progrès technique au niveau de l'économie ou de la
science. Certes, les Romains comme les Grecs ont découvert de très
nombreux principes physiques, et ont jeté les bases de la science
occidentale. Mais ces découvertes n'ont que très rarement été
employées à des fins pratiques. Les Grecs par exemple connaissaient
la machine à vapeur, ou la technologie du moulin à eau. Mais ces
procédés n'ont que très rarement été utilisés dans la
production (la machine à vapeur servait uniquement à des fins
d'expériences amusantes), car celle-ci était basée sur
l'esclavage.
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Contrairement
au prolétaire salarié de la société capitaliste actuelle,
l'esclave n'a aucun respect pour l'outil de travail. Il ne risque pas
de perdre son travail, et sa seule motivation est d'éviter le fouet,
et un éventuel affranchissement à la mort du maitre (qui ne valait
généralement que pour des esclaves domestiques qui avaient tissé
une relation humaine avec leur maitre, pas pour la grande masse).
L'esclave n'a pas de vie de famille, pas de logement, etc. qui lui
appartienne ; il n'a pas de plans pour le futur, vu que ses
enfants et sa/son partenaire peuvent lui être enlevés à tout
moment. C'est pourquoi on ne peut lui confier d'outils trop fragiles
ou trop complexes – ainsi les Romains utilisaient des bœufs
pour cultiver leurs terres, moins puissants mais beaucoup plus
résistants aux mauvais traitements qui leur étaient infligés par
les esclaves que les chevaux.
La
production était donc limitée sur le plan technique et restait
extensive (et non intensive). Sans un incitant pour faire progresser
la technique, la seule manière d'accroitre la production était
d'intensifier la chasse aux esclaves. Les nouveaux territoires
conquis étant également utilisés pour la production (notamment
agricole), il fallait de plus en plus d'esclaves. Les esclaves
devaient aussi être importés de manière constante, vu leur courte
durée de vie et leur faible natalité.
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La culture extensive des terres à grande échelle par des armées d'esclaves (on estime à 80 % la part de la population active dans l'agriculture) et selon des méthodes peu rationnelles, a mené à une déforestation et à une érosion intenses tout le long du bassin méditerranéen, menant à un assèchement du territoire, à des inondations, à la formation de marais qui attiraient les moustiques porteurs du paludisme, à l'ensablement des ports… La déforestation a également été accentuée par le fort taux d'urbanisation, inédit à l'époque, qui requérait la coupe de bois a grande échelle pour entretenir les foyers, et l'importance des constructions militaires et navales. Dans certains cas, les soldats romains défrichaient des forêts entières pour empêcher leurs ennemis de s'y cacher. Bref, il fallait non seulement sans arrêt étendre l'empire à la recherche d'esclaves, mais aussi de nouvelle terres.
L'importance
de la recherche de nouvelles terres était également accentuée par
le fait qu'en Italie, la plupart des terrains était concentrés
entre les mains de quelques très riches familles patriciennes, alors
que les plébéiens enrôlés dans l'armée se voyaient
traditionnellement promettre une propriété à la fin de leur
service. Cette institution était un important moyen de contrôle du
mécontentement social, qui permettait aux plébéiens d'avoir un
espoir d'une vie meilleure après services rendus à la nation.
C'est ainsi que l'histoire des différentes phases d'expansion de la république d'abord, de l'empire ensuite, est intimement liée à l'histoire des différentes phases de la lutte des classes à Rome même.
C'est ainsi que l'histoire des différentes phases d'expansion de la république d'abord, de l'empire ensuite, est intimement liée à l'histoire des différentes phases de la lutte des classes à Rome même.
C'est donc ce besoin constant de terres et d'esclaves qui explique les tendances expansionnistes de l'empire romain. Lorsque l'empire romain a cessé de croitre après avoir atteint ses limites naturelles (les forêts froides de l'Allemagne au Nord, le désert du Sahara au Sud, l'océan à l'Ouest, et la forte résistance de l'Empire perse à l'Est), il a cessé de se développer et est tombé dans la crise.
Esclaves occupés à presser le raisin duquel on extrayait le vin |
La crise de l'Empire romain
L'Empire
romain a en fait été parcouru par de nombreuses crises à
répétition.
Une
première source de conflits était la contradiction entre le
monopole des seuls citoyens sur les postes d'État et surtout sur
l'accès à la propriété, alors que l'Empire était de plus en plus
constitué d'une grande diversité de nations qui demandaient de plus
en plus leur participation à la vie de l'Empire. Les nombreux
affranchis, prolétaires, et plébéiens en général ne trouvaient
aucun sens à leur vie, vu que d'un côté ils n'avaient pas accès à
la propriété, mais que de l'autre ils ne pouvaient travailler, la
plupart du travail étant effectué par les esclaves et une grande
partie de la propriété étant concentrée entre quelques riches
familles patriciennes.
C'est sur cette base que s'est développée rapidement une nouvelle religion en apparence révolutionnaire, qui prônait l'égalité entre les hommes et le partage : le christianisme. Celui-ci représentait une sorte de fusion entre d'une part le mouvement “cynique” et la religion juive. Le “cynisme” (c'est-à-dire, “la pensée du chien”) était une philosophie dont les maitres étaient entre autres Diogène ; cette pensée prônait le non-respect des institutions et la remise en question de toute forme d'interdit social, avec l'abandon des richesses, l'amour libre, et un retour à une vie plus simple, dans la pauvreté mais libre de toute prétention. Le judaïsme était quant à lui à l'époque une religion nationale, le culte du dieu des Hébreux, qui n'avaient jamais jusque là prétendu que leur dieu valait plus que le dieu des autres peuples, ni cherché à propager leur religion. Mais la société romaine dans la crise était à la recherche d'une idéologie capable de lui apporter un soulagement spirituel.
Le christianisme était perçu comme une réelle menace face à l'autorité de l'empereur, et les premiers chrétiens étaient cruellement persécutés par des tortures plus terrifiantes les unes que les autres. Cependant, les chrétiens ne voyaient pas de solution sur le plan social, n'avaient pas de propositions concrètes pour sortir de la crise de la société esclavagiste ; c'est pourquoi leur discours révolutionnaire restait limité à l'attente du “règne céleste”, c'est-à-dire, l'égalité non pas dans la vie, mais dans la mort. D'ailleurs, les pères de l'Église enjoignaient aux esclaves chrétiens de ne pas se révolter contre leurs maitres, en attendant une vie meilleure après leur mort ! (1 Pierre 2:18-19, etc.)
C'est sur cette base que s'est développée rapidement une nouvelle religion en apparence révolutionnaire, qui prônait l'égalité entre les hommes et le partage : le christianisme. Celui-ci représentait une sorte de fusion entre d'une part le mouvement “cynique” et la religion juive. Le “cynisme” (c'est-à-dire, “la pensée du chien”) était une philosophie dont les maitres étaient entre autres Diogène ; cette pensée prônait le non-respect des institutions et la remise en question de toute forme d'interdit social, avec l'abandon des richesses, l'amour libre, et un retour à une vie plus simple, dans la pauvreté mais libre de toute prétention. Le judaïsme était quant à lui à l'époque une religion nationale, le culte du dieu des Hébreux, qui n'avaient jamais jusque là prétendu que leur dieu valait plus que le dieu des autres peuples, ni cherché à propager leur religion. Mais la société romaine dans la crise était à la recherche d'une idéologie capable de lui apporter un soulagement spirituel.
Le christianisme était perçu comme une réelle menace face à l'autorité de l'empereur, et les premiers chrétiens étaient cruellement persécutés par des tortures plus terrifiantes les unes que les autres. Cependant, les chrétiens ne voyaient pas de solution sur le plan social, n'avaient pas de propositions concrètes pour sortir de la crise de la société esclavagiste ; c'est pourquoi leur discours révolutionnaire restait limité à l'attente du “règne céleste”, c'est-à-dire, l'égalité non pas dans la vie, mais dans la mort. D'ailleurs, les pères de l'Église enjoignaient aux esclaves chrétiens de ne pas se révolter contre leurs maitres, en attendant une vie meilleure après leur mort ! (1 Pierre 2:18-19, etc.)
Les premiers chrétiens ont été très durement réprimés car leur fanatisme, leur
intolérance envers les autres religions et leur discours pseudo-révolutionnaire
remettaient en question les fondations de l'Empire.
(image tirée de l'excellent film “Agora” qui raconte la destruction de
la Grande Bibliothèque d'Alexandrie et le meurtre de la philosophe Hypatie
par des fanatiques chrétiens)
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La
deuxième grande contradiction était au niveau de la taille de
l'empire. D'un côté, l'empire était condamné à s'agrandir sans
cesse pour trouver de nouveaux esclaves et de nouvelles terres pour
les citoyens romains désœuvrés, afin de servir de “soupape” de
sécurité. D'un autre côté, l'incorporation de nouveaux peuples,
la difficulté des relations, etc. nécessitait une administration
extrêmement centralisée afin d'assurer le maintien de
l'infrastructure, et la domination de la seule ville de Rome sur
l'ensemble du continent européen. D'autant que les habitants de
nombreuses provinces en avaient assez de voir l'entièreté du fruit
de leur travail être transféré à Rome.
C'est comme si une seule ville était en train d'aspirer la production de l'ensemble du continent. Les tentatives de sécession étaient donc nombreuses de la part des dirigeants des provinces (comme l'“empire des Gaules” et l'“empire de Palmyre” brièvement constitués lors de la crise du 3ème siècle par certaines provinces), soutenus par la population locale. Toutes ces raisons ont poussé à fonder la structure impériale, centralisée et “cosmopolite”, à la suite d'une guerre civile longue de plus de cent ans contre les partisans patriciens de la “république”.
C'est comme si une seule ville était en train d'aspirer la production de l'ensemble du continent. Les tentatives de sécession étaient donc nombreuses de la part des dirigeants des provinces (comme l'“empire des Gaules” et l'“empire de Palmyre” brièvement constitués lors de la crise du 3ème siècle par certaines provinces), soutenus par la population locale. Toutes ces raisons ont poussé à fonder la structure impériale, centralisée et “cosmopolite”, à la suite d'une guerre civile longue de plus de cent ans contre les partisans patriciens de la “république”.
Le train de vie luxueux des riches romains n'était possible qu'au prix de l'exploitation de l'ensemble du continent |
Les
empereurs romains cherchaient en outre une nouvelle religion d'État
universelle et neutre qui reflèterait dans le “ciel” la réalité
du système mis en place sur “terre”. Le polythéisme romain
traditionnel, en tant qu'expression idéologique du chauvinisme
romain, empêchait l'intégration des autres peuples à la structure
nationale. Il fallait passer au monothéisme, à la vénération d'un
dieu unique dont le représentant sur terre serait l'empereur. On
procéda d'abord à la divination des empereurs, dès le premier
empereur, Octave Auguste. Puis on inventa le culte du Soleil.
Enfin, vu l'expansion du christianisme, propulsé par la profonde
crise sociale, cette religion fut adoptée en tant que religion
d'État. L'Empire romain est devenu officiellement chrétien, d'abord
avec la conversion de l'empereur Constantin vers 313, ensuite un
peu plus tard, avec l'adoption du christianisme en tant que religion
d'État et l'interdiction des autres religions sous Théodose,
en 380.
Cependant,
on peut difficilement parler d'une victoire pour les chrétiens :
en effet, la religion originelle des premiers chrétiens a été
complètement remodelée afin de servir les besoins de la
bureaucratie impériale. Les opposants et courants divergents ont été
exclus, traités d'hérétiques, exécutés, la Bible réécrite afin
de mieux correspondre aux intérêts impériaux. Seuls quatre
évangiles ont été sélectionnés sur tous ceux qui avaient été
écrits, certains textes étaient supprimés, d'autres ajoutés, etc.
avant de recevoir le “cachet” de la soi-disant “inspiration
divine”. Le christianisme, loin du “communisme” des premiers
chrétiens, est devenu idéologie officielle d'État. Tous les débats
quant à la véritable nature de Jésus (était-il fils de Dieu,
simple prophète, Dieu incarné ?), de Marie, etc. ont été
tranchés dans le sang et par le feu sur une base purement politique.
Le résultat en est la Bible que certains chrétiens aujourd'hui
tiennent toujours – à tort selon nous – comme œuvre
divine alors qu'elle n'est que le fruit des institutions étatiques
impériales et d'une politique donnée à un instant donné.
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Le
troisième facteur de crise, le plus fondamental, est que la société
se trouvait dans une impasse. Les esclaves ne pouvaient prendre le
contrôle collectif de l'appareil de production car les outils
étaient trop rudimentaires que pour passer à un type de société
supérieure, contrairement à ce qui se produit sous le capitalisme.
Le but des révoltes d'esclaves avait soit pour but une évasion
collective pour aller vivre en liberté hors de l'empire, lorsque
cela était encore possible – c'est le cas de la révolte la
plus célèbre, menée par Spartacus en -73 – soit la
sécession d'une province avec à sa tête un des chefs de la
rébellion, et qui se formait sur le modèle esclavagiste elle aussi,
les maitres d'hier devenant les esclaves d'aujourd'hui. D'autres
révoltes avaient simplement pour but de tuer autant de maitres que
possible avant la répression finale (l'exécution de masse). On
tournait donc en rond.
Les
prolétaires et autres classes intermédiaires (plébéiens) ne
jouaient qu'un rôle mineur dans la production, voire aucun, et
n'avaient aucun levier pour organiser une nouvelle société. Les
révoltes de la “plèbe” (le peuple) avaient en général pour
but l'obtention d'un repartage de la propriété des grands maitres,
ou de plus de subsides, plus de distribution de pain, etc. Ces
révoltes n'étaient pas économiques mais simplement des émeutes
violentes afin de contraindre les maitres à écouter la voix du
peuple.
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Les
maitres eux-mêmes, évidemment, étaient au-dessus de la société,
n'avaient aucun intérêt à la changer, s'assassinaient les uns les
autres pour le pouvoir politique, la propriété et les postes dans
l'administration, et cultivaient leur stoïcisme. Ceux qui
s'adonnaient à la science et à la philosophie se considéraient
comme faisant partie d'une élite privilégiée par les dieux (ou par
Dieu), et ne voyaient pas le moindre intérêt de se soucier du sort
du bas-peuple ; ils ne voyaient en outre pas moyen de se passer
du travail des esclaves, même lorsqu'ils éprouvaient de la pitié
pour eux.
La
population européenne avait cessé de croitre et même, décroissait
en raison d'une faible natalité (beaucoup de nouveaux-nés étaient
exécutés après leur naissance).
Cette
société esclavagiste, dans une impasse, ne pouvait être modifiée
de l'intérieur.
La fin de l'Empire romain
L'Empire
dès ses débuts à eu une tendance à la dislocation avec de
nombreuses tentatives de sécession, mais le début de la fin se
situent au 3ème siècle lorsque l'empereur Dioclétien a
instauré la “Tétrarchie” (ou “règne des Quatre”), avec
quatre “empereurs” chargés d'administrer chacun un quart de
l'Empire. Sous Théodose, l'Empire est officiellement scindé en
deux : Rome à l'Ouest, et Byzance à l'Est. Byzance, l'actuelle
Istanbul (capitale économique de la Turquie), dominait l'ensemble
des provinces de culture et de langue à dominance grecque :
Grèce, Turquie, Moyen-Orient et Égypte actuels.
À
la suite de la crise du 3ème siècle, dite “Anarchie
militaire”, les réseaux commerciaux au sein de l'Empire ont en
grande partie cessé de fonctionner. En effet, à l'époque, l'armée
romaine s'est divisée en plusieurs factions qui ont commencé à
batailler l'une contre l'autre et ont mené à la sécession de
plusieurs provinces, menées par des généraux qui prétendaient au
titre d'empereur. En même temps, de nombreux peuples barbares ont
profité de la crise pour lancer des raids dans l'Empire, voire s'y
installer.
Vu que les voies commerciales ne fonctionnaient plus, beaucoup de grandes plantations (“latifundias” et “villas”) commerciales ont arrêté d'exporter leurs produits à Rome et ont à la place commencé à planter du vivrier et à vivre en autonomie ou à produire uniquement pour le marché local, tout en commençant à se doter d'ateliers pour produire leurs propres outils, etc. De nombreuses villes qui jusque là n'étaient pas défendues, se sont entourées de fortifications. Des habitants des villes à présent affamées par la rupture des réseaux d'échange ont quitté la ville pour aller vivre en brousse et y trouver de quoi manger.
Des citoyens libres à la recherche d'une protection militaire, se sont rangés sous la tutelle de notables locaux – pour la plupart de grands propriétaires terriens qui leur donnaient un lopin de terre, et auxquels ils devenaient dès lors légalement attachés et ce, de manière héréditaire. D'un autre côté, face à cet “exode urbain”, des lois ont été adoptées pour interdire aux citoyens de déménager ou de changer de métier, et rendre ces métiers héréditaires. Tous ces changements ont donc graduellement préparé la société au passage à un nouveau système économique et social : le féodalisme.
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Vu que les voies commerciales ne fonctionnaient plus, beaucoup de grandes plantations (“latifundias” et “villas”) commerciales ont arrêté d'exporter leurs produits à Rome et ont à la place commencé à planter du vivrier et à vivre en autonomie ou à produire uniquement pour le marché local, tout en commençant à se doter d'ateliers pour produire leurs propres outils, etc. De nombreuses villes qui jusque là n'étaient pas défendues, se sont entourées de fortifications. Des habitants des villes à présent affamées par la rupture des réseaux d'échange ont quitté la ville pour aller vivre en brousse et y trouver de quoi manger.
Des citoyens libres à la recherche d'une protection militaire, se sont rangés sous la tutelle de notables locaux – pour la plupart de grands propriétaires terriens qui leur donnaient un lopin de terre, et auxquels ils devenaient dès lors légalement attachés et ce, de manière héréditaire. D'un autre côté, face à cet “exode urbain”, des lois ont été adoptées pour interdire aux citoyens de déménager ou de changer de métier, et rendre ces métiers héréditaires. Tous ces changements ont donc graduellement préparé la société au passage à un nouveau système économique et social : le féodalisme.
À
partir du 4ème siècle en outre, de nombreux peuples germains
– les ancêtres des Allemands, des Anglais et des Français
modernes – mais aussi slaves – Serbes, Slovaques… –
ont commencé à migrer en masse à l'intérieur des frontières de
l'Empire, afin de demander la protection face à un autre phénomène :
l'expansion des Huns, une confédération de peuples nomades
extrêmement violents venus d'Asie centrale et qui avait chassé
ces cultivateurs germains des plaines d'Ukraine et d'Europe de l'Est
où ils s'étaient installés. Beaucoup de Germains ont été
intégrés dans l'armée impériale en tant que mercenaires ou
officiers (au 4ème siècle, le général Stilicho, de père
vandale, devient même l'homme le plus important de l'Empire).
Les Huns poursuivaient leur avancée et ont commencé à envahir des régions entières. Cela a fini par provoquer la dislocation finale de l'Empire : dans de nombreuses régions, après le départ des Huns, les Germains se sont établis en tant que conquérants. Dans le contexte de chaos, de violence et d'anarchie, alors que de nombreuses bandes rôdaient dans le pays, de nombreux habitants étaient contents de bénéficier de la protection d'une nouvelle caste de guerriers. Les communications avec Rome étaient interrompues, ce qui voulait dire que le fruit de la production demeurerait sur place.
Les Huns poursuivaient leur avancée et ont commencé à envahir des régions entières. Cela a fini par provoquer la dislocation finale de l'Empire : dans de nombreuses régions, après le départ des Huns, les Germains se sont établis en tant que conquérants. Dans le contexte de chaos, de violence et d'anarchie, alors que de nombreuses bandes rôdaient dans le pays, de nombreux habitants étaient contents de bénéficier de la protection d'une nouvelle caste de guerriers. Les communications avec Rome étaient interrompues, ce qui voulait dire que le fruit de la production demeurerait sur place.
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La
société a été réorganisée sur une base locale autour de points
fortifiés, comme les anciens camps où stationnait l'armée romaine,
ou bien les “villas” – grandes plantations de blé, ou
stations d'élevage, etc. appartenant à un citoyen romain et
fonctionnant sur base d'une petite armée d'esclaves employés aux
champs. Ces lieux sont devenus la base de nouvelles villes où ont
été installées les cours des nouveaux seigneurs germains ;
beaucoup d'anciennes cités romaines, centres d'administration
impériale, ont été abandonnées.
L'effondrement social a interrompu la plupart des liens commerciaux entre les différentes régions. On a assisté à un effondrement total de l'économie et de la production. Mais tout cela était nécessaire pour opérer la transition à un nouveau type de société. Car si la société avait été préparée à cette transition par la dynamique interne au système, le passage final ne pouvait être réalisé par l'initiative d'une classe au sein de la société esclavagiste : il fallait une intervention extérieure pour la matérialiser, rôle qui a été dévolu aux envahisseurs germains devenus nouveaux seigneurs de l'Europe.
L'effondrement social a interrompu la plupart des liens commerciaux entre les différentes régions. On a assisté à un effondrement total de l'économie et de la production. Mais tout cela était nécessaire pour opérer la transition à un nouveau type de société. Car si la société avait été préparée à cette transition par la dynamique interne au système, le passage final ne pouvait être réalisé par l'initiative d'une classe au sein de la société esclavagiste : il fallait une intervention extérieure pour la matérialiser, rôle qui a été dévolu aux envahisseurs germains devenus nouveaux seigneurs de l'Europe.
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Bilan :
Parce que la civilisation occidentale
tire ses racines culturelles de la science et de la philosophie des
premières sociétés esclavagistes, parce que le droit bourgeois
moderne est en grande partie une adaptation du droit romain, et parce
que la religion chrétienne est née de Rome, ces sociétés sont
souvent présentées sous un jour extrêmement positif par les
capitalistes. On parle de la “grandeur romaine”, de la “sagesse
des Anciens”, de la “chute de Rome” après les “invasions
barbares”. L'histoire bourgeoise professe souvent l'idée selon
laquelle l'Empire romain était une civilisation éclairée qui a
malencontreusement “chuté” sous le poids de terribles barbares.
L'Empire romain représentait en effet
un stade supérieur de développement et de civilisation par rapport
aux sociétés traditionnelles organisées sur une base clanique ou
lignagère, comme celle des Celtes (Gaulois, Ibères, Bretons…).
Les guerriers celtes étaient de simples cultivateurs ou artisans qui
devaient délaisser leurs activités productrices pour partir en
guerre. Au combat, ils se regroupaient en fratries unies par des
liens de sang plutôt qu'en régiments constitués selon un plan
d'organisation rationnel. Ils ne pouvaient être mobilisés en
permanence, contrairement aux légionnaires romains qui bénéficiaient
de toute une infrastructure permettant de les loger et les nourrir
tout au long de l'année. Leur commandement n'était pas centralisé,
de nombreuses rivalités existaient entre les différentes tribus,
exploitées de main de maitre par les Romains.
L'Empire possédait en outre une véritable machine d'État centralisée qui permettait l'unification du territoire et une division du travail, une spécialisation de la production à une échelle internationale, accroissant la productivité et permettant de véritables prouesses techniques qui sont restées sans équivalents pendant des siècles.
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L'Empire possédait en outre une véritable machine d'État centralisée qui permettait l'unification du territoire et une division du travail, une spécialisation de la production à une échelle internationale, accroissant la productivité et permettant de véritables prouesses techniques qui sont restées sans équivalents pendant des siècles.
L'idée d'un État centralisé, d'une
administration et d'une organisation du territoire selon des lois et
des structures bien établies, a été une grande source
d'inspiration pour tous les penseurs et les créateurs d'État des
siècles suivants. L'empereur Charlemagne, fondateur de l'État
féodal européen, était poussé par l'idée de “recréer
l'Empire romain”. Les grands théoriciens politiques bourgeois
tels que Machiavel, Rousseau, etc. s'inspireront énormément de la
science étatique romaine et grecque et des écrits de Platon, Sénèque, Marc-Aurèle, César… Ils étudieront de près les différents conflits et
luttes sociales de l'Antiquité afin d'en tirer des lois générales
et de définir ce qui serait pour eux l'État idéal, jetant les
bases de l'État bourgeois moderne.
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Mais en réalité, tout cela cache le
fait que ces sociétés ont constitué une impasse absolue au
développement humain. L'Empire romain a été une vaste machine
d'oppression, cruelle et sanglante, qui a réduit à l'esclavage
l'ensemble de la population européenne, nord-africaine et du
Moyen-Orient, a éliminé des nations entières de la carte,
interrompant leur propre développement de la manière la plus
brutale qui soit, commémorant des génocides par des triomphes et
des monuments encore visibles de nos jours (la Colonne trajane par
exemple visible à Rome). Nous voyons en outre qu'en réalité, même
si les invasions barbares ont été le facteur décisif dans le
passage final à un autre système, l'Empire a en fait de lui-même
graduellement glissé, ravagé par ses propres contradictions, vers
le féodalisme.
Après la chute de l'Empire, tout au
long du moyen âge, la science et la philosophie héritées des
Grecs, la religion chrétienne créée de toute pièce par l'Empire
romain, ont été considérés comme des dogmes absolus. L'activité
des scientifiques européens se limitait à l'étude de leurs textes
et à la redécouverte de textes perdus. Les premiers véritables
scientifiques tels que Galilée, Lavoisier… ont dû se heurter
contre le monopole absolu des théories en réalité erronées
d'Aristote, Pline, Ptolémée, etc. en matière de chimie, biologie,
physique… Même si beaucoup des écrits de l'époque gréco-romaine
restent d'actualité notamment dans le domaine des mathématiques et
de la rhétorique.
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Table
rase – l'histoire reprend à zéro sur de nouvelles bases. Si
la plupart des routes, des réseaux d'irrigation (“aqueducs”),
etc. ont disparu, tout n'a cependant pas été perdu : une
partie de l'infrastructure héritée de l'Empire romain est restée,
notamment les noyaux des premières villes (le mot français “ville”
vient d'ailleurs du mot latin “villa” qui signifiait au départ
“plantation”). Le latin, qui était la langue des Romains, est
restée la langue véhiculaire pour les savants de toute l'Europe,
celle dans laquelle était rédigée la plupart des ouvrages
scientifiques, artistiques, religieux et philosophiques et qui était
employée pour l'enseignement et les réunions internationales ;
et ce, jusqu'à la montée en puissance de la langue française à
partir du 17ème siècle, puis de l'anglais – ces
deux langues constituant une synthèse de diverses langues
germaniques et de la langue latine.
Enfin, de toute la structure de domination impériale, la seule institution survivante a été celle de l'Église chrétienne, qui est restée garante de l'unité culturelle de l'Europe en nommant les rois et en conservant les textes anciens par l'activité des moines “copistes”. L'Église jouera un rôle très important tout au long de la prochaine période que nous étudierons. Il s'agit de la période du féodalisme, période pendant laquelle s'est développée une nouvelle économie sur une base plus “libre”, et au cours de laquelle se sont formées les nations européennes modernes, et au cours de laquelle est née la classe bourgeoise qui allait plus tard prendre le pouvoir pour instaurer le capitalisme.
Enfin, de toute la structure de domination impériale, la seule institution survivante a été celle de l'Église chrétienne, qui est restée garante de l'unité culturelle de l'Europe en nommant les rois et en conservant les textes anciens par l'activité des moines “copistes”. L'Église jouera un rôle très important tout au long de la prochaine période que nous étudierons. Il s'agit de la période du féodalisme, période pendant laquelle s'est développée une nouvelle économie sur une base plus “libre”, et au cours de laquelle se sont formées les nations européennes modernes, et au cours de laquelle est née la classe bourgeoise qui allait plus tard prendre le pouvoir pour instaurer le capitalisme.
Les ruines romaines sont aujourd'hui d'importantes attractions touristiques
dans de nombreux pays (ici, à Jerash en Jordanie) |
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