mercredi 2 avril 2014

Venezuela : Lancement du “Conseil populaire révolutionnaire” à Caracas


Comme en Côte d'Ivoire, la recherche de concessions et la confusion politique appelle la rébellion pro-impérialiste




Le Venezuela connait en ce moment une situation de crise fort semblable à celle qu'a connue la Côte d'Ivoire au moment de la rébellion. Chávez était un président populiste de gauche radical représentant la petite-bourgeoisie nationale et qui a lutté contre l'impérialisme avec le soutien des masses populaires par la nationalisation et la mise en place de plans sociaux, sans pour autant rompre avec le capitalisme. En ce sens, il a pu réaliser au Venezuela ce que Gbagbo n'a pas pu faire en Côte d'Ivoire (un parallèle aussi avec le fait que tous deux ont dû tenir bon face à un coup d'État peu après leur arrivée au pouvoir, grâce au soutien des masses populaires). L'impérialisme n'avait pas pu s'en prendre à Chávez comme il s'en est pris à Gbagbo, car Chávez contrôlait une importante économie pétrolière et le Venezuela est un pays beaucoup plus homogène sur le plan ethnique et religieux. 
 
Cependant, les successeurs de Chávez n'ont pas sa carrure et la droite a pu se reconstruire. Une rébellion vient de se déclarer dans le pays, commanditée par l'impérialisme américain via le gouvernement colombien – avec Uribe dans le rôle de Compaoré et Obama dans celui de Sarkozy. Malheureusement, il semble que Maduro (le nouveau président vénézuélien, successeur de Chávez) soit sur le point de faire les mêmes erreurs que Gbagbo – c'est-à-dire des concessions à l'impérialisme et des appels à la “réconciliation” et à la négociation, plutôt que de contre-attaquer en allant vers l'approfondissement de la révolution qui n'a que trop tardé, et qui est en réalité la seule issue favorable dans ce contexte.

Comme le disait Che Guevara : « Une révolution est comme une bicyclette : quand elle n'avance plus, elle tombe » !

Cet article est un compte-rendu de la situation rédigé par nos camarades du groupe Socialismo Revolucionario, CIO au Venezuela, suivi d'un appel à la mobilisation nationale et internationale de la part du Conseil populaire révolutionnaire, coalition de gauche révolutionnaire patriotique à laquelle nos camarades participent.


Le mouvement antichaviste se base sur les manifestations
d'étudiants de droite issus de familles riches et opposés
aux réformes populaires mises en place dans le pays


La situation au Venezuela

Le “Consejo Popular Revolucionario” (CPR, Conseil populaire révolutionnaire) est une nouvelle coalition autonome révolutionnaire regroupant environ 30 organisations révolutionnaires, des mouvements sociaux, des collectifs et des groupes militants, qui a été fondé en réaction à la situation critique qui est en train de se développer aujourd'hui au Venezuela. Jamais n'a été aussi claire jusqu'à présent la nécessité de construire une organisation révolutionnaire non seulement pour triompher de la nouvelle offensive de droite, mais également pour défendre les acquis du “Processus bolivarien” (mouvement d'émancipation nationale lancé par feu le président Chávez dans les années '2000) et pour les faire progresser vers le socialisme révolutionnaire. Lors du congrès de lancement de cette organisation, à laquelle plus de 100 personnes étaient présentes, de nombreux militants ont parlé du caractère critique de la situation, qui nous force à prendre des mesures décisives et courageuses dans le cadre de cette crise.

Jusqu'à présent, 28 personnes ont été officiellement tuées au cours des manifestations qui se sont répandues dans le pays depuis le mois dernier. Dans certaines régions comme Táchira, Zulia et Merida, on voit l'infiltration de groupes paramilitaires de droite envoyés par le gouvernement colombien de M. Uribe ainsi que de rebelles pro-impérialistes, avec la militarisation partielle de ces régions par les FANB, Forces armées nationales boliviennes ; cela confère donc à la situation un air de début de guerre civile.

Les militants qui ont pris la parole lors de l'assemblée nous ont décrit la situation dans les villes de la région de Táchira qui sont maintenant tombées entre les mains des rebelles. Les rebelles exigent de leur payer des prix exhorbitants pour avoir accès au gaz, à l'eau ou à la nourriture, tous ces produits de base étant devenus extrêmement rares. Dans de nombreuses zones, les rebelles ont élevés des barrages ; les transports ne passent plus, c'est la vie de tous les jours qui est paralysée. Selon nos camarades, les rues sont vides à partir de 5 heures du soir car les habitants ont peur de sortir de chez eux.

C'est la même situation dans le Merida, où la peur règne depuis la mort d'une étudiante chilienne, Giselle Rubilar. Elle faisait partie d'un groupe d'habitants qui ont tenté de dégager un barrage tenu par des étudiants de droite, et c'est là qu'elle a été tuée, abattue par balles. Dans la région de Carabobo, trois personnes ont été abattues le 12 mars lors de manifestations d'étudiants de droite, qui voulaient ainsi “commémorer” un mois depuis le début de leur mouvement anti-chaviste. À Caracas, deux personnes ont été abattues par un sniper lors d'une bagarre entre le syndicat des taxi-motos et des manifestants de droite dans un quartier riche. Tout cela rappelle ce qui s'est passé avant le coup d'État de 2002. À ce moment-là, on voyait des rebelles exécuter des gens au hasard dans les rues, dans le but de créer un climat de terreur et d'instabilité partout dans le pays.

Les risques d'un accroissement des violences est bien réel ; la droite exerce une réelle pression, soutenue par l'impérialisme américain, qui vise à renverser le gouvernement Maduro et le “chavisme”. Tous les révolutionnaires du Venezuela en sont bien conscients. Ce renversement pourrait adopter diverses formes – nous n'allons sans doute pas connaitre la même situation qu'en 2002, qui était un coup d'État avec le soutien d'une partie de l'armée. Face à la spirale de la violence, la crise économique qui continue, où on voit un plan conscient de la part d'une partie de l'extrême-droite de saboter le pays, et où la droite modérée s'avère capable d'attirer à elle une partie de la classe ouvrière et des pauvres, on pourrait voir un accord de “transition” et la convocation de nouvelles élections.

Le gouvernement n'a jusqu'ici pas fait grand-chose pour éviter cela. Le gouvernement s'est contenté d'appeler à la paix, à la réconciliation et à la négociation, tout en appellent les travailleurs et les pauvres à se mobiliser pour contrer la droite. Lors des dernières semaines, tout en critiquant et en rejetant les offres de “médiation” de la part de l'impérialisme – ce qui est correct –, et en réagissant vertement aux attaques scandaleuses et hypocrites de la part du gouvernement Obama, le gouvernement Maduro a en même temps continué à inviter les dirigeants de la droite à venir au palais présidentiel discuter avec lui ; il a même dit que si les dirigeants étudiants de droite venaient, il les embrasserait ! Il dit également qu'il ne les laissera pas vaincre sa “révolution chrétienne-humaniste”.

Une telle “transition” ne peut signifier que la défaite de la gauche révolutionnaire et des travailleurs et des pauvres, sur le plan national comme international. Notre coalition, le CPR, défend les acquis des 15 dernières années et l'héritage de Chávez, mais nous disons qu'il faudra bien plus que des discussions et des négociations pour vaincre la droite – notre tâche urgente est en réalité de construire une organisation et d'aller vers le socialisme révolutionnaire.

Les organisations et les individus qui participent au CPR ne sont pas les seuls dans le pays qui ressentent le besoin d'action ; il faut prendre des mesures pour unifier ces forces. Nous, Socialismo Revolucionario, section vénézuélienne du CIO, appelons l'ensemble des organisations de gauche et révolutionnaires, ainsi que tous les représentants élus de gauche et les syndicats du monde entier, à envoyer des messages de solidarité afin d'exprimer votre soutien au CPR et à la lutte contre la nouvelle offensive de droite. 
 
Vous pouvez écrire en anglais ou espagnol à l'adresse socialismo.rev.venezuela@gmail.com. 
 
Les partisans de notre initiative au niveau international doivent aussi être avertis du fait que l'administration Obama parle de “sanctions” contre notre pays, et qu'il faudra sans doute organiser des actions devant les ambassades pour protester contre les attaques de l'impérialisme, afin de défendre les acquis du Processus bolivarien et de soutenir les mouvements révolutionnaires dans ce pays qui luttent pour le socialisme.

Le Conseil populaire révolutionnaire : « Non à la guerre civile ! »

La première assemblée du CPR a voté la déclaration suivante :

1) Nous considérons que les récents évènements dans notre pays ont pour but de créer les conditions d'un conflit au Venezuela et mettent ainsi en danger l'État vénézuélien ainsi que les forces armées et l'intégrité de notre nation.

2) Le point de départ de ce conflit a été l'invasion de forces paramillitaires venues de Colombie, soutenues par le gouvernement Obama et par l'ex-président de Colombie M. Uribe, alliés à l'aile droite réactionnaire au sein de l'alliance vénézuélienne “Mesa de Unidad” (Table de l'unité), c'est-à-dire les partis Primera Justicia et Voluntad Popular – toutes ces forces contrôlant à présent la région de Táchira. Ces forces tentent à présent d'envahir les régions de Merida et de Zulia puis de poursuivre vers l'Est en direction de Caracas afin d'y semer le chaos sous la forme de barrages et de pénuries de nourriture et de biens de nécessité. Leur action a pour but de créer un climat favorisant le renversement (sous la forme d'un coup ou d'une “transition”) du gouvernement Maduro et du chavisme, ce qui, dans le contexte actuel, pourrait nous mener à la guerre civile.

3) Vu cette menacee, nous devons unir l'ensemble des forces populaires, progressistes, patriotiques et révolutionnaires avec pour objectif la restauration de notre intégrité territoriale nationale, via des Comités intégrés de défense populaire dans chaque région, dans chaque ville, dans chaque quartier, dans chaque zone industrielle, sur chaque usine, entreprise, marché, école ou université.

4) Nous appelons l'ensemble des forces progressistes et révolutionnaires à se réunir et à s'organiser en conseils populaires afin d'organiser des Comités de défense dont les deux objectifs doivent être : le contrôle de la production et de la distribution de nourriture par les citoyens eux-mêmes, ainsi que le contrôle par les citoyens des services publics (santé, transport, gaz, eau, électricité, enseignement).

5) Nous voulons un dialogue avec l'ensemble de la population, y compris parmi les classes moyennes, qui est opposée à abandonner la souveraineté du Venezuela aux forces impérialistes sous la houlette de Uribe ou par un éventuel gouvernement de droite qui serait soutenu par ces éléments.

6) Nous appelons à une action révolutionnaire nationale de masse afin de libérer les régions de Merida, Zulia, Táchira du contrôle des rebelles de droite par la mise en place de Comités de défense. Ce mouvement doit être entamé par des manifestations et actions dans chaque ville, grande ou petite, à compter du dimanche 13 avril et qui culmineront avec une assemblée populaire de masse à San Cristobal, chef-lieu de la région de Táchira, le samedi 19 avril.
  
Au lieu d'aller vers un approfondissement de la révolution, Maduro,
le successeur de Chavez, cherche des compromis avec la bourgeoisie
et l'impérialisme – exactement ce qui a perdu la Côte d'Ivoire

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