Comme en Côte d'Ivoire, la recherche de concessions et la confusion politique appelle la rébellion pro-impérialiste
Le Venezuela connait
en ce moment une situation de crise fort semblable à celle qu'a
connue la Côte d'Ivoire au moment de la rébellion. Chávez
était un président populiste de gauche radical représentant la
petite-bourgeoisie nationale et qui a lutté contre l'impérialisme
avec le soutien des masses populaires par la nationalisation et la
mise en place de plans sociaux, sans pour autant rompre avec le
capitalisme. En ce sens, il a pu réaliser au Venezuela ce que Gbagbo
n'a pas pu faire en Côte d'Ivoire (un parallèle aussi avec le
fait que tous deux ont dû tenir bon face à un coup d'État peu
après leur arrivée au pouvoir, grâce au soutien des masses
populaires). L'impérialisme n'avait pas pu s'en prendre à Chávez
comme il s'en est pris à Gbagbo, car Chávez contrôlait une
importante économie pétrolière et le Venezuela est un pays
beaucoup plus homogène sur le plan ethnique et religieux.
Cependant, les
successeurs de Chávez n'ont pas sa carrure et la droite a pu se
reconstruire. Une rébellion vient de se déclarer dans le pays,
commanditée par l'impérialisme américain via le gouvernement
colombien – avec Uribe dans le rôle de Compaoré et Obama
dans celui de Sarkozy. Malheureusement, il semble que Maduro (le
nouveau président vénézuélien, successeur de Chávez) soit sur le
point de faire les mêmes erreurs que Gbagbo – c'est-à-dire
des concessions à l'impérialisme et des appels à la
“réconciliation” et à la négociation, plutôt que de
contre-attaquer en allant vers l'approfondissement de la révolution
qui n'a que trop tardé, et qui est en réalité la seule issue
favorable dans ce contexte.
Comme le disait
Che Guevara : « Une révolution est comme une
bicyclette : quand elle n'avance plus, elle tombe » !
Cet
article est un compte-rendu de la situation rédigé par nos
camarades du groupe Socialismo Revolucionario, CIO au Venezuela,
suivi d'un appel à la mobilisation nationale et internationale de la
part du Conseil populaire révolutionnaire, coalition de gauche
révolutionnaire patriotique à laquelle nos camarades participent.
Le mouvement antichaviste se base sur les manifestations d'étudiants de droite issus de familles riches et opposés aux réformes populaires mises en place dans le pays |
La situation au Venezuela
Le
“Consejo Popular Revolucionario” (CPR, Conseil
populaire révolutionnaire) est une nouvelle coalition autonome
révolutionnaire regroupant environ 30 organisations
révolutionnaires, des mouvements sociaux, des collectifs et des
groupes militants, qui a été fondé en réaction à la situation
critique qui est en train de se développer aujourd'hui au Venezuela.
Jamais n'a été aussi claire jusqu'à présent la nécessité de
construire une organisation révolutionnaire non seulement pour
triompher de la nouvelle offensive de droite, mais également pour
défendre les acquis du “Processus bolivarien” (mouvement
d'émancipation nationale lancé par feu le président Chávez
dans les années '2000) et pour les faire progresser vers le
socialisme révolutionnaire. Lors du congrès de lancement de cette
organisation, à laquelle plus de 100 personnes étaient
présentes, de nombreux militants ont parlé du caractère critique
de la situation, qui nous force à prendre des mesures décisives et
courageuses dans le cadre de cette crise.
Jusqu'à présent,
28 personnes ont été officiellement tuées au cours des
manifestations qui se sont répandues dans le pays depuis le mois
dernier. Dans certaines régions comme Táchira, Zulia et Merida, on
voit l'infiltration de groupes paramilitaires de droite envoyés par
le gouvernement colombien de M. Uribe ainsi que de rebelles
pro-impérialistes, avec la militarisation partielle de ces régions
par les FANB, Forces armées nationales boliviennes ; cela
confère donc à la situation un air de début de guerre civile.
Les militants qui ont
pris la parole lors de l'assemblée nous ont décrit la situation
dans les villes de la région de Táchira qui sont maintenant tombées
entre les mains des rebelles. Les rebelles exigent de leur payer des
prix exhorbitants pour avoir accès au gaz, à l'eau ou à la
nourriture, tous ces produits de base étant devenus extrêmement
rares. Dans de nombreuses zones, les rebelles ont élevés des
barrages ; les transports ne passent plus, c'est la vie de tous
les jours qui est paralysée. Selon nos camarades, les rues sont
vides à partir de 5 heures du soir car les habitants ont peur
de sortir de chez eux.
C'est la même
situation dans le Merida, où la peur règne depuis la mort d'une
étudiante chilienne, Giselle Rubilar. Elle faisait partie d'un
groupe d'habitants qui ont tenté de dégager un barrage tenu par des
étudiants de droite, et c'est là qu'elle a été tuée, abattue par
balles. Dans la région de Carabobo, trois personnes ont été
abattues le 12 mars lors de manifestations d'étudiants de
droite, qui voulaient ainsi “commémorer” un mois depuis le
début de leur mouvement anti-chaviste. À Caracas, deux personnes
ont été abattues par un sniper lors d'une bagarre entre le syndicat
des taxi-motos et des manifestants de droite dans un quartier riche.
Tout cela rappelle ce qui s'est passé avant le coup d'État
de 2002. À ce moment-là, on voyait des rebelles exécuter des
gens au hasard dans les rues, dans le but de créer un climat de
terreur et d'instabilité partout dans le pays.
Les risques d'un
accroissement des violences est bien réel ; la droite exerce
une réelle pression, soutenue par l'impérialisme américain, qui
vise à renverser le gouvernement Maduro et le “chavisme”. Tous
les révolutionnaires du Venezuela en sont bien conscients. Ce
renversement pourrait adopter diverses formes – nous n'allons
sans doute pas connaitre la même situation qu'en 2002, qui
était un coup d'État avec le soutien d'une partie de l'armée.
Face à la spirale de la violence, la crise économique qui continue,
où on voit un plan conscient de la part d'une partie de
l'extrême-droite de saboter le pays, et où la droite modérée
s'avère capable d'attirer à elle une partie de la classe ouvrière
et des pauvres, on pourrait voir un accord de “transition” et la
convocation de nouvelles élections.
Le gouvernement n'a
jusqu'ici pas fait grand-chose pour éviter cela. Le gouvernement
s'est contenté d'appeler à la paix, à la réconciliation et à la
négociation, tout en appellent les travailleurs et les pauvres à se
mobiliser pour contrer la droite. Lors des dernières semaines, tout
en critiquant et en rejetant les offres de “médiation” de la
part de l'impérialisme – ce qui est correct –, et en
réagissant vertement aux attaques scandaleuses et hypocrites de la
part du gouvernement Obama, le gouvernement Maduro a en
même temps continué à inviter les dirigeants de la droite à venir
au palais présidentiel discuter avec lui ; il a même dit que
si les dirigeants étudiants de droite venaient, il les
embrasserait ! Il dit également qu'il ne les laissera pas
vaincre sa “révolution chrétienne-humaniste”.
Une telle
“transition” ne peut signifier que la défaite de la gauche
révolutionnaire et des travailleurs et des pauvres, sur le plan
national comme international. Notre coalition, le CPR, défend les
acquis des 15 dernières années et l'héritage de Chávez, mais
nous disons qu'il faudra bien plus que des discussions et des
négociations pour vaincre la droite – notre tâche urgente
est en réalité de construire une organisation et d'aller vers le
socialisme révolutionnaire.
Les organisations et
les individus qui participent au CPR ne sont pas les seuls dans le
pays qui ressentent le besoin d'action ; il faut prendre des
mesures pour unifier ces forces. Nous, Socialismo Revolucionario,
section vénézuélienne du CIO, appelons l'ensemble des
organisations de gauche et révolutionnaires, ainsi que tous les
représentants élus de gauche et les syndicats du monde entier, à
envoyer des messages de solidarité afin d'exprimer votre soutien au
CPR et à la lutte contre la nouvelle offensive de droite.
Vous pouvez écrire
en anglais ou espagnol à l'adresse
socialismo.rev.venezuela@gmail.com.
Les partisans de
notre initiative au niveau international doivent aussi être avertis
du fait que l'administration Obama parle de “sanctions”
contre notre pays, et qu'il faudra sans doute organiser des actions
devant les ambassades pour protester contre les attaques de
l'impérialisme, afin de défendre les acquis du Processus bolivarien
et de soutenir les mouvements révolutionnaires dans ce pays qui
luttent pour le socialisme.
La première assemblée du CPR a voté la déclaration suivante :
1) Nous considérons
que les récents évènements dans notre pays ont pour but de créer
les conditions d'un conflit au Venezuela et mettent ainsi en danger
l'État vénézuélien ainsi que les forces armées et l'intégrité
de notre nation.
2) Le point de départ
de ce conflit a été l'invasion de forces paramillitaires venues de
Colombie, soutenues par le gouvernement Obama et par
l'ex-président de Colombie M. Uribe, alliés à l'aile droite
réactionnaire au sein de l'alliance vénézuélienne “Mesa de
Unidad” (Table de l'unité), c'est-à-dire les partis
Primera Justicia et Voluntad Popular – toutes ces
forces contrôlant à présent la région de Táchira. Ces forces
tentent à présent d'envahir les régions de Merida et de Zulia puis
de poursuivre vers l'Est en direction de Caracas afin d'y semer le
chaos sous la forme de barrages et de pénuries de nourriture et de
biens de nécessité. Leur action a pour but de créer un climat
favorisant le renversement (sous la forme d'un coup ou d'une
“transition”) du gouvernement Maduro et du chavisme, ce qui,
dans le contexte actuel, pourrait nous mener à la guerre civile.
3) Vu cette menacee,
nous devons unir l'ensemble des forces populaires, progressistes,
patriotiques et révolutionnaires avec pour objectif la restauration
de notre intégrité territoriale nationale, via des Comités
intégrés de défense populaire dans chaque région, dans chaque
ville, dans chaque quartier, dans chaque zone industrielle, sur
chaque usine, entreprise, marché, école ou université.
4) Nous appelons
l'ensemble des forces progressistes et révolutionnaires à se réunir
et à s'organiser en conseils populaires afin d'organiser des Comités
de défense dont les deux objectifs doivent être : le
contrôle de la production et de la distribution de nourriture par
les citoyens eux-mêmes, ainsi que le contrôle par les citoyens des
services publics (santé, transport, gaz, eau, électricité,
enseignement).
5) Nous voulons un
dialogue avec l'ensemble de la population, y compris parmi les
classes moyennes, qui est opposée à abandonner la souveraineté du
Venezuela aux forces impérialistes sous la houlette de Uribe ou par
un éventuel gouvernement de droite qui serait soutenu par ces
éléments.
6) Nous appelons à
une action révolutionnaire nationale de masse afin de libérer les
régions de Merida, Zulia, Táchira du contrôle des rebelles de
droite par la mise en place de Comités de défense. Ce mouvement
doit être entamé par des manifestations et actions dans chaque
ville, grande ou petite, à compter du dimanche 13 avril et
qui culmineront avec une assemblée populaire de masse à
San Cristobal, chef-lieu de la région de Táchira, le
samedi 19 avril.
Au lieu d'aller vers un approfondissement de la révolution, Maduro, le successeur de Chavez, cherche des compromis avec la bourgeoisie et l'impérialisme – exactement ce qui a perdu la Côte d'Ivoire |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire