jeudi 5 janvier 2017

Nouvel an 2017 : le système capitaliste au bord de l'explosion

Les troubles et la riposte vont se poursuivre



2016 a été l'année où toute la colère accumulée par les masses dans le monde entier a fini par éclater, causant toute une série de véritables bouleversements politiques. Même si celle-ci est quelque peu retardée, il s'agit bien d'un sursaut face aux conséquences dévastatrices de la crise économique mondiale de 2007-8. Et tandis que les secousses de ces récents bouleversements continueront à se faire sentir, de nouveaux contrecoups, si pas de nouveaux séismes, sont attendus pour 2017…

– Peter Taaffe, secrétaire général du Parti socialiste d'Angleterre et du pays de Galles, membre fondateur du Comité pour une Internationale ouvrière



Les changements dans la situation politique internationale se sont énormément fait sentir avec le Brexit, le vote du peuple du Royaume-Uni qui a voté en masse pour quitter l'Union européenne. Les répercussions de ce choc majeur se font sentir non seulement dans toute l'Europe, mais aussi dans le monde entier. Il s'agissait essentiellement d'un vote sanction, conséquence d'une révolte de la classe prolétarienne contre les programmes d'austérité (« ajustements structurels ») mis en place tant par le gouvernement britannique que par l'Union européenne, en tant qu'organe capitaliste prédateur.

Le CIO a toujours combattu l'Union européenne, cette institution impérialiste capitaliste, depuis sa fondation. C'est pourquoi nous avons appelé, lors de ce référendum, à voter en faveur d'une sortie de l'UE. Cet appel était partagé par le RMT (le puissant syndicat des travailleurs des transports britanniques) ainsi que par de nombreuses autres organisations.
Le Brexit a été particulièrement applaudi par ceux qui ont le plus souffert de l'emprise implacable de l'UE récemment : les prolétaires grecs, espagnols, portugais et italiens, qui ont à juste titre perçu ce vote comme un coup décisif porté à leurs ennemis mortels, les vautours capitalistes qui dirigent l'UE.

Le vote pour quitter l'Union européenne était en grande partie motivé par des
considérations sociales, comme la protection du système de soins de santé

La lutte contre la droite


Nous nous sommes également dressés contre le nationalisme empoisonné propagé par le Parti de l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) et autres forces réactionnaires, qui ont tenté de transformer le Brexit en un outil pour diviser la population en liguant un groupe contre un autre. Quant à nous, si nous demeurons fermes dans notre opposition à l'UE néolibérale, c'est pour proposer en même temps une alternative de classe, une alternative socialiste : non à l'UE, oui à une confédération socialiste libre des peuples d'Europe.

Il n'est pas exagéré de dire que ce vote de sortie a causé un fracas dans le monde entier. Voici comment raisonnait toute une horde de commentateurs bourgeois : « Comment ces masses ignorantes et incultes peuvent-elles ainsi remettre en cause l'avis de leurs dirigeants ? ».

Le vote de sortie a fait chuter le gouvernement conservateur, et bientôt, le Premier ministre David Cameron a rejoint les poubelles de l'histoire. Dans le chaos absolu qui s'ensuit depuis lors et qui va se prolonger cette année, le Parti conservateur, à présent dirigé par Mme Theresa May, se retrouve plongé dans une crise profonde. Alors que les médias capitalistes préfèrent se concentrer sur les divisions croissantes au sein du Parti travailliste, les perspectives au sein du Parti conservateur sont en réalité bien plus sérieuses, surtout si on les envisage sur le moyen et sur le long terme.

Il est tout à fait possible que nous assistions bientôt à une rupture au sein du Parti conservateur de l'ampleur de celle qui s'était produite au début du 19e siècle à propos des Lois sur le blé, ce qui avait écarté ce parti du pouvoir pendant plusieurs générations.

En Italie, le Premier ministre Matteo Renzi a suivi la voie de Cameron : après que le référendum organisé par lui, qui avait pour but de consolider son régime d'austérité, a été rejeté à 60 %, ce monsieur s'est lui aussi vu contraint à la démission.

Mais dans toute l'Europe, l'extrême-droite continue à progresser, se sentant le vent en poupe à la suite de la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles états-uniennes. Même si en Autriche, l'extrême-droite a échoué à remporter les nouvelles élections présidentielles.

Il n'est pas exclu qu'à un moment, certains pays (comme l'Autriche, la France, les Pays-Bas, voire même l'Italie) connaissent des victoires pour l'extrême-droite comme on le voit dans les pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est, où l'extrême-droite participe désormais à des coalitions gouvernementales.

Si la droite a pu relever la tête et se retrouver ainsi en position de menacer les acquis obtenus par la classe prolétaire dans le passé, c'est essentiellement du fait de la déchéance des partis sociaux-démocrates en Espagne, en Grèce, au Portugal et au Royaume-Uni, qui sont restés enfermés dans le carcan de la « gestion » d'un système capitaliste malade, ce qui a poussé ces partis à mettre en place une politique de coupes budgétaires massives, de chômage, de misère, etc. 

La droite pense qu'avec l'élection de Donald Trump, elle a reçu le feu vert pour une prise du pouvoir. Parmi la gauche, certains sont même d'avis que nous allons sous peu assister à un « festival de la réaction ».

Mais rien de la sorte n'est probable ni possible. Sans vouloir le moins du monde minimiser la menace que représente la droite (que nous devons combattre), le rapport de force en Occident demeure aujourd'hui bel et bien du côté de la classe prolétaire et de ses organisations, même si celles-ci ont été considérablement affaiblies ces dernières décennies. À l'heure actuelle, il serait impossible aux fachistes d'employer les méthodes qui ont permis à Hitler ou à Mussolini de prendre le pouvoir, c'est-à-dire de mobiliser les masses des classes moyennes pour terroriser et atomiser la classe prolétaire.

Si l'un de ces partis arrivait au pouvoir aujourd'hui (même dans le cadre d'un gouvernement de coalition de droite conservatrice), cela représenterait un véritable choc qui mobiliserait la classe prolétaire (et en particulier la jeunesse) dans une nouvelle vague de résistance à ces gouvernements et aux mesures qu'ils souhaiteraient mettre en place.

Observons par exemple la résistance merveilleuse des femmes polonaises contre les tentatives de leur gouvernement de restreindre leur droit à l'avortement. D'autres mouvements de femmes tout aussi puissants se sont développés en Irlande contre les lois anti-avortements, en Argentine contre de vicieuses attaques sur les droits des femmes, ou en Turquie contre des tentatives de légitimer le viol.

On voit aussi la résistance de masse qui a éclaté contre la victoire frauduleuse de Trump dans toute une série de villes des États-Unis – nombre de ces mouvements étant dirigés par nos camarades du CIO. D'immenses marches auront lieu dans tous les États-Unis et dans le monde entier le 20 janvier pour protester contre l'élection de Donald Trump. Mais cela n'est rien contre la gigantesque révolte prolétarienne à laquelle ce monsieur sera confronté cette année et les suivantes.

En outre, de tels gouvernements de droite faisant participer l'extrême-droite jetteront les bases pour une radicalisation massive vers la gauche parmi la classe prolétarienne, ce qui se reflètera inévitablement dans le mouvement ouvrier. Tout cela aura pour effet de discréditer encore plus les sociaux-démocrates qui, par leur échec, ont ouvert la voie à la réemergence de la droite.

En vérité, c'est la même radicalisation qui prédomine aujourd'hui dans le monde entier. C'est cette radicalisation qui est à la base de la grève générale de septembre 2016 en Inde, lors de laquelle 180 millions de travailleurs ont révélé leur puissance face au régime de droite de Modi. Des mouvements sans précédent ont également éclaté en Corée du Sud, dont la force vont certainement contraindre l'État à condamner la présidente pour les faits de corruption dont elle est accusée.

Marche en Corée du Sud pour exiger la démission de la présidente

Le Moyen-Orient


Bien entendu, tous ces éléments sont nuancés par la crise effroyable au Moyen-Orient, qui a fait et continue de faire d'innombrables victimes. La guerre au Moyen-Orient est un moment aux horreurs sans fin que l'humanité sera condamnée à subir encore et encore si elle demeure sous le joug du système capitaliste obsolète.

La guerre en Syrie dure déjà depuis plus longtemps que la Première Guerre mondiale. Il y a d'ailleurs de nombreux parallèles à tracer entre cette guerre et la guerre actuelle. Le révolutionnaire Léon Trotsky écrivait à propos de la guerre des Balkans qui a précédé la Première Guerre mondiale que « Nos descendants lèveront leurs mains d'effroi lorsqu'ils liront dans les livres d'histoire quelles étaient les méthodes employées par les nations capitalistes pour régler leurs disputes ».

La guerre de Syrie a démontré qu'aucune des grandes puissances capitalistes actuelles (États-Unis, Russie, Union européenne) n'est à même de fournir la moindre solution à la myriade de conflits au sein de cette région du monde.

C'est l'impérialisme sous toutes ses formes (britannique, français ou états-unien) qui est l'auteur de ce puzzle sanglant où ont été employées à une échelle de masse des tactiques de division après 1945, au moment où ces puissances impérialistes ont été contraintes d'abandonner leur domination directe de la région pour à la place mettre sur pied différents pays dont les frontières ont été tracées de manière on ne peut moins démocratique.

Un représentant du MI6, l'agence d'espionnage britannique, est récemment venu à la télévision où il a eu le culot de citer l'historien Tacite pour critiquer la Russie : « Vous créez un désert et appelez cela la “paix” ». Tout ce qu'on peut dire est que dans ce cas, Poutine a bien appris de l'exemple de la classe dirigeante britannique que sert le MI6. Ce sont bel et bien les dirigeants britanniques qui ont été les premiers à utiliser systématiquement cette tactique de division dans le but de consolider leur empire « sur lequel le soleil ne se couche jamais ».

Seule une intervention décisive de la classe prolétaire et des pauvres du Moyen-Orient, via un programme d'unité de classe et de confédération démocratique socialiste de la région, sera à même de mettre un terme à cette horreur une bonne fois pour toutes. La première étape pour la réalisation de cette perspective serait de mettre sur pied un organe politique portant la voix des masses en toute indépendance par rapport aux diverses forces bourgeoises.

Mais en attendant, la situation catastrophique qui prévaut à présent dans tous les pays du Moyen-Orient va se poursuivre. La soi-disant tentative de coup d'État en Turquie a permise au président Erdoğan de justifier son propre coup d'État de droite qu'il est en train de mener de manière on ne peut plus déterminée. Plus de 100 000 cadres et fonctionnaires ont déjà été démis de leurs fonctions. Une censure terrible frappe les médias et les droits démocratiques ont été suspendus. Les forces de droite ne pourront être repoussées que par une lutte déterminée, guidée par une vision d'une nouvelle société plus humaine, le socialisme.

La seule solution pour sauver le Moyen-Orient du chaos est la constitution
d'un front prolétarien large au-delà des divisions ethniques et religieuses


Donald Trump


Nulle part cette lutte n'est plus nécessaire aujourd'hui qu'aux États-Unis, à la suite de la victoire du démagogue populiste de droite qu'est Donald Trump, qui a usé et abusé de mensonges et de tricheries pour se faire passer pour le défenseur de la « classe ouvrière » afin d'arriver au pouvoir. Rien n'est en effet plus éloigné de la réalité.

Trump ne dispose pas d'une véritable « légitimité » pour mettre en place son programme de droite. Même s'il a obtenu la majorité des grands électeurs, les résultats du scrutin révèlent qu'il lui manque 2,6 millions de voix pour obtenir la majorité du « vote populaire ». Dans les faits, Trump a reçu moins de voix que les candidats républicains Romney et McCain qui avaient perdu les élections face à Obama (et beaucoup moins de voix que Georges W Bush lors de ses deux victoires).

En l'espace de quelques semaines, et alors qu'il n'a même pas encore été investi, il a déjà remis en cause la plupart de ses promesses. Son projet de gouvernement est rempli de milliardaires qui ne représentent certainement pas « l'homme de la rue », mais bien l'aristocratie financière qu'il avait pourtant tant dénoncé tout au long de sa campagne.

Trump recrute à tour de bras des cadres de la banque Goldman Sachs, qui avait été qualifiée par le magazine Rolling Stones après le crach de 2007-8 comme un « grand poulpe vampire dont les tentacules enserrent le visage de l'humanité ». Ses tentacules sont à présent prêts à étouffer encore un peu plus les prolétaires, pour le plus grand bonheur des grands patrons proches de M. Trump.

Les syndicats seront confrontés à une tâche difficile, vu que Trump a déjà annoncé vouloir mettre en place toute une série de mesures telles que celles instaurées par Ronald Reagan pour affaiblir leur capacité à jouer leur rôle. Trump va chercher à récompenser ses alliés financiers qui l'ont soutenu en procédant à de nombreuses privatisations et licenciements, particulièrement dans le secteur public.

Il espère adoucir cette politique clairement pro-riches en puisant dans les idées de l'économiste bourgeois Keynes, ce qui devrait le faire accroitre les dépenses de son gouvernement de 1000 milliards de dollars pour réparer les infrastructures en ruine dans tout le pays.

Cependant, même si la création de nouveaux emplois sera un facteur bienvenu pour restaurer la confiance de lutte de la classe ouvrière et donner du travail à ceux qui n'en ont pas, ces emplois ne remplaceront en aucune manière ceux qui ont été perdus à la faveur de la désindustrialisation des États-Unis au cours des dernières décennies.

On estime à 70 000 le nombre d'usines qui ont fermé aux États-Unis au cours de ce processus. Dans le cadre du capitalisme, ces emplois ne seront jamais récupérés. Si, depuis 2010, près de 15 millions de nouveaux emplois ont été générés aux États-Unis, il s'agit d'emplois mal payés et précaires, où les travailleurs travaillent « au contrat » au lieu d'être embauchés.

De plus, les États-Unis sont déjà aux prises d'une dette colossale qui touche tant le gouvernement que les entreprises ou les particuliers ; cette dette est la principale raison pour laquelle les États-Unis et le capitalisme mondial parviennent à progresser tant bien que mal, même si c'est en titubant beaucoup.

Mais le parlement républicain est-il prêt à ratifier de fortes hausses des dépenses publiques, sans véritable croissance économique, tout en ajoutant encore plus à la montagne de dettes ? Selon le député Ken Brady, un des meilleurs experts en taxation que compte le pays, « La plus grande menace à notre prospérité sur le long terme est notre dette nationale grandissante ».

Sur base du capitalisme, et particulièrement de la version la plus parasitique de ce système, représentée par M. Trump, tout retour à ce fameux « âge d'or » (pendant lequel on pouvait affirmer qu'« il fait meilleur vivre aujourd'hui qu'hier, et il fera encore plus bon vivre demain »), est impossible. Cela est illustré par le fait que 60 % de la population états-unienne considère aujourd'hui que son niveau de vie a diminué par rapport à ce qu'il était avant.

Trump, l'ami des grands patrons, et son slogan de campagne :
« Make America great again » (refaire une grande puissance des États-Unis)

Bernie Sanders


C'est ce qui explique la situation explosive aux États-Unis, illustrée notamment par l'émergence du mouvement pour Bernie Sanders. Sanders, avec son appel à une « révolution politique », a pu compter sur le soutien massif des travailleurs et des jeunes mécontents, ce qui a terrifié la direction procapitaliste du Parti démocrate.

C'est ainsi que la direction de son parti, entièrement dévouée à Clinton, a tout fait pour empêcher sa victoire aux primaires. C'est alors que Bernie a commis une immense erreur en refusant de suivre la voie toute pavée qui s'offrait à lui pour créer son propre parti. Il avait en effet obtenu l'attention des mêmes couches appauvries et mécontentes des travailleurs et des jeunes envers qui Trump adressait lui aussi son message.

Si Bernie s'était présenté aux élections présidentielles en tant qu'indépendant, quand bien même il aurait pu ne pas obtenir la victoire, il aurait pu prendre assez de voix à Trump que pour permettre à Hillary d'accéder au pouvoir. Cela aurait constitué le scénario idéal en termes de perspectives pour le réveil politique de la classe ouvrière et de la jeunesse états-uniennes.

Un gouvernement Clinton aurait en effet assuré le discrédit total du Parti démocrate et aurait créé les conditions pour l'émergence d'un nouveau parti prolétarien de masse. Étant donné la catastrophe économique qui guette le capitalisme états-unien et la quête désespérée d'une alternative de la part des masses, un nouveau mouvement de masse pour le socialisme aurait pu rapidement prendre vie.

L'élection de Trump représente quant à elle le fouet de la contrerévolution. Son élection ne freinera cependant pas le processus de création d'une nouvelle gauche : sur le moyen terme, elle encouragera au contraire la résistance de masse. La situation actuelle présente de nombreuses caractéristiques de la période explosive des années '1960 et '1970. Le socialisme est une idée qui s'est déjà emparée de l'imagination de la nouvelle génération de travailleurs et de jeunes.

Bernie Sanders est occupé à organiser un vaste mouvement destiné
à « récupérer » le Parti démocrate. Une dangereuse utopie selon nous.

Le socialisme aux États-Unis


Même si on ne peut pas dire qu'il représente fidèlement la pensée politique de Trotsky, le livre Trotsky à New York, 1917, qui fait partie de l'avalanche de nouveaux ouvrages en préparation pour le centième anniversaire de la révolution russe, apporte un aperçu d'une grande valeur quant à l'attrait qu'a exercé sur les masses états-uniennes le socialisme et ses principales figures de l'époque.

On lit ainsi dans ce livre qu'« au moins six des plus grands journaux new-yorkais, lus par plus d'un million et demi de lecteurs, ont annoncé l'arrivée de Trotsky dans la cité. Trois de ces journaux ont même placé cette nouvelle en première page ». Il existait alors un mouvement socialiste dynamique, dont la figure de proue, Eugene Debs, s'était présenté en tant que candidat du Parti socialiste à chaque élection présidentielle depuis 1900. En 1912, il avait réalisé un score d'un million de voix, soit 4 % des suffrages. 

Ces traditions vont renaitre, en même temps que les batailles de classe monumentales des années '1930. La richesse et la puissance du capitalisme états-unien, à nuls autres pareils dans la période qui a suivi 1945, lui avaient jusqu'ici permis d'adoucir les  relations de classe. Mais le déclin économique relatif auquel nous assistons est en train d'aiguiser ces divisions, qui vont encore plus se creuser du fait de la politique de Trump.

Et ces luttes vont se développer avec toute la vigueur et l'éclat qui caractérisent la vie économique et sociale aux États-Unis. Le succès de nos camarades aux États-Unis, la croissance spectaculaire de notre groupe Alternative socialiste, l'élection du premier candidat socialiste (en la personne de Kshama Sawant) au conseil de la ville de Seattle depuis plus de 100 ans, montrent bien l'ampleur des transformations en cours dans le pays qui est aujourd'hui le foyer du capitalisme mondial.

D'autres transformations ont lieu en ce moment en Espagne, où le syndicat des élèves a obtenu une grande victoire sur le plan national contre le gouvernement du Parti populaire (droite), la première victoire contre ce parti depuis cinq ans, en mobilisant deux millions d'élèves en une grève nationale qui a contraint le gouvernement à cesser ses attaques contre le système d'enseignement.

La force politique derrière cette victoire est l'organisation marxiste dénommée Gauche révolutionnaire (Izquierda Revolucionaria), qui est en cours de discussion avec le Comité pour une Internationale ouvrière en vue de le rejoindre. Cette adhésion renforcera énormément les forces du marxisme authentique sur l'arène internationale, ce qui va très certainement intensifier notre pouvoir d'attraction, encourageant certainement d'autres forces marxistes à se joindre à nous pour combattre ensemble le capitalisme et ses agents dans le mouvement ouvrier.



Les craintes des capitalistes


Car il est plus nécessaire que jamais de mener ce combat à son terme. Même des représentants du système capitaliste comme le gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney, cherchent à prévenir la classe qu'ils représentent de la menace grandissante pour eux dans ce monde en crise. Selon Carney, le Royaume-Uni pourrait bien connaitre sa pire crise depuis plus de 100 ans, aujourd'hui que le pays connait sa « première décennie perdue depuis les années '1860 ».

Il est revenu encore et encore sur le sentiment d'insécurité et de frustration qui vit parmi la population, surtout face à la mondialisation et aux nouvelles technologies, qui favorisent « les superstars et quelques chanceux, en laissant de côté les frustrés et les timides ». Il a dénoncé l'inégalité ainsi que les banques qui, selon lui, jouent à un jeu dont les règles sont « je gagne ou je gagne ».

Son intention est d'avertir les patrons dont il est le défenseur du caractère explosif de la situation économique et sociale au Royaume-Uni, qui menace de renverser leur système. Et les exemples qu'il utilise sont autant de preuves du dysfonctionnement du capitalisme, qui présagent en même temps des évènements sismiques à venir.

Plus d'un cinquième de la population britannique (près de 14 millions de gens) vit sous le seuil de pauvreté officiel selon la Fondation Joseph Rowntree. Cela inclut 5 millions d'adultes et 2,5 millions d'enfants, qui vivent dans la pauvreté alors pourtant que leur famille compte des personnes qui travaillent. Le nombre de travailleurs pauvres (payés sous le seuil de pauvreté) s'est accru d'un million de gens au cours des dix dernières années. Ce sont ainsi de larges couches de la population britannique qui sombrent dans une misère inexorable.

On lit aujourd'hui dans la presse de nombreuses histoires de personnes de classe moyenne qui tombent très vite dans une situation désespérée. Des personnes qui ont un travail, qui le perdent, perdant ainsi leur seul revenu, devenant incapables de payer le loyer et se retrouvant ainsi à la rue. La roue du progrès tourne à présent à l'envers, à tel point qu'on en revient à une situation barbare où des gens sans domicile se voient contraints d'aller vivre dans des grottes, comme à la Préhistoire !

La pauvreté touche de plus en plus de familles au Royaume-Uni et en Europe

Des dangers de la « conciliation » à tout prix : Jeremy Corbyn et le Parti travailliste

Ce sont ces conditions, nées de l'échec complet de la politique « social-démocrate » traditionnelle, empêtrée dans le cadre du système capitaliste obsolète, qui ont allumé la flamme de la révolte populiste, symbolisée au Royaume-Uni par le mouvement de masse autour de Jeremy Corbyn, qui a permis à ce dernier de prendre la tête du Parti travailliste. Néanmoins, 18 mois après son élection, et même après avoir défait deux « coups d'État » perpétrés par la droite du parti, la campagne de Jeremy fait du surplace, lui-même semblant avoir jeté l'éponge. Pourquoi ?

C'est à cause de la politique de « coexistence pacifique » suivie par Jeremy et ses amis politiques au sein de son parti et du mouvement syndical depuis le jour où il a été élu. Cette approche, qui lui a été conseillée par ses plus proches collaborateurs au sein de la plateforme Momentum, est potentiellement fatale tant pour les perspectives de sa direction que pour celle du mouvement anti-austérité rassemblé autour de lui.

Il existe en ce moment un élément de double pouvoir à la tête du Parti travailliste. La droite contrôle les députés du parti, qui forment l'aile appelée du nom de « Parti travailliste parlementaire », farouchement opposée à Corbyn et à ses alliés qu'elle méprise ouvertement.

Ces députés « travaillistes » sont clairement dans le camp du patronat. C'est ainsi que Chris Evans, député d'Islwyn, une des circonscriptions les plus pauvres du pays de Galles, dit se considérer comme la voix des fonds d'investissement parasitaires plutôt que celle de la classe prolétaire, au point de proposer la mise en place d'un comité de liaison parlementaire avec ces créatures de la bourse de Londres.

Ce député de droite est prêt à s'associer avec des vampires de la finance qui ne créent aucune richesse et qui considèrent les usines et les entreprises comme autant d'« actifs » devant être échangés sur les places boursières. Ces gens sont l'ennemi juré de la population laborieuse ; pourtant, le député travailliste censé représenté les travailleurs du pays de Galles cherche la participation au parlement de ces escrocs corrompus qu'évitent même les plus « respectables » des capitalistes.

Cela démontre bien à quel point les politiciens de l'aile « parlementaire » du Parti travailliste sont corrompus. Plus vite ils seront chassés de leurs postes, mieux cela vaudra. L'aile droite a cherché à gagner du temps, tandis que l'aile gauche n'a fait qu'hésiter, tout en refusant de mener une véritable lutte, laissant ainsi à la droite la possibilité de s'organiser pour riposter.

Les dirigeants de la plateforme Momentum sont clairement responsables de cette situation. Ils ont refusé de soutenir ouvertement la principale mesure qui aurait permis de mobiliser les centaines de milliers de travailleurs et de jeunes de gauche qui ont rejoint le Parti travailliste, portés par un immense enthousiasme, afin de parachever la « révolution Corbyn » : la réélection obligatoire des députés travaillistes de droite.

Le Parti socialiste (section du CIO en Angleterre et pays de Galles) a proposé de s'associer à ce processus en rejoignant le Parti travailliste dans le cadre d'une reconfiguration politique et organisationnelle visant à créer une structure de parti fédérale. Le dirigeant de Momentum Jon Lansman a refusé notre offre avec le plus grand mépris, tout en demandant qu'on montre un certain respect pour l'aile droite du parti. Cette tactique a fini par se retourner contre lui : Momentum est aujourd'hui divisée, incapable de pouvoir définir une stratégie et une forme d'organisation communes.

Pendant ce temps, la direction du parti a poursuivi sa politique de refus d'adhésion aux rangs du Parti travailliste, de manière arbitraire et bureaucratique, sans que quiconque ne s'en émeuve ouvertement.

Notre demande de réadmission des 75 de nos camarades qui avaient été exclus du Parti travailliste à l'époque s'est heurtée à un refus frontal. Pendant ce temps, la droite a utilisé sa position au comité exécutif national pour renforcer son emprise sur le parti.

L'aile droite a clairement l'intention de marginaliser et d'expulser tous les militants de gauche qui représentent une menace pour leur domination. C'est la gauche sous la direction des chefs de Momentum (ineptes tant sur les plans politique qu'organisationnel), qui lui donne l'occasion d'opérer son grand retour.

Tout ceci aurait pu être évité si une véritable direction avait été donnée dès le début aux centaines de milliers de gens qui se sont ralliés au programme anti-austérité de Corbyn et qui ont clairement affiché leur désir de se débarrasser des partisans de Tony Blair qui constituent l'aile droite du Parti travailliste. La direction de Momentum, quant à elle, a préféré éviter toute « confrontation » politique avec la droite.

Le Parti travailliste est toujours composé de deux factions incompatibles. L'aile droite a, depuis le début, montré qu'elle ne pourrait jamais accepter Corbyn à la tête du parti, et a saisi chaque opportunité de le renverser. C'est toujours son objectif.

La guerre civile qui vit dans le Parti travailliste depuis l'arrivée de Corbyn à sa tête reste irrésolue. Incapable de le renverser par un coup de force soudain, mais paniquée à l'idée de laisser son parti entre les mains de la gauche, la droite a décidé d'adopter des méthodes plus sournoises. Sa tactique consiste à affaiblir la gauche en sautant sur la moindre opportunité de discréditer Corbyn et John McDonnell, tout en marginalisant ou en expulsant leurs partisans.

Jeremy Corbyn entouré de ses partisans lors d'un meeting anti-austérité.
« Couper les budgets militaires, pas les budgets sociaux »

L'impasse du capitalisme


Cependant, tout est à gagner en 2017. Le capitalisme se trouve dans une impasse. Ce système est incapable de faire progresser la société plus en avant. Tous les partis politiques qui acceptent les règles de ce système sont, à terme, condamnés à être broyés par la roue de l'Histoire.

Le mouvement autour de Jeremy Corbyn représente une tentative déterminée de briser le carcan obsolète des forces procapitalistes pour emprunter la voie du socialisme radical.

Le CIO fera tout ce qui est son pouvoir pour aider les travailleurs et la jeunesse du monde entier à atteindre l'objectif d'un parti prolétarien de masse, luttant pour une nouvelle société socialiste, partout dans le monde.


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