Le
retrait de la police universitaire et la réaffectation du ministre
Bacongo représentent une importante victoire de la lutte étudiante
sur le campus de l'université de Cocody et en Côte d'Ivoire de
manière générale.
À
présent, les étudiants seront beaucoup plus libres de s'organiser
comme ils l'entendent, et de mener leurs propres activités sur le
campus. Les étudiants ont également démontré leur maturité et la
qualité de leur organisation, tranchant avec les années de
dégénerescence de la Fesci ; ils se sont attiré le soutien
actif du personnel enseignant – pas seulement sur le campus –
et d'une partie de la population. Les organisations étudiants qui
ont joué le rôle le plus important dans la lutte ont été
considérablement renforcées – dont la Liges (Ligue
estudiantine et scolaires), syndicat de gauche qui collabore avec la
Cici (Coalition des indignés de Côte d'Ivoire).
Tout
a commencé par une déclaration du ministre lors d'une réunion
officielle, dans laquelle celui-ci disait ne pas vouloir tenir compte
des mouvements estudiantins. C'est alors que la Cici, sous
l'impulsion des sympathisants du CIO en Côte d'Ivoire, a
rencontré les divers syndicats étudiants en front commun (Liges,
Fesci, Coercip) pour organiser une riposte, qui a fini par triompher
grâce à l'unité dans la lutte et surtout le soutien du corps
enseignant (via son syndicat, la CNEC). Le processus de la lutte a
également permis de dégager quelques responsables syndicaux
corrompus. L'ensemble des étudiants arrêtés ont été relâchés.
L'heure
est aux réjouissances donc ; cependant, nous devons nous rendre
compte que cette victoire n'est qu'un premier pas en avant qui nous
permet d'aller plus loin, et non pas une conquête décisive. Ce n'est qu'un début – continuons le combat !
M. Bacongo, l'ennemi des étudiants, sévira dorénavant à la Fonction publique |
Les véritables raisons du conflit
Rappelons-nous
d'ailleurs que le conflit avec la police universitaire n'était pas
apparu sans raison, mais avait été déclenché par la lutte
étudiante pour les premières revendications, toujours
insatisfaites, portant sur l'arnaque des résidences universitaires,
l'absence de moyens, les conséquences de la fausse réhabilitation
du campus, la hausse des frais d'inscription, etc.
Tous
ces torts ne découlaient pas du seul ministre Bacongo. S'il est vrai
qu'il s'agit d'un individu particulièrement grossier et malhonnête
que nous sommes bien content de voir quitter ce poste (même si pas
de souci pour lui vu qu'il sévira maintenant à la fonction publique
– d'avance « Yakô » à ces camarades !), la
politique menée par Bacongo est la même politique néolibérale qui
est menée par l'ensemble du gouvernement RHDP – une politique
d'austérité, destinée à restreindre l'accès des pauvres aux
services publics en favorisant les élites bourgeoises, une politique
de privatisations et de coupes budgétaires (au nom de
“l'assainissement” des finances d'État), au mépris total de la
population, et par-dessus le marché mise en place par une clique de
véritables voleurs.
Cette
politique est en outre déterminée non pas tant par le programme du
RDR, que par la nature même de la bourgeoisie ivoirienne et du
capitalisme dans sa phase de crise économique mondiale, conséquence
de la putréfaction impérialiste. C'est-à-dire qu'il ne faut pas
avoir la moindre illusion dans un changement de ministre. Le nouveau
ministre aura peut-être l'air plus gentil, plus à l'écoute, moins
mouillé dans divers scandales, mais cela ne changera en rien la
politique que celui-ci sera forcée de mener. Les ministres RHDP ne
sont que les exécutants de la politique dictée par le FMI et
l'impérialisme en général.
Cependant,
l'arrivée d'un nouveau ministre dans un contexte où le régime
cherche une “décrispation” signifie que les étudiants
bénéficient à présent d'un court répit qu'il faut absolument
utiliser pour s'organiser autour des revendications qui leur tiennent
à cœur :
- enquête publique menée par des représentants élus des étudiants et du personnel enseignant pour savoir où est passé l'argent de la réhabilitation
- une véritable réhabilitation du campus sous le contrôle démocratique des étudiants et du personnel enseignant, en fonction d'un cahier des charges et de priorités établies par eux : construction de nouveaux auditoires, toilettes, cantine étudiante, bus électriques, quai Sotra, wi-fi, salles de TP, bibliothèque, etc., etc.
- halte à la hausse des frais d'inscription : enseignement gratuit pour tous !
- des résidences pour les étudiants !
- rehausse du salaire des enseignants, recrutement massif de nouveaux enseignants sur tous les campus
- investissement massif étatique dans la Sotra avec mise en route de nouveaux bus et embauche de nombreux chauffeurs, mécaniciens, etc.
- politique nationale de contrôle des prix pour arrêter la cherté de la vie
Il
faut aussi tout faire à présent pour étendre le mouvement aux
lycées et créer des ponts entre les syndicats présents sur le
campus de Cocody et ceux des autres universités dans le pays.
En
outre, ces mesures ne pourront être mises en place sans des
ressources financières conséquentes – par chance, notre pays
est extrêmement riche, il suffit de reprendre le contrôle de nos
ressources :
- nationalisation des secteurs-clés de l'économie : filières agro-alimentaires, mines, énergie, transports portuaires et ferroviaires, sous contrôle et gestion démocratique des représentants élus des travailleurs.
- mise en place d'un plan énergique de développement de l'industrie et des services publics dans le pays afin de sortir du sous-développement et fournir un emploi à tous – pour une véritable émergence basée sur une politique socialiste véritable, et pas le blabla des politiciens, tant LMP que RHDP.
Évidemment,
tout cela ne pourra être obtenu sans organiser une lutte à échelle
de masse – car les étudiants, seuls, ne représentent aucun
pouvoir économique dans la société, n'ont aucun poids dans le
cadre de la lutte sociale. C'est pourquoi les étudiants doivent dès
aujourd'hui réfléchir à la manière dont ils peuvent lier leur
lutte à celle des travailleurs et de la population pauvre de
Côte d'Ivoire et d'Afrique de l'Ouest (par exemple, contre la
cherté de la vie, pour un enseignement gratuit et de qualité pour
tous, etc.), pour aller vers une prise de conscience et la
construction d'un véritable pouvoir populaire à l'échelle
nationale, voire sous-régionale.
Nous
pensons que la Cici, elle l'a prouvé à maintes reprises, représente
un instrument dans le cadre de cette lutte, et nous vous invitons
également à discuter de ces perspectives avec nos membres du
CIO-CI.
Le combat pour un enseignement gratuit et de qualité pour tous ne fait que commencer |
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