Conséquence du développement du mouvement Occupy, l'opposition face au
système économique et politique est devenue monnaie courante. Difficile
d'imaginer que la femme au bandana sur la couverture du Time - représentation
du “Manifestant”, personnalité de l'année selon le Time - puisse avoir quoi que
ce soit de positif à dire au sujet du capitalisme, et l'omniprésence du masque
de Guy Fawkes - popularisé par “V for Vendetta” - souligne encore plus à quel
point les idées révolutionnaires sont à présent répandues.
Cependant, ce soutien croissant apporté à un changement de système n'a pas
encore conduit à des discussions sérieuses quant à une quelconque alternative.
Un nouveau sondage du Pew publié le 28 décembre 2011 indique que les personnes
noires ou de moins de 30 ans sont majoritairement en faveur du socialisme, mais
n'explique en rien ce qu'est le socialisme, ou comment un système politique et
économique socialiste fonctionnerait. Nous vous offrons cet article comme base
de discussion.
Article par Brandon Madsen, membre de Socialist Alternative, section états-unienne du CIO
Comment fonctionnerait une
économie socialiste ?
Sous le capitalisme, les institutions où d'immenses richesses sont
centralisées (les grandes entreprises) dirigent l'économie, et exploitent les
plus pauvres pour accroître leurs propres richesses. Le but d'une économie
socialiste est de renverser la vapeur : ce serait la classe ouvrière qui
serait aux commandes de l'économie, et utiliserait les richesses et la
productivité de la société pour améliorer ses conditions de vie. Pour cela, il
faudrait rendre publiques les ressources des banques et des grandes
entreprises, et les gérer de manière démocratique.
Employer les chômeurs, redéfinir le budget et créer de l'emploi en tenant
compte des priorités sociales - soins de santé, éducation, énergie propre, etc.
- donnerait un énorme coup de fouet à la productivité et créerait des richesses.
Une planification démocratique de l'économie permettrait à tout le monde
d'avoir un travail bien rémunéré, un accès à des soins de santé de qualité, à
un enseignement gratuit à tous les niveaux, et, bien sur, aux besoins vitaux
tels que la nourriture et un logement. Mais cela ne se limiterait pas à ces
bases; nous pourrions soutenir et encourager les musiciens, artistes,
réalisateurs, designers, etc de façon à favoriser un développement culturel.
Ce système économique nécessiterait une planification réfléchie, mais c'est
déjà le cas d'une certaine manière sous le capitalisme. Des multinationales
plus grandes que des Etats planifient déjà leurs niveaux de production et de
distribution, décident des prix, et cela sans pour autant s'effondrer, rien ne
dit que les travailleurs seraient incapables de faire de même.
La différence sous le capitalisme, c'est que la planification n'est que
partielle, incomplète, et antidémocratique, le but étant de maximiser les
profits d'une élite. Sous le socialisme, nous pourrions décider des
investissements en ayant une vue d'ensemble de l'économie mondiale, afin de
subvenir aux besoins humains, de conserver un environnement sain, et de
garantir à chacun le droit à une existence libre.
Un système économique socialiste devrait être intégré de par le monde.
C'est déjà le cas sous le capitalisme, nous vivons en effet dans un monde
d'interdépendance. La globalisation vue par le capitalisme consiste à exploiter
les économies les plus faibles, et à plonger dans une misère sans cesse
croissante les travailleurs de par le monde. Sous le socialisme, l'intégration
d'une économie globale aurait pour but d'améliorer la vie des gens.
Une économie socialiste gérerait l'environnement de manière très
différente. Tant que maintenant, les compagnies n'ont que faire des taxes
environnementales, car elles peuvent les faire payer au public. Les coûts liés
à la pollution de l'air et de l'eau sont réels, mais ils ne représentent pas
une menace pour une entreprise comme Monsanto. Voilà pourquoi aucune
corporation ne bougera le petit doigt pour l'environnement sur base des
principes du marché libre.
Une économie démocratiquement planifiée empêcherait les corporation de
faire des profits en externalisant les coûts liés à la pollution. Au lieu de
cela, l'efficacité, la préservation de l'environnement, et la satisfaction des
besoins de base de chacun seraient les critères de décision économique. Au lieu
de promouvoir des mesures inadéquates telles que les ampoules économiques et la
sensibilisation au recyclage, une économie socialiste investirait dans un total
renouveau de la production, mettant à profit les dernières technologies vertes
pour assurer la protection de l'environnement et la création de millions
d'emplois.
Travailleurs de tous les pays, unissez-vous ! |
Comment fonctionnerait une démocratie
socialiste ?
La « démocratie » actuelle se limite à nous faire voter une fois
de temps en temps afin de décider quel riche politicien prendra les décisions
pour nous. Cela n'a bien sur rien de démocratique, encore moins quand la
corruption issue des corporations s'en mêle.
Au contraire, une démocratie socialiste serait une démocratie omniprésente,
de semaine en semaine, présente sur tous les lieux de travail, dans toutes les
écoles et communautés. Les travailleurs effectuerait une rotation des tâches,
et les managers élus seraient révocables à tout moment si le besoin s'en
faisait sentir. Chaque décision pourrait être réévaluée par un vote de la
majorité.
Le programme et les politiques scolaires, plutôt que d'être imposées par
des administrateurs incompétents et des bureaucrates, seraient discutées
conjointement par les parents, les professeurs et les étudiants. Des conseils
de quartier décideraient de qui peut ou ne peut avoir une forme d'autorité, et
dicteraient à leurs élus comment prioriser leurs efforts..
Tout investissement et décision économique se ferait démocratiquement. Les
lieux de travail et les quartiers éliraient des représentants à de massifs
conseils locaux et régionaux, qui eux-mêmes éliraient des décideurs nationaux.
Les représentants élus ne devraient avoir aucun privilège que ce soit comparé à
leur électorat, et ils seraient révocables à tout moment.
Afin de faciliter ce processus décisionnel démocratique, les horaires de
travail et d'études devraient prévoir du temps pour des conseils et des
discussions quand aux décisions. Grâce aux richesses nouvellement créées, la
semaine de travail serait réduite afin de prodiguer aux gens le temps et
l'énergie pour s'impliquer politiquement, et se réaliser hors du travail ou du
cadre scolaire.
Assemblée démocratique dans la rue lors du mouvement Occupy |
Une élite bureaucratique ne
prendrait-elle pas le dessus ?
Cela va sans dire, aux prémices d'une société socialiste, une lutte contre
les carriéristes et la corruption sera nécessaire. Le bagage idéologique
pernicieux issu de siècles de domination de classe ne s'évaporera pas d'un
claquement de doigts. Mais en faisait des ressources productives de la société
un bien public, en éliminant les privilèges, et en établissant les structures
d'une gestion et d'un contrôle démocratiques, les obstacles barrant la route
des aspirants bureaucrates seraient immenses.
L'évènement qui fait craindre une prise de pouvoir de la bureaucratie est
l'arrivée de Staline au pouvoir en Union Soviétique quelques années après la
révolution russe de 1917. Cette dégénérescence tragique de la Révolution Russe
a été débattue par des marxistes dans de nombreux ouvrages. La conclusion que
l'on peut tirer de ces évènements après une analyse historique sérieuse, c'est
que cette dégénérescence n'était ni naturelle, ni inévitable, mais juste un
concours de circonstances particulières.
Au moment de la révolution, la Russie était l'un de pays les plus pauvres,
et la situation ne n'est guère améliorée lorsque les capitalistes détrônés,
soutenus par 21 armées étrangères, on fait usage de violence pour récupérer le
pouvoir des mains des assemblées démocratiques, ce qui a conduit a une guerre
civile sanglante. Bien que la révolution prenait place ailleurs également,
notamment en Allemagne, tous les mouvements furent réprimés, laissant la Russie
isolée.
Ce n'était pas le terrain idéal sur lequel fonder le socialisme. La base
même du socialisme, c'est d'avoir suffisamment de moyens pour subsister, mais
la Russie manquait de moyens. Dans ce contexte, les structures démocratiques
des Soviets (les assemblées de travailleurs) ont cessé de fonctionner. Qui se
soucie d'aller aux réunions politiques sans savoir s'il pourra se nourrir le
soir ?
C'est cette sape du pouvoir des travailleurs, aggravée par l'isolement et
le déclin économique du pays, qui a permis la bureaucratisation de la société
et la montée de Staline en tant que leader. Mais ce n'eût rien de naturel.
Staline a eu recours à l'emprisonnement, au meurtre et à l'exil, et a forcé des
millions de gens dont le seul crime était leur attachement aux principes
démocratiques de la révolution de 1917 à se soumettre.
Cette expérience illustre l'importance de faire de la lutte pour le
socialisme une lutte globale. A cause d'impérialistes pillant des ressources à
travers le monde, certains pays pourraient manquer d'une base économique stable
pour se mettre au socialisme, et auraient besoin de négocier avec des pays plus
riches. Si la Russie avait pu recevoir la soutien ne serait-ce que d'un seul
pays, comme l'Allemagne, l'histoire serait aujourd'hui bien différente.
Assemblée d'ouvriers dans une usine lors de la révolution russe en 1917 |
Ne serait-ce pas plus facile
de réformer le capitalisme ?
Contrairement aux récits populaires, l'histoire du capitalisme n'est pas
celle d'un progrès constant vers des sommets de démocratie et de richesse.
Chaque réforme a nécessité une lutte de masse, remettant souvent en doute les
fondements mêmes du système.
Les réformes ne sont pas des cadeaux de politiciens au grand coeur, mais
des concessions accordées dans l'unique but d'apaiser le mouvement et de faire
oublier les vraies revendications. Que cela concerne les droits civils, le
week-end de congé, ou le droit d'organiser uns syndicat, chacune de ces
réformes a nécessité un combat constant contre la logique capitaliste, combats
dans lesquels nombre d'innocents furent éliminés par les élites désireuses de
mettre un terme à la lutte.
Sous le capitalisme, même ces réformes partielles ne sont pas permanentes.
Comme nous avons pu le voir ces dernières décennies, les capitalistes
n'hésitent pas à annuler leurs réformes quand ils pensent pouvoir se le
permettre.
Les programmes sociaux pour lesquels les gens se sont battus bec et ongles
par le passé se disloquent ou disparaissent sous des coupes budgétaires. Aux États-Unis, après
avoir presque annihilé les syndicats dans le privé – où moins de 7% des
travailleurs sont syndiqués – les politiciens se tournent maintenant vers le
secteur public, dont un tiers des travailleurs n'est toujours pas syndiqué.
Une base stable pour des réformes effective demanderait que les
travailleurs s'emparent du pouvoir pour le gérer eux-même – c'est à dire,
rejeter le capitalisme en faveur du socialisme. C'est bien simple, lutter pour
des réformes, et lutter pour le socialisme, sont deux choses identiques.
Pyramide du capitalisme : les travailleurs portent sur eux les bourgeois, les soldats, les prêtres et les rois qui les blaguent, les volent et les tuent |
En théorie, ça sonne bien,
mais en pratique ?
La
seule constante en histoire est le changement ininterrompu. Des anciens
États esclavagistes aux seigneuries féodales jusqu'au système
capitaliste
global d'aujourd'hui, les gens n'ont cessé de rejeter les anciens
systèmes dés
qu'ils devenaient un frein au développement. Là où réside l'utopie,
c'est dans
la pensée que la guerre, la pauvreté et la destruction de
l'environnement
peuvent être réglés par le capitalisme.
Bien que le socialisme soit réaliste, il n'est pas inévitable. Encore et
toujours, le capitalisme a conduit les opprimés et les travailleurs à se
révolter. Nombreuses ont été les révolutions cette année, notamment en Égypte
et en Tunisie. Mas bien que beaucoup aient réussi à détrôner le gouvernement,
peu sont parvenues à un changement de régime. Le capitalisme renaîtra sans
cesse, au détriment des pauvres, des jeunes et des travailleurs, si nous ne le
remplaçons pas par un système meilleur.
C'est là que les socialistes entrent en scène: Nous prenons l'étude de
l'histoire au sérieux, apprenant à la fois des défaites et des succès qu'ont
connus les révolutions. Nous répandons cette connaissance au maximum afin
d'établir le socialisme avec succès . Cela ne revient pas qu'à se plonger dans
des bouquins. Cela nécessite de s'engager et construire les mouvements actuels,
de mettre en avant des idées socialistes tout en apprenant des autres en lutte,
construire notre avenir ensemble.
Manifestations en Iran en 2009 |
Si vous êtes d'accord avec ces
idées, pensez à nous rejoindre !
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