mardi 24 mars 2015

Russie : Qui est Poutine ?

L'homme fort de la « Nouvelle Russie » capitaliste



On entend trop souvent parmi les militants de gauche patriotique des commentaires élogieux sur la personne de Poutine, « Un dirigeant fort », « Qui défend son pays », « Qui ne cède pas devant les impérialistes », « Un vrai communiste ». Or, c'est ne rien comprendre à la nature du régime russe, aux relations internationales véritables, à la personne même de Vladimir Vladimirovitch Poutine et aux souffrances quotidiennes de la population russe, doublées d'une véritable crise existentielle.




Article par Jules Konan, suivi du résumé d'un compte-rendu de la situation sur le terrain par Rob Jones, Komitiét za rabotchiy internatsional (section russe du CIO).



La « Nouvelle Russie » capitaliste dirigée par les oligarques

Pour comprendre la nature du régime poutinien, il faut d'abord comprendre l'histoire de la Russie, pays dont l'histoire a eu le plus d'impact sur l'histoire mondiale au cours des derniers cent ans.

C'est en 1917 qu'a eu lieu dans le vieil Empire russe délabré, dictatorial et néocolonial, une révolution menée par la fraction bolchévique (révolutionnaire) du Parti ouvrier social-démocrate de Russie dirigé par Lénine et Trotsky, et qui a fondé l'URSS, Union des républiques socialistes soviétiques. Alors qu'au départ le pays devait être dirigé par une large démocratie populaire soumise au seul pouvoir des soviets (« agoras »), la quintuple intervention impérialiste, la dizaine de rébellions et la répression mortelle de la révolution en Europe occidentale ont mené à l'isolement de la Russie et à la mise en place d'une dictature militaire sous l'autorité de Staline. 

Le pouvoir des soviets (« agoras ») a donc été remplacé par une machine bureaucratique qui dirigeait l'économie nationalisée et le pays au nom du peuple mais sans aucune participation de celui-ci. C'est la nouvelle économie planifiée et nationalisée, malgré le gaspillage et l'inefficacité inhérents à toute gestion bureaucratique, qui a permis à la Russie de passer rapidement du statut de pays arriéré à celui de deuxième puissance mondiale. C'est l'URSS qui a envoyé le premier satellite, le premier homme et la première femme dans l'espace. C'est l'URSS qui a vaincu l'Allemagne nazie au prix d'innombrables sacrifices. C'est l'URSS qui a été le seul pays au monde à ne pas connaitre la récession des années '30 et à totalement abolir le chômage, l'analphabétisme et le manque de logements en l'espace de quelques années.

Tous ces progrès et ce développement n'ont été possibles que sur base de l'économie nationalisée et planifiée, malgré l'emprise de la bureaucratie privilégiée et le manque de participation du peuple aux décisions. Mais la bureaucratie ne voyait pas d'un bon œil cette situation. En effet, son train de vie et ses aspirations bourgeoises la faisait lorgner vers la richesse et le luxe affichés par les capitalistes occidentaux. Alors qu'elle prônait au peuple les vertus d'une vie modeste et patriotique, la bureaucratie « soviétique » ne manquait pas une occasion pour se fournir en parfums français, en montres suisses et en chaussures italiennes. Elle avait ses propres quartiers, ses propres écoles et ses propres magasins qui lui étaient réservés et n'étaient pas ouverts au peuple. 

La bureaucratie devait sans cesse justifier ses privilèges devant le peuple afin d'éviter une nouvelle révolution qui aurait pu rétablir le pouvoir des soviets et la gestion populaire de l'économie. Elle devait donc entretenir une crainte constante du risque d'intervention étrangère et donner l'impression que sa dictature était justifiée par le contexte international. Mais cela ne pouvait durer trop longtemps. 

Lorsque la population a commencé à manifester pour réclamer la « démocratie », des éléments de la bureaucratie se sont emparés de cette aspiration légitime pour faire l'amalgame entre « retour à la démocratie » et « retour au capitalisme ». C'est ainsi que Boris Yeltsine a mené son coup d'État en 1991 pour dissoudre l'URSS et proclamer le retour immédiat du capitalisme en Russie par la « thérapie de choc ».


1991 : Boris Yeltsine déclare la fin de l'URSS et le retour au capitalisme

Les années '1990 ont été terribles pour la population russe, qui a immédiatement perdu 10 années d'espérance de vie suite à la désagrégation soudaine de l'économie, à la misère, au désespoir poussant à l'alcoolisme et à la violence, et aux combats de rue entre oligarques.

Car la bureaucratie stalinienne, devenue nouvelle classe capitaliste, s'est empressée de privatiser l'ensemble de l'économie du pays afin de pouvoir se l'approprier. Toutes les années '1990 ont été le théâtre de guerres mafieuses entre hommes de main des différents « Nouveaux Russes » afin de mettre la main sur les titres de propriété des différentes ex-entreprises d'État (qui avaient été distribuées à l'ensemble du personnel de ces diverses entreprises) et contraindre leurs porteurs soit à vendre pour une bouchée de pain, soit à céder après leur mort ou celui de leur famille. C'est ainsi que se sont rapidement constitués les grands groupes qui aujourd'hui dominent toute l'économie russe : GazProm, RosNeft, LUKOil, Sberbank, etc.

Ce qu'il faut retenir de ceci, c'est que la Russie est le seul pays au monde dont la bourgeoisie n'a jamais contribué au développement de l'économie de la moindre manière. Toute la base économique du pays a été édifiée par la classe prolétaire révolutionnaire de Russie sous la direction de son État, malgré l'emprise de la bureaucratie stalinienne. La nouvelle classe capitaliste russe n'a fait que piller l'économie nationale qui avait déjà été mise en place pour se l'approprier par des méthodes mafieuses. Il s'agit d'une classe qui a toujours été uniquement parasitaire, contrairement à, par exemple, la classe capitaliste américaine ou française qui joue un rôle parasitaire aujourd'hui mais qui peut tout de même se targuer d'avoir construit quelque chose dans le passé. Même si on a beaucoup de mal à dire d'eux aujourd'hui, les fondateurs du groupe Bouygues ont dû travailler pour arriver là où ils en sont actuellement. On ne peut en dire autant des propriétaires des grands groupes russes.

D'autre part, les pays qui ont connu un développement capitaliste « normal » ont vu la grande bourgeoisie émerger progressivement à partir d'une foule de petits et moyens entrepreneurs privés, par le jeu classique de la libre concurrence, de la liberté d'entreprise, des faillites et des rachats d'entreprise. Au moment où se formait la bourgeoisie occidentale, se formait en même temps la classe prolétaire à partir des innombrables petits artisans, petits paysans, petits commerçants progressivement ruinés par le capitalisme et qui, ayant fait faillite, n'avaient plus d'autre choix que d'aller travailler pour le compte d'un patron. 

Mais en Russie, la situation est totalement différente. Dès sa naissance, la nouvelle bourgeoisie russe a trouvé l'infrastructure économique déjà toute prête et intégrant l'ensemble du territoire national. La bourgeoisie en très petit nombre a tout de suite fait main basse sur une énorme machine de production. Face à elle, l'ensemble de la population était déjà prolétaire dès le départ, sans aucun petit entrepreneur indépendant, artisan ni paysan. C'est dire que cette classe n'a jamais eu la moindre légitimité par rapport à la population, et ne pouvait même pas compter sur le soutien d'une « classe moyenne » inexistante. 

C'est pourquoi la « Nouvelle Russie » capitaliste devait logiquement voir l'arrivée d'un régime fort, encore plus bureaucratisé que le régime stalinien ne l'avait jamais été, afin d'éviter toute nouvelle révolution de la part de la population, remise de ses illusions dans le retour du capitalisme qui aurait pourtant dû, selon la propagande bourgeoise. Apporter la même prospérité qu'à l'Europe occidentale. Au lieu de ça, c'est un capitalisme « à l'africaine » qui a été imposé à la population.


Pâtisserie en Russie dans les années '90

Alors qui est Poutine dans tout ça ?

Poutine est l'« homme fort » d'un régime bonapartiste, d'un État mis en place par une classe capitaliste oligarchique faible pour « unir la nation »  et éviter toute dissension parmi la population. C'est pourquoi Poutine use et abuse abondamment de rhétorique soi-disant « nationaliste » ou « patriotique », prônant les « valeurs russes » et les « spécificités russes » face à l'« Occident décadent », afin de mieux tromper la population et lui faire croire à un sentiment d'« union nationale » qui tranche avec le mépris ouvertement affiché par les oligarques envers leur propre population.

En tant que garant de la « stabilité », Poutine règne par un consensus au sein de cette petite élite et n'hésite pas à sacrifier des membres de cette élite lorsque cela s'avère nécessaire. Il s'agit d'un règne mafieux de terreur où le seul argument pour justifier la dictature personnelle de Poutine est que « Sans lui, ce serait pire pour tout le monde » : ce serait de nouveau la porte ouverte aux règlements de compte mafieux entre oligarques, etc. Poutine a donc été mis en place par cette oligarchie pour lui servir d'arbitre, d'« homme fort », pour pouvoir limiter ses propres débordements. Poutine a d'ailleurs toujours répété que pour lui « L'époque soviétique fait partie de notre héritage, mais qu'il s'est agi d'une erreur historique, d'une couteuse utopie ».

Vu les similitudes sur le plan social et économique, ce n'est pas pour rien non plus que le même type de régime a été mis en place dans toutes les républiques ex-soviétiques : au Kazakhstan avec Nazarbayev, au Bélarus avec Loukachenko, au Turkménistan avec Türkmenbaşy qui a même été jusqu'à rédiger sa propre version du Coran et se faire vénérer comme un envoyé de Dieu jusqu'à sa mort en 2006.

Alors que les pays néocoloniaux pouvaient auparavant bénéficier de l'appui de l'URSS dans leur lutte pour une indépendance véritable, économique comme politique, aujourd'hui, chaque intervention de la Russie dans le monde est conditionnée avant tout par les intérêts des seuls oligarques russes. Lorsqu'en 2009 le « bon petit » de Poutine, Medvedev, a visité le Nigeria afin d'y négocier des contrats pétroliers, il a été surpris d'apprendre qu'on attendait de lui une aide au développement en échange. La Russie est d'ailleurs la seule grande puissance à ne pas avoir sa propre agence de développement. En Guinée, les Russes sont juste contents de prendre l'aluminium, sans chercher le moins du monde à contribuer à l'économie locale. La Russie est aujourd'hui une puissance impérialiste comme les autres, qui contribue tout autant à l'instabilité mondiale que les États-Unis, la France ou la Chine.

Pendant ce temps, la population en Russie ne bénéficie d'absolument aucune considération, aucun respect de la part du gouvernement ni de l'administration. Pour tout Russe, il est normal de se faire copieusement insulter et humilier à chaque fois qu'il a besoin d'un document à l'administration, voire simplement d'envoyer un courrier ou de déposer de l'argent à la banque. Même les Russes vivant à l'étranger ne peuvent compter sur la moindre attention ou solidarité de la part du personnel de leurs ambassades ou de leurs patrons, contrairement à la situation qui prévaut généralement entre Français, entre Belges, etc.

Il est vrai que la Russie a pu, à partir des années '2000 (sous Poutine), revenir au même stade de développement qu'elle avait à la fin des années '1980. Mais c'était essentiellement dû aux retombées du pétrole dont les prix avaient fortement augmenté. En réalité, les capitalistes russes, fidèles à leur rôle purement parasitaire, n'ont jamais fait le moindre effort pour investir dans leurs outils de production ou dans leur infrastructure, se contentant de consommer ce qui avait été mis en place par l'économie soviétique. C'est pourquoi les produits russes ne s'exportent pas (à part le pétrole), parce qu'ils sont non compétitifs. 

Les trains n'ont pas été rénovés depuis plus de 25 ans, pareil pour les maisons. Tout le paysage russe est dominé par de larges champs à l'abandon, au milieu desquels se dressent les sinistres carcasses d'immenses usines en  ruines, uniquement peuplées de chiens sauvages et de clochards, et cibles de pillages récurrents par de petits groupes d'aventuriers ou de jeunes en manque de sensation. C'est le décor d'apocalypse de la Russie poutinienne.


Paysage typique de la « Nouvelle Russie » poutinienne

Le mandat de trop

Lorsque Poutine a repris le pouvoir en 2012 (au cours d'élections entachées de fraudes mais où brillait surtout l'absence de toute opposition véritable, vu les manœuvres du régime qui feraient pâlir de jalousie même un Ouattara), le CIO avait averti que ce serait pour lui « le mandat de trop ». Poutine aurait pu laisser le pouvoir avec la satisfaction de se voir à jamais adulé comme étant celui qui avait pu offrir à la « Nouvelle Russie » dix petites années de stabilité et un retour sur la scène internationale. Mais ce ne sera pas le cas.

Nous savions que la crise économique allait tôt ou tard durement frapper la Russie. Et voilà que c'est fait. La chute des banques occidentales qui a entrainé l'austérité a causé la chute de la consommation en Occident, qui à son tour a frappé l'industrie chinoise, ce qui explique la chute subite des cours du pétrole. Les oligarques russes n'ont jamais investi dans leur économie les fruits de la période exceptionnelle et de courte durée des dix ans de montée du prix du pétrole. Au lieu de ça, ils ont préféré gaspiller l'argent de cette croissance en voyages, en produits de luxe, en projets de prestige (comme les pharaoniques Jeux olympiques de Sotchi) ou en résidences à l'étranger (sans parler de leurs comptes en banque en Suisse), l'économie russe a été rudement frappée et l'État a tout à coup perdu sa principale source de rentrée d'argent pour son budget.

La récession inévitable est de plus amplifiée par la guerre en Ukraine et l'annexion de la Crimée, qui coutent très cher à la Russie. Poutine a dû puiser dans le budget national des pensions pour financer sa rébellion, et a forcé les fonctionnaires à manifester pour réclamer une baisse de salaire pour « aider la Crimée ». 

À ce titre, les sanctions occidentales ont leur effet mais touchent tout autant l'économie européenne ; en réalité, leur impact politique a été de renforcer le soutien à Poutine qui peut maintenant camoufler sa gestion calamiteuse de l'économie derrière l'argument que « C'est à cause des Occidentaux ». Il a d'ailleurs répondu aux sanctions occidentales par un boycott des produits agricoles européens qui a achevé de contribuer à une hausse sans précédent du cout de la vie pour la population russe, sans aucunement encourager le développement de l'agriculture nationale.


Chute du rouble russe. Les Russes ont vu leur revenu coupé de moitié
en l'espace de quelques mois. Pas de vacances en Europe cette année !
Loin d'apporter quoi que ce soit à l'économie russe et encore moins à la sécurité des populations russes des territoires bombardés quotidiennement, le conflit ukrainien a, comme à l'époque stalinienne, un objectif idéologique. Il sert à justifier la dictature, les coupes budgétaires, la répression contre toute critique du régime, les débordements des milices « patriotiques » à la solde du régime. L'objectif est au fond identique à celui de la politique menée par Israël envers la Palestine. Il ne s'agit pas d'une guerre que l'on veut gagner. Il s'agit d'une guerre nécessaire parce qu'il faut une guerre. Plus ce conflit s'éternisera, plus le régime en tirera des avantages personnels.

Le conflit en Ukraine a également fait perdre à Poutine ses alliés dans les pays limitrophes (Kazakhstan, Bélarus, etc.) qui craignent de plus en plus que la présence d'une forte communauté de Russes sur leur territoire ne servent également de justification à Poutine pour lancer une rébellion dans leurs pays. C'est pourquoi les dirigeants de ces pays ont toujours refusé tout soutien à la rébellion en Ukraine. En plus, l'exaltation de la propagande ethnique prorusse et prochrétienne de Poutine exacerbe les conflits ethniques au sein de la Russie elle-même, allant contre les aspirations des peuples tatars, tchétchènes, etc. et des 180 ethnies non-russes de la Fédération de Russie, ainsi que des nombreux musulmans, bouddhistes et animistes membres de cette fédération.

Le régime poutinien représente également un danger pour la stabilité internationale, tout autant que l'impérialisme occidental, dans le sens où il soutient tous les dirigeants d'extrême-droite les plus réactionnaires d'Europe, que ce soit Marine Le Pen en France ou le président Viktor Orban en Hongrie. La propagande russe destinée à l'étranger véhicule également énormément de thèmes fascisants prônant le repli nationaliste, la théorie du « choc des civilisations », la lutte contre le « complot homosexuel », critiquant le « multiculturalisme », etc.


Conférence au sommet entre Marine Le Pen (qui représente « La France »)
et les conseillers de Poutine

Quelle opposition en Russie ?

Les camarades du CIO en Russie manifestent aujourd'hui chaque semaine au côté des médecins, des enseignants, des étudiants… dont les budgets sont coupés en raison de la crise et de l'« effort de guerre ». Ainsi, la moitié des hôpitaux de Moscou ont été fermés au début de l'année. La population est également en colère de voir des logements sociaux être attribués en priorité à des réfugiés d'Ukraine dont beaucoup proviennent de régions qui ne sont même pas touchées par la guerre. Les banquiers désespèrent de voir leur fortune disparaitre. Les patriotes d'extrême-droite l'accusent de trahir la nation en cherchant à tirer le conflit en longueur. Les soldats sont fatigués de se faire mobiliser pour un conflit qui ne mène nulle part. Objectivement, Poutine n'arrange plus personne en Russie.

Comment alors expliquer que Poutine n'a jamais été autant soutenu dans les sondages ? Comme nous l'avons dit, ce soutien n'est pas durable. Il est à imputer essentiellement à un réflexe « patriotique » tandis que le pays resserre les rangs face aux sanctions et à l'opposition perçue des Occidentaux. « C'est vrai que c'est un dictateur, mais c'est notre dictateur ». En fait, le soutien actuel à Poutine est essentiellement à imputer aux bourdes des dirigeants occidentaux et ukrainiens dont la politique a tout fait pour arranger Poutine et le pousser entre les mains de sa population. Tout comme, en Israël-Palestine, la politique menée par le Hamas et les États-Unis fait apparemment tout pour encourager les Israéliens à soutenir Netanyahou.

Mais ce soutien n'est pas durable. On est véritablement en droit de prédire la fin du « mythe Poutine » en Russie. La politique étrangère est le dernier secteur dans lequel Poutine peut encore sauver la face par rapport à la population. Également, le seul argument qui justifie aux yeux de tous le maintien de Poutine au pouvoir est la crainte d'un retour à l'instabilité et le « Y a rien en face ». On entend souvent dire en Russie : « Je soutiens Poutine, parce que je ne vois pas qui d'autre je pourrais soutenir ».

C'est pourquoi les militants de gauche en Côte d'Ivoire doivent ouvrir leurs yeux sur qui est réellement Poutine – un danger pour la liberté et la révolution mondiales – et, plutôt que de soutenir ce visage d'un nouvel impérialisme, encourager la gauche en Russie à s'unir au-delà des divergences de vue pour mener un combat en Russie autour des véritables thèmes : enseignement, santé, infrastructures, logement, salaires, cherté de la vie, démocratie, redistribution des richesses… Nous devons encourager la gauche russe à affirmer la vérité politique, dans un pays où tout débat est extrêmement compliqué et où la machine de propagande idéologique tourne à plein régime. Nous devons encourager la gauche russe à aller vers la création d'un nouveau parti des travailleurs de masse en Russie afin de sortir de la « Nouvelle Russie » capitaliste, véritable aberration de l'histoire, pour remettre la Russie sur les rails de la destinée soviétique qui lui a été offerte par Lénine et les bolchéviks il y a près de cent ans.

Manifestation pour la paix à Mouscou :
« Pour une Russie et une Ukraine sans Poutine ! »


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Le conflit se poursuit, les deux pays frappés d'une grave crise économique



La population des deux côtés doit se dresser contre la guerre des oligarques

En janvier dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a promis 40 milliards de dollars à l’Ukraine. Mais il faudrait au moins deux ou trois fois cette somme pour remettre le pays à flot. D’autre part, cette prétendue aide est liée à des conditions terrifiantes. Ainsi, le prix du gaz va devoir augmenter de 280 %. Après l’accord avec le FMI, la ministre des Finances, Mme Yaresko, a déclaré que « Tout ce qui peut être privatisé sera privatisé ».

Pendant ce temps, la surenchère militaire se poursuit. L’Otan a renforcé sa présence dans la Baltique avec 3000 soldats américains, des centaines de tanks, etc. Conformément à l’accord signé à Minsk à la mi-février, les deux camps ont affirmé avoir retiré l’artillerie lourde de la ligne de front. Mais les combats continuent en plusieurs endroits.

La situation côté russe

Les différences d’opinion entre les États-Unis et l’Union européenne se sont encore fortement exprimées avant les négociations. Les Américains voulaient voir un renforcement de l’armement dans l’ouest de l’Ukraine, mais Angela Merkel a refusé tout renfort en expliquant que cela ne ferait qu’encourager la Russie à envoyer encore plus de troupes. Toute une série d’entreprises européennes souffrent grandement des sanctions prises contre la Russie et des contre-sanctions avec lesquelles riposte Vladimir Poutine.

La disparition momentanée de Poutine – introuvable une dizaine de jours durant, même pour une rencontre programmée avec le Kazakhstan – a renforcé les rumeurs d’une lutte pour le pouvoir au Kremlin. Il est certain que des intérêts divergents sont en présence. Les entreprises russes qui perdent de l’argent à cause des sanctions et de la crise économique sont très mécontentes ; mais d’autres entreprises bénéficient de la dévaluation de la monnaie nationale (le rouble), ce qui leur permet d’exporter plus de marchandises à l’étranger. Certains pensent que la Russie a trahi les rebelles ukrainiens avec la signature du premier accord de cessez-le-feu en septembre 2014 tandis qu’une grande majorité de la population russe est opposée à toute intervention russe directe en Ukraine.

D’autres éléments pourraient indiquer une lutte au sein de l’élite. Ainsi, les services secrets russes (le FSB) ont annoncé qu’un groupe de Tchétchènes a été arrêté pour le meurtre de l’opposant libéral Boris Nemtsov. Cette annonce était en soi inhabituelle et il semble de plus que le principal suspect est un commandant des troupes spéciales du président tchétchène Kadyrov, fidèle partisan de Poutine. Plusieurs membres de ces troupes ont été impliqués dans les combats en Ukraine du côté des forces pro-russes. L’arrestation des Tchétchènes pourrait suggérer l’existence d’un conflit entre les services de sécurité et Kadyrov et, par extension, Poutine.


À Donetsk, les rebelles embrassent une icone de « saint Poutine »
avant de partir au combat

La situation côté ukrainien

La situation en Ukraine n’est guère meilleure. Le président Porochenko a exclu toute décentralisation et a menacé de déclarer l’état d’urgence dans tout le pays au cas où l’accord de cessez-le-feu ne serait pas respecté. Ainsi, l’armée pourrait prendre tout le pouvoir dans le pays. Les personnalités les plus extrémistes au sein du gouvernement ukrainien, comme le Premier ministre Yatseniouk, sont pour une ‘‘mobilisation de l’armée’’ afin de ‘‘défendre la frontière’’.

Les politiciens libéraux et d’extrême-droite pro-occidentaux veulent poursuivre la guerre contre la rébellion à l’est du pays, mais la population est de plus en plus désespérée et de moins en moins enthousiaste pour ce conflit. À Ternopil, moins de la moitié des 14.000 personnes appelées pour entrer dans l’armée se sont présentées. La faiblesse de l’armée officielle fait que les ‘‘bataillons de volontaires’’, souvent contrôlés par l’extrême-droite, jouent un très grand rôle. La question reste posée de savoir dans quelle mesure le gouvernement de Kiev peut tenir ces bataillons sous son contrôle.

La guerre est loin d’être terminée. Les conséquences économiques vont se faire longtemps ressentir. En janvier, la production industrielle était de 21 % inférieure à celle de l’an dernier. À Donetsk, on enregistre une baisse de l’industrie de 49 % et à Lougansk, de 87 %. La faillite de l’économie ukrainienne est renforcée par le pillage de la Russie, même si cela ne contribue pas beaucoup à l’économie russe. On estime que le chômage va augmenter de 40 % cette année, tandis que des centaines de milliers d’immigrés d’Asie centrale retournent chez eux. L’activité du secteur du bâtiment à Moscou devrait diminuer de 30% cette année.

Tant que la situation sera dominée par les intérêts des oligarques et de leurs amis militaires, aucune solution durable ne sera possible pour l’Ukraine. Même si les négociations pour la paix peuvent être réactivées et conduire à un troisième accord de cessez-le-feu à Minsk, la pauvreté, la corruption et le désespoir seront toujours là. En outre, la Russie et l’Otan continuent à s’opposer dans toute la région. Seul un mouvement de masse sous la direction d’un parti des travailleurs indépendant pourra faire dégager les régimes autoritaires de la région et amener au pouvoir un gouvernement des travailleurs poursuivant une politique socialiste afin de partir des besoins réels de la majorité de la population.


Au même moment, les milices de volontaires ukrainiens
affichent ouvertement des symboles nazis

























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