Chine : Aggravation de la crise et
résistance de masse
L’article qui suit est un
compte-rendu de l’introduction à la discussion consacrée à la
Chine lors de l’école d'été 2018 du Comité pour une
Internationale ouvrière. Cette introduction nous a été donnée par
notre camarade Pasha, du groupe Action socialiste, section du CIO à
Hong Kong.
L’année écoulée peut être décrite
comme une année de grands changements en Chine. Tous les évènements
qui se sont produits cette année montrent une aggravation de la
crise de la dictature du parti unique et de la forme particulière du
capitalisme d’État chinois, après le changement historique dans
la structure du régime du Parti « communiste » chinois
qui a vu le couronnement de Xi Jinping (« Shǐ
Tshîn-p'ǐng ») en tant que « dirigeant à vie »
en mars dernier.
Depuis le mois d’avril, nous avons
assisté à une série de grèves audacieuses qui se sont répandues
dans de nombreuses provinces. Sur le plan international, le conflit
entre les États-Unis et la Chine s’est aggravé de façon
dramatique. Il s’agit du plus important conflit jamais vu entre les
deux plus grandes puissances économiques.
Le ministère chinois du Commerce a
décrit les droits de douane imposés par le président Trump le
6 juillet comme étant « la plus grande guerre commerciale
de l’histoire économique ». Cela n’est pas tout à fait
vrai, mais une nouvelle escalade est possible. Le conflit États-Unis
/ Chine n’est pas un phénomène passager ; il s'agit d'une
réalité durable, avec des hauts et des bas, qui fait partie
intégrante des perspectives du CIO concernant le capitalisme
mondial.
Nous observons également une nouvelle
phase dans le malaise économique de la Chine. La grande offensive du
régime contre l'endettement et les opérations bancaires parallèles
(« shadow banking ») a entrainé un nouveau
ralentissement économique et, une fois de plus, un retour partiel
aux politiques de relance soutenues par le gouvernement –
c’est-à-dire à une augmentation de la dette. Ce changement
pourrait devenir plus important dans les mois à venir. Le problème
de la dette de la Chine est un enjeu considérable pour l’ensemble
du système capitaliste mondial. En effet, jamais un pays dans
l’histoire n’a jamais été aussi endetté que la Chine
aujourd'hui.
Éloignement de la politique de Deng
Xiaoping
La réunion de mars du « Congrès
national du peuple » – le pseudo parlement chinois –
a été surnommée le « couronnement de Xi Jinping ». Le
congrès a supprimé les limites du mandat de la présidence afin que
Xi puisse gouverner à vie.
Depuis la fin des années 1970, la
Chine est gouvernée par une forme de « direction collective »,
un système mis en place par Deng Xiaoping (« Tèng
Shiǎo-p'íng »), l’architecte du retour de la Chine au
capitalisme. Le modèle de partage du pouvoir de Deng, ainsi que
d’autres règles politiques, avait été conçu pour sauvegarder la
« stabilité » et empêcher que les luttes de pouvoir au
sein de l’État n’aillent trop loin et ne menacent l’existence
de la dictature.
Depuis la crise mondiale du capitalisme
de 2007-08, l’élite dirigeante du PCC est à la recherche d’un
« homme fort », doté d'un pouvoir centralisé sans
précédent pour la sauver de ses propres crises – une dette
croissante et des troubles de masse en augmentation.
En six ans depuis son arrivée au
pouvoir, Xi a mené une vaste campagne de lutte contre la corruption,
qui lui a permis d'obtenir le soutien du public, mais qui a surtout
servi à consolider sa propre position et à supprimer toute
opposition. Mais plutôt que de surmonter les tensions au sein de
l’État chinois et de l’élite dirigeante, la consolidation du
pouvoir de Xi a porté les tensions à un niveau potentiellement plus
élevé.
Malgré la censure massive de
l’internet, les citoyens chinois ont rapidement exprimé sur les
réseaux sociaux leur cynisme et leur opposition au couronnement de
Xi par des métaphores satiriques. Les censeurs d’internet ont dû
rapidement interdire toute une liste de mots tels que « limite
de deux mandats », « amendement constitutionnel »,
« je ne suis pas d’accord », « Corée du Nord »,
etc.
Cela a mis en évidence le véritable
niveau du soutien de Xi parmi les masses. Certains commentateurs ont
décrit Xi comme le leader le plus fort depuis Mao Tsé-toung. Nais
Mao était un dirigeant bonapartiste à la tête d’un mouvement qui
a renversé le capitalisme en Chine ; le gigantesque culte de la
personnalité que le régime a construit autour de Mao n’a été
possible qu’en raison du rôle joué par lui dans la révolution.
Xi Jinping préside un système
capitaliste d’État et sa véritable base de soutien parmi les
masses est exagérée. Son pouvoir repose principalement sur la
répression, le nationalisme, le « lavage de cerveau »
massif dans les médias et le fait que certaines couches de la
population connaissent encore des améliorations de leurs conditions
de vie. Mais cette base est de plus en plus fragile. Les fondements
du règne de Xi – niveaux d’endettement sans précédent,
répression accrue et nationalisme – constituent une
succession de crises à venir.
La répression et ses conséquences
Aujourd’hui, la répression étatique
est la pire depuis 1989 (année du massacre de la place Tian'anmen).
Le budget du gouvernement pour la sécurité intérieure était de
193 milliards de dollars l’année dernière – il a
triplé depuis 2007. Le budget de la sécurité intérieure dépasse
de 19 % le budget de la sécurité extérieure ! (armée)
Dans la région du Xinjiang
(« Shīn-Tshiāng »),
région à majorité ouïghoure (ethnie du grand groupe turc) et
musulmane aussi grande que la moitié de l'Inde, la Chine a
construit « l’État policier parfait ». On estime à
près d'un million le nombre d’Ouïghours à avoir déjà été
détenus dans des camps de prisonniers de type militaire – soit
un habitant sur dix. Le PCC gouverne maintenant le Xinjiang par un
système ouvertement raciste de type « apartheid », avec
des lois plus répressives pour les musulmans.
Malgré le fait que le régime ait la
machine d’État répressive la plus sophistiquée au monde, la
résistance de masse et la contestation s’intensifient. Depuis la
fin de 2017, les masses de Chine ont participé avec audace à
des manifestations en ligne à grande échelle et à des grèves des
travailleurs dans plusieurs provinces, ce qui représente un tournant
extrêmement significatif.
En avril, les grutiers se sont mis en
grève dans au moins 13 provinces pour réclamer de meilleurs
salaires et de meilleures conditions de travail. Ils ont ensuite
appelé à une grève à l’échelle nationale le 1er
mai. Étant donné le niveau de répression et de censure étatiques,
ceci représente un exploit en soi. Ces luttes sont organisées par
le biais de groupes de discussion en ligne et de messageries
instantanées.
Grèves multiprovinciales
La grève des grutiers était
historique dans le sens où c’était l’action la plus
impressionnante, la plus coordonnée et la plus audacieuse à ce
jour. Auparavant, presque toutes les grèves en Chine se déroulaient
dans une seule usine ou un seul district. Une grève à l’échelle
nationale représente un très grand changement. La lutte d’avril
a, semble-t-il, ouvert la voie aux luttes nationales.
En juin, c’était au tour des
camionneurs. Les camionneurs en grève de plus de 12 provinces
ont protesté contre la hausse du prix du carburant, les péages
routiers, le rackett de la police et la hausse de leur exploitation
par une application d’embauche de type « Uber ».
L’action des camionneurs s’est déroulée dans les villes de
Chongqing (« Tch'óng-Tsh'ìng ») à l’ouest
jusqu’à Shanghaï à l’est – ce qui représente la distance
d'Abidjan à Yaoundé. Parvenir à un tel mouvement sous la dictature
la plus puissante du monde est un acte véritablement impressionnant.
Et depuis avril, les anciens
combattants de l’armée de plusieurs provinces organisent des
manifestations pour réclamer le paiement des pensions et des
prestations de retraite. Certains de ces anciens combattants ont été
battus par des loubards payés par les gouvernements locaux du PCC.
Des dizaines de milliers d’anciens combattants ont été mobilisés
via des réseaux propres à l'armée pour manifester en solidarité à
travers le pays.
La lutte des vétérans de l’armée
est importante parce qu’elle sape la propagande nationaliste de Xi
Jinping. Il y a 57 millions de soldats retraités en Chine.
Cette question peut également avoir un impact sur les soldats
actuellement en service. Comment l’État peut-il défendre la
« nation chinoise » s’il laisse ses anciens combattants
mourir de faim et les frappe lorsqu’ils protestent ?
Plus tôt cette année, le gouvernement
a mis sur pied un nouveau ministère des Anciens combattants parce
qu’il était préoccupé par les protestations des anciens
combattants. Mais le fait que des protestations aient éclaté de
toute façon montre les limites de l’État pour faire face à ces
problèmes.
#Metoo en Chine
Parmi les autres mouvements importants
en Chine figurent les mouvements féministes et pour les droits des
homosexuel(le)s. Le mouvement #Metoo (« Moi aussi ») qui
a balayé le monde a aussi profondément affecté la Chine. En
janvier, une universitaire chinoise travaillant aux États-Unis a
révélé qu’elle avait été agressée sexuellement par son
professeur il y a douze ans. Son tweet est devenu viral et a reçu un
énorme soutien en ligne parmi les femmes en Chine.
Cela a déclenché un mouvement en
ligne, en particulier dans les écoles et les collèges. Cela a même
forcé l’État à faire toute une série de discours pour condamner
la violence sexuelle. En même temps, le PCC craignait que le
mouvement ne devienne incontrôlable et a donc rapidement interdit
toute tentative d’organiser des manifestations dans les rues. Un
blog féministe de premier plan a été interdit.
Les censeurs de l’État ont ensuite
décidés d’interdire les sujets touchant à la question des
sexualités alternatives. Weibo, la principale plateforme de blogs en
Chine, a annoncé qu’elle supprimerait les « contenus
illégaux », y compris ceux parlant d’homosexualité. Cela a
déclenché un contrecoup massif. La campagne #IamGay (« Je
suis gay ») a appelé au boycott de Weibo. Avec plus de
500 millions de partage sur le net, il s’agissait probablement
du plus grand mouvement en ligne jamais vu au monde. Elle a forcé
l’entreprise et les autorités à annuler leur interdiction du
contenu à connotation « homosexuelle ».
De cette récente vague de luttes, il y
a plusieurs caractéristiques que nous pouvons observer. Les luttes
de masse en Chine s’organisent de plus en plus malgré la
répression et la censure de l’État ; elles sont capables de
s'afficher et de se coordonner à travers tout le pays. Les
travailleurs tirent clairement les leçons du passé, ils se rendent
compte que les problèmes ne peuvent être résolus localement.
La radicalisation de la conscience de
masse est également une caractéristique, bien qu’elle soit
inégale. Les travailleurs limitent généralement leurs
revendications à l’économie et évitent de contester directement
le régime du PCC, en partie pour éviter la répression de l’État
et en partie à cause des illusions persistantes envers le parti.
Si le régime recourt à la répression,
ce qui est définitivement le cas sous Xi Jinping, ce n’est qu’une
question de temps avant que les travailleurs ne tirent la conclusion
que la dictature est un obstacle à tout changement réel ; cela
amènera leurs luttes à adopter une direction politique plus claire.
Ralentissement économique
L’économie chinoise est confrontée
à des crises sur de multiples fronts. L’économie est en
ralentissement après une courte période de légère reprise
en 2017. Le marché boursier a perdu 2000 milliards de
dollars depuis le début de 2018 ; rappelons aussi que
5000 milliards avaient été perdus lors du crach boursier
de 2015.
Les données économiques du
2e trimestre devraient être beaucoup plus faibles
que celles du 1er trimestre. Les chiffres du commerce
de détail en mai étaient les pires depuis 15 ans. Le taux de
croissance de l’investissement est le plus faible depuis 20 ans.
La part de la dette dans le PIB est passée de 141 % en 2008
à 256 % l’an dernier. Si l'on inclut les marchés bancaires
« parallèles », ce taux s'élève même à 304 % du
PIB. Mais en fait, le niveau d’endettement réel est beaucoup plus
élevé. Cela s’explique par le fait que la plupart des dettes
bancaires fictives ne sont pas enregistrées. Même le gouvernement
ne connaît pas le tableau complet.
Le récent ralentissement de l'économie
oblige le PCC à reprendre sa stratégie de relance économique.
Pendant dix ans, nous avons vu le même zigzag dans la politique
économique – de la relance au resserrement du crédit avant
de revenir à la relance, c’est-à-dire davantage de dette. Le
problème de la dette est particulièrement grave au niveau des
administrations locales (les administrations locales en Chine sont
les villes et les provinces ; rappelons au passage que la
plupart des provinces de Chine sont plus grandes que n'importe quel
pays d'Afrique ou d'Europe).
Cette politique a été en partie à
l’origine des protestations des anciens combattants de l’armée.
En fait, les gouvernements locaux d’au moins 32 villes de six
provinces financent désormais leurs dépenses de sécurité sociale
et de retraite au moyens d'emprunts bancaires ou de banques fictives.
Ce problème ne fera qu’empirer avec le vieillissement rapide de la
population chinoise.
En mai, une ville de la province du
Húnán n’a pas été en mesure de payer ses fonctionnaires à
temps. C'est la toute première fois dans l'histoire moderne de la
Chine que des fonctionnaires connaissent des arriérés de salaires.
Nous voyons donc la crise de la dette se transformer en crise
sociale, et nous en verrons d’autres à l’avenir.
Guerre commerciale et conflit
impérialiste
L’intensification de la guerre
commerciale entre les États-Unis et la Chine est un autre coup porté
à l’économie chinoise déjà vulnérable. Le 6 juillet, les
droits de douane imposés par l’administration Trump sur
34 milliards de dollars d’importations en provenance de la
Chine représentaient le premier coup de feu après une longue
période de menaces. Cela a depuis lors été suivi par des droits de
douane sur 16 milliards de dollars d’importations
supplémentaires et la menace de Trump d’élargir ce chiffre à
200 milliards de dollars de marchandises chinoises d’ici
septembre.
Le régime chinois est forcé de
riposter « dollar pour dollar » avec ses propres tarifs
douaniers contre les marchandises états-uniennes, alors qu'il avait
offert des concessions à Trump et voulait désespérément éviter
la guerre commerciale. Ce conflit commercial recouvre aussi une
« guerre de la technologie ». L’objectif principal de
l’impérialisme américain et de Trump est d’empêcher la bonne
réalisation du plan « Made in China 2025 » – le plan
du PCC pour faire de son pays une superpuissance technologique.
Les sanctions du gouvernement
états-unien, qui interdisaient à la troisième plus grande
entreprise d’infrastructure de télécommunications ZTE d’acheter
quoi que ce soit à des entreprises états-uniennes, ont forcé cette
entreprise à fermer pendant 70 jours en avril-mai. La crise de
ZTE a mis en évidence la dépendance de la Chine à l’égard de
l’Occident pour la technologie. ZTE acquiert en effet 90 % de
ses « semi-conducteurs » auprès d’entreprises
américaines.
Trump a accepté de lever
l’interdiction sur ZTE, mais l’accord qui a permis cela est
extrêmement humiliant pour cette entreprise et pour l’État
chinois, qui doivent payer une amende équivalant à deux ans de
bénéfices. Mais pire encore, ils ont dû licencier l’ensemble du
conseil d’administration et accepter des bureaucrates états-uniens
au sein de leur entreprise. Cela ressemble un peu à ce que la troïka
du FMI et de l’UE a fait à la Grèce : envoyer des
bureaucrates de l’Union européenne pour vérifier que les Grecs ne
« trichaient » pas.
La situation est compliquée par le
fait que même Trump a partiellement perdu le contrôle de « sa »
guerre commerciale – le Congrès américain, les républicains
et les démocrates exigent maintenant des mesures encore plus sévères
contre la Chine.
Dévaluation
Dans le cadre de ces représailles, la
Chine a laissé sa monnaie, le yuan, se dévaluer face au dollar.
Toutefois, il s’agit d’un mouvement dangereux, car il pourrait
déclencher une fuite massive de capitaux de la Chine, comme ce qui
s’est produit en 2015. Le régime devrait alors imposer davantage
de contrôles des capitaux.
Mais le régime peut dire adieu à son
rêve d’ « internationaliser le yuan » pour en faire
une monnaie de réserve mondiale. En fait, l’idée
d'internationalisation du yuan a régressé au cours des trois
dernières années. Moins de pays veulent utiliser la monnaie
chinoise dans les paiements internationaux. Le franc suisse et le
dollar canadien ont maintenant une plus grande part mondiale que le
yuan. Cela est important parce que la domination du dollar
états-unien dans l’économie capitaliste mondiale restreint les
politiques que le régime chinois peut suivre.
Les États-Unis et la Chine, qui sont
les deux plus grandes puissances impérialistes mondiales, se
disputent la domination économique et géopolitique. La
confrontation entre ces deux pays a été accentuée par la crise
mondiale depuis 2008.
Si une « guerre spontanée »
ou un affrontement militaire direct n’est pas une perspective
immédiate, les guerres commerciales et autres conflits économiques
peuvent devenir un substitut à l’action militaire. Tous les
accords auxquels ils parviendront dans la guerre commerciale actuelle
ne peuvent être que de courte durée et fragiles. Ce conflit peut
frapper davantage l’économie mondiale, qui ne s’est toujours pas
remise de la grave crise d’il y a dix ans.
Il est possible de voir relancé le
conflit taïwanais dans le cadre de la rivalité croissante entre les
États-Unis et la Chine (la Chine revendique Taïwan depuis la
révolution maoïste il y a 60 ans, tandis que les dirigeants
taïwanais, descendants du précédent régime chinois exilé lors de
cette révolution, affirment être les véritables dirigeants chinois
chassés il y a 60 ans par les rebelles maoïstes ; Taïwan
a longtemps été soutenue dans cette revendication par les
États-Unis). Le conflit taïwanais peut conduire à une guerre ou à
une grave crise militaire à l’avenir. La crise capitaliste a aussi
rapidement démasqué le gouvernement « pro-indépendance »
de Taïwan, élu en 2016, en tant que parti capitaliste
néolibéral qui défend également une augmentation des dépenses en
armement et davantage d’accords avec l’impérialisme états-unien,
tout en imposant l’austérité aux travailleurs et à la
population. Aucune des élites au pouvoir, qu’il s’agisse des
États-Unis, de la Chine ou de Taïwan, n’a de solution. Tous ces
régimes ne font que rendre la situation plus dangereuse.
Le projet « Nouvelle route de la
Soie »
Xi Jinping a lancé l’initiative
« Nouvelle route de la Soie » (NRS) en 2013 pour
conquérir de nouveaux marchés à l’étranger afin d'écouler la
production excédentaire du capitalisme chinois. Il s’agissait
également de se préparer à de futures guerres commerciales et de
construire un protectionnisme accru à l’échelle mondiale. La NRS
a été ajoutée à la constitution l’an dernier pour signaler
qu’il n’y aurait pas d’inversion de cette politique (c'est la
première fois qu’une politique étrangère est intégrée dans la
constitution).
Cette initiative intègre aujourd'hui
plus de 70 pays. Son ambition est de relier l'ensemble du monde
néocolonial en une seule sphère économique dirigée par la Chine
via la construction de pipelines, d’autoroutes, de ports, de
chemins de fer et de réseaux électriques.
Nous décrivons la NRS comme un
« impérialisme avec des caractéristiques chinoises ».
Ces caractéristiques sont les prêts financés par l’État pour la
construction d’infrastructures et l’exportation de certains
éléments du régime autoritaire de la Chine. Certains projets de la
NRS présentent aussi des traits militaires (pour les ports et
certains chemins de fer en particulier), principalement motivés par
des considérations militaires stratégiques.
La stratégie de la Chine pour
s’emparer de terres et ressources dans les petits pays moins
développés est simple : elle leur accorde des prêts pour des
projets d’infrastructure, obtient le contrôle des projets et,
lorsque le pays n’est pas en mesure de rembourser les prêts, les
entreprises chinoises et l’État deviennent propriétaires du
projet.
Cependant, les aspirations
impérialistes de la Chine sont déjà confrontées à des revers.
Des manifestations de masse ont éclaté au Vietnam en juin contre
les capitaux étrangers, principalement des entreprises chinoises.
Ces sociétés ont acheté des terres au gouvernement vietnamien sur
des baux de 99 ans, des arrangements qui rappellent les anciens
traités du colonialisme. Le séisme politique provoqué par les
élections de mai en Malaisie (où le régime au pouvoir depuis
l'indépendance a perdu le pouvoir pour la première fois cette
année) a vu le nouveau gouvernement mettre au rebut le projet de
train à grande vitesse Kuala Lumpur-Singapour dirigé par des
Chinois.
L’investissement mondial dans
l’initiative « Nouvelle route de la Soie » tourne
aujourd’hui au ralenti. Les contrats signés par des entreprises
chinoises ont diminués de six pour cent cette année par rapport à
l’année dernière. Le nombre croissant de défauts de paiement de
la dette de la NRS aura un impact direct sur les entreprises
chinoises lourdement endettées. Ainsi, cette initiative, lancée à
l’origine par le PCC pour exporter la capacité excédentaire et
alléger sa dette, fait maintenant partie du problème.
La répression à Hong Kong
Les développements en Chine ont
également des implications importantes à Hong Kong où le PCC tente
de décapiter la lutte démocratique. Le gouvernement de Carrie Lam,
imposé par le régime chinois, représente une nouvelle escalade de
la répression.
Au cours de l’année écoulée, six
législateurs de l’opposition ont été disqualifiés, alors qu'ils
avaient été démocratiquement élus. Plus de 40 jeunes et
autres activistes ont été emprisonnés pour avoir participé à des
manifestations antigouvernementales, et six candidats ont été
interdits de se présenter aux élections pour des raisons de soutien
à l’« indépendance » ou à l’« autodétermination »
de Hong Kong.
De nouvelles lois draconiennes ont été
introduites, y compris la loi sur l’hymne national. Toute personne
à Hong Kong reconnue coupable d’ « irrespect » de
l’hymne national chinois est passible d’une peine
d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans.
Les principaux partis bourgeois
pro-démocratie sont en plein recul politique. Ils n’ont pas réussi
à proposer une nouvelle stratégie de lutte contre le gouvernement
autoritaire. Ces « pan-démocrates » sont en réalité
depuis des décennies un frein à la lutte pour la démocratie, un
peu comme le sont les dirigeants sociaux-démocrates et les
dirigeants nationalistes bourgeois dans d’autres parties du monde :
Ils ne croient pas à la lutte de masse
et essaient toujours de trouver un compromis avec le régime (ce qui,
dans le cas de la Chine, n’a aucune chance d’aboutir). Ils
craignent que les mouvements de masse, ne « leur échappent »,
deviennent incontrôlables et se radicalisent. Ils défendent le
capitalisme et ne veulent donc pas pousser la lutte contre la
dictature chinoise « trop loin », car cela mettrait aussi
en danger le capitalisme.
Le CIO est la seule structure à
appeler à un mouvement démocratique de lutte basé sur un programme
socialiste, avec pour noyau dur un parti prolétarien de masse. Nous
expliquons également que la démocratie, y compris
l’autodétermination à Hong Kong, ne peut être gagnée qu’en
s’associant aux luttes de masse en Chine ainsi qu’à l’échelle
internationale et en renversant la dictature du PCC.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire