samedi 11 août 2018

CI : Amnistie présidentielle – zéro réconciliation


Il faut un jugement populaire, zéro justice



Le président Ouattara, avec sa politique profondément antisociale, avait pratiquement réussi à créer l'unité parmi les Ivoiriens : du Nord au Sud, tout le monde est fatigué de son régime RHDP. Beaucoup de gens pensent naïvement que la libération des prisonniers politiques ce lundi 6 aout va contribuer à la réconciliation nationale : en réalité il n'en est rien.

Alors que le PDCI se positionnait clairement pour constituer un front d'opposition « patriotique » avec le FPI version « soft » pour une victoire écrasante en 2020, voilà qu'ADO décide de balancer une bombe dans le paysage politique ivoirien en libérant Simone Gbagbo. Qui s'est empressée de remercier l'« Éternel des Armées » et Abou Dramane Sangaré, point. Il faut être bien innocent pour croire que la dame aura le moindre mot de remerciement envers le régime actuel. Il y a également peu de chance de voir Simone se ranger derrière Bédié avec Affi – tout porte donc à croire que la libération des prisonniers est une manœuvre du pouvoir pour diviser l'opposition.

Avec la libération des cadres du FPI les plus radicaux, on annonce aussi le retour d'exil d'autres éléments patriotiques radicaux comme Damana Pickass, mais également la libération d'anciens chefs du commando invisible pro-MPCI. Bédié a aussi remis de l'huile sur le feu en remerciant « la communauté internationale » qui a permis la libération des « prisonniers politiques » – un terme qu'il s'était pourtant refusé d'employer tout au long de ces sept dernières années.

D'un autre côté, une certaine partie de la population nordiste, déçue d'ADO ces dernières années, pourrait à présent revenir du côté du RDR et son discours ethniciste, de peur de voir les loups nationalistes dans la nature raviver certaines anciennes rancœurs.

Finalement, tout ce qu'on gagne est plus de chaos politique et d'incertitudes (en plus du retour maudit de la religion dans la politique, grâce à madame Gbagbo). La véritable victime de cette amnistie est une fois de plus la justice.

Cette amnistie générale donne vraiment le message suivant : SI UNE NOUVELLE GUERRE CIVILE ÉTAIT À REFAIRE, PERSONNE NE SERA CONDAMNÉ.

Mais comment parvenir à une véritable justice, quand seuls les accusés d'un seul camp ont été mis en prison, tandis que les autres sont au pouvoir ? Il est clair aux yeux de tous que la justice ivoirienne est partiale et que les quelques procès organisés sur notre sol ont été bâclés. Même le verdict de condamnation de Simone Gbagbo n'a pas satisfait qui que ce soit parmi ceux qui sont convaincus de son rôle présumé dans la crise, parce que tout a été fait pour qu'aucun élément compromettant ne ressorte de la procédure – aucune lumière n'a été faite sur la moindre affaire.

Beaucoup de nos compatriotes estiment qu'un pouvoir PDCI serait plus impartial dans l'administration de la justice, mais cela reste à prouver. Chacun sait que Bédié a toujours été le roi des petits arrangements politiques. De plus, si le PDCI devait revenir au pouvoir avec le soutien du FPI, certainement que de nouveau, un seul camp serait visé.

On pourrait supposer que la CPI, en tant qu'agence étrangère, pourrait jouer le rôle d'arbitre neutre. Mais cette institution s'est beaucoup compromise au cours de ces dernières années en ne jugeant que des responsables africains. De plus, elle a déjà démontré son impuissance complète avec les soi-disant procès de Kenyatta puis de Bemba – il semble de plus en plus probable aujourd'hui que Laurent Gbagbo et Blé Goudé seront eux aussi remis en liberté sans que quoi que ce soit puisse être prouvé contre eux. Et là aussi, seuls les responsables d'un seul camp seront jugés. Le régime a d'ailleurs clairement fait comprendre que le recours à la CPI n'avait été qu'une mesure temporaire, le temps que la soi-disant justice ivoirienne retrouve ses marques.

Quelle est selon nous la seule manière de faire la lumière sur toute la crise et de donner un véritable jugement qui recevra l'assentiment de l'ensemble de la population de Côte d'Ivoire ? Il faut convoquer un jury populaire de masse. Que le peuple rende son propre jugement ! Chaque quartier et sous-quartier de chaque ville du pays, chaque village et campement doit envoyer ses propres représentants, élus parmi les différentes communautés ethniques, pour se retrouver au stade Houphouët-Boigny et délibérer au cas par cas de chaque crime commis. Cette assemblée se penchera sur le cas de chaque acteur majeur de la crise ivoirienne : Gbagbo, Ouattara, Soro, Blé, Wattao… tous défileront devant le peuple pour rendre compte de leurs actes. De même, dans chaque canton et quartier, un comité multiethnique élu démocratiquement par les citoyens aura pour charge de juger les acteurs locaux de la crise, toutes les personnes ayant notoirement profité de la crise pour commettre des actes répréhensibles.

C'est le peuple qui a payé le prix de la crise, c'est au peuple qu'il revient de juger ses tortionnaires. Cessons de nous référer à nos soi-disant élites ou à des étrangers qui ne maitrisent pas nos coutumes et nos manières de faire. Prenons notre destin en mains et réconcilions-nous à la base de la société.

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