mercredi 8 août 2018

CI : Quelle bonne fête même ?

Comment obtenir une vraie indépendance ?


Comme chaque année, les Ivoiriens sont partagés sur la pertinence de notre fête d'indépendance. En effet, tout le monde sait que la politique et l'économie de notre pays est en grande partie déterminée par des intérêts étrangers. Comment sortir de cette situation, donc ?
Tout d'abord, il faut bien définir et relativiser le concept d'indépendance.
Par exemple, une grande partie du développement de la Chine de ces dernières années est à imputer à l'installation de nombreuses firmes occidentales dans ce pays. Cependant, on voit aujourd'hui de grands groupes chinois dépasser les frontières de leur pays et s'installer à l'étranger. Le gouvernement chinois semble aussi mener une politique conforme à ses propres intérêts, même s'il est obligé de composer avec le fait que son économie dépend toujours en grande partie de l'Occident et notamment des États-Unis. En Europe aussi, il n'y a pas un pays dont l'économie ne soit en grande partie dépendant de pays étrangers, que ce soit pour les exportations / importations mais aussi pour le financement des entreprises. En réalité, on peut dire que tous les pays du monde dépendent d'une manière ou d'une autre les uns des autres.
Mais cela ne rend pas entièrement compte de la réalité spécifique que connait notre pays. La Côte d'Ivoire en tant que pays est une création de la France. Ses frontières ont été tracées par la France, ses villes ont été créées par la France, même sa soi-disant indépendance a en réalité été imposée par la France à Houphouët, qui n'en voulait pas. Aujourd'hui, 40 % du PIB national appartient à des entreprises françaises, et un grand nombre des cadres des grandes entreprises et des conseilles du gouvernement sont des Français.
Cependant, cette situation a énormément changé ces dernières années, paradoxalement, depuis l'arrivée au pouvoir d'Alassane Ouattara. On voit de plus en plus d'investisseurs étrangers de tous horizons venir investir dans le pays, originaires du Maroc, de Turquie, du Liban, d'Iran, du Qatar, d'Israël, de Chine, d'Inde, de Singapour, d'Allemagne, de Belgique, d'Espagne, du Canada, des États-Unis… Au point où la fédération des entreprises françaises (Medef), lors de sa visite d'avril 2016, a cru bon d'appeler les patrons français à se remobiliser pour réinvestir la Côte d'Ivoire. La France a d'ailleurs récemment perdu sa place de premier partenaire commercial européen de l'Afrique, au profit de l'Allemagne.
Cette plus grande diversification des investissements étrangers ne serait-elle pas un signe d'une plus grande indépendance de notre pays ? Pas tout à fait, car malgré cette soudaine hausse du nombre de pays partenaires, le patronat ivoirien reste sous-développé et intimement lié à l'étranger. D'abord parce que même dans ces nouvelles structures étrangères, la plupart des cadres sont des étrangers, pour la plupart des Blancs.
Ensuite parce que notre bourgeoisie nationale est pour une grande partie entièrement tournée vers l'étranger de par son éducation et sa culture. Tous ces gens qui naissent dans des cliniques privées de Cocody ou Marcory, fréquentent à Mermoz ou à Blaise Pascal, font leur université en France, en Angleterre ou aux États-Unis, s'habillent à l'européenne, connaissent mieux Sarcelles que Yopougon, s'intéressent plus à la vie des rappeurs américains qu'aux stars du coupé-décalé, tombent malades dès qu'ils vont au village, parlent couramment anglais mais zéro baoulé, dioula ou bété. Un grand nombre d'entre eux ont des parents ou grands-parents métisses, certains sont des descendants directs de grands esclavagistes du passé.
Sa jeunesse se caractérise d'ailleurs par un rare niveau de bêtise, d'inculture, de paresse, d'ennui et d'imbécilité – il suffit de voir le nombre de répétiteurs qui défilent dans ces résidences surveillées – alors que la jeunesse de nos quartiers populaires brille par ses nombreux talents, sa créativité et sa joie de vivre.
Il est extrêmement rare de voir cette bourgeoise prendre la moindre initiative pour développer le pays. Son gagne-pain consiste bien plus à se trouver une place près d'une mangeoire, à la tête de ministères ou de multinationales étrangères, pour prélever sa « commission » partout où elle le peut, que de chercher à créer quoi que ce soit. Il s'agit d'une classe purement parasitaire.
On le voit, il ne faut pas compter sur ces gens-là pour développer le pays et le mener sur la voie d'une indépendance vraie.

Les Blancs eux-mêmes ne se sentent pas indépendants

Mais là encore, la question ne se trouve pas vraiment à ce niveau. Aujourd'hui, on voit aux États-Unis qu'une part de plus en plus importante de la population et une majorité de la jeunesse est convaincue du fait que son pays n'est pas indépendant. Qui aurait donc contraint les États-Unis à la domination ? Dans toute une série de pays d'Europe aussi, on voit des mouvements parler de lutte pour l'indépendance de leur pays. D'où cela vient-il ?
Dès qu'on parle d'indépendance, on touche en fait à la question de la démocratie. Qui décide dans le pays ? Le fait qu'aujourd'hui, même dans les pays occidentaux les plus puissants et censément les plus démocratiques au monde, la population ait l'impression que sa voix ne compte pas et que tous les schémas électoraux sont déjà décidés d'avance à sa place par un petit groupe, nous montre bien que le problème fondamental n'est pas la nationalité de nos dirigeants.
La réalité est que partout sur Terre, les grandes décisions économiques et politiques sont prises par les riches et les puissants qui contrôlent l'économie des États. Les grandes banques, les grands établissements financiers, non seulement financent les États et les gouvernements, qui dépendent entièrement d'eux, mais aussi les grandes entreprises qui luttent pour le contrôle des marchés et des ressources sur la planète. Quand bien même donc on arracherait aux patrons étrangers en Côte d'Ivoire tous leurs avoirs pour les redistribuer à des patrons à 100 % ivoiriens, rien ne changerait. La masse de la population continuerait à payer son loyer et son riz trop cher, pendant que les salaires resteraient bas et qu'un petit cercle de riches déciderait de la politique de notre gouvernement à la place du peuple. Peut-on vraiment parler d'une véritable indépendance dans ce cas ?
Il n'y a pas d'indépendance politique sans indépendance économique. La seule manière dont le peuple pourrait s'assurer que sa voix soit entendue, est que ce même peuple reprenne en mains l'ensemble des secteurs stratégiques de l'économie (y compris les banques et les grandes entreprises de transport, de communications, de fabrication, les grandes propriétés immobilières et terriennes, etc.) pour les gérer de façon collective et démocratique. Cela serait un premier pas radical vers l'établissement d'une société sans classes dans notre pays, d'une « république des pauvres », dans laquelle tous les cadres de l'administration, des entreprises et du gouvernement ne recevront pas plus que le salaire moyen d'un travailleur. Ce n'est que de cette manière qu'on pourra assurer l'élection de gouvernements véritablement démocratiques qui représenteront véritablement l'aspiration des masses, en accord avec notre culture et notre façon de voir.

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