mardi 22 octobre 2013

Chine : arrestation d'un délégué ouvrier

Libérez Wu Guijun ! – actions partout dans le monde



Le délégué des ouvriers d'une usine de Shenzhen est toujours détenu par la police cinq mois après son arrestation

Appel de chinaworker.info (site du CIO à destination de la Chine)


Ce mercredi 23 octobre, cela fera cinq mois que Wu Guijun, “travailleur migrant” (en Chine, ce terme désigne les habitants des zones provinciales partis “se chercher” en ville) à Shenzhen, est détenu par la police. Wu n'a appris que très récemment son chef d'accusation. Pendant des mois, il n'a pas pu avoir le moindre contact avec son avocat. Le véritable “crime” de Wu est d'avoir été élu, aux côtés d'autres ouvriers, en tant que délégué du personnel de l'usine Diweixin à Shenzhen, une ville de 10 millions d'habitants située dans le fameux delta de la rivière des Perles (province de Guangdong), pour entreprendre les négociations avec la direction quant aux conditions de licenciement à la suite de la décision de l'entreprise de délocaliser dans la ville voisine de Huizhou (3 millions d'habitants). 
 
Des manifestations internationales auront lieu le 23 octobre dans plusieurs villes du monde entier pour demander la libération de Wu et afin de protester contre la criminalisation de la lutte des travailleurs telle que démontrée dans cet incident. De Berlin à Hong Kong en passant par Calcutta et Colombo, les socialistes et les syndicalistes s'organisent pour forcer les autorités chinoises, les médias et les syndicats à agir. À ce jour, des activités sont prévues à cette date par les sections du CIO en Australie, au Brésil, en Allemagne, en Inde, en Irlande, au Sri Lanka et en Suède, en plus d'une action par nos camarades chinois. Cette initiative de chinaworker.info vise à accroitre la pression sur les autorités de Shenzhen afin qu'elles libèrent Wu et cessent leur persécution des travailleurs qui ne font qu'exercer leur droit fondamental à faire grève, à s'organiser et à manifester.

En mai de cette année, près de 300 travailleurs de l'usine Diweixin de Shenzhen, qui fabrique des produits d'entretien domestique, sont partis en grève pour protester contre la décision de leur direction de suivre la procédure conforme au Code du travail chinois par rapport à la fermeture de leur usine de Shenzhen. La loi stipule en effet que les travailleurs doivent recevoir compensation au taux d'un mois de salaire pour chaque année de service. Cette entreprise hongkongaise enfreint ainsi la loi.
 

Arrestations de masse


Frustrés par l'intransigeance de la direction, les travailleurs de Diweixin ont décidé de marcher sur la mairie de leur commune le 23 mai, afin de demander aux responsables locaux d'intervenir dans ce conflit et de faire respecter la loi. Mais au lieu de ça, la police a arrêté les manifestants en masse. Même si la plupart des travailleurs ont ensuite été libérés, la police semble avoir décidé de faire un exemple de Wu Guijun afin d'intimider les autres travailleurs qui pourraient décider d'organiser de telles actions, ce qui pourrait selon eux menacer leur chère “stabilité”. L'attaque par la police a été un véritable coup porté au moral des grévistes, qui ont finalement pour la plupart accepté l'offre ridiculement basse de la direction de 400 yuan par année de service (30 000 francs CFA, ce qui est bien en-dessous du taux légal).

Partout en Chine, les travailleurs, surtout dans les régions côtières industrialisées, sont confrontés à des problèmes similaires tandis que les usines ferment ou délocalisent en masse, que surgissent partout des conflits par rapport aux arriérés salariaux et aux indemnités de licenciement, avec plusieurs cas de patrons qui “disparaissent” sans payer les salaires ni aucune autre indemnité. Le cas de Wu Guijun constitue par conséquent un test pour la défense des droits des travailleurs en Chine et pour la tendance croissante des autorités à criminaliser tout mouvement de protestation. Le fait que ceci se passe dans la province de Guangdong est aussi extrêmement important – celle-ci était en effet auparavant considérée comme étant plus tolérante de tels mouvements que les autres provinces chinoises. Dans un autre cas, comme il a été rapporté sur chinaworker.info, une dizaine d'agents de sécurité d'un grand hôpital de Guangzhou (capitale provinciale) ont été arrêtés pendant une manifestation en aout, et pourraient se voir également subir le même sort.

Il ne faut dès lors pas s'étonner du fait que ces incidents attirent de plus en plus l'attention du mouvement syndical mondial (qui n'a malheureusement jusqu'ici pas assez réagi pour organiser la solidarité avec les travailleurs chinois surexploités). Plusieurs syndicats et leurs organes internationaux font maintenant circuler des pétitions demandant la libération de Wu, comme le fait par exemple l'Union internationale des travailleurs de l'alimentaire.

Cinq ans de prison ?


Selon le blog personnel de l'avocat de Wu, le Bureau pour la sécurité publique a transféré le cas au bureau du procureur en septembre. Des chefs d'accusation formels ont finalement été trouvés contre Wu Guijun : “rassemblement d'une foule” et “dérangement de la circulation”, ce qui pourrait le voir condamné à cinq ans de prison. Wu a quarante ans, son salaire lui est nécessaire pour faire vivre ses deux enfants et ses vieux parents. Son arrestation et sa possible condamnation à la prison seront sources d'un grand malheur pour sa famille. Sa femme, qui est également travailleuse migrante comme lui à Shenzhen, est maintenant la seule à faire vivre le ménage, avec un salaire mensuel d'à peine 2000 yuan (160 000 francs CFA). Malgré ces difficultés, Wu a déclaré via son avocat que : « Si je dois aller en prison pour m'être dressé en défense des droits de mes collègues, alors je suis prêt à accepter cette responsabilité ».

L'entreprise Diweixin, dont le QG se trouve à Hong Kong, a adopté une tactique extrêmement brutale contre ses ouvriers de Shenzhen tout au long de ce conflit. Tout en refusant d'accroitre leur offre d'indemnisation de licenciement, la direction a insisté sur le fait que les négociations avec les délégués du personnel devaient être filmées. Cela était clairement dans le but d'intimider les travailleurs, avec un certain succès d'ailleurs. Plusieurs délégués des travailleurs ont craint des représailles, mais pas Wu. Le mouvement ouvrier chinois est rempli de tels exemples de courage au jour le jour. On ne peut hélas pas en dire autant de la part du syndicat officiel à la botte du gouvernement, ACFTU, qui n'a jusqu'ici pas fait la moindre communication quant à ce conflit. Cela, malgré une pétition des travailleurs de Diweixin envoyée au bureau de Shenzhen de l'ACFTU leur demandant de réagir à cet incident. La première lettre lui a été présentée en septembre, alors que Wu était enfermé depuis déjà 100 jours. Une nouvelle lettre de pétition, signée cette fois par plusieurs centaines de travailleurs et de sympathisants, lui a été à nouveau remise cette semaine.

Pour signer la lettre de protestation que chinaworker.info compte envoyer aux autorités chinoises, suivez ce lien et recopiez le message en chinois (en bas de page) dans la boite prévue à cet effet.


– Libérez Wu Guijun !
– Halte à la criminalisation de la lutte des travailleurs en Chine !
– Pour le droit de grève et le droit de former des syndicats indépendants !
– Solidarité avec les travailleurs chinois !



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