Réponse
du KRI (Komitiét za rabotchi internatsïonal, section russe du CIO)
et d'autres militants de gauche véritable, à la campagne
anti-immigrés menée par le régime et par l'extrême-droite
Article rédigé en septembre 2013 par nos camarades Oleg Kniazev (Moscou) et N.M.
(Yékatérinbourg, ancienne Sverdlovsk) du KRI
À Yékatérinbourg (ancienne Sverdlovsk, 4ème plus
grande ville de Russie), comme dans tout le reste du pays, les autorités ont lancé ce mois d'aout une grande campagne
contre les immigrés. Celle-ci est basée sur une xénophobie
hypocrite dans le but de détourner l'attention loin de la
détérioration du niveau de vie de la majorité de la population qui
se fait de plus en plus sentir. Le KRI s'est joint à d'autres forces
de gauche pour répondre à cette campagne d'agitation, en se
prononçant contre la division des travailleurs et la violence
policière, et pour une amélioration du niveau de vie et des
conditions de travail de la classe des travailleurs dans son
ensemble, quelle que soit l'ethnie ou la “nationalité” telle
qu'indiquée dans le passeport. Nous avons organisé un meeting sur
la grand-place le 10 aout, mené une agitation dans les
quartiers immigrés pendant deux semaines, lancé une marche et
un nouveau meeting – et la campagne n'est pas prêt de se
terminer.
Le
plus grand évènement a été l'action du 31 aout. Nous avons
marché à travers Sortirovka – un quartier où vivent surtout
des immigrés. Y ont participé les sympathisants et membres du KRI,
du groupe anarchiste Action autonome (Avtonomoïé Diéïstviye)
et des militants de gauche indépendants. La marche s'est terminée
par un meeting sur le marché Tagan, là où s'est produite la
première rafle.
Nous
avons crié : « Ne nous laissons pas diviser – la
classe ouvrière est partout une ! », « Non au
fascisme de toutes les couleurs : sortons des quartiers,
jusqu'au pouvoir ! », « Des personnes illégales, ça
n'existe pas ! », « Arrêtez les rafles
policières ! », « Les usines aux travailleurs, les
unifs aux étudiants, ils nous faut des syndicats de combat ! »
(« Razdéliat nas ne dadim – rabotchi klass vezdié
odin », « Niet fachizmu vsekh mastiéï, ot podvoroten,
do vlastiéï », « Nélégalnykh lioudiéï ne byvaïet »,
« Khvatit politséïskikh oblav », « Zavody
– rabotchim, stoudiéntam – vouzy, nam noujny boïévyïé
profsoïouzy »).
Les
immigrés n'ont pas participé à la marche, mais nous avons vu au début du
meeting se rassembler autour de nous environ
soixante travailleurs qui venaient d'arriver. Il n'y avait pas
que les commerçants du marché, mais aussi des habitants d'autres
quartiers. Certains d'entre eux tenaient des tracts que nous avions
distribués la semaine précédente – ils étaient venus
d'eux-mêmes à la suite de notre campagne d'agitation en invitant
également des amis et connaissances. Au début, les personnes qui
étaient arrivées se contentaient de montrer de loin leur soutien
aux manifestants, avant de se retrouver vivement impliquées dans une
polémique avec des fascistes qui étaient eux aussi venus à
l'action.
Les immigrés à l'action, autour d'un nationaliste qui porte un t-shirt : « Je suis sur ma terre ! et il faut pas me faire chier ! » |
Les maires policiers du gouvernement vont de plus en plus loin
Nous
avons déjà écrit un
article à propos de la première rafle du 5 aout, lors de
laquelle 142 personnes avaient été arrêtées. Ce n'était
malheureusement pas la dernière. Les rafles constituent à présent
le plus grave problème pour les immigrés. Après cela le FMS et
l'Omon (FMS : service fédéral des migrations, Omon :
police militaire) ont fait irruption le 14 aout sur la
4ème station maraichère située derrière la gare et y ont
arrêté 171 travailleurs. On sait aussi qu'un raid s'est
produit sur le marché Chartache, mais sans connaitre le nombre exact
de personnes arrêtées. Une grande rafle s'est produite le 16 aout
dans le quartier Pionniers – 80 personnes y ont été
embarquées au centre spécial. Le 19 aout, les policiers
ont arrêté 79 immigrés dans le quartier Kirov. 55 personnes
ont également été arrêtées dans la petite ville de Aramil
(banlieue de Yékatérinbourg). Et ça continue, et ça continue…
Près des marchés et des commissariats de police, nous voyons
souvent des groupes d'immigrés entourés de policiers. C'est la même
chose qui se passe partout dans la province, et même dans toute la
région de l'Oural : 153 personnes ont été arrêtées
le 12 aout (c'est-à-dire, une semaine après la première
rafle à Yékatérinbourg) dans la province de Tioumen, plus
de deux-cent en Iamalie, et 18 dans la province de
Kourgane. Et ce n'est pas tout : nous avons par exemple été
informés aujourd'hui du fait que 800 immigrés auraient déjà
été arrêtés à Tioumen.
Après
la première rafle, on nous a appris à la télévision municipale
que des camps de “filtration”, semblables à celui
de Moscou, pourraient être construits dans l'Oural. Quant à
Borodine, le chef du département du MVD (ministère de l'Intérieur)
de la province de Sverdlovsk, qui a dirigé les rafles, il nous a
informés lors de son discours du 6 aout sur la
“décriminalisation des marchés de Sverdlovsk” du fait qu'il ne
restait déjà plus que neuf places libres dans les centres
spéciaux du bureau local du MVD.
Cela
signifie-t-il qu'il y a vraiment tant d'immigrés non déclarés ?
Mais non ! Les bureaucrates ont beau parler de “conformité à
la loi”, ils ne font en réalité que jouer avec les sentiments
nationalistes. Au moment de la première rafle, seules
douze infractions ont été découvertes – contre
cent-trente personnes qui ont été arrêtées simplement comme
ça ! parce qu'elles ont une autre couleur de peau, parce
qu'elles ont les yeux bridés, parce qu'elles parlent avec un accent.
On peut également supposer que parmi toutes ces personnes se
trouvaient à la fois des immigrés légaux, des citoyens russes
d'ethnies minoritaires venus d'autres provinces, et de simples
habitants de la ville. C'est la même chose qui s'est produite à
Aramil, où, parmi les 55 personnes raflées, seuls onze ont pu
être inculpés de quoi que ce soit.
Les
bureaucrates prévoient de dépenser 44 millions de roubles du
budget étatique pour le chantier du centre spécial pour immigrés
(650 millions de francs CFA, ou un million
d'euros). Mais les organes locaux du MVD sont déjà maintenant
surchargés de tous ceux qui attendent la déportation – et
pas seulement des immigrés. À Yékatérinbourg et à Tioumen, il ne
se trouvait parmi eux que 42 immigrés au total le 6 aout.
Lorsque nous avons parlé avec les travailleurs immigrés, nous nous
sommes heurtés au fait que beaucoup de ceux qui ont une
immatriculation ou même la citoyenneté, ne veulent pas soutenir les
clandestins. Souvent d'autres immigrés les faisaient changer d'avis.
Car c'est le même danger qui menace tous les immigrés, légaux ou
non – ils sont obligés de s'unir.
Comme
à Moscou, le prétexte choisi pour commettre ces attaques sur les
immigrés est leur soi-disant propension à la criminalité. Un des
travailleurs est mort lors d'une échauffourée de masse à Aramil
le 6 aout. De tels évènements aident le régime à
préparer l'opinion publique aux rafles. Comme nous l'avons déjà
écrit auparavant, le plus haut niveau de criminalité parmi les
immigrés s'explique du fait de leur plus grande pauvreté, de
l'absence de droits et de l'intolérance de la part des résidents
locaux. Cependant, conformément aux statistiques officielles du MVD,
tout au long des dix dernières années, pas plus de 1,9 %
de la totalité des crimes dans le pays ont été commis par des
immigrés. Néanmoins, le régime crée et propage le mythe du “crime
ethnique”.
À Moscou, les immigrés “illégaux” sont parqués dans un camp de concentration en attendant une éventuelle déportation |
Les fascistes
À
Moscou, en même temps que les “nettoyages russes” organisés
pour “aider les policiers”, ont été lancées des bandes
fascistes du type “Bouclier de Moscou”. Ici suffisent pour le
moment les instruments classiques de la machine bonapartiste :
flics, FMS, administration municipale. Mais la perspective de pogroms
fascistes est loin d'être exclue (comme l'ont malheureusement prouvé
les évènements
du mois d'octobre).
Lors
de notre meeting du 31 aout, nous avons vu arriver les mêmes
militants d'extrême-droite qui avaient déjà tenté de créer une
provocation l'année passée lors de notre meeting en défense de
Pussy Riot. Cette fois-ci, ils ont tenté de liguer les immigrés
contre nous ! On entendait ainsi des arguments typiquement
homophobes : « Ils soutiennent le mouvement LGBT,
qu'est-ce que vous pensez de ça ? », « Ouais, c'est
tous des pédés ». Les travailleurs immigrés ont simplement
répondu que ce qui était important pour eux, était le fait que
nous les soutenions, contrairement aux fascistes.
L'extrême-droite
a filmé l'action et les participants à l'action. Un de nos
camarades a essayé de cacher son visage pour ne pas être filmé par
eux ; résultat : une demi-heure plus tard, il était
arrêté pour vérifier ses papiers d'identité.
Nous
avons failli commettre une grave erreur au moment de l'action. Une
dame du voisinage a attaqué les participants au meeting de manière
fort agressive, gênant aussi les orateurs. Un des camarades a
d'abord essayé de se tourner vers la police, qui a tout simplement
ignoré sa demande. En conséquence, à cause de cela, nous avons pu
corriger cette erreur à temps : un autre camarade a décidé de
discuter avec la dame pour répondre à toutes ses questions, et elle
s'est calmée. Il ne faut en effet pas s'étonner du fait que dans ce
contexte de crise économique, de chômage et de pauvreté, beaucoup
de travailleurs locaux soient touchés par la propagande xénophobe
du régime et voient le problème dans les immigrés, et pas dans le
système. Notre tâche n'est pas d'ignorer ces personnes, mais de leur ouvrir les yeux.
L'extrême-droite
se prépare à présent pour sa traditionnelle “Marche russe”,
nationaliste et suprémaciste, du 4 novembre – les
militants de gauche et antifascistes doivent mener campagne pour son
boycott dans les quartiers ouvriers. Mais nous n'avons pas autant de
ressources que les fascistes. Nous appelons donc tous les militants
de gauche locaux et tous ceux qui se disent antifascistes à
rejoindre de manière active le travail pour cette campagne que nous
avons déjà entamée. La date du 4 novembre doit être la
prochaine étape dans notre action antifasciste et antiraciste.
En
plus de cela, il nous faut créer dans les quartiers immigrés des
organisations de base, des groupes d'auto-défense regroupant locaux
et immigrés, qui seuls peuvent s'opposer aux raids illégitimes et
aux attaques de l'extrême-droite. Cette idée a reçu un soutien
parmi les immigrés avec qui nous avons discuté au cours de la
campagne. Lorsque nous avons parlé de la nécessité d'unir les
travailleurs immigrés et locaux dans les quartiers résidentiels,
nous avons entendu de la part d'un interlocuteur : « Mais
oui, des groupes d'auto-défense ! ». C'est à ce travail
que nous avons l'intention de nous attaquer pour la suite de notre
campagne.
Dans plusieurs villes, des bandes fascistes “aident la police” à traquer les immigrés |
La gauche
Un
incident intéressant s'est déroulé après la manifestation du
10 aout. Nous avions rencontré des militants du KPRF (Parti
communiste de la fédération de Russie) qui déclaraient leur
dévouement aux positions de classes et leur intention de « changer
le parti de l'intérieur », pas du tout décontenancés du fait
que leur parti se prononce par exemple en faveur d'un régime de visa
plus sévère pour les pays de la CEI (ex-URSS, c'est-à-dire qu'il
serait plus difficile pour les citoyens du Kazakhstan, etc. d'obtenir
un visa pour entrer en Russie). Mais non seulement ils ne sont pas
venus à notre action, ils en plus blâmé les jeunes militants de la
LKSM (Union de la jeunesse communiste-léniniste) qui soutenaient
l'action ! Il n'y a pas le moindre caractère de “gauche”
parmi ceux qui oublient le caractère de classe du gouvernement et se
dressent de son côté contre une partie de la classe ouvrière en
approuvant les rafles et les déportations.
Les
antifascistes locaux ne se distinguent malheureusement eux non plus
pas souvent par leur conscience de classe. Ce sont des groupes qui
tiennent plus d'une mode que d'une activité qui se limite en général
à des bagarres contre les militants d'extrême-droite. Les sauts
d'un camp à l'autre ne sont pas rares. Nous pouvions encore
comprendre (sans la justifier) qu'il vive de l'homophobie au sein de
ce groupe. Mais à présent, lorsque on annonce une journée d'action
contre le populisme de droite et la xénophobie, on se demande bien
en quoi consiste l'antifascisme de ces “antifascistes”, s'ils ne
sont pas prêts à partir en action contre la propagande raciste ?!
Nous espérons avoir un dialogue avec ces groupes, étant donné que
des actions actives à leurs côtés seraient extrêmement utiles.
Un groupe antifasciste typique |
La nécessité d'une organisation
C'est
une idée souvent répandue parmi de nombreux militants de gauche :
pour se tenir quelque part en brandissant des pancartes, une
organisation n'est pas nécessaire. Le simple “stationnement avec
une pancarte” n'est pourtant que le niveau 0 de la militance.
Il nous faut tout de même savoir quoi écrire sur une pancarte – si,
bien sûr, on veut y écrire quoi que ce soit de sensé. Et encore,
il nous semble désirable, que ces gens qui se tiennent avec des
pancartes affichent sur leur pancarte une position à peu près
semblable. Tout cela exige déjà un travail préalable, une
coordination, c'est-à-dire, dans tous les cas, certains rudiments
d'organisation.
À
plus forte raison, on ne peut se passer d'une organisation à partir
du moment où il s'agit de mener un travail systématique et sérieux
– par exemple, ne pas seulement se tenir une seule fois
quelque part avec une pancarte, mais distribuer des tracts plusieurs
fois dans la semaine, qu'il faut écrire, mettre en page, et
imprimer.
« Il
ne sert à rien d'entrer dans une organisation, si elle n'a pas une
réelle influence politique », entend-on aussi.
C'est
là la position typique des sceptiques, quelque chose du genre « Rien
ne dépend de moi ». Le problème est que les grandes
organisations ne se créent pas par un coup de baguette magique. Si
nous pensions tous pareillement, alors il n'existerait nulle part pas
la moindre association. Dans la pratique, toute organisation de
travailleurs – que ce soit syndicat ou parti – démarre
la plupart du temps avec un petit groupe de militants. Une bonne
illustration de ceci peut être notre section en Afrique du Sud,
qui a pu, grâce à des principes organisationnels et un programme
politique corrects, recruter des travailleurs par centaines et
démarrer un travail pour la construction d'un parti de masse des
travailleurs, le WASP.
Une
telle position réfute la méfiance envers l'organisation et à
partir de là – la tendance à rejeter la partie la plus
difficile du travail sur les épaules de quelqu'un d'autre. Mais bon,
nous ne pouvons simplement condamner ces tendances : tout le
monde n'est pas doté d'une telle assurance, qui lui permette de
consacrer ses forces et son temps à une petite organisation sans la
moindre garantie qu'il en ressorte quoi que ce soit.
Pour
le militant potentiel, la question se pose autrement : 1) es-tu
d'accord avec le programme (ne serait-ce qu'en partie) ? ;
2) es-tu prêt à participer au travail de terrain ? Celui
qui répond par l'affirmative à ces deux questions – en
paroles et en faits –, celui-là est notre personne. Les
autres, laissons-les faire ce qu'ils peuvent : venir à l'action
est déjà pas mal. Il est aussi important de pouvoir simplement
bénéficier de toute une couche de gens qui ne soutiennent que
partiellement nos idées et méthodes mais qui, en fin de compte,
œuvrent eux aussi à l'élargissement de notre base.
Pour des comités d'auto-défense antifascistes dans les quartiers |
Travail – pour tous, salaire – pour tous, logements – pour tous
La
vague d'attaques actuelle n'est pas la première de ce type de la
part de la classe dominante. Lorsque a éclaté la crise en 2008,
les premiers qui en ont souffert ont justement été les immigrés.
En ce temps-là, les entreprises de construction ont licencié leurs
travailleurs en masse, dont la majorité étaient des étrangers. Le
régime a justifié cela de la même manière qu'aujourd'hui (même
si après cela, bien sûr, on a vu les licenciements arriver dans
d'autres secteurs qui ont finalement touché tous les travailleurs).
Les bureaucrates ont répété que les immigrés prennent des emplois
aux nationaux et font diminuer leur salaire. Alors ils ont diminué
les quotas (le nombre maximum d'étrangers qu'une entreprise a le
droit d'engager), et la majorité des immigrés sont devenus
“illégaux”. C'était bien pratique pour les patrons :
lorsque l'immigré se voit interdit de séjour ou enfermé, il ne
faut pas lui payer de salaire, on n'a qu'à en embaucher un autre,
qu'on payera encore moins, en invoquant le “facteur de risque” du
fait d'engager un étranger illégalement.
Le
capitaliste se moque de la provenance du travailleur qu'il a
embauché : tout ce qui l'intéresse, c'est pour combien
d'argent et dans quelles conditions ce travailleur est d'accord de
trimer et de lui apporter du profit. Le capitaliste sait que les
personnes originaires de pays dont la situation économique est
difficile (comme c'est le cas pour la plupart de nos travailleurs
immigrés), acceptent une moindre rémunération de leur travail et
des conditions plus difficiles : en effet chez eux au pays, soit
ils ne peuvent pas du tout trouver de travail, soit ils recevraient
encore beaucoup moins pour leurs efforts.
Aujourd'hui
l'élite veut plus encore de cette main d'œuvre bon marché et
privée de droits. C'est pourquoi, au moment même où leurs chaines
de télévision, leurs radios et leurs journaux racontent les mêmes
légendes sur les immigrés afin d'attiser les sentiments
nationalistes, ils votent la nouvelle loi fédérale n°108. Cette
loi donne à n'importe quel employeur russe qui aurait ne serait-ce
que le moindre lien avec le championnat du monde de football de 2018,
des conditions spéciales pour l'utilisation du travail « de
citoyens étrangers et d'apatrides ». Selon cette loi, le
capitaliste n'a plus besoin d'une autorisation pour l'utilisation de
main d'œuvre immigrée (article 4.9). L'article suivant
supprime tout contrôle sur le recrutement de travailleurs en tant
que volontaires – c'est-à-dire que dans la pratique, cette
loi autorise directement à faire travailler les immigrés
gratuitement. Elle permet d'instaurer pour tous les travailleurs
« impliqués dans le processus de préparation et de
réalisation des manifestations » (sans la moindre précision
sur ce que signifie exactement cette phrase) des journées de travail
exceptionnelles, sans paiement d'heures supplémentaires. Et
finalement, l'article 14.56 exempt de l'imposition pour les
cotisations sociales tout versement aux immigrés selon les
conventions légales du code civil et du travail et de la loi sur les
volontaires.
Aux
côtés de groupes d'auto-défense, il nous faut construire des
syndicats indépendants. Ceux-ci doivent inclure les travailleurs
nationaux et immigrés tous ensemble. Ce n'est que par la lutte qu'on
pourra obtenir un salaire égal pour un travail égal et, de cette
manière, en finir avec le mythe selon lequel les immigrés font
diminuer la valeur de notre force de travail. Quoi qu'en disent
certains militants de gauche qui nous critiquent en invoquant le
caractère soi-disant a priori “réactionnaire” des immigrés ou
qui les appellent des “briseurs de grève”, les immigrés sont
prêts à se battre. Ainsi, par exemple s'est produite à
Yékatérinbourg en 2008 une grève spontanée d'ouvriers
tadjiks employés dans le bâtiment, à qui on devait trois mois
d'arriérés de salaire. Évidemment, il reste à organiser ces
éléments isolés dans un front commun, mais le fait reste que les
immigrés sont prêts.
Il
n'y a pas si longtemps aussi, on annonçait à Yékatérinbourg dans
une série d'entreprises de grandioses violations du code du travail
avec des travailleurs immigrés chinois. Notre revendication est que
toute entreprise illégale, qui utilise des immigrés dans des
conditions qui sentent l'esclavage à plein nez, doit passer en
propriété municipale. Mais cela ne signifie pas qu'il faut que ces
entreprises soient gérées et dirigées par ces mêmes maires et
vice-gouverneurs actuels et à venir, qui eux-mêmes orchestrent la
persécution des immigrés.
Tous
les candidats au poste de maire de la ville ont utilisé les
sentiments anti-immigrés pour gagner à eux le soutien des couches
les plus conservatrices et les plus arriérées des travailleurs.
M. Siline (vice-gouverneur et candidat à la mairie pour le
parti de Poutine), bureaucrate insignifiant, l'ombre du régime
poutinien, participe en personne aux raids policiers ; Roïzmane
(le maire nouvellement élu), à chacun de ses passages dans les
médias, répète le mythe courant comme quoi les immigrés « volent
nos emplois et nos femmes ».
Immigrés
et locaux ont les mêmes problèmes. Toute la ville est dans les
embouteillages, nous nous trainons tous pendant des heures de la
maison au travail et vice-versa. Les bureaucrates de la ville ne
parlent de construire de nouvelle lignes de métro que en tant que
projet dans un futur indéterminé. Aucun logement social ne s'offre
ni à aucun immigré ni à aucun travailleur local ; les
personnes qui un jour en ont reçu un (comme, par exemple, les
travailleurs de la santé) se voient contraints de passer des années
au tribunal pour pouvoir le conserver. Ces politiciens hypocrites ne
proposent rien pour la résolution des véritables problèmes – lisez
seulement leur programme. Roïzmane se décharge de toute
responsabilité en disant « Je ferai ce que je pourrai ».
Par contre, il insiste fortement sur la question nationale, en allant
jusqu'à en faire un point séparé de son programme.
Tous
les candidats ne représentent d'une manière ou d'une autre que les
intérêts des patrons et de la clique au pouvoir. Il nous faut nos
propres candidats des travailleurs, pour la mairie comme pour le
conseil communal. Et, puisque nous n'avons pas à présent assez de
nos propres forces pour proposer de tels candidats, il nous faut dès
aujourd'hui nous préparer aux prochaines élections, ne serait-ce
que pour recevoir une plus grande ouverture en termes d'agitation
(par exemple, bénéficier d'un accès minimal aux médias).
Nous
ne verrons de véritables changements que lorsque toute l'économie
de notre ville, région ou pays, sera contrôlée par des comités
élus de travailleurs et de résidents organisés dans les
entreprises et dans les quartiers. Tous les fonctionnaires doivent
recevoir le même salaire que les travailleurs, être élus et
révocables à tout moment. Les bureaucrates du MVD et du FMS qui
aujourd'hui organisent des raids, doivent être démis de leur
fonction par des organisations de la base. La police aussi doit
passer sous le contrôle d'organisations populaires, avec électivité
et révocabilité à tout moment par n'importe quelle structure de la
base syndicale.
Nous
ne voulons pas vivre dans un monde où règnent le travail
d'esclaves, la xénophobie et la violence policière. Il nous faut un
parti qui unisse l'ensemble de la classe ouvrière et des couches qui
lui sont proches, afin de le transformer.
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