jeudi 17 octobre 2013

Russie : le régime de Poutine s'attaque aux immigrés

Rafles policières, élections municipales et travail de forçat 


Réponse du KRI (Komitiét za rabotchi internatsïonal, section russe du CIO) et d'autres militants de gauche véritable, à la campagne anti-immigrés menée par le régime et par l'extrême-droite
 
Article rédigé en septembre 2013 par nos camarades Oleg Kniazev (Moscou) et N.M. (Yékatérinbourg, ancienne Sverdlovsk) du KRI
À Yékatérinbourg (ancienne Sverdlovsk, 4ème plus grande ville de Russie), comme dans tout le reste du pays, les autorités ont lancé ce mois d'aout une grande campagne contre les immigrés. Celle-ci est basée sur une xénophobie hypocrite dans le but de détourner l'attention loin de la détérioration du niveau de vie de la majorité de la population qui se fait de plus en plus sentir. Le KRI s'est joint à d'autres forces de gauche pour répondre à cette campagne d'agitation, en se prononçant contre la division des travailleurs et la violence policière, et pour une amélioration du niveau de vie et des conditions de travail de la classe des travailleurs dans son ensemble, quelle que soit l'ethnie ou la “nationalité” telle qu'indiquée dans le passeport. Nous avons organisé un meeting sur la grand-place le 10 aout, mené une agitation dans les quartiers immigrés pendant deux semaines, lancé une marche et un nouveau meeting – et la campagne n'est pas prêt de se terminer.
Le plus grand évènement a été l'action du 31 aout. Nous avons marché à travers Sortirovka – un quartier où vivent surtout des immigrés. Y ont participé les sympathisants et membres du KRI, du groupe anarchiste Action autonome (Avtonomoïé Diéïstviye) et des militants de gauche indépendants. La marche s'est terminée par un meeting sur le marché Tagan, là où s'est produite la première rafle.
Nous avons crié : « Ne nous laissons pas diviser – la classe ouvrière est partout une ! », « Non au fascisme de toutes les couleurs : sortons des quartiers, jusqu'au pouvoir ! », « Des personnes illégales, ça n'existe pas ! », « Arrêtez les rafles policières ! », « Les usines aux travailleurs, les unifs aux étudiants, ils nous faut des syndicats de combat ! » (« Razdéliat nas ne dadim – rabotchi klass vezdié odin », « Niet fachizmu vsekh mastiéï, ot podvoroten, do vlastiéï », « Nélégalnykh lioudiéï ne byvaïet », « Khvatit politséïskikh oblav », « Zavody – rabotchim, stoudiéntam – vouzy, nam noujny boïévyïé profsoïouzy »).
Les immigrés n'ont pas participé à la marche, mais nous avons vu au début du meeting se rassembler autour de nous environ soixante travailleurs qui venaient d'arriver. Il n'y avait pas que les commerçants du marché, mais aussi des habitants d'autres quartiers. Certains d'entre eux tenaient des tracts que nous avions distribués la semaine précédente – ils étaient venus d'eux-mêmes à la suite de notre campagne d'agitation en invitant également des amis et connaissances. Au début, les personnes qui étaient arrivées se contentaient de montrer de loin leur soutien aux manifestants, avant de se retrouver vivement impliquées dans une polémique avec des fascistes qui étaient eux aussi venus à l'action.
Les immigrés à l'action, autour d'un nationaliste qui porte un t-shirt :
« Je suis sur ma terre ! et il faut pas me faire chier ! »

Les maires policiers du gouvernement vont de plus en plus loin

Nous avons déjà écrit un article à propos de la première rafle du 5 aout, lors de laquelle 142 personnes avaient été arrêtées. Ce n'était malheureusement pas la dernière. Les rafles constituent à présent le plus grave problème pour les immigrés. Après cela le FMS et l'Omon (FMS : service fédéral des migrations, Omon : police militaire) ont fait irruption le 14 aout sur la 4ème station maraichère située derrière la gare et y ont arrêté 171 travailleurs. On sait aussi qu'un raid s'est produit sur le marché Chartache, mais sans connaitre le nombre exact de personnes arrêtées. Une grande rafle s'est produite le 16 aout dans le quartier Pionniers – 80 personnes y ont été embarquées au centre spécial. Le 19 aout, les policiers ont arrêté 79 immigrés dans le quartier Kirov. 55 personnes ont également été arrêtées dans la petite ville de Aramil (banlieue de Yékatérinbourg). Et ça continue, et ça continue… Près des marchés et des commissariats de police, nous voyons souvent des groupes d'immigrés entourés de policiers. C'est la même chose qui se passe partout dans la province, et même dans toute la région de l'Oural : 153 personnes ont été arrêtées le 12 aout (c'est-à-dire, une semaine après la première rafle à Yékatérinbourg) dans la province de Tioumen, plus de deux-cent en Iamalie, et 18 dans la province de Kourgane. Et ce n'est pas tout : nous avons par exemple été informés aujourd'hui du fait que 800 immigrés auraient déjà été arrêtés à Tioumen.
Après la première rafle, on nous a appris à la télévision municipale que des camps de “filtration”, semblables à celui de Moscou, pourraient être construits dans l'Oural. Quant à Borodine, le chef du département du MVD (ministère de l'Intérieur) de la province de Sverdlovsk, qui a dirigé les rafles, il nous a informés lors de son discours du 6 aout sur la “décriminalisation des marchés de Sverdlovsk” du fait qu'il ne restait déjà plus que neuf places libres dans les centres spéciaux du bureau local du MVD.
Cela signifie-t-il qu'il y a vraiment tant d'immigrés non déclarés ? Mais non ! Les bureaucrates ont beau parler de “conformité à la loi”, ils ne font en réalité que jouer avec les sentiments nationalistes. Au moment de la première rafle, seules douze infractions ont été découvertes – contre cent-trente personnes qui ont été arrêtées simplement comme ça ! parce qu'elles ont une autre couleur de peau, parce qu'elles ont les yeux bridés, parce qu'elles parlent avec un accent. On peut également supposer que parmi toutes ces personnes se trouvaient à la fois des immigrés légaux, des citoyens russes d'ethnies minoritaires venus d'autres provinces, et de simples habitants de la ville. C'est la même chose qui s'est produite à Aramil, où, parmi les 55 personnes raflées, seuls onze ont pu être inculpés de quoi que ce soit.
Les bureaucrates prévoient de dépenser 44 millions de roubles du budget étatique pour le chantier du centre spécial pour immigrés (650 millions de francs CFA, ou un million d'euros). Mais les organes locaux du MVD sont déjà maintenant surchargés de tous ceux qui attendent la déportation – et pas seulement des immigrés. À Yékatérinbourg et à Tioumen, il ne se trouvait parmi eux que 42 immigrés au total le 6 aout. Lorsque nous avons parlé avec les travailleurs immigrés, nous nous sommes heurtés au fait que beaucoup de ceux qui ont une immatriculation ou même la citoyenneté, ne veulent pas soutenir les clandestins. Souvent d'autres immigrés les faisaient changer d'avis. Car c'est le même danger qui menace tous les immigrés, légaux ou non – ils sont obligés de s'unir.
Comme à Moscou, le prétexte choisi pour commettre ces attaques sur les immigrés est leur soi-disant propension à la criminalité. Un des travailleurs est mort lors d'une échauffourée de masse à Aramil le 6 aout. De tels évènements aident le régime à préparer l'opinion publique aux rafles. Comme nous l'avons déjà écrit auparavant, le plus haut niveau de criminalité parmi les immigrés s'explique du fait de leur plus grande pauvreté, de l'absence de droits et de l'intolérance de la part des résidents locaux. Cependant, conformément aux statistiques officielles du MVD, tout au long des dix dernières années, pas plus de 1,9 % de la totalité des crimes dans le pays ont été commis par des immigrés. Néanmoins, le régime crée et propage le mythe du “crime ethnique”.
À Moscou, les immigrés “illégaux” sont parqués dans un camp de concentration
en attendant une éventuelle déportation

Les fascistes

À Moscou, en même temps que les “nettoyages russes” organisés pour “aider les policiers”, ont été lancées des bandes fascistes du type “Bouclier de Moscou”. Ici suffisent pour le moment les instruments classiques de la machine bonapartiste : flics, FMS, administration municipale. Mais la perspective de pogroms fascistes est loin d'être exclue (comme l'ont malheureusement prouvé les évènements du mois d'octobre).
Lors de notre meeting du 31 aout, nous avons vu arriver les mêmes militants d'extrême-droite qui avaient déjà tenté de créer une provocation l'année passée lors de notre meeting en défense de Pussy Riot. Cette fois-ci, ils ont tenté de liguer les immigrés contre nous ! On entendait ainsi des arguments typiquement homophobes : « Ils soutiennent le mouvement LGBT, qu'est-ce que vous pensez de ça ? », « Ouais, c'est tous des pédés ». Les travailleurs immigrés ont simplement répondu que ce qui était important pour eux, était le fait que nous les soutenions, contrairement aux fascistes.
L'extrême-droite a filmé l'action et les participants à l'action. Un de nos camarades a essayé de cacher son visage pour ne pas être filmé par eux ; résultat : une demi-heure plus tard, il était arrêté pour vérifier ses papiers d'identité.
Nous avons failli commettre une grave erreur au moment de l'action. Une dame du voisinage a attaqué les participants au meeting de manière fort agressive, gênant aussi les orateurs. Un des camarades a d'abord essayé de se tourner vers la police, qui a tout simplement ignoré sa demande. En conséquence, à cause de cela, nous avons pu corriger cette erreur à temps : un autre camarade a décidé de discuter avec la dame pour répondre à toutes ses questions, et elle s'est calmée. Il ne faut en effet pas s'étonner du fait que dans ce contexte de crise économique, de chômage et de pauvreté, beaucoup de travailleurs locaux soient touchés par la propagande xénophobe du régime et voient le problème dans les immigrés, et pas dans le système. Notre tâche n'est pas d'ignorer ces personnes, mais de leur ouvrir les yeux.
L'extrême-droite se prépare à présent pour sa traditionnelle “Marche russe”, nationaliste et suprémaciste, du 4 novembre – les militants de gauche et antifascistes doivent mener campagne pour son boycott dans les quartiers ouvriers. Mais nous n'avons pas autant de ressources que les fascistes. Nous appelons donc tous les militants de gauche locaux et tous ceux qui se disent antifascistes à rejoindre de manière active le travail pour cette campagne que nous avons déjà entamée. La date du 4 novembre doit être la prochaine étape dans notre action antifasciste et antiraciste.
En plus de cela, il nous faut créer dans les quartiers immigrés des organisations de base, des groupes d'auto-défense regroupant locaux et immigrés, qui seuls peuvent s'opposer aux raids illégitimes et aux attaques de l'extrême-droite. Cette idée a reçu un soutien parmi les immigrés avec qui nous avons discuté au cours de la campagne. Lorsque nous avons parlé de la nécessité d'unir les travailleurs immigrés et locaux dans les quartiers résidentiels, nous avons entendu de la part d'un interlocuteur : « Mais oui, des groupes d'auto-défense ! ». C'est à ce travail que nous avons l'intention de nous attaquer pour la suite de notre campagne.
Dans plusieurs villes, des bandes fascistes “aident la police”
à traquer les immigrés

La gauche

Un incident intéressant s'est déroulé après la manifestation du 10 aout. Nous avions rencontré des militants du KPRF (Parti communiste de la fédération de Russie) qui déclaraient leur dévouement aux positions de classes et leur intention de « changer le parti de l'intérieur », pas du tout décontenancés du fait que leur parti se prononce par exemple en faveur d'un régime de visa plus sévère pour les pays de la CEI (ex-URSS, c'est-à-dire qu'il serait plus difficile pour les citoyens du Kazakhstan, etc. d'obtenir un visa pour entrer en Russie). Mais non seulement ils ne sont pas venus à notre action, ils en plus blâmé les jeunes militants de la LKSM (Union de la jeunesse communiste-léniniste) qui soutenaient l'action ! Il n'y a pas le moindre caractère de “gauche” parmi ceux qui oublient le caractère de classe du gouvernement et se dressent de son côté contre une partie de la classe ouvrière en approuvant les rafles et les déportations.
Les antifascistes locaux ne se distinguent malheureusement eux non plus pas souvent par leur conscience de classe. Ce sont des groupes qui tiennent plus d'une mode que d'une activité qui se limite en général à des bagarres contre les militants d'extrême-droite. Les sauts d'un camp à l'autre ne sont pas rares. Nous pouvions encore comprendre (sans la justifier) qu'il vive de l'homophobie au sein de ce groupe. Mais à présent, lorsque on annonce une journée d'action contre le populisme de droite et la xénophobie, on se demande bien en quoi consiste l'antifascisme de ces “antifascistes”, s'ils ne sont pas prêts à partir en action contre la propagande raciste ?! Nous espérons avoir un dialogue avec ces groupes, étant donné que des actions actives à leurs côtés seraient extrêmement utiles.

Un groupe antifasciste typique

La nécessité d'une organisation

C'est une idée souvent répandue parmi de nombreux militants de gauche : pour se tenir quelque part en brandissant des pancartes, une organisation n'est pas nécessaire. Le simple “stationnement avec une pancarte” n'est pourtant que le niveau 0 de la militance. Il nous faut tout de même savoir quoi écrire sur une pancarte – si, bien sûr, on veut y écrire quoi que ce soit de sensé. Et encore, il nous semble désirable, que ces gens qui se tiennent avec des pancartes affichent sur leur pancarte une position à peu près semblable. Tout cela exige déjà un travail préalable, une coordination, c'est-à-dire, dans tous les cas, certains rudiments d'organisation.
À plus forte raison, on ne peut se passer d'une organisation à partir du moment où il s'agit de mener un travail systématique et sérieux – par exemple, ne pas seulement se tenir une seule fois quelque part avec une pancarte, mais distribuer des tracts plusieurs fois dans la semaine, qu'il faut écrire, mettre en page, et imprimer.
« Il ne sert à rien d'entrer dans une organisation, si elle n'a pas une réelle influence politique », entend-on aussi.
C'est là la position typique des sceptiques, quelque chose du genre « Rien ne dépend de moi ». Le problème est que les grandes organisations ne se créent pas par un coup de baguette magique. Si nous pensions tous pareillement, alors il n'existerait nulle part pas la moindre association. Dans la pratique, toute organisation de travailleurs – que ce soit syndicat ou parti – démarre la plupart du temps avec un petit groupe de militants. Une bonne illustration de ceci peut être notre section en Afrique du Sud, qui a pu, grâce à des principes organisationnels et un programme politique corrects, recruter des travailleurs par centaines et démarrer un travail pour la construction d'un parti de masse des travailleurs, le WASP.
Une telle position réfute la méfiance envers l'organisation et à partir de là –  la tendance à rejeter la partie la plus difficile du travail sur les épaules de quelqu'un d'autre. Mais bon, nous ne pouvons simplement condamner ces tendances : tout le monde n'est pas doté d'une telle assurance, qui lui permette de consacrer ses forces et son temps à une petite organisation sans la moindre garantie qu'il en ressorte quoi que ce soit.
Pour le militant potentiel, la question se pose autrement : 1) es-tu d'accord avec le programme (ne serait-ce qu'en partie) ? ; 2) es-tu prêt à participer au travail de terrain ? Celui qui répond par l'affirmative à ces deux questions – en paroles et en faits –, celui-là est notre personne. Les autres, laissons-les faire ce qu'ils peuvent : venir à l'action est déjà pas mal. Il est aussi important de pouvoir simplement bénéficier de toute une couche de gens qui ne soutiennent que partiellement nos idées et méthodes mais qui, en fin de compte, œuvrent eux aussi à l'élargissement de notre base.
Pour des comités d'auto-défense antifascistes dans les quartiers

Travail – pour tous, salaire – pour tous, logements – pour tous

La vague d'attaques actuelle n'est pas la première de ce type de la part de la classe dominante. Lorsque a éclaté la crise en 2008, les premiers qui en ont souffert ont justement été les immigrés. En ce temps-là, les entreprises de construction ont licencié leurs travailleurs en masse, dont la majorité étaient des étrangers. Le régime a justifié cela de la même manière qu'aujourd'hui (même si après cela, bien sûr, on a vu les licenciements arriver dans d'autres secteurs qui ont finalement touché tous les travailleurs). Les bureaucrates ont répété que les immigrés prennent des emplois aux nationaux et font diminuer leur salaire. Alors ils ont diminué les quotas (le nombre maximum d'étrangers qu'une entreprise a le droit d'engager), et la majorité des immigrés sont devenus “illégaux”. C'était bien pratique pour les patrons : lorsque l'immigré se voit interdit de séjour ou enfermé, il ne faut pas lui payer de salaire, on n'a qu'à en embaucher un autre, qu'on payera encore moins, en invoquant le “facteur de risque” du fait d'engager un étranger illégalement.
Le capitaliste se moque de la provenance du travailleur qu'il a embauché : tout ce qui l'intéresse, c'est pour combien d'argent et dans quelles conditions ce travailleur est d'accord de trimer et de lui apporter du profit. Le capitaliste sait que les personnes originaires de pays dont la situation économique est difficile (comme c'est le cas pour la plupart de nos travailleurs immigrés), acceptent une moindre rémunération de leur travail et des conditions plus difficiles : en effet chez eux au pays, soit ils ne peuvent pas du tout trouver de travail, soit ils recevraient encore beaucoup moins pour leurs efforts.
Aujourd'hui l'élite veut plus encore de cette main d'œuvre bon marché et privée de droits. C'est pourquoi, au moment même où leurs chaines de télévision, leurs radios et leurs journaux racontent les mêmes légendes sur les immigrés afin d'attiser les sentiments nationalistes, ils votent la nouvelle loi fédérale n°108. Cette loi donne à n'importe quel employeur russe qui aurait ne serait-ce que le moindre lien avec le championnat du monde de football de 2018, des conditions spéciales pour l'utilisation du travail « de citoyens étrangers et d'apatrides ». Selon cette loi, le capitaliste n'a plus besoin d'une autorisation pour l'utilisation de main d'œuvre immigrée (article 4.9). L'article suivant supprime tout contrôle sur le recrutement de travailleurs en tant que volontaires – c'est-à-dire que dans la pratique, cette loi autorise directement à faire travailler les immigrés gratuitement. Elle permet d'instaurer pour tous les travailleurs « impliqués dans le processus de préparation et de réalisation des manifestations » (sans la moindre précision sur ce que signifie exactement cette phrase) des journées de travail exceptionnelles, sans paiement d'heures supplémentaires. Et finalement, l'article 14.56 exempt de l'imposition pour les cotisations sociales tout versement aux immigrés selon les conventions légales du code civil et du travail et de la loi sur les volontaires.
Aux côtés de groupes d'auto-défense, il nous faut construire des syndicats indépendants. Ceux-ci doivent inclure les travailleurs nationaux et immigrés tous ensemble. Ce n'est que par la lutte qu'on pourra obtenir un salaire égal pour un travail égal et, de cette manière, en finir avec le mythe selon lequel les immigrés font diminuer la valeur de notre force de travail. Quoi qu'en disent certains militants de gauche qui nous critiquent en invoquant le caractère soi-disant a priori “réactionnaire” des immigrés ou qui les appellent des “briseurs de grève”, les immigrés sont prêts à se battre. Ainsi, par exemple s'est produite à Yékatérinbourg en 2008 une grève spontanée d'ouvriers tadjiks employés dans le bâtiment, à qui on devait trois mois d'arriérés de salaire. Évidemment, il reste à organiser ces éléments isolés dans un front commun, mais le fait reste que les immigrés sont prêts.
Il n'y a pas si longtemps aussi, on annonçait à Yékatérinbourg dans une série d'entreprises de grandioses violations du code du travail avec des travailleurs immigrés chinois. Notre revendication est que toute entreprise illégale, qui utilise des immigrés dans des conditions qui sentent l'esclavage à plein nez, doit passer en propriété municipale. Mais cela ne signifie pas qu'il faut que ces entreprises soient gérées et dirigées par ces mêmes maires et vice-gouverneurs actuels et à venir, qui eux-mêmes orchestrent la persécution des immigrés.
Tous les candidats au poste de maire de la ville ont utilisé les sentiments anti-immigrés pour gagner à eux le soutien des couches les plus conservatrices et les plus arriérées des travailleurs. M. Siline (vice-gouverneur et candidat à la mairie pour le parti de Poutine), bureaucrate insignifiant, l'ombre du régime poutinien, participe en personne aux raids policiers ; Roïzmane (le maire nouvellement élu), à chacun de ses passages dans les médias, répète le mythe courant comme quoi les immigrés « volent nos emplois et nos femmes ».
Immigrés et locaux ont les mêmes problèmes. Toute la ville est dans les embouteillages, nous nous trainons tous pendant des heures de la maison au travail et vice-versa. Les bureaucrates de la ville ne parlent de construire de nouvelle lignes de métro que en tant que projet dans un futur indéterminé. Aucun logement social ne s'offre ni à aucun immigré ni à aucun travailleur local ; les personnes qui un jour en ont reçu un (comme, par exemple, les travailleurs de la santé) se voient contraints de passer des années au tribunal pour pouvoir le conserver. Ces politiciens hypocrites ne proposent rien pour la résolution des véritables problèmes – lisez seulement leur programme. Roïzmane se décharge de toute responsabilité en disant « Je ferai ce que je pourrai ». Par contre, il insiste fortement sur la question nationale, en allant jusqu'à en faire un point séparé de son programme.
Tous les candidats ne représentent d'une manière ou d'une autre que les intérêts des patrons et de la clique au pouvoir. Il nous faut nos propres candidats des travailleurs, pour la mairie comme pour le conseil communal. Et, puisque nous n'avons pas à présent assez de nos propres forces pour proposer de tels candidats, il nous faut dès aujourd'hui nous préparer aux prochaines élections, ne serait-ce que pour recevoir une plus grande ouverture en termes d'agitation (par exemple, bénéficier d'un accès minimal aux médias).
Nous ne verrons de véritables changements que lorsque toute l'économie de notre ville, région ou pays, sera contrôlée par des comités élus de travailleurs et de résidents organisés dans les entreprises et dans les quartiers. Tous les fonctionnaires doivent recevoir le même salaire que les travailleurs, être élus et révocables à tout moment. Les bureaucrates du MVD et du FMS qui aujourd'hui organisent des raids, doivent être démis de leur fonction par des organisations de la base. La police aussi doit passer sous le contrôle d'organisations populaires, avec électivité et révocabilité à tout moment par n'importe quelle structure de la base syndicale.
Nous ne voulons pas vivre dans un monde où règnent le travail d'esclaves, la xénophobie et la violence policière. Il nous faut un parti qui unisse l'ensemble de la classe ouvrière et des couches qui lui sont proches, afin de le transformer.


De tels syndicats de défense des travailleurs immigrés sont un pas
en avant, mais ils devraient s'unir avec d'autres syndicats
en un front uni pour défendre tous les travailleurs,
immigrés et nationaux

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