Le Tea Party et l'élite discrédités
Article
par notre camarade Bryan Koulouris du groupe
Socialist Alternative (section du CIO États-Unis)
Malgré le fait que ces évènements soient perçus à juste titre comme une défaite pour le Tea Party, les Démocrates tout autant que les Républicains prévoient de lancer de grandes attaques sur les programmes d'aide sociale tels que Medicare, Medicaid et la sécurité sociale, dans le cadre de leurs négociations “bipartisanes” quant au nouveau budget fédéral, qui doivent commencer en décembre.
Pour
Robert Reich, qui était secrétaire au Travail sous le
président Bill Clinton, « Obama a déjà proposé une
méthode pour réduire les futures dépenses de la sécurité
sociale, en modifiant la manière dont les montants à payer sont
ajustés en fonction de la hausse du cout de la vie – en
utilisant un indice des prix au consommateur “en chaine”, ce qui
veut dire que lorsque les prix augmentent, les gens sont censés
économiser en se tournant vers des alternatives meilleur marché.
Mais cela n'a aucun sens si l'on parle des personnes âgées, qui
dépensent déjà une part énorme de leurs revenus en médicaments,
soins à domicile, et appareils médicaux dont les prix
augmentent plus vite que l'inflation. »
Ces
propositions de coupes budgétaires ne feront qu'encore saper
l'autorité déjà mise à mal de notre système politique foireux.
Qui plus est, nous devons déjà nous attendre à connaitre une crise
similaire en janvier et février 2014.
Un
sondage Gallup effectué durant le shutdown a révélé que 60 %
de la population trouve qu'il faut créer un nouveau parti aux USA
– un record ! –, tandis que 26 % seulement
pense que le système à deux partis fonctionne correctement.
Voilà qui révèle une polarisation profonde au sein de la société
américaine. L'immense vide à gauche se reflète directement par le
succès des campagnes électorales locales menées par notre section
américaine, Socialist Alternative.
Désolé, nous sommes fermés ! |
La
droite se retrouve isolée
Les
politiciens du “Tea Party” (fraction de droite populiste à
l'intérieur du parti républicain) et même certains de leurs
riches sponsors avaient planifié ce shutdown gouvernemental
longtemps à l'avance. Ils pensaient que c'était là leur dernière
chance de battre le “Obamacare”, partie intégrale de leur
bataille pour une politique ultra-austérité tout en activant leur
base de droite en vue des élections de mi-mandat qui se dérouleront
l'année prochaine. Au lieu de cela, ils n'ont fait que révéler au
grand jour les énormes divisions au sein du parti républicain
et démontrer l'ampleur de la crise politique apparemment permanente
qui traverse la classe dirigeante américaine.
Le
Tea Party est une invention de vieux républicains visant à
créer une organisation faussement militante et “populaire” en se
servant de l'énorme colère contre les renflouements bancaires et de
la grande déception envers Obama. Ils ont reçu un certain écho
dans un pays fort polarisé, et ont pu organiser de grands meetings
qui rassemblaient des participants essentiellement blancs, âgés,
vivant à la campagne ou dans les faubourgs résidentiels (suburbs)
et de “classe moyenne”. L'idéologie du Tea Party colle à
celle de ces personnes qui sont déçues du déclin relatif de la
puissance américaine dans le monde et se sentent souvent mal à
l'aise du fait d'avoir un président noir. Cette base a dans beaucoup
d'endroits fortement ébranlé les primaires républicaines
(élections au sein du parti), ce qui a poussé les candidats et
députés républicains à se radicaliser et à refuser tout
consensus bipartisan avec le reste de la classe dirigeante.
Le
Tea Party a reçu beaucoup de publicité de la part des médias
capitalistes, qui l'ont utilisé pour orienter le débat vers la
droite et pour faire passer le programme d'austérité. Mais
aujourd'hui, ils sont fortement discrédités. Chaque nouveau sondage
montre à quel point le Tea Party est déconnecté de la réalité
et du point de vue de la grande majorité de la population concernant
la plupart des enjeux de société. Le mouvement Occupy a
complètement bouleversé le débat quant à la crise, en accusant
les véritables responsables, qui sont non pas l'intervention
gouvernementale dans l'économie, mais la classe dirigeante dans son
ensemble, et les inégalités au sein de la société.
La
rhétorique du Tea Party a peut-être aidé les républicains
lors des primaires dans les quartiers résidentiels, mais ce n'est
pas une stratégie durable ni pour le parti républicain, ni
pour ses riches mécènes. Même les frères Koch, des
milliardaires ultra-conservateurs, ont fini par publier une
déclaration dans laquelle ils se distancient du Tea Party et de
son rôle dans le shutdown gouvernemental. Idem en ce qui concerne le
célèbre pasteur de droite Pat Robertson.
Le
dernier jour avant le début du shutdown, plusieurs très grands
patrons sont intervenus auprès de John Boehner et de
politiciens Tea Party pour tenter de les convaincre d'arrêter
leurs menaces, qui revenaient à pointer un revolver sur la tempe de
l'économie américaine. D'autres membres du Tea Party ont
averti à Boehner que tout geste de soumission de sa part reviendrait
à mettre un terme à sa carrière politique. Mais à présent, ils
tentent de contenir le conflit au sein du parti républicain,
qui est passé de la “guerre froide” à la “guerre de
tranchées”. On s'attend encore à de grandes batailles lors des
primaires républicaines pour les élections de mi-mandat, sans doute
alimentées par les nouvelles divisions qui émergeront peut-être
concernant la question du budget d'État en janvier et février
prochains.
Tout
cela a déjà fait énormément de dégâts aux institutions
dirigeantes américaines dans la perception des travailleurs
américains comme aux yeux de la population mondiale.
Le Tea Party : « L'incendie ? C'est le noir là qui l'a fait ! » |
Une
immense colère
C'est
surtout le Tea Party qui est jugé responsable du shutdown, mais
la plupart des gens sont également en colère contre tous les
politiciens quels qu'ils soient. Il a été largement révélé que
les députés du Congrès continuaient à recevoir leurs salaires,
alors même que 800 000 fonctionnaires et employés de
l'État se retrouvaient de force en congés sans solde, et que la
fermeture de l'ensemble des services publics (comme les urgences
hospitalières) a causé un grand nombre de morts.
Les
dirigeants syndicaux n'ont pas appelé à la moindre manifestation
contre le shutdown. Ce faisant, ils ont laissé passer une immense
occasion de construire le soutien aux syndicats et pour un programme
d'urgence pour l'emploi qui serait financé par des taxes sur les
millionnaires et sur les grandes entreprises. La colère qui vit dans
la société devait pourtant bien s'exprimer quelque part. Le
Tea Party a tenté de mobiliser des camionneurs pour fermer les
routes qui mènent à Washington DC, afin de capitaliser sur la
frustration et de la diriger contre les Démocrates : cela a été
un flop complet.
Des
millions de gens ont vu Dylan Ratigan, un commentateur libéral,
donner à la télévision un discours de cinq minutes
extrêmement radical et apparemment improvisé, venant du cœur, qui
a ensuite été partagé des centaines de milliers de fois sur
Facebook.
Ratigan
disait que « Des dizaines de milliers de milliards de dollars
sont extraits des États-Unis d'Amérique par un système financier,
un système boursier, un système de taxation, qui a été mis en
place par les deux partis. Le Congrès est vendu ! Il faut
arrêter affaire d'argent dans la politique ! Le système
bancaire est totalement corrompu et il nous pille ! » Il
n'a évidemment pas été jusqu'à dire qu'il nous faut un nouveau
parti qui représente les 99 % de la population, pour installer
le socialisme démocratique, mais le fait de voir ce pétage de plomb
radical autant diffusé montre bien la conscience qui est en train de
se développer.
Dylan Ratigan : « Gros problème – Arranger le système » |
Un
écran de fumée pour couvrir la boucherie
L'adoption
du budget fédéral a été renvoyé à un “comité congressionnel”
qui prendra ses décisions dans les prochaines semaines. Obama et les
dirigeants du parti démocrate ont déjà affirmé être prêts
à attaquer tous les grands programmes sociaux qui nous viennent du
“New Deal” et de la “Great Society”, qui avaient
été imposés par des mouvements de masse des travailleurs, des
opprimés et de la jeunesse. Obama a même été jusqu'à dire qu'il
voudrait diminuer les taxes sur les grandes entreprises.
Bien
que beaucoup de gens sont contents de voir les politiciens “mettre
leurs différences de côtés pour se mettre au travail”, le
problème est que le programme des deux partis n'est pas du tout
orienté vers la défense des intérêts de la population laborieuse
et des pauvres. Il se base plutôt sur une approche conflictuelle qui
vise à instaurer une politique pro-capitaliste. Tout accord
budgétaire bipartisan s'en prendra de nouveau aux programmes
essentiels que sont Medicare et la sécurité sociale, plutôt que
taxer l'incroyable richesse de notre élite super-riche. Il faut donc
s'attendre à voir encore grandir la déception envers les Démocrates
si ces coupes budgétaires devaient être effectuées.
Affiche de défense de Medicare : « Mme Lyda Haskins, de River Falls, ne peut pas se permettre la fin de Medicare. Et vous ? » |
Le
vide politique
Il
y a d'immenses ouvertures pour le mouvement syndical et pour la
gauche pour intervenir dans ce débat. Les récents sondages, les
discours radicaux à la télévision, la popularité du mouvement
Occupy, les luttes déterminées menées par les travailleurs à bas
salaire – toutes ces éléments indiquent une ouverture
massive que la gauche doit saisir fermement.
Socialist Alternative,
section américaine du CIO, a montré l'exemple avec nos campagnes
électorales extrêmement politiques et dynamiques à Seattle et à
Minneapolis. Il faut que d'autres militants de la classe prolétaire
se dressent et se présentent aux élections de mi-mandat de 2014,
au niveau local et national.
Il
nous faut des candidats qui viennent du syndicat des enseignants, en
lutte contre les coupes et la privatisation de l'enseignement ;
des candidats qui soient des propriétaires de maison menacés
d'expulsion par les banques et les flics, en lutte contre les saisies
immobilières ; des candidats qui soient des travailleurs à bas
salaire, qui se présentent contre les politiciens capitalistes ;
des militants anti-sexistes, anti-racistes, anti-homophobie, pour
rompre avec la politique des deux partis des patrons.
Plus
que jamais, cette crise montre à quel point Wall Street a
deux partis, tandis que nous n'en avons aucun. Un pas énorme
dans la construction d'un parti qui soit un parti des 99 % de la
population, serait de voir deux-cent candidats indépendants se
présenter pour les élections de 2014. Des candidats liés aux
mouvements sur le terrain, des candidats qui refusent de se voir
achetés, des candidats avec un programme de lutte pour et avec les
travailleurs, les jeunes et les pauvres.
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