École d'été 2014 du CIO : rapport de la discussion sur les perspectives mondiales
Comme
chaque année, l'école d'été européenne du CIO cette année a
rassemblé plus de 350 camarades venus du monde entier. Cette
école d'été, qui dure une semaine chaque année, est un moment
important dans la vie de notre organisation, afin de rassembler les
camarades de différents pays et discuter de nos perspectives et
analyses au niveau mondial. C'est en outre un moment crucial pour se
connaitre et échanger entre camarades de divers pays, ce qui
renforce la construction du CIO en tant que parti unifié au plan
mondial.
Des
camarades étaient présents des pays suivants : Allemagne,
Autriche, Belgique, Chypre, France, Espagne, Grèce, Irlande, Italie,
Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Suède, Turquie. Des
camarades et contacts étaient également venus d'Afrique du Sud,
Algérie, Australie, Brésil, Canada +Québec, Chine (Hong-Kong),
États-Unis, Israël-Palestine, Malaisie, Maroc, Sri Lanka,
Russie, Tunisie.
Aucun
camarade du Nigeria n'a malheureusement pu faire la route, en raison
de nos pertes financières vu que nous n'avons pu maintenir notre élu
au parlement européen ; et que les camarades nigérians sont
très occupés à récolter la somme de 3 millions de francs CFA pour pouvoir faire enregistrer le tout nouveau Parti socialiste
du Nigeria auprès de leur Commission électorale.
Une année de réaction…
La
première journée de discussion était centrée sur des rapports des
camarades internationaux, concernant l'actualité dans leur pays mais
aussi des analyses de l'économie mondiale et du jeu de pouvoir qui
se dessine entre grandes puissances.
Il a notamment été fait état
des tensions croissantes dans la région Pacifique, où la puissance
sur le déclin des États-Unis fait face à la Chine qui cherche à
s'affirmer – cela pourrait se traduire par l'éclatement de
conflits militaires dans le futur, entre la Chine et ses voisins
alliés des États-Unis (Japon, Corée, Philippines…). Il a été
remarqué également que de nouveaux foyers de conflits militaires se
sont ouverts au cours de cette année, avec la crise en Ukraine, en
Syrie, en Centrafrique, la rébellion au Venezuela… Avec toutes ces
guerres, on a maintenant atteint le nombre de 33 millions de
réfugiés dans le monde, presque deux fois la population
entière de Côte d'Ivoire.
En
même temps, cette année a été une année de recul et de défaites
partielles pour le mouvement des travailleurs, c'est-à-dire de
réaction. En Tunisie, de nombreux gouvernements ont chuté et ont
été recomposés depuis la révolution, un nouveau gouvernement est
constitué qui a déjà promis d'appliquer tous les plans du FMI,
malheureusement avec la bénédiction de la direction du syndicat UGT
et du Front populaire, ce qui freine l'organisation de la riposte. En
Égypte, le général al-Sissi a pris le pouvoir et fait exécuter
les opposants tout en rétablissant à leur poste les anciens cadres
du régime de Moubarak, malgré de nombreuses grèves dans le pays.
En Ukraine, le début de révolution a été détourné par des
éléments réactionnaires et d'extrême-droite, ouvrant la voie au
conflit actuel. Au Venezuela, les hésitations du gouvernement
Maduro, le successeur de Chávez, qui cherche la “réconciliation”
avec l'impérialisme plutôt que de prolonger la révolution, ont
ouvert la voie à une rébellion impérialiste venue de Colombie et
qui gagne l'ouest du pays. En Iraq, des milices islamistes fanatiques
ont pris le contrôle d'une grande partie du territoire, tandis qu'au
Nigeria, le Boko Haram continue à semer la terreur partout dans
le pays. En Grèce et dans d'autres pays européens, des années de
grèves et de manifestations n'ont mené à rien du tout, et les
travailleurs et la gauche sont en ce moment fort démoralisés.
En Égypte, le général al-Sissi voudrait enterrer la révolution |
…Mais aussi de luttes croissantes et de victoires
Mais
au même moment, on a vu de réels succès, comme au Brésil, en
Afrique du Sud et aux États-Unis.
Au
Brésil, après l'explosion sociale de l'année passée contre la
hausse du prix des transports, on a vu les nombreuses manifestations
et grèves pour protester contre la dépense du budget gouvernemental
dans la construction de stades de football. Les travailleurs du métro
ont fait grève pendant la Coupe du monde, les nettoyeurs
de rue ont fait grève pendant le carnaval, ce qui a forcé le
gouvernement a faire de rapides concessions en termes salariaux. Dans
plusieurs villes, la grève des enseignants mobilise les jeunes et
les parents dans de grandes manifestations. Le Mouvement des
travailleurs sans toit, un mouvement qui organise des occupations de
terrain afin d'y construire des quartiers improvisés là où les
bourgeois pensaient garder le terrain vide pour la spéculation, a
forgé de très bons liens avec nos camarades, et pour la première
fois de son histoire, a appelé à voter pour un candidat lors des
élections, ce candidat étant un de nos membres.
En
Afrique du Sud, le nouveau Parti ouvrier et socialiste
(WASP), fondé à l'initiative de nos camarades et des comités de
grève des mineurs après le massacre de Marikana, n'a pas obtenu le
score électoral attendu, en raison de difficultés financières et
médiatiques, du poids de l'ANC qui s'est maintenu “par miracle”
après le décès de Mandela et malgré les très nombreux scandales
de corruption et ses attaques sur les travailleurs, en raison aussi
des manœuvres de Julius Malema qui a entre autre volé notre
programme socialiste pour s'assurer son propre succès lors des
élections, et du fait que le grand syndicat des métallurgistes, la
Numsa, a refusé d'appeler clairement à voter pour nous, malgré le
soutien extrêmement enthousiaste de ses affiliés. Mais malgré le
fait que nous n'ayons pas même obtenu 1 % des voix, nous
remarquons que la création du WASP a énormément pesé dans le
débat politique, et que la question d'un nouveau parti pour les
travailleurs est réellement discutée partout dans le pays, en plus
de revendications mises en avant par nous et reprises par Malema,
comme la nationalisation des mines, de l'industrie et des grandes
plantations. D'excellentes bases ont été posées, et le WASP va
continuer à grandir et à jouer un rôle très important dans
l'évolution politique de l'Afrique du Sud, d'autant que le
moral est en ce moment très haut du côté des travailleurs, avec la
victoire de la grève des mineurs qui a duré 4 mois et obtenu
de grandes hausses salariales, immédiatement suivie par la grève
des métallurgistes, toujours en cours en ce moment.
Mais
la plus grande victoire est sans conteste celle obtenue par notre
organisation aux États-Unis, où notre camarade Kshama Sawant
est parvenue, à la tête d'une épatante campagne de mobilisation
populaire, à se hisser au conseil communal de la ville de Seattle
(la première fois qu'un élu socialiste y parvient depuis plus de
100 ans), avec la promesse d'instaurer un salaire minimum de
15 $ de l'heure (7500 francs CFA) pour tout habitant
de cette ville. Quelques mois à peine après son élection, le
mouvement formidable pour l'instauration de ce salaire a remporté la
victoire, forçant les conseillers communaux bourgeois à voter son
introduction. En plein contexte de crise économique, cette nouvelle
a représenté une incroyable nouvelle pour tous les travailleurs
américains. Nous avons été instantanément contactés par des
personnes vivant dans plus de 400 villes des États-Unis, et
avons déjà doublé notre nombre de membres depuis, de 250
à 500 militants. La tâche principale à présent est de
poursuivre notre offensive contre les capitalistes américains en
l'étendant à l'échelle de tout le pays, tout en consolidant et
éduquant notre nouvelle base militante et tous ces camarades qui
nous ont rejoints. La situation politique aux États-Unis est
extrêmement mure pour la création d'un nouveau parti des
travailleurs qui romprait avec le système bipartite traditionnel en
vigueur dans ce pays. Le socialisme est lui aussi une idée assez
nouvelle dans le pays : les travailleurs et militants américains
n'ont pas tout le poids des trahisons des partis “socialistes” ou
“communistes” européens et africains, ce qui leur permet de
foncer tête baissée et sans a priori à la découverte de
cette nouvelle idéologie.
Nos camarades américains ont obtenu l'instauration du salaire minimum à 7500 francs/heure pour tous dans la ville de Seattle aux USA |
Une volonté de changement malgré les obstacles
Ailleurs
dans le monde, on voit des mouvements se développer comme
l'occupation du parlement de Taïwan par 20 000 étudiants
révoltés, ou l'occupation du centre-ville de Hong Kong pour la
démocratie et des élections équitables, en plus des mouvements
d'immigrés qui réclament leurs droits. En Chine même, comme
d'habitude, il est très difficile d'intervenir et de savoir ce qu'il
se passe, puisque l'appartenance à toute organisation politique
internationale est assimilée à de l'espionnage et est puni par
10 ans de prison, que les syndicats sont interdits et les médias
extrêmement contrôlés par le régime dictatorial du
Parti communiste chinois. Mais on a vu une grève splendide de
40 000 travailleurs dans une usine de chaussures (usine qui
produit à elle seule 20 % des chaussures du monde entier), – qui a pu obtenir quelques concessions malgré une répression terrible –, des
émeutes dans plusieurs villes contre la
corruption et la violence d'État.
En
Europe, on a vu l'extrême-droite ou des populistes de droite
progresser dans beaucoup de pays, comme Ukip au Royaume-Uni (Parti
pour l'indépendance du Royaume-Uni) ou le Front national en
France. Mais la progression du FN par exemple n'est que très
relative, et ce parti n'est parvenu à progresser que parce qu'il a
mis de côté la plus grande partie de son discours raciste pour se
concentrer sur des “solutions” économiques par rapport à la
crise qui touche les travailleurs, et adopter un discours
“antisystème” ou “anticapitaliste”. Mais on voit que dans
les pays où il existe une organisation de gauche combative et
radicale, des victoires peuvent être obtenues et l'extrême-droite
peut se voir mise de côté, comme en Belgique avec la percée du
Parti du Travail de Belgique (stalinien), en Espagne avec Podemos!
(“Nous pouvons !”), en Irlande avec l'Alliance
anti-austérité.
Au
Sri Lanka, malgré la terreur du régime militaire de Rajapakse
qui renforce son emprise sur le pouvoir après la fin de l'offensive
contre la population tamoule insurgée, nos camarades continuent à
agir clandestinement pour l'unité des travailleurs de différentes
ethnies et religions, malgré les appels à la haine de certains
groupes fondamentalistes comme le parti bouddhiste qui dit vouloir
chasser tous les musulmans et hindoux du pays.
En
Israël-Palestine, l'horreur de la guerre à Gaza a lancé un
mouvement antiguerre qui prend de l'ampleur, avec 8000 manifestants
à Tel-Aviv cette semaine (contre 1000 la semaine précédente).
Cependant, beaucoup de travailleurs israéliens ont été convaincus
par le gouvernement raciste que la guerre est la seule solution pour
mettre fin aux attaques terroristes qui les visent. Nous appelons à
l'unité des travailleurs israéliens et palestiniens dans la lutte
contre l'État impérialiste israélien tout comme contre les
islamistes, pour la révolution socialiste, seule capable d'amener la
paix et la coopération dans la région.
Manifestation antiguerre en Israël |
Le capitalisme de plus en plus vacillant
Tout
cela se passe dans un contexte de grande incertitude pour l'économie
mondiale. Les capitalistes sont eux-mêmes très peu confiants dans
leur système et refusent d'investir. Tout l'argent reste à la
banque, pendant ce temps, les entreprises ferment et aucun emploi
n'est créé. Par contre, on voit un très grand nombre d'importants
rachats et fusions de grandes multinationales, ce qui fait que le
monde tend de plus en plus au capitaliste monopolistique, donc à
plus d'instabilité.
L'état
de la spéculation sur l'immobilier en Chine menace à tout moment
d'exploser. La Chine a construit un nombre incalculable de logements
(la Chine a produit en 3 ans plus de ciment que les États-Unis
n'en ont produit dans tout le 20ème siècle), qui restent vides
car ils sont immédiatement rachetés par de gros capitalistes qui
laissent monter les prix. Ce qui fait que les logements à Beijing et
à Shanghai sont maintenant les plus chers au monde. Avec les prix
actuels, un paysan chinois devrait économiser son revenu pendant
2000 ans pour pouvoir espérer acheter un petit appartement.
Dans certains endroits, des villes entières ont été construites
qui restent totalement vides. La “bulle” immobilière pourrait
éclater à tout moment. Comme cette spéculation est étroitement
liée au système bancaire, l'éclatement aura des répercussions
pires sur l'économie mondiale que la crise venue des États-Unis
en 2008. En plus, comme aujourd'hui la croissance de nombreux
pays (comme l'Australie) est totalement déterminée par la
croissance chinoise pour leurs exportations (minerai de fer, pétrole,
etc.) ou importations (tout ce qui sort des usines chinoises), cela
aura des conséquences effarantes, même en-dehors du secteur
bancaire.
Bref,
ce qu'on voit à l'échelle mondiale, est que la crise se poursuit et
va forcer les populations et notamment les travailleurs à entrer en
lutte contre le système. Cependant, il y a toujours le danger que
ces mouvements soient détournés par des groupes réactionnaires
comme en Égypte ou en Ukraine, ce qui mène à la défaite de la
révolution. Mais ces défaites ne sont sans doute que temporaires,
vu que la politique néolibérale mise en place par les nouveaux
régimes va forcément ramener dans la rue la population déçue du
résultat de leur révolution. Enfin, l'expérience des États-Unis,
du Brésil et de l'Afrique du Sud montre que là où les
travailleurs s'organisent correctement et suivent un programme
progressiste visant à une mobilisation croissante et à l'unité des
travailleurs plutôt que les divisions, des victoires, et même de
grandes victoires, sont possibles. De manière générale, les
travailleurs du monde entier sont à la recherche d'une alternative à
ce système, et la situation est mure pour la croissance d'une
organisation révolutionnaire telle que la nôtre.
Le CIO : une force révolutionnaire appelée à se développer partout dans le monde |
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