samedi 11 avril 2015

Nigeria : Élections 2015 : le parti au pouvoir s'effondre suite à des élections historiques

Mais seule la lutte de masse pourra assurer la défense des intérêts des masses populaires sous la présidence Buhari


Les élections du 28 mars 2015 ont sans nul doute constitué un important point tournant dans l'histoire du Nigeria. C'est la première fois en 55 ans depuis l'indépendance du Nigeria qu'un parti dirigeant a été chassé du pouvoir par les élections – en l'occurrence, il s'agit du départ du Parti démocratique populaire (PDP) qui dirigeait le pays depuis maintenant 16 ans (soit depuis la fin de la dictature militaire en 1999). Bien que 14 partis et candidats aient concouru, le scrutin s'est essentiellement joué entre les deux principaux partis politiques de l'élite procapitaliste du pays : le PDP au pouvoir, et le Congrès panprogressiste (APC).

Analyse du Comité exécutif national du Mouvement socialiste démocratique (DSM, section nigériane du CIO)


Le vainqueur des élections est le candidat de l'APC, le général Muhammadu Buhari, un ancien dictateur militaire, musulman originaire du nord-ouest du pays, d'ethnie peule. Ces élections sont sa quatrième tentative de se faire élire. Il a obtenu 15 424 921 voix (54 %), remportant le scrutin avec 2,6 millions de voix de plus que le candidat du PDP et président sortant, Goodluck Jonathan, qui a reçu 12 853 162 voix. Ce n'est pas une très grande différence si on la compare aux résultats des autres élections qui ont eu lieu depuis le retour du régime civil en 1999, mais cela représente malgré tout une importante défaite pour le PDP.

Le PDP sera désormais un parti minoritaire au sein de la prochaine Assemblée nationale, vu que l'APC, en même temps qu'il a remporté la présidence, a aussi gagné plus de 60 sièges de députés au sénat comme à la chambre des représentants. Cependant, malgré cela, l'APC n'a pas pu obtenir la majorité des deux tiers à l'Assemblée qui est nécessaire pour pouvoir faire passer des décisions importantes. Néanmoins, c'est la première fois que l'APC se retrouve en position de pouvoir nommer les responsables de l'Assemblée nationale.

Les élections précédentes ont souvent vu le PDP se maintenir au pouvoir en utilisant la force conférée par son mandat présidentiel, les fonds étatiques, la police et de l'armée pour organiser une fraude électorale massive en sa faveur. La confiance que le PDP avait placée dans son immense machine de fraude électorale était telle qu'un des anciens présidents du parti a été jusqu'à proclamer que son parti allait encore certainement rester au pouvoir pour les 60 prochaines années.

Mais ces élections ont consacré un transfert du pouvoir d'une section de la classe dirigeante à une autre faction de cette même classe. Pour la plupart des Nigérians qui ont participé aux élections, celles-ci ont représenté l'occasion de se débarrasser d'un gouvernement qui était fortement méprisé à cause de la politique antisociale menée, malgré le fait qu'il avait été porté au pouvoir par une vague de « relatif soutien populaire ».

Mais en janvier 2012, soit un an à peine après son élection, Jonathan a surpris tout le monde en augmentant le prix de l'essence, qui est subitement passé de 65 à 140 naïras/litre (de 180 à 420 francs CFA/litre). Cette décision a provoqué la colère des masses ; des millions de travailleurs partout au Nigeria sont partis en grève générale.

À présent, après que l'élite dirigeante à la corruption exubérante a dilapidé les bénéfices du cours élevé du pétrole pour son propre compte, la menace d'un redoublement de la politique d'austérité couplée à l'inaptitude du gouvernement à faire cesser l'insécurité représentée par Boko Haram n'ont fait que s'ajouter à la colère populaire qui s'est exprimée dans les urnes.

Malgré le fait que le vainqueur de ces élections n'est jamais qu'un autre représentant de l'élite dirigeante capitaliste, les masses pauvres et laborieuses ont à présent pris la pleine mesure de leur pouvoir qui est la possibilité de punir un parti par la voie des urnes et de forcer un changement de gouvernement. « S'il n'y a pas de changement dans notre situation, alors nous allons changer de gouvernement tous les quatre ans » : cette phrase est devenue comme un refrain repris en chœur par toute une couche de la population.

Pour les socialistes et pour les militants de gauche, cependant, il faut tirer les leçons de ces élections. Cela signifie par exemple que dans la période à venir, un parti politique prolétarien authentique pourrait émerger, se battre pour le pouvoir et gagner. Même s'il y a très peu de chances pour que le parti de la classe dirigeante accepte de céder le pouvoir de manière pacifique au cas où il serait battu lors des élections par un véritable parti du « changement », càd. un parti politique prolétarien qui remette fondamentalement en question les intérêts du capitalisme et les privilèges de l'élite dirigeante corrompue. Cependant, la confiance que les masses laborieuses et la jeunesse ont acquises en participant à ces élections sera cruciale pour mener à bien la construction d'une telle alternative politique prolétarienne de masse.

Des manifestations de joie spontanées ont éclaté dans la soirée du mardi 31 mars dans de nombreuses villes comme Lagos, Ibadan, Osogbo et dans le nord du pays. La dernière fois où on a vu des élections susciter autant d'engouement populaire était les élections du 12 juin 1993, dont les résultats avaient été annulés par le régime militaire du général Badamosi Babangida.

Il est certain qu'aucune des élections que nous avons connues depuis le retour à un régime civil il y a 16 ans n'a eu le même impact. Néanmoins, il faut tout de même remarquer que moins de la moitié des électeurs ont été voter : le taux de participation n'a été que de 43 %, ce qui montre que des dizaines de millions de personnes ne se sont pas senties concernées ou n'ont trouvé aucun candidat qui les arrange parmi les différents partis en lice.

Goodluck reconnait sa défaite face à Buhari. Il ne s'agit finalement que
de deux candidats issus de la même classe et défendant le même système

Pourquoi ce scrutin a été exceptionnel

Plusieurs facteurs économiques et politiques expliquent pourquoi ces élections ont été si différentes :

Le premier facteur est l'échec total du PDP sur le plan socio-économique. Ce parti n'a pas pu apporter la moindre amélioration à la vie des masses populaires du pays. Pendant 16 ans de pouvoir PDP, les masses laborieuses n'ont connu que la souffrance, une aggravation de leurs conditions de vie, sociales et économiques, alors qu'on ne faisait que parler d'une manne pétrolière.

Malgré le fait que l'économie se soit accrue jusqu'en 2014 grâce à la hausse des cours du pétrole et à l'importance des exportations de pétrole brut, la grande majorité de la population n'a connu que la hausse des inégalités face à des hauts cadres de l'État qui ne faisaient que piller les finances publiques et se plonger dans la corruption. Le département de l'Énergie des États-Unis estime que le pétrole a fait gagner au Nigeria 200 000 milliards de francs CFA entre 2010 et 2014. Mais on n'a rien vu de cet immense revenu ni en termes de développement de l'infrastructure, ni en ce qui concerne les conditions de vie de la population.

Le deuxième facteur très important est la crise économique qui touche le pays depuis à peu près juillet 2014, due à l'effondrement du cours du pétrole sur le marché mondial. Le pays s'est tout à coup retrouvé incapable de répondre à ses obligations du fait de la baisse de son revenu. 18 gouvernements régionaux doivent entre cinq et deux mois de salaires à leurs employés, y compris dans les États dirigés par l'APC qui vient de remporter les élections.

Le pétrole compte pour 70 % dans le revenu du Nigeria et 90 % dans le total de ses exportations. Le déclin du prix du pétrole a causé un trou dans les finances du pays : la Banque centrale du Nigeria estime que les réserves en devises étrangères ont encore diminué de 5 % au mois de mars, pour ne plus s'élever qu'à 18 000 milliards de francs CFA. À cause de ça, la monnaie nationale, le naïra, est en chute libre : il a perdu 20 % de sa valeur contre le dollar (il y a un an, 1 dollar coutait 160 naïras, mais aujourd'hui c'est 200 naïras), ce qui pèse très fortement sur les performances des banques et sur les opérations des industriels et des importateurs.

Juste après les élections, le magazine The Economist de Londres écrivait que « l'inflation qui est à présent de 8,4 % … pourrait atteindre les 15 % d'ici la fin de l'année », et que la forte baisse du revenu pétrolier pourrait vouloir dire qu'« il faudra plus de coupes budgétaires. Les projets de construction de routes et autres seront sans doute gelés parce qu'il n'y a plus d'argent pour payer les constructeurs ».

Tout cela cause de l'inquiétude parmi les investisseurs dont la profitabilité est menacée. Mais surtout, cela suscite évidemment aussi la colère parmi les masses populaires qui, même si elles n'avaient rien gagné de la hausse du prix du pétrole, voient pourtant depuis peu leurs conditions de vie fortement empirer à cause de la baisse de ce même prix. Il n'est donc pas surprenant de constater que mis à part la rébellion de Boko Haram, l'enjeu le plus important de la campagne pour tout le monde était l'économie, notamment la gestion du revenu national et la corruption du régime.

Le troisième facteur qui a contribué à l'engouement populaire lors de ces élections est la perception selon laquelle la présidence Jonathan a été le gouvernement capitaliste le plus incompétent qu'a connu le pays depuis 1999. Jonathan avait été élu avec un assez large soutien populaire en 2011, bénéficiant de 24 millions de voix (c'est à dire presque autant de voix que celles que lui et Buhari ont obtenues ensemble cette année !). Les masses pauvres du pays avaient vraiment espéré que ce cadre du PDP assez peu connu, issu d'un milieu pauvre, qui déclarait qu'il n'avait même pas de chaussures à ses pieds pour aller à l'école quand il était enfant, allait enclencher un nouveau développement économique et social qui allait permettre au pays de progresser avec toute la population.

Mais tout comme les camarades du DSM (Mouvement socialiste démocratique, section du CIO au Nigeria) l'avaient expliqué, la présidence Jonathan était un gouvernement capitaliste qui œuvrait dans les intérêts de ce système et de l'impérialisme. Sa politique antisociale de privatisation a été une catastrophe pour les travailleurs et les pauvres. De même en ce qui concerne la corruption à grande échelle de son gouvernement et son échec à tous points de vue, y compris face à la rébellion du Boko Haram dans le Nord-Est.

C'est ainsi que huit mois à peine après avoir été élu, le président Jonathan a été confronté dès janvier 2012 à un mouvement de masse à l'échelle nationale accompagné d'une grève générale, déclenché par le triplement du prix de l'essence à cause de l'abandon des subsides étatiques.

Dans ce contexte, de nouvelles divisions se sont ouvertes au sein de la classe dirigeante, et de nouvelles alliances ont été nouées entre les divers clans rivaux, culminant avec l'abandon de Jonathan par l'ancien président Obasanjo et une épidémie de départs du PDP. Son autorité affaiblie, Jonathan a rapidement vu les principales puissances impérialistes prendre leurs distances par rapport à lui.

Malgré la nature bourgeoise de celui qui a gagné les élections, la défaite de Jonathan et du PDP est un évènement qui mérite d'être célébré ; il s'agit d'une défaite bien méritée. Déjà en janvier 2012, alors que le mouvement de contestation atteignait son paroxysme, les masses avaient appelé à la chute du régime Jonathan.

Donc, en réalité, le gouvernement antisocial du président Jonathan aurait déjà dû avoir été dissout dès 2012 ; la seule chose qui l'a sauvé a été la trahison de la direction du Congrès nigérian du Travail (NLC) et du Congrès des syndicats (TUC) qui, apeurée par l'ampleur de la radicalisation qui se développait dans la rue et qui était en train de donner naissance à un sentiment révolutionnaire dans tout le Nigeria, a appelé à mettre fin à la grève sans avoir obtenu la moindre revendication, pas même le retour des subsides étatiques sur l'essence (sans parler de la chute du gouvernement).

Donc au vu de tout cela, les élections du 28 mars 2015 ont essentiellement constitué un référendum sur la présidence de Jonathan. D'une certaine manière, c'était également un verdict populaire contre l'inefficacité et la tactique de collaboration de classes suivie par la direction syndicale. Dans tous les cas, c'est cette revendication politique, formulée dès janvier 2012, que les masses rendues furieuses par la politique antisociale et procapitaliste du gouvernement PDP en plus de tous ses échecs (notamment vis-à-vis du Boko Haram) ont à présent concrétisée dans les urnes.

Grève de 2011 : « Les Nigérians ensemble contre la corruption :
supprimez la corruption pas les subsides sur l'essence »

Buhari

Le quatrième facteur dans ces élections a été la candidature du général Muhammadu Buhari, un ancien dictateur militaire qui a dirigé le Nigeria de son coup d'État de décembre 1983 jusqu'au coup d'État d'aout 1985 qui l'a chassé du pouvoir. Pendant ses vingt mois passés à la tête de l'État, il avait entrepris beaucoup d'efforts pour mettre un terme à la corruption et au gaspillage de l'argent public, mais avait en même temps perpétré de nombreuses attaques contre les droits démocratiques, avec la fermeture de plusieurs journaux, la censure, l'expulsion des travailleurs immigrés, la répression brutale des grèves et des manifestations, et des licenciements collectifs pour les travailleurs grévistes. Tout cela avait été accompagné par une politique d'austérité capitaliste destinée à freiner les dépenses publiques par des coupes budgétaires drastiques.

Il est intéressant de constater que le régime Buhari avait rompu les liens avec le FMI lorsque cette institution avait ordonné à son gouvernement de dévaluer le naïra de 60 % ; cependant, les réformes qu'il avait mises en place par lui-même étaient tout aussi rigoureuse et brutales que celles exigées par le FMI. Par exemple, Buhari avait décidé d'arrêter les subsides aux restaurants étudiants sur les campus des universités publiques, ce qui avait suscité une opposition de masse, en particulier de la part des étudiants. En 1984, la Nans (Association nationale des étudiants nigérians), dirigée par Lanre Arogundade, avait organisé une grève et une marche nationale pour manifester contre les attaques antisociales de Buhari dans l'enseignement. Parmi les autres mesures prises par lui à l'époque, on peut citer la fin du recrutement au service civil fédéral et l'arrêt de plusieurs grands projets d'État.

Il ne fait aucun doute que le régime Buhari de 1983-85 s'est véritablement démené pour faire cesser la corruption et le gaspillage. Parmi ses efforts, on peut citer l'arrestation de nombreuses personnes accusées de détourner les fonds publics, de spéculateurs et de blanchisseurs d'argent, ainsi qu'un décret pour condamner à la peine de mort les coupeurs de route et braqueurs, qui a été appliqué avec effet rétroactif (en violation flagrante de tous les droits démocratiques). Cependant, et comme c'est bien souvent le cas de la part des réformistes procapitalistes, la plupart de ces actions ont échoué pour la bonne raison qu'elles cherchaient à soigner les symptômes de la maladie plutôt que la véritable racine du problème : le système capitaliste qui est la source fondamentale de la corruption.

De plus, certaines de ces actions étaient ciblées et visaient des critiques du régime. C'est ainsi que le grand chanteur d'afrobeat Fela Kuti, qui avait beaucoup critiqué Buhari, a été arrêté le 4 septembre 1984 à l'aéroport de Lagos au moment où il allait prendre son avion avec son groupe pour aller jouer aux États-Unis. Fela était accusé d'avoir exporté de l'argent étranger illégalement, alors qu'il était évident que cette opération avait pour but le financement de ses musiciens qui étaient déjà partis sur le terrain pour préparer sa tournée américaine. Son arrestation a suscité un scandale au Nigeria et un peu partout à l'étranger, avec des déclarations d'Amnesty International, etc. Mais cela n'a pas empêché que Fela soit enfermé pour cinq ans.

On a aussi vu de nombreux journalistes comme Tunde Thompson et Nduka Irabor du Guardian se faire arrêter au nom du fameux « décret nº4 » selon lequel était interdite tout « fausse accusation » envers des cadres du régime.

Par contre, au même moment, le 10 juin 1984, l'émir de Gwandu (un émirat haoussa du nord-ouest du pays), dont le fils était l'aide-de-camp de Buhari, est revenu d'Arabie saoudite avec 53 valises remplies de billets de banque sans qu'aucune de ces valises ne soit contrôlée par la douane à l'aéroport.

En même temps, Buhari a aussi lancé une « guerre contre l'indiscipline » le 20 mars 1984, par laquelle le régime avait décidé de remédier à ce qu'il considérait comme un manque de moralité publique et de responsabilité citoyenne dans la société nigériane. Ainsi, les fonctionnaires qui arrivaient en retard au travail étaient humiliés et forcés de « faire la grenouille » devant les soldats. On forçait également les Nigérians « turbulents » à faire de jolis rangs aux arrêts de bus encadrés par l'armée, laquelle avait le droit de fouetter toute personne jugée « pas assez sage ».

C'est pourquoi, malgré toutes les tentatives faites aujourd'hui par les propagandistes de son parti pour embellir son passé, le régime militaire de Buhari était à l'époque haï pour sa politique procapitaliste brutale et pour ses nombreuses attaques à l'encontre des droits démocratiques, des droits de l'homme et des conditions de vie.

Mais malgré toutes ces caractéristiques dictatoriales et procapitalistes de Buhari, il reste perçu par les populations pauvres du nord du pays (et également à présent par de larges couches des masses populaires et des jeunes des villes du Sud) comme une personne incorruptible, au train de vie modeste voire austère, qui a toujours refusé de vivre dans le luxe affiché par les anciens dirigeants du pays. Les populations pauvres du Nord voient aussi Buhari comme quelqu'un qui ne fait pas partie de l'élite bourgeoise ni de l'aristocratie haoussa/peule qui détient le pouvoir dans le nord du pays.

C'est donc cette combinaison de plusieurs facteurs : l'image de Buhari, l'absence d'une alternative politique prolétarienne authentique et crédible, l'abandon de la lutte par la direction syndicale, en plus de l'incompétence flagrante du gouvernement Jonathan, qui a suscité toute cette popularité et cet enthousiasme dans le cadre de ces élections. Il ne faut par conséquent pas considérer ce résultat comme étant un plébiscite en faveur de Buhari et/ou de l'APC.

Buhari et l'APC sont plutôt les bénéficiaires d'un désir ardent de dégager un gouvernement antisocial qui avait échoué à tout point de vue. Si un véritable parti prolétarien de masse avait pu mener campagne avec un programme politique et économique socialiste et anticapitaliste, Buhari et l'APC n'auraient sans doute pas pu constituer un tel point de ralliement ; parce que la population aurait vu qu'il aurait existé une véritable alternative par rapport à la corruption, à la décadence et à l'arriération représentée par le PDP autant que par son frère jumeau qui est l'APC.

Cependant, confrontées à la possibilité d'un nouveau mandat de quatre ans pour le PDP qui promettait un nouveau tour de politique antisociale, les masses laborieuses ont décidé que Buhari représentait le « moindre mal » ou, selon le bon mot du magazine The Economist : « le moins affreux des deux ».

Le général Buhari dans les années '1980.
Entre deux coups d'État…

Les pièges ethniques et religieux

Malheureusement, l'éternelle division du Nigeria selon des lignes ethniques et religieuses s'est inévitablement invitée dans la campagne électorale. Cela ne veut cependant pas dire que les facteurs ethniques et religieux ont été aussi déterminants que lors des élections précédentes. Mais cela démontre qu'à cause de la question nationale du Nigeria qui reste jusqu'ici non résolue, l'élite dirigeante nécoloniale et procapitaliste du Nigeria, qu'il s'agisse du clan rangé derrière le PDP ou de celui de l'APC, reste incapable de formuler un véritable discours politique pour tout le Nigeria sans que la question ethnique ou religieuse ne pointe encore et toujours sa vilaine tête. Il suffit de jeter un œil aux résultats région par région pour s'en rendre compte.

Par exemple, mis à part le Sud-Ouest (région de Lagos et pays yoruba) où les deux candidats ont obtenu à peu près la même proportion de voix, Jonathan et Buhari ont obtenu des votes massifs et décisifs dans les régions dont ils sont originaires. Buhari, un musulman nordiste, a obtenu 1,9 millions de voix dans la ville de Kano ; Jonathan, un chrétien sudiste, a quant à lui reçu 1,4 millions de voix dans l'État des Rivières (région de Port Harcourt dans le delta du Niger, en pays igbo). Le taux de participation au Nord comme au Sud était aussi bien plus élevé qu'au Sud-Ouest. Dans le Sud-Ouest, le facteur ethnique et religieux a eu très peu d'importance (mis à part certaines personnes originaires de l'Est, du delta du Niger ou du Nord qui ont voté selon des lignes ethniques) vu qu'aucun des candidats ne venait de cette région.

Mais surtout, les masses laborieuses de la région ont déjà connu des gouvernements PDP et APC au niveau régional, qui ont tous rivalisé dans la politique antisociale et dans la corruption. Quatre États du Sud-Ouest sont dirigés par l'APC. Le plus important d'entre eux est l'État de Lagos, qui est dirigé par l'APC depuis maintenant 16 ans. Ce parti n'a jamais rien fait pour améliorer le sort de la grande majorité des pauvres Lagotiens.

Tout en affirmant vouloir transformer Lagos en une « métropole moderne », le gouvernement APC de Lagos a perpétré des attaques brutales sur les masses laborieuses. Les chauffeurs de taxi-moto se sont fait ôter leur revenu, les chauffeurs de bus et de taxi sont constamment harcelés par toutes sortes de taxes de même que les artisans et les commerçants ruinés par les impôts, les médecins du public et autres fonctionnaires qui s'étaient vus contraints de partir en grève se sont faits licencier pour ce motif, etc.

Il y a trois ans, les frais d'inscription à l'université publique de Lagos sont passés de 75 000 francs CFA à un million de francs par an ! Ce n'est que par une lutte de masse des étudiants, alliés au personnel de l'université, à laquelle ont activement participé aussi la Campagne pour le droit à l'enseignement et le Front d'action uni, que le gouvernement a été forcé d'annuler cette hausse des frais.

Dans d'autres États dirigés par l'APC, comme l'État de Osun, les fonctionnaires n'ont pas été payés depuis cinq mois. Alors que les gouvernements régionaux prétendent que leurs finances sont à sec à cause de la baisse du cours du pétrole, ces mêmes gouvernements régionaux ont trouvé les moyens pour financer la campagne électorale de l'APC.

Tout cela a créé parmi la population du Sud-Ouest un sentiment d'indifférence par rapport au jeu politicien entre le PDP et l'APC. C'est pour cela que les deux partis ont obtenu à peu près les mêmes scores dans la plupart des États du Sud-Ouest. À Lagos, seuls 1 495 975 personnes sont venues voter sur un nombre total d'électeurs de 5 827 846, soit un taux de participation d'à peine 26 %. Cela montre bien que les gens sont fatigués et de l'APC et du PDP, mais sans qu'aucune alternative ne soit proposée. Si à Lagos, 792 460 personnes ont voté pour Buhari et 632 327 pour Jonathan, le troisième candidat, celui de l'Alliance pour la démocratie, n'a obtenu de son côté qu'à peine 4453 voix.

Bien entendu, contrairement à 2011, le PDP a perdu de nombreux États qui avaient autrefois voté pour lui au Nord comme au Sud, tandis que Buhari a obtenu pour la première fois dans l'histoire de son parti un très grand nombre de voix dans le Sud, y compris la majorité dans cinq des six États du Sud Est (delta du Niger). La doctrine de « changement » promue par l'APC a certainement eu un effet sur les électeurs au-delà des divisions ethniques et religieuses. Les efforts du PDP pour effrayer les électeurs chrétiens en leur racontant que « Buhari cherche à islamiser le Nigeria » n'ont pas eu le moindre effet.

Il est instructif de noter que Buhari a obtenu un important soutien dans les États centraux, dont la population est essentiellement chrétienne. Il y a gagné la majorité dans quatre des six États. Dans ces États, surtout dans l'État de Benué (où vit l'ethnie Tiv, chrétienne), la population a mis de côté la question religieuse pour punir le gouvernement PDP qui ne payait pas les salaires des enseignants et à cause de qui les écoles ont été fermées pendant plusieurs mois entre 2013 et 2014 alors que le pétrole se vendait toujours au-dessus des 100 $ du baril. En outre, les fonctionnaires de cet État n'ont pas été payés depuis six mois.

Mais d'un autre côté, Buhari a pu compter sur les voix des Nordistes qui lui ont permis de remporter les élections de manière décisive. S'il est vrai qu'on a vu la population fêter la victoire de Buhari dans tout le pays, y compris à Port Harcourt (qui est la base de Jonathan), cela ne fait que masquer la division ethnique qui reste cachée telle une bombe à retardement.

Chose étonnante, c'est le journal The Nation, l'organe de l'APC, qui a été le premier à annoncer cette inquiétude dans la presse bourgeoise du Nigeria. Dans son édition du 1er avril consacrée aux résultats des élections, son rédacteur en chef Emmanuel Oladesu a souligné les points suivants : « Contrairement aux élections du 12 juin 1993 qui avaient élu le candidat du Parti social-démocrate, feu chef Moshood Abiola, le mandat octroyé au général Buhari pourrait ne pas être perçu comme un mandat pannigérian, vu le vote qui s'est beaucoup exprimé selon des lignes ethniques ou religieuses ».

Poursuivant, il écrit : « La position prise par le Nord musulman dans la bataille pour la présidence a été clairement façonnée par son désir de voir un changement de pouvoir. De même, le comportement des électeurs dans le Sud et le Sud-Est a également été influencé par la question ethnique et religieuse ». Dans son commentaire sur le nouvel alignement des forces politiques causé par les résultats électoraux, Emmanuel Oladesu dit aussi que : « L'alliance apparemment naturelle entre le Nord et le Sud/Sud-Est qui datait d'avant la Première République a maintenant disparu. Pour la première fois, c'est le Sud-Ouest et le Nord qui semblent s'être mis d'accord ».

Même si cette problématique a pour l'instant été mise en sourdine par le fait que le président Jonathan a admis sa défaite publiquement et immédiatement même avant que tous les votes ne soient comptés, le mécontentement ethnique va inévitablement revenir sur le devant de la scène à partir d'un certain moment.

Ceci, parce que le capitalisme – que Buhari et son parti l'APC comptent bien perpétuer avec leur accès au pouvoir – est à sa base un système injuste qui empêche toute distribution équitable des richesses, puisqu'il a pour mécanisme leur concentration entre quelques mains. Seule une action décisive du mouvement syndical peut unifier les luttes de la population ; par contre, sans cette unification, le mécontentement des masses pourrait prendre un caractère ethnique ou religieux. Les factions rivales au sein de la classe capitaliste peuvent chercher à exploiter les divisions ethniques. Ce n'est donc pas un hasard si, dans son allocution à la suite de la proclamation des résultats par la CEI, l'agent national du PDP, l'ancien ministre Godsdey Orubebe, a accusé le président de la CEI, M. Jaga, d'être un « tribaliste ».

Cela pourrait signifier qu'à partir d'un certain moment, les habitants du delta du Niger et du Sud qui produisent le pétrole vont à nouveau commencer à se sentir marginalisés et délaissés, malgré le fait que la situation de la population de cette région ne s'est aucunement améliorée lorsque le « fils du Sud » Jonathan était au pouvoir. Dans la plupart des États du Sud, y compris l'État de Bayelsa où est né Jonathan, la majorité de la population reste pauvre, souffre de l'exploitation et de la répression par les multinationales pétrolières, n'ont pas accès à l'électricité, aux routes ou à l'infrastructure. De nombreux jeunes désespérés se lancent dans le raffinage informel du pétrole afin de survivre.

Le magazine Financial Times le souligne également : « Selon des dirigeants politiques du delta du Niger, il y a un risque important que d'anciens militants qui ont profité de la présidence de M. Jonathan tentent à présent de se maintenir coute que coute en provoquant des troubles » (31 mars 2015).

Explosion de joie dans les rues de Kaduna (pays haoussa, nord du Nigeria).
« Votez APC : Le changement est possible »

Des élections pas si libres et ouvertes

Comme la plupart des observateurs locaux et internationaux l'ont rapporté, ces élections se sont distinguées par un nombre qualifié de très bas d'irrégularités, de fraude et de violence. Cela n'a tout de même pas empêché, selon la Commission national des droits de l'homme, 50 personnes de se faire tuer pendant le vote samedi 28 mars. On a aussi entendu parler d'actes de violence dans l'État des Rivières, où quatre personnes ont trouvé la mort, y compris un soldat. Cela, malgré le fait que 360 000 policiers avaient été déployés dans tout le pays à des emplacements stratégiques avec des chiens renifleurs, etc. en plus de la mobilisation de l'armée.

Dans son rapport, la Mission d'observation du scrutin de l'Union européenne a mentionné des failles dans le processus comme par exemple l'ouverture tardive de certains bureaux de vote, les dysfonctionnements de l'identification biométrique, certains incidents violents regrettables et la réouverture des bureaux le dimanche. Selon le Groupe de suivi de la transition, les voix de l'État des Rivières et d'autres États du Sud (base du président sortant Jonathan) semblent avoir été fortement gonflées pendant le comptage.

Lundi, des milliers de manifestants ont assiégé le bureau de la CEI pour exiger la tenue d'un nouveau scrutin dans leur État. Lors d'un de ces accidents, le siège d'une délégation locale de la CEI dans l'État des Rivières a été incendié par les manifestants. On a également eu des rapports selon lesquels dans le Nord, qui soutient Buhari, des mineurs sont venus voter et les voix ont été exagérées lors du comptage.

En outre, un des traits distinctifs de ces élections a été les sommes astronomiques dépensées tant par le PDP que par l'APC. Bien entendu, le PDP qui était le parti au pouvoir au niveau fédéral disposait d'une source quasi illimitée de fonds pour financer sa campagne. Le régime du PDP a mis à profit la période de six semaines de report des élections (du 14 février au 28 mars) pour dépenser des milliards et des milliards de naïras pour sa campagne avec des publicités, des meetings, des réunions avec divers regroupements et associations, des clips et des documentaires de propagande.

Mais l'APC n'était pas loin derrière. Des milliards de naïras ont également été dépensés par l'APC qui a plongé les mains dans les finances de tous les États sous son contrôle. Cela explique en partie pourquoi dans de nombreux États, comme l'État d'Osun, les fonctionnaires n'ont pas été payés depuis cinq mois.

Dès le départ, au moment de choisir les formulaires de vote, le PDP comme l'APC avaient déjà décidé que le résultat du scrutin serait une simple affaire de savoir qui des deux factions rivale de l'élite dirigeante allait dépenser le plus d'argent, tandis que les masses populaires étaient malheureusement reléguées au rang de simples spectateurs tout juste bons à applaudir l'un ou l'autre dirigeant.

Malgré son discours contre la corruption et pour le « changement », Buhari a pris le formulaire de nomination présidentiel de l'APC pour 27,5 millions de naïras (80 millions de francs), tandis que le président Jonathan a payé 22 millions de naïras pour le formulaire du PDP (65 millions de francs).

C'est une autre raison pour laquelle les illusions des masses dans la présidence de Buhari vont certainement être rapidement réduites à néant. C'est celui qui paye le musicien qui décide de la musique. Buhari a parcouru tout le pays d'un bout à l'autre en volant dans des jets privés : il n'aurait jamais pu se lancer dans une campagne aussi couteuse – bien plus couteuse que ses trois dernières campagnes réunies –, sans d'énormes investissements de la part des nombreux escrocs et détourneurs de fonds publics qui abondent au sein de l'APC.

Ces individus vont à présent certainement exiger un retour sur investissement et des compensations en termes de contrats juteux et de mesures économiques favorables après l'intronisation de Buhari. Cela veut donc dire que, comme cela s'est passé avec tous les gouvernements précédents, malgré ses bonnes intentions affichées, l'argent censé financer l'enseignement, la santé ou les services sociaux terminera à la place dans les poches et sur les comptes en banque des riches soutiens et parrains de son parti, qui ne vont pas perdre de temps à s'emparer de leur part du gâteau dès que le nouveau gouvernement aura été mis en place.

« Le Nigeria a besoin de M. Buhari pour : sécurité maximum,
corruption zéro, discipline »

Les perspectives pour les masses populaires

Les masses populaires, surtout les couches qui ont placé le plus d'illusions dans Buhari, vont entrer dans une nouvelle période où ces illusions seront soumises aux tests et vérifications les plus sévères. Il sera extrêmement important que les socialistes et les militants de gauche utilisent la période actuelle pour maintenir et renforcer les liens avec la classe des travailleurs, la jeunesse et les masses pauvres ainsi qu'avec leurs organisations afin de tirer ensemble les leçons que nous réserve la nouvelle période qui s'ouvre au Nigeria.

À la suite de ces élections, l'enthousiasme délirant des dernières semaines semble en train de doucement faire place à une certaine sobriété. Même le journal Punch, dans son éditorial du mardi 2 avril 2015, a reconnu le fait que « Le Nigeria a déjà vu de fausses aurores auparavant, surtout après les élections générales de 2011, lorsque les électeurs ont porté Jonathan au pouvoir sur une vague de sympathie à la suite du décès soudain du président Umaru Yar' Adua ».

Il ne fait aucun doute que le nouveau gouvernement de Buhari va prendre le pouvoir dans une période extrêmement sombre pour le capitalisme. Les revenus d'État sont en chute libre à cause de l'effondrement du cours du pétrole. La naïra a perdu une grande partie de sa valeur, tandis que l'inflation s'est accrue de +0,25 points de pourcentage entre janvier et février pour atteindre 8,4 %.

Après que ses prédécesseurs aient dilapidé la majorité du revenu provenant de la vente du pétrole lorsque l'économie se portait bien, le nouveau gouvernement va avoir relativement peu de moyens (pour un gouvernement capitaliste) avec lesquels démarrer. Pour ce gouvernement capitaliste dans lequel les larges masses populaires ont placé leurs espoirs et leurs aspirations à une vie meilleure, l'évolution de la situation économique va le restreindre sérieusement et le forcer à abandonner bon nombre de ses promesses à un moment où la population s'attend justement au « changement ». Il ne fait aucun doute que le gouvernement Buhari sera un gouvernement de crise.

Le gouvernement entrant, malgré l'intégrité personnelle de Buhari, ne sera jamais qu'un autre gouvernement capitaliste, càd. un gouvernement dont l'objectif est de rendre les riches plus riches et ce, aux dépens de la majorité pauvre, via une politique de privatisation, de commercialisation et de soi-disant « partenariats publics-privés ». Né il y a deux ans de la fusion de différents partis d'opposition et de personnes qui ont quitté le PDP au pouvoir, l'APC qui a choisi Buhari comme son candidat aux élections est un parti procapitaliste qui s'inscrit dans la même idéologie de privatisation et de dérégulation que le PDP, et a déjà démontré dans les États où il a remporté les élections, qu'il est bien plus efficace en tant que défenseur du capitalisme.

Le journal The Guardian du 2 avril 2015 a fait état de l'enthousiasme sur les marchés à l'annonce de la victoire de Buhari. Selon un rapport, la capitalisation sur le marché à la bourse du Nigeria s'est accrue de 8,5 % mercredi, soit 906 milliards de naïras de plus (2700 milliards de francs). Les opérateurs expliquent que « On n'a jamais connu un tel rebond du marché dans toute l'histoire de notre bourse informatisée ». Un courtier a décrit cette amélioration comme étant un signe de « retour de la confiance des investisseurs ».

Le naïra a lui aussi opéré un brusque demi-tour en reprenant de la valeur face aux principales devises alors qu'il ne faisait que baisser jusqu'ici. Le directeur exécutif de Highcap Securities Limited, M. Tunde Adanri, a résumé cette humeur en disant qu'il espère que le nouveau régime soutiendra l'enthousiasme des investisseurs en mettant en œuvre des « mesures économiques tournées vers le marché ».

Cela veut dire que, après quelques concessions temporaires faites au départ afin de répondre quelque peu aux attentes des masses, il est plus que certain que la politique de l'administration Buhari sera la même que celle suivie par les gouvernements précédents, faites de mesures procapitalistes telles que la privatisation, la dérégulation, le sous-financement de l'enseignement, la hausse des frais d'inscription, etc. Cela signifie que le Nigeria restera plongé de manière indéfinie dans la même situation paradoxale d'une misère de masse au milieu d'une abondance de richesses.

En particulier, en conséquence de la baisse du revenu national, le gouvernement va tenter d'imposer une politique d'austérité tout en lançant quelques actions symboliques de haut vol contre quelques personnes notoirement archicorrompues. Mais dans le contexte de chute du cours du pétrole, l'austérité constituera le gros de la politique qui se présentera au gouvernement Buhari. L'austérité va mener à des pertes d'emplois, à la dépression économique et à une aggravation des conditions de vie. Cela a été confirmé par le Financial Times du 31 mars 2015 pour qui « ayant pris le pouvoir dans une période tout aussi morose dans les années '80, le général Buhari a déjà une bonne expérience pour ce qui est d'imposer l'austérité ».

Cependant, les masses laborieuses et la jeunesse dont la puissance a fini par dégager le gouvernement PDP ne vont pas rester là à regarder sans rien faire tandis que leurs conditions de vie sont attaquées. La présidence Buhari pourrait par conséquent mener à une explosion de la lutte populaire. Des manifestations et grèves de masse pourraient être à l'ordre du jour tôt ou tard.

On peut voir un développement de luttes qui, si elles sont menées de manière décisive, pourraient arracher des concessions. Mais dans ce contexte de crise, ces concessions ne seront que temporaires. Ce dont nous avons besoin est un mouvement qui se batte pour une rupture complète avec le système capitaliste.

Au fur et à mesure que la déception envers le gouvernement Buhari se répandra et que les masses commenceront à ouvrir les yeux, de plus en plus de gens vont partir en quête d'une alternative. Mais si le mouvement syndical, les socialistes et les militants de gauche ne sont pas prêts avec une alternative politique sous la forme d'un parti prolétarien de masse, il y a un risque que des couches de la population et de la jeunesse déçues placent à nouveau leurs espoirs dans un autre parti ou candidat de la même élite dirigeante capitaliste. Au niveau régional, nous avons d'ailleurs déjà vu le pouvoir passer du PDP à l'APC et vice-versa sans que cela n'amène le moindre changement dans les conditions de vie des masses.

C'est pourquoi la meilleure façon d'éviter de se retrouver à nouveau dans cette situation où la classe des travailleurs met sa foi dans l'une ou l'autre faction bourgeoise rivale de laquelle elle attend un salut qui ne vient jamais, est que les syndicalistes, les socialistes et les militants de gauche commencent la tâche cruciale de la construction d'une alternative politique sous la forme d'un parti prolétarien de masse.

Nous, membres du DSM (section nigériane du CIO) et du Parti socialiste du Nigeria (SPN), réitérons donc notre appel au mouvement syndical à se hâter, en particulier suite à ces élections de 2015, de convoquer un congrès des syndicats, des socialistes et de la société civile où pourra être posée la question de la construction d'un parti politique prolétarien de masse représentant une véritable alternative.


Coalition de la société civile et des syndicats :
« Oui à la grève, appliquer le salaire minimum, respect des accords
entre patrons et personnel »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire