Assez de morts sur le
campus !
Nous apprenions ce weekend
le décès du camarade Konin Wilfried alias « Doubaï », étudiant en master 1 de sciences économiques et membre de la FESCI. Tout en apportant nos sincères condoléances à
la famille et aux proches de la victime, il nous faut également nous
exprimer sur les conditions qui ont mené à un tel malheur, afin que
chacun prenne ses responsabilités et que ce genre de choses ne se
reproduisent plus.
Voici donc notre analyse
des faits tels qu'ils nous ont été signalés par des témoins
oculaires dignes de confiance, et les conclusions que nous en tirons.
Reporters du CIO-CI à l'université FHB
C'est mercredi 18 novembre
à 17 h qu'un détachement de la FESCI (Fédération étudiante
et scolaire de Côte d'Ivoire) est intervenu sur le quai de
chargement des bus du campus, « géré » par les
camarades de l'AGEECI (Association générale des étudiants et élèves de Côte d'Ivoire), pour les en déloger. L'AGEECI ne
s'est pas laissé faire, a appelé des renforts et a pourchassé les
fescistes jusque sur le campus.
Le lendemain jeudi
19 novembre, les camarades de l'AGEECI ont commencé à faire du
bruit. Ils ont décidé de lancer une contrattaque en allant
interpeler la direction de l'université sur le fait que sur les
quelques résidences nouvellement réhabilitées, seuls les étudiants
de la FESCI se sont, selon eux, vus attribuer des chambres ;
alors que d'autres bâtiments restent vides malgré la
réhabilitation. L'AGEECI est donc partie en groupe occuper les blocs
H1 et H3. La FESCI serait à nouveau intervenue pour les en déloger.
C'est suite à la bagarre
qui a éclaté (dans laquelle machettes, couteaux et gourdins sont
sortis) que deux étudiants, tous deux membres de la FESCI, ont été
grièvement blessés et transférés au CHU. C'est ainsi que vendredi
matin, on a annoncé la mort du camarade Doubaï. Un autre militant de la FESCI, le camarade Asseu Laurent Patrick, serait quant à lui toujours dans un état critique.
Cette situation nous
interpelle à plusieurs titres.
1. En quoi la « gestion »
des quais de bus est-elle si importante ?
Serait-ce une source de
revenus, de prestige ou de privilèges indus ? Il est vrai que,
vu le manque criant de bus qui dessert le campus, l'arrivée d'un
véhicule provoque toujours des bousculades qui ont déjà mené à
la mort ou à la mutilation de plusieurs étudiants. Il est donc
bienvenu que des rangs soient organisés et une certaine discipline
assurée afin d'éviter de tels désastres.
Cependant, c'est pour
nous à la Sotra que revient le devoir de détacher des agents
responsables de la bonne tenue du rang. À défaut, nous ne sommes
pas contre le fait que les étudiants prennent sur eux cette tâche à
des fins de volontariat, mais en quoi cela vaut-il la peine qu'on se
batte pour occuper ce « terrain » ?
Nous appelons
donc les différents syndicats à se mettre d'accord pour un partage
équitable de la gestion des quais, tout en s'assurant que cela ne
soit pas l'occasion de racketter ou de harceler les étudiants.
Nous appelons également
la Sotra à prendre ses responsabilités.
Nous invitons en
particulier les travailleurs de la Sotra à approcher les syndicats
étudiants qui sont prêts à mener la lutte pour la mise en place d'une plateforme commune de
revendications et d'une stratégie d'action. La raison profonde de tout ce chaos étant l'agonie d'une
structure pourtant aussi importante que la Société de transports
abidjanais.
Plus de bus signifie à la fois plus d'emplois pour les
travailleurs et moins de morts et de violence sur le campus. Il faut
exiger que les bus passent à une fréquence raisonnable (minimum un
chaque quart d'heure sur chaque ligne) et en suivant des horaires
affichés sur le quai. Il faut également construire un véritable
quai : il est absurde, honteux même, que les étudiants fassent
le rang assis sur le toit du hangar qui s'est effondré à peine
quelques mois après sa mise en place !
Tout cela nécessite un
refinancement public et une gestion valable de la Sotra, chose au caractère
bien plus politique qu'on ne veut le croire. (voir notre prochain
article sur la question des transports à Abidjan).
2. Pourquoi les résidences
ne sont-elles toujours pas accessibles ?
Il est intolérable que
les résidences rénovées ne soient toujours pas ouvertes, malgré
les nombreux mouvements organisés par les étudiants à ce sujet.
Les résidences doivent être libérées et les chambres doivent être
attribuées selon des principes démocratiques et non pas en fonction
des luttes d'intérêt des syndicats. Une lutte sérieuse doit de
plus être menée pour la réhabilitation totale de l'ensemble des
résidences universitaires à Abidjan, sous le contrôle de
représentants choisis démocratiquement par les étudiants.
Comme pour la question des
transports, nous sommes cependant en droit de nous demander à qui
profite cette situation ? Qu'on arrête de nous parler de
« retards » dans la gestion des dossiers !!
3. Quel est le rôle de la
police universitaire sur le campus ?
Pourquoi trouve-t-on
normal que les étudiants se machettent pour un oui ou pour un non ?
Il faut mettre un terme au climat d'impunité qui règne sur le
campus. Les policiers sont toujours prêts à venir nous gazer ou
matraquer à la moindre tentative d'organiser un petit meeting pour
des causes que nous estimons pourtant justes, mais lorsqu'il s'agit
d'intervenir pour faire cesser ces pratiques mafieuses, ils regardent
ailleurs !
La violence condamnable pas seulement du point de vue moral, mais aussi du point de vue des intérêts supérieurs de la lutte étudiante
Nous concluons de tout
ceci que, malgré la bonne volonté et les efforts courageux affichés
par certains membres de la FESCI de voir leur syndicat retourner à
des traditions de lutte démocratique pour les étudiants, une bonne
partie des membres, sans doute encouragée par l'appareil et par les
« traditions » en vigueur dans ce mouvement, continue à
se conformer à des pratiques condamnables de « lutte d'influence », qui n'ont rien à voir
avec le syndicalisme et encore moins avec la défense des droits des
étudiants. L'AGEECI n'est évidemment pas en reste non plus.
Nous convions l'ensemble
des étudiants honnêtes et de bonne volonté, quel que soit le
syndicat dans lequel ils se trouvent (et même, d'ailleurs, s'ils ne
sont membres d'aucun syndicat), à se réunir pour envisager la tenue
d'une marche ou d'un meeting contre la violence sur le campus, qui pourrait aussi être un premier pas vers la redéfinition des objectifs réels du mouvement étudiant et de l'esprit du syndicalisme étudiant, en vue de la construction d'une plateforme de lutte cohérente répondant aux intérêts des étudiants et non pas de ceux des quelques apprentis politiciens qui usurpent le nom de « leader » et de leurs « parrains » hauts placés.
Il est temps de rompre
avec ces pratiques qui décrédibilisent l'ensemble du mouvement
étudiant aux yeux de la population et qui, par conséquent, nous
empêchent de pouvoir compter sur le soutien de la population et des
syndicats de travailleurs dans le cadre de notre lutte.
Pendant combien de temps
entendrons-nous encore, à chaque tentative d'organiser une grève ou
une marche, la population se plaindre de « Ces étudiants-là,
c'est quand qu'ils vont aller au cours au lieu de gâter le pays ? »
On ne pourra pas sauver le système éducatif ivoirien sans
construire une large plateforme de lutte en lien avec les syndicats
des enseignants de la maternelle au secondaire et les associations de
parents d'élèves.
Or, cela nécessite de
donner une autre image du mouvement étudiant. Organisons-nous donc
pour nettoyer le campus des éléments qui nuisent à notre lutte.
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