Le capitalisme et l'impérialisme
ont été chassés du pays, mais le pouvoir politique est resté
entre les mains d'un parti unique stalinien
En cette année (2009) du 60e anniversaire de
la République populaire de Chine, le régime du Parti communiste
chinois est particulièrement nerveux. Il dépend de plus en plus de
campagnes de propagande prestigieuses, du style Jeux olympiques, pour
s'assurer une certaine base de soutien ; en effet, malgré des
décennies de croissance économique record, il est à présent
confronté au mécontentement des travailleurs, des paysans et de la
jeunesse.
Máo Tsé-Toūng (Mao Zedong), l'homme à la
tête du Parti communiste chinois au moment
de la fondation de la République populaire chinoise il y a 60 ans,
a beau être crédité d'être le père fondateur de la nation, le point de vue officiel du régime actuel est que sa politique était une
vision d'« ultragauche », qui a dû être « corrigée »
par le retour à la loi du marché sous son successeur Tèng
Hsiǎo-P'íng (Deng Xiaoping) en 1978. Pour en savoir plus sur
la véritable histoire révolutionnaire de la Chine, nous devons tout
d'abord nous pencher sur ses origines.
– analyse par notre camarade Vincent Kolo du groupe « Ouvrier chinois » (section chinoise du CIO), 2009
Le PCC (Parti communiste chinois ou « Tchōng-kouó Kòng-tch'ǎng tǎng / Zhongguo Gongchang dang ») n'est pas arrivé au pouvoir à
la tête d'un mouvement prolétarien. Étant donné son orientation
stalinienne et ses méthodes de même type, le PCC était à
l'origine en faveur d'un programme limité, l'établissement d'une
« nouvelle démocratie », dans le cadre d'une économie
capitaliste. Mais presque malgré lui, le PCC s'est retrouvé hissé à la tête d'une des plus puissantes vagues révolutionnaires de
l'histoire mondiale.
C'était cette véritable fièvre
révolutionnaire de masse, dans le cadre du contexte international
qui se mettait en place après la Seconde Guerre mondiale, qui a
poussé le régime de Mao à introduire les changements qui ont
transformé la Chine de fond en comble.
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Mào Tsé-toūng (Mao Zedong), dirigeant de la révolution chinoise, aujourd'hui présenté comme « utopiste », « trop radical », etc. dans la propagande officielle du régime chinois actuel |
Cela faisait longtemps que la Chine
était connue comme « le grand malade » du continent
asiatique ; c'était un pays pauvre, même par rapport au reste
de l'Asie à cette époque. Avec son immense population (près de
500 millions d'habitants en 1949), la Chine était le plus
grand « État failli » du monde et ce, depuis près de
50 ans.
De 1911 à 1949, la Chine était un
territoire déchiré, partagé entre différents chefs de guerre,
avec un gouvernement central corrompu, à la merci des interventions
par les puissances étrangères. Mais mettre une terme à la
domination des comptoirs coloniaux et à l'occupation par des armées
impérialistes étrangères n'a été qu'un des gains de la
révolution parmi d'autres. Le régime de Mao a également introduit
une des réformes foncières les plus importantes de l'histoire
mondiale – même si elle n'était pas aussi étendue que la réforme
foncière mise en place par la révolution russe, la population
rurale concernée était quatre fois plus grande.
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La Chine dans les années 1920 était un pays d'inégalités révoltantes où les masses populaires étaient méprisées et oppressées |
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Les grandes villes de Chine étaient partagées en différentes enclaves gérées par les Européens, qui y faisaient la loi |
La révolution paysanne
Cette révolution paysanne a, comme le
disait l'historien Maurice Meisner, « annihilé la classe
féodale chinoise en tant que classe sociale (en lui ôtant toutes
les terres qui constituaient la base de son pouvoir), éliminant
ainsi pour de bon une des classes dirigeantes dont le règne avait eu
le règne le plus long de l'histoire mondiale, une classe qui avait
pendant très longtemps représenté un obstacle majeur à la
modernisation et au retour de la Chine sur la scène mondiale. »
En 1950, le gouvernement de Mao a
également signé une loi sur le mariage qui interdisait les mariages
arrangés, le concubinage et la polygamie, tout en facilitant
l'obtention de divorces pour les hommes comme pour les femmes. Cela
était un des bouleversements les plus importants jamais vus dans
l'histoire des relations familiales et maritales.
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Avec la révolution chinoise, le rôle de la femme, soumise à son mari et souvent maltraitée, évolue pour devenir celui de femme leader, femme guerrière protectrice de la nation |
Lorsque le PCC a pris le pouvoir, 80 %
de la population était analphabète. En 1976, à la mort de
Mao, l'analphabétisme était tombé à 10 %. En 1949,
l'année où Mao a pris le pouvoir, il n'y avait que 83 bibliothèques
publiques dans tout le pays, et 80.000 lits d'hôpitaux – une
situation d'arriération. En 1975, on y trouvait
1250 bibliothèques et 1.600.000 lits d'hôpitaux.
L'espérance de vie est passée de
35 ans en 1949 à 65 ans en 1975. Les innovations
dans la santé publique et le système d'enseignement, la réforme de
l'alphabet (simplification des caractères chinois), le réseau de
« docteurs aux pieds nus » mis en place pour couvrir la
plupart des villages ont en effet transformé les conditions des
populations rurales pauvres. Toutes ces réalisations, à une époque
où la Chine était bien plus pauvre qu'aujourd'hui, démontrent la
faillite du nouveau système de marché libre et de privatisation qui
a amené la crise dans les systèmes de santé et d'enseignement.
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Affiche de propagande avec le slogan : « Ruralisons les intellectuels ! » |
L'abolition du féodalisme était une précondition cruciale pour le lancement de la Chine sur la voie du développement industriel moderne. Le régime de Mao avait tout d'abord espéré pouvoir conclure une alliance avec certaines sections de la classe capitaliste et a laissé des pans entiers de l'économie entre les mains du privé. Mais il s'est rapidement retrouvé contraint d'aller beaucoup plus loin qu'initialement prévu, en expropriant même les « capitalistes patriotes » pour incorporer leurs entreprises dans un plan étatique sur le modèle du système bureaucratique en vigueur en Union soviétique.
Comparé à un véritable système de
démocratie prolétarienne, le plan maoïste-stalinien était un
outil assez rudimentaire et brutal, mais un outil néanmoins,
incomparablement plus vital que le capitalisme chinois corrompu et
anémique qui l'avait précédé.
Au vu du caractère relativement
primitif de l'économie chinoise au début de la révolution, le
niveau d'industrialisation obtenue tout au long de cette phase
d'économie planifiée est absolument époustouflant. De 1952
à 1978, la part de l'industrie dans le produit national brut
est passée de 10 % à 35 % (données de l'OCDE). Il s'agit
d'un des taux d'industrialisation les plus rapides jamais vus,
supérieur au taux d'industrialisation du Royaume-Uni à l'ère de la
révolution industrielle de 1801-1841 ou à celui du Japon lors de sa
période de transition au capitalisme de 1882 à 1927 (ères Meiji et
Taïshō). Au cours de cette période, la Chine a bâti des
industries nucléaires, aéronautiques, maritimes, automobiles et de
machinerie. Le PIB mesuré en pouvoir d'achat s'est augmenté de
200 %, tandis que le revenu par habitant augmentait de 80 %.
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Le développement de la Chine ne pouvait évidemment pas se faire sans une lutte contre la religion. La Chine est aujourd'hui le pays qui compte le plus d'athées dans le monde. |
Une révolution n'est
pas l'autre
Les deux grandes révolutions du 20e
siècle, la révolution russe de 1917 et la révolution chinoise
de 1949, ont plus contribué à changer le monde que n'importe
quel autre évènement au cours de l'histoire mondiale. L'une comme
l'autre ont été la conséquence de l'incapacité du capitalisme et
de l'impérialisme à résoudre les problèmes fondamentaux de
l'humanité. L'une comme l'autre ont été des mouvements de masse
d'une ampleur épique, et non pas de simples coups d'État militaires
comme les politiciens bourgeois aiment le raconter. Ayant dit ceci,
il faut cependant noter des différences fondamentales et cruciales
entre ces deux révolutions.
Le système social établi par Mao
n'était pas le socialisme, mais le stalinisme. C'est l'isolement de
la révolution russe à la suite de la défaite des mouvements
révolutionnaires en Europe et ailleurs au cours des années 1920
et 1930 qui a fait arriver au pouvoir une bureaucratie conservatrice
sous Staline, qui tirait son pouvoir et ses privilèges de l'économie
étatique.
Tous les éléments de démocratie
prolétarienne – la gestion et le contrôle de l'économie et de la
politique par des représentants élus et dépourvus de privilèges –
avaient été anéantis.
Cependant, comme l'a expliqué le
camarade Léon Trotsky, une économie planifiée a tout autant besoin
de démocratie pour vivre que le corps humain a besoin d'oxygène.
Sans cela, sous un régime de dictature bureaucratique, le potentiel
de l'économie planifiée peut être dilapidé et au final, comme
cela a été démontré il y a maintenant un peu plus de vingt ans,
l'ensemble de l'édifice se voit menacé de destruction.
Mais c'est le modèle stalinien qui a
été adopté par le PCC lorsqu'il a pris le pouvoir en 1949.
Car même si l'URSS stalinienne était loin d'être un véritable
système socialiste, l'existence d'un système économique alternatif
au capitalisme et les gains visibles que cela représentait pour la
grande masse de la population exerçaient un puissant pouvoir
d'attraction et de radicalisation dans la politique mondiale.
La Chine et la Russie, en raison de
leurs économies étatiques, ont joué un rôle important dans la
politique mondiale en contraignant le capitalisme et l'impérialisme
à faire toute une série de concessions, notamment en Europe et en
Asie.
La révolution chinoise a accru la
pression sur les impérialistes européens qui ont fini par évacuer
leurs colonies dans l'hémisphère sud. Elle a aussi contraint
l'impérialisme états-unien, craignant de voir ces pays suivre
l'exemple chinois, à financer la reconstruction et
l'industrialisation rapides du Japon, de Taïwan, de Hong Kong et de
la Corée du Sud afin de pouvoir utiliser ces États en tant que
satellites et zones-tampons pour contrer l'influence de la révolution
chinoise.
Si tant la révolution chinoise que la
révolution russe étaient dirigées par des partis communistes de
masse, il existait des différences fondamentales entre ces deux
partis tant en terme de programme que de méthode et avant tout en
terme de base sociale. La révolution russe de 1917, dirigée par le
parti bolchévique, avait un caractère avant tout prolétarien, un
facteur d'une importance cruciale. C'est ce facteur qui a doté la
révolution russe d'une indépendance politique et d'une audace
historique qui a permis à tout un pays de s'engager sur une route
qui n'avait jamais été ouverte auparavant. Les dirigeants de cette
révolution, notamment Lénine et Trotsky, étaient des
internationalistes qui considéraient leur révolution comme le début
de la révolution socialiste mondiale.
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Lénine, dirigeant du prolétariat russe puis international |
Au contraire, les dirigeants du PCC
étaient en réalité des nationalistes avec seulement un fin vernis
d'internationalisme. Cela correspondait à la base paysanne de la
révolution chinoise. Lénine a toujours dit que la paysannerie est
la moins internationaliste de toutes les classes sociales. Ses
conditions de vie, son isolement et sa dispersion, lui donnent une
mentalité de village qui lui rend bien souvent difficile même le
développement d'une perspective nationale.
Plutôt qu'un mouvement prolétarien de
masse basé sur des conseils avec des dirigeants élus par la base
(ces conseils, appelés en russe « soviet », étant le
véritable moteur de la révolution russe) dirigé par un parti
prolétarien marxiste démocratique (le parti bolchévique), en
Chine, le pouvoir a été pris par une armée, l'Armée de libération
du peuple chinois (ALP ou « Tchōng-kouó Jén-mín
Tchiě-fàng Tchoūn / Zhongguo Renmin Jiefang Jun »). La
classe prolétaire n'a pas joué le moindre rôle dans la révolution
chinoise – au contraire, elle a même reçu des ordres pendant la
révolution de ne pas grèver ni marcher mais d'attendre l'arrivée
de l'ALP dans les villes.
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Mao, chef de guerre exclusivement tourné vers la paysannerie |
La paysannerie est capable d'un grand
héroïsme révolutionnaire, comme toute l'histoire de lutte de
l'Armée rouge en Russie ou de l'Armée de libération du peuple en
Chine l'a montré, que ce soit dans la lutte contre le Japon ou
contre le régime dictatorial de Tchǎng Kàï-chék (Jiang
Jieshi). Cependant, elle est incapable de jouer le moindre rôle
politique indépendant. Tout comme les villages suivent toujours la
ville, la paysannerie, sur le plan politique, est condamnée à
toujours suivre l'une ou l'autre des classes urbaines : soit la
classe prolétaire, soit la classe capitaliste.
En Chine, au lieu de voir les villes se
tourner vers la campagne, le PCC est arrivé au pouvoir en
construisant une base de masse parmi la paysannerie avant d'occuper
les villes qui étaient essentiellement passives, fatiguées par des
années de guerre. La base sociale de la révolution a eu pour
résultat qu'elle a pu copier un modèle social existant (celui de
l'URSS), mais pas en créer un nouveau.
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Meeting dans les campagnes chinoises pendant la révolution |
La théorie de la
« révolution par étapes »
L'orientation du PCC envers la
paysannerie a été élaborée à la suite de la terrible défaite de
la révolution chinoise de 1925-1927, une défaite causée par la
théorie de la « révolution par étapes » promue par
l'Internationale communiste sous la direction de Staline. Selon cette
théorie, la Chine n'était encore qu'à l'étape
« nationaliste-bourgeoise » de la révolution (avec un
territoire national sous la coupe de différents chefs de guerre), et
donc les communistes devaient soutenir et servir le Parti
nationaliste (le Kouó-mín tǎng / Guomin dang) bourgeois de
Tchang Kaï-chek. L'impressionnante base jeune et ouvrière du PCC a
été brutalement massacrée lors de la prise du pouvoir par le Parti
nationaliste.
Mais si une importante minorité
trotskiste s'est formée peu après cette défaite, tirant à juste
titre la conclusion que la révolution chinoise devait être guidée
par la classe prolétaire et non pas par les bourgeois, la majorité
des dirigeants du PCC s'en sont tenus à la conception stalinienne de
la « révolution par étapes », même si, ironiquement,
ils ont eux-mêmes fini par comprendre qu'il fallait abandonner cette
idée après leur prise du pouvoir en 1949.
Par conséquent, à la fin des
années 1920, le principal groupe de cadres du PCC (pour la
plupart issus de la petite-bourgeoisie intellectuelle), conservant
ces idées erronées et pseudo-marxistes, est passé à la conception
d'une lutte armée à partir du village. Tch'én Toú-hsièou
(Chen Duxiu), le fondateur du PCC, qui deviendra plus tard trotskiste
et sera chassé du parti pour cette raison, avait averti du fait que
le PCC risquait de dégénérer au rang de la « conscience
paysanne », un jugement qu'on peut qualifier de prophétique.
Alors que le parti comptait 58 % d'ouvriers en 1927, il
n'en comptait plus que 2 % en 1930.
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Tch'én Toú-hsièou, fondateur du Parti communiste chinois, exclu pour « dissidence trotskiste » |
Cette composition de classe est restée
pratiquement inchangée jusqu'à la prise de pouvoir en 1949,
étant donné que la direction ne se focalisait plus que sur la
paysannerie et rejetait les villes en tant que centres de la lutte.
On assistait en même temps à une
bureaucratisation croissante du parti, au remplacement du débat et
de la démocratie internes par un régime de décrets et de purges,
avec le culte de la personnalité autour de Mao – toutes ces
méthodes étant copiées de celles de Staline.
Un environnement paysan, une lutte
principalement militaire, sont beaucoup plus enclins à donner
naissance à une bureaucratie qu'un parti immergé dans les luttes du
prolétariat. Par conséquent, alors que la révolution russe a
dégénéré en raison d'un contexte historique défavorable, la
révolution chinoise était bureaucratiquement déformée dès le
début. C'est ce qui explique la nature contradictoire du maoïsme,
d'importants gans sociaux accompagnés d'une féroce répression et
d'un régime dictatorial.
La guerre d'occupation
Lorsque la guerre d'occupation
japonaise a pris fin en 1945, l'impérialisme états-unien a été
incapable d'imposer de façon directe sa propre solution pour la
Chine. L'opinion publique avait en effet un fort désir de voir les
soldats rentrer au pays. Les États-Unis n'ont donc pas eu d'autre
option que de soutenir le régime corrompu et incroyablement
incompétent de Tchang Kaï-chek en lui envoyant des quantités
massives d'armement et de soutien financier.
Les États-Unis n'avaient cependant que
peu de confiance dans le régime du Parti nationaliste chinois, comme
l'exprimait le président Truman quelques années plus tard :
« Ce sont des voleurs, il n'y en a pas un pour racheter
l'autre. Sur les milliards que nous avons envoyé à Tchang, ils en
ont volé 750 millions ».
Pour les masses, le régime
« nationaliste » a été une véritable catastrophe. Ce
fait est en grande partie oublié aujourd'hui, sans quoi nous
n'assisterions pas au phénomène grotesque du regain de popularité
de ce parti aujourd'hui en Chine parmi la jeunesse et les classes
moyennes.
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Tchǎng Kàï-chék (Jiang Jieshi) (1887-1975), dirigeant du Parti nationaliste, unificateur de la Chine, massacreur de communistes. Mort en exil à Taïwan. |
Au cours des dernières années du
règne du Parti nationaliste, plusieurs villes étaient réputées
être remplies de « personnes en train de mourir de faim dans
les rues et abandonnées là ». Les usines et les ateliers
fermaient en raison du manque de matières premières ou parce que
leurs travailleurs étaient trop faibles pour pouvoir accomplir leur
travail, tant ils avaient faim. Les exécutions sommaires par les
agents du gouvernement, le crime omniprésent sous la tutelle des
gangs mafieux, tout cela était la norme dans les grandes villes.
En plus de la redistribution des terres
qu'il opérait dans les zones qu'il avait libérées, la plus grande
force du Parti communiste était la haine de la population pour le
Parti nationaliste. C'est également ce facteur qui a favorisé des
désertions massives des soldats de Tchang Kaï-chek qui passaient à
l'Armée de libération du peuple. À partir de l'automne 1948, à
quelques exceptions près, les armées de Mao avançaient la plupart
du temps sans aucune opposition sérieuse.
Dans une ville après l'autre, partout
dans le pays, les forces du Parti nationaliste se rendaient,
désertaient, ou se mutinaient pour rejoindre l'ALP. Dans les faits,
le régime de Tchang qui pourrissait de l'intérieur présentait au
Parti communiste des circonstances extrêmement favorables. Les
autres mouvements de guérilla maoïste qui ont tenté de reproduire
chez eux la victoire de Mao (en Malaisie, aux Philippines, au Pérou,
au Népal) n'ont pas eu autant de chance que lui.
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L'armée du Parti nationaliste, dont de nombreux membres ont déserté pour rejoindre les troupes communistes de Mao |
Les grèves des
travailleurs
Avec une véritable stratégie
marxiste, le Parti nationaliste aurait certainement pu être dégagé
beaucoup plus rapidement et à bien moindres frais.
Dès septembre 1945, à la suite
de la débandade militaire du Japon, jusqu'à la fin 1946, les
travailleurs de toutes les grandes villes ont organisé une vague de
grèves splendide, avec 200.000 grévistes rien qu'à Shanghaï.
Les étudiants marchaient en masse dans les rues, dans le cadre d'un
mouvement de masse qui reflétait la radicalisation des couches
moyennes de la société.
Les étudiants exigeaient la démocratie
et rejetaient la mobilisation militaire du Parti nationaliste dans le
cadre de la guerre civile contre le Parti communiste. Les
travailleurs exigeaient des droits syndicaux et des hausses de
salaire après des années de blocage salarial.
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Marche des étudiantes communistes à Shanghaï en 1949 |
Au lieu de donner une direction à ce
mouvement prolétarien, le PCC a cherché à le freiner, appelant les
masses à ne pas recourir à des « extrémités » dans le
cadre de leur lutte. À ce moment-là, Mao était toujours convaincu
de la nécessité d'un « front uni » avec la bourgeoisie
nationale, qu'il ne fallait pas effrayer en soutenant les mouvements
des travailleurs.
Les étudiants ont été utilisés par
le PCC en tant qu'objet de marchandage afin de faire pression sur
Tchang Kaï-chek, pour le convaincre de se rendre à la table des
négociations. Le PCC a tout fait pour maintenir séparées les
luttes des étudiants et les luttes des travailleurs.
Les lois inévitables de la lutte de
classe sont ainsi faites qu'en s'efforçant de limiter ce mouvement,
le PCC a automatiquement entrainé sa défaite et sa démoralisation.
De nombreux militants étudiants et travailleurs se sont retrouvés
pris par la vague de répression qui a ensuite été lancée par le
régime nationaliste. Bon nombre ont été exécutés.
Une occasion en or a été ratée, ce
qui a permis à la dictature du Kouo-min tang de prolonger sa vie
d'autant d'années, tout en rendant les masses urbaines passives,
simples spectatrices de la guerre civile qui se jouait dans le pays.
Après la révolution
Toujours aussi fidèle à la théorie
stalinienne de la « révolution par étapes », Mao
écrivait ceci en 1940 : « La révolution chinoise à
son étape actuelle n'est pas encore une révolution socialiste pour
le renversement du capitalisme mais une révolution démocratique
bourgeoise, dont la tâche centrale est de combattre l'impérialisme
étranger et le féodalisme national » (Mao Zedong, De la
Nouvelle Démocratie, janvier 1940).
Afin d'accomplir ce bloc avec les
capitalistes « progressistes » ou « patriotes »,
Mao a tout d'abord limité sa redistribution des terres (en
automne 1950, elle ne concernait encore qu'un tiers du pays). De
même, alors que les entreprises appartenant aux « capitalistes
bureaucratiques » (les cadres du Parti nationaliste) avaient
été nationalisées directement, les capitalistes privés ont
conservé le contrôle de leurs entreprises, lesquelles, en 1953,
comptaient toujours pour 37 % du PIB.
La situation a beaucoup changé avec le
début de la guerre de Corée qui a éclaté en juin 1950. Cette
guerre, qui s'est soldée par la division de la Corée entre une Corée du Nord, « communiste » (stalinienne) et une Corée du Sud capitaliste (sous protectorat états-unien), a fortement intensifié la pression des États-Unis, avec
toute une série de sanctions économiques et même la menace d'un
bombardement nucléaire sur la Chine.
Cette guerre, et la brusque
intensification de la situation mondiale qui l'a accompagnée
(c'était le début de la « guerre froide » entre l'Union
soviétique et les États-Unis) a eu pour conséquence que le régime
de Mao, pour pouvoir rester au pouvoir, n'a pas eu d'autre choix que
d'accomplir la transformation complète de la société, accélérant
le repartage des terres et étendant son contrôle sur l'ensemble de
l'économie.
La révolution chinoise a donc été
une révolution paradoxale, en partie inachevée, qui a permis
d'obtenir d'énormes avancées sociales mais tout en créant une
dictature bureaucratique monstrueuse dont le pouvoir et les
privilèges ont de plus en plus sapé le potentiel de l'économie
planifiée.
Au moment de la mort de Mao, le régime
était profondément divisé et en crise, craignant que de nouveaux
troubles de masse ne lui fassent perdre le pouvoir.
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Tèng Hsiǎo-P'íng (Deng Xiaoping), qui a « corrigé » la révolution chinoise en la réorientant vers le capitalisme |
Un mécontentement
grandissant face aux successeurs de Mao
Lorsque les dirigeants actuels de la
Chine contemplent la gigantesque parade militaire du 1er octobre,
sans doute pensent-ils en même temps aux problèmes croissants
auxquels ils sont confrontés au fur et à mesure que la crise du
capitalisme mondial s'approfondit. Les centres d'analyses du
gouvernement ont déclaré que le pays a perdu 41 millions
d'emplois en 2008 en raison de la baisse des exportations (-23 %
cette année). En même temps, le nombre de grève se serait accru de
30 %.
Le gouvernement est agité. Ça se voit
par sa décision de limiter à 200.000 le nombre de participants à
la grande parade de la Fête nationale à Pékin – il y a 20 ans
encore, on s'accommodait sans difficultés d'un million de
participants. Le régime a également prohibé les cérémonies et
parades dans les autres villes. Pour quelle raison ? Parce qu'il
est terrifié que ces évènements pourraient être exploités pour
en faire des marches contre son gouvernement. Partout dans le pays,
le régime fait face à une opposition massive de la part de la
population, pas seulement dans les régions d'ethnies non chinoises
(comme l'Ouïghouristan à majorité turco-musulmane dans l'ouest, où
d'ailleurs les Ouïghours n'étaient pas les seuls à marcher contre
le régime, les Chinois aussi y étaient).
Les étudiants de deux universités de
Pékin se sont mis en grève contre leur programme d'entrainement
trop rigoureux qui leur est imposé avant la cérémonie du 1er
octobre, certains allant même jusqu'à bruler leurs uniformes de
cérémonie. Sur de nombreux réseaux, on voit les gens commenter
« C'est votre anniversaire, maintenant moi j'ai quoi à voir
dans ça ? ». Beaucoup de jeunes sont devenus de fervents
anticommunistes, qui soutiennent le capitalisme mondial en pensant à
tort qu'il s'agirait d'une alternative au régime actuel. D'autres
préfèrent se tourner vers l'héritage de Mao, qui a été selon eux
complètement trahi par ses héritiers politiques. Au vu de toutes
les turbulences sociales et politiques dans le pays, les marxistes
tentent, via leur site et leurs publications, de gagner l'adhésion
de ces jeunes au socialisme démocratique mondial en tant que seule
alternative viable.
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Grève d'ouvrières dans une usine chinoise |
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