Un véritable cauchemar
Des conditions de recrutement à celles
de travail, un emploi dans les zones industrielles rapproche les
acquéreurs à une situation de quasi-esclavage. Le mode de
recrutement est le même dans toutes les unités industrielles de
Yopougon à Koumassi en passant par Vridi. Au petit matin à la
première heure, des personnes de tous âges, diplômées ou non, se
rendent devant les portails des usines dans l’espoir de décrocher
un emploi. Au fur et à mesure que le vigile fait l’appel, comme à
l’école, les travailleurs entrent dans l’enceinte. Tout le monde
se croise les doigts. Après que le vigile a fini de citer les noms
des « heureux » élus du jour, il referme le portail sans
même jeter un regard de compassion à tous ceux qui viennent d’être
recalés.
Si les journaliers abondent, c’est
parce que les maisons de recrutement et autres « agents »
proposent leurs prestations. Ce sont de véritables seigneurs, dont
le travail (bien rémunéré) est de trouver une main d’œuvre
abondante et à moindre cout, pour permettre aux patrons des
entreprises de se frotter les mains. Ici, la compétence est foulée
aux pieds, la seule condition, c’est l’argent. Même les agents
de sécurité, dont le rôle devrait être de contrôler les entrées
et sorties, s’adonnent à ce « business ». À côté de
cette catégorie de travailleurs, on peut citer les « protégés »,
recommandés par des anciens cadres de l’entreprise, un parent ou
autre personne influente. Nous pouvons citer également ceux qui
paient directement pour un emploi de fortune, de 30 à 50 mille
francs selon la taille de l’entreprise et l’importance de la paie
proposée.
– Camarade Zova
Au-delà de toutes ces propositions, il
y a celle, plus dégradante, du droit de cuissage, qui vise les
jeunes filles en quête d’emploi qui n’ont pas les moyens de
payer aux recruteurs et, n’ayant pas le choix, se laissent aller au
jeu. Car en devenant la petite amie du « chef », elle
peut espérer être embauchée un jour ; sauf évidemment si le
patron, une fois le désir sexuel assouvi, se détache pour aller
voir ailleurs.
Si telles sont les conditions d’accès
à l’emploi dans nos zones industrielles, que dire du salaire ?
Il demeure le plus souvent bas, loin du nouveau SMIG de 60.000 francs
décidé par l’État ivoirien pourtant entré en vigueur en janvier
2014. « Tu n’es pas satisfait de ton salaire ? Va te
pendre ! Je prends à ta place un autre que je vais payer encore
moins que toi ! »
Aussi, faut-il parler de tous ces
« travailleurs ambigus » vu qu’ils ne sont liés par
aucun contrat de travail, jamais de bulletin de salaire et faiblement
rémunérés. Du coup, ils sont réduits au silence et ne peuvent
juridiquement rien réclamer à leurs patrons.
Même si certains responsables de
syndicats sont conscients de cette injustice, ils ne font rien, sinon
de simples déclarations verbales. Le syndicalisme de collaboration
et la bureaucratie ouvrière sont en réalité les deux principaux
ennemis des travailleurs ! Si la souffrance et les cris de
détresse des travailleurs sont restés jusque là sans suite c’est
bien en partie dû à la direction de leurs organisations.
Plutôt que de lutter pour l’intérêt
des travailleurs dont ils se réclament les porte-voix, les délégués
syndicaux (dans les usines où ils sont autorisés) se limitent à un
rôle de simples collaborateurs des chefs d’entreprises. Ils sont
généralement privilégiés par ces derniers qui leurs reversent des
subsides mensuels (sans parler des cotisations obligatoires imposées
aux travailleurs) et leur offrent la possibilité d’engager des
parents et amis. Quelquefois, ils écoutent attentivement les
revendications de leurs camarades et, au lieu de penser à un plan
commun pour obtenir satisfaction, ils s’enferment dans les bureaux
avec les patrons pour les étouffer. Leur rôle est de domestiquer
les travailleurs au profit des patrons.
Les travailleurs doivent se faire
respecter en mettant en place des associations ouvrières qui leur
appartiennent à eux-mêmes et capables d’organiser le combat au
niveau des zones industrielles et dans les quartiers où vivent les
travailleurs, avec des actions de grève, de marche, d’occupation
et de solidarité pour éviter les manœuvres de division. Les
travailleurs doivent comprendre que c’est à eux seuls que revient
ce combat, en tant que producteurs des richesses qui sont dévorées
et gaspillées par les patrons.
Aucune compromission avec les patrons
qui nous volent chaque jour. Le travailleur doit se rendre maitre de
l’outil avec lequel il travaille. Ce n’est qu’à ce prix que le
respect pourra être imposé, et qu’on pourra assurer un mieux-être
pour tout le monde.
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