En défense de la grève – Cessez les mensonges !
Au mois de juillet, une puissante grève nationale des métallurgistes (ouvriers de la sidérurgie, de l'industrie automobile, etc.), menée par le syndicat Numsa, a ébranlé la société sud-africaine. Cette grève, qui a duré quatre semaines, faisait immédiatement suite à une grève longue de plusieurs mois dans le secteur des mines. Le bilan est une victoire, avec l'obtention d'une hausse salariale de +10 % pour les catégories les moins payées de la main d'œuvre, même si le gain est mitigé par le fait que l'inflation dans le pays est de 6,6 %.
Lors de cette grève, la classe des capitalistes sud-africains, ANC en tête, a été véritablement prise de panique à l'idée que de plus en plus de tels mouvements puissent se développer dans le pays, d'autant que ce regain de combativité de la classe ouvrière sud-africaine coïncide également avec l'apparition de nouvelles forces de gauche radicale, telle que le WASP et les EEF. C'est pourquoi une énorme campagne de propagande anti-grève a été lancée, afin d'accuser les grévistes de “saboter l'économie” et de liguer la population contre le mouvement.
Dans cet article, paru le 10 juillet 2014, nos camarades sud-africains répondent aux mensonges des médias et des capitalistes. On parle ici de la situation en Afrique du Sud, mais nombre des arguments avancés pourraient également être utilisés pour contrer la propagande antisyndicale dans d'autres pays, c'est pourquoi ce texte vaut la peine d'être étudié pour tous les militants où qu'ils se trouvent, afin de ne plus se laisser démonter par les mensonges des soi-disant “experts” économiques.
Les patrons, les médias et les politiciens capitalistes de l'ANC
et de la DA sont en train de mener une grande campagne de dénigrement
contre les métallurgistes en grève. Ils cherchent à faire passer
les métallurgistes pour responsables de tous les problèmes de
l'économie capitaliste. Les médias invitent toute une série
d'“experts” qui ne sont tous en réalité que des porteparoles du
capitalisme. Ces “experts” sont tous d'accord sur le fait que la
grève des métallurgistes va “nuire à l'économie” et amener
l'Afrique du Sud à la faillite.
Est-ce vrai ? Bien sûr que non ! Tout cela n'est que
mensonges, une pure invention destinée à manipuler l'opinion
publique pour empêcher que ne se développe un soutien envers la
grève, les métallurgistes ou les syndicats. En réalité, si
l'économie va mal, c'est parce que les patrons sont en train de la
saboter.
Une grève “violente” ?
Afin de préparer la population à accepter ces mensonges, la
grève est dépeinte dans les médias comme « violente ».
Les “experts” aiment tellement parler du « droit au
travail », qu'ils emploient uniquement afin de ternir l'image
des grévistes et saboter leur action ! L'Alliance
démocratique (DA) a même proposé de faire passer une loi
selon laquelle une grève qui serait « excessivement »
violente deviendrait illégale et permettrait donc aux patrons de
licencier les travailleurs grévistes.
Cette proposition de la DA n'est en réalité qu'une invitation
pour les patrons et les politiciens pro-capitalistes à envoyer des
agents provocateurs sur les piquets. Si cette loi était acceptée,
cela signifierait que pour mettre un terme à une grève, il leur
suffirait de payer quelques voyous semer le désordre sur le piquet
de grève et y causer des violences, afin de pouvoir directement
déclarer la grève comme illégale et forcer les travailleurs à
retourner au travail de peur de perdre leur emploi. L'Alliance
“démocratique” n'est en réalité intéressée qu'à défendre
les droits des patrons.
Qui crée la richesse dans la société ?
On parle d'économie, mais d'où vient la richesse de cette
économie ? Le fondement de toute la richesse vient de la valeur
ajoutée par les travailleurs au cours de leur travail – surtout
dans l'industrie. Les “experts” disent que cette grève est
particulièrement nuisible, parce que l'industrie du métal compte
pour 15 % de l'économie nationale. Ça veut donc dire que 15 %
de toute l'économie du pays est produite par 230 000 travailleurs
métallurgistes, qui ne constituent que 0.44 % de la population
de ce pays de 52 millions d'habitants !
Pourquoi nos “experts” ne préfèrent-ils donc pas plutôt
remercier les métallurgistes pour leur énorme contribution à la
richesse nationale (et aux bénéfices de nos patrons) ? Ces
métallurgistes doivent décidément faire partie des personnes les
plus généreuses du pays, eux qui créent 15 % de l'économie
nationale pour de si petits salaires ! En réalité, tout cela
ne fait que montrer le degré inouï d'exploitation des
métallurgistes par ces patrons qui sont si rapaces qu'ils déploient
tant d'énergie à se battre contre la modeste revendication de
12-15 % de hausse salariale !
En Afrique du Sud, les ouvriers métallos qui représentent 0,44 % de la population, produisent 15 % de la richesse nationale. L'effort ne mérite-t-il pas récompense ? |
“L'économie”, ça veut dire quoi ?
Dans leur lutte contre leurs ouvriers, les patrons tentent de
semer la confusion en faisant intervenir leurs “experts”. Les
“experts” adorent parler de “l'économie”. Mais quand nous
entendons cette phrase dans leur bouche, il nous faut être très
vigilants ! En réalité, lorsque les “experts” utilisent ce
terme, ce n'est pas pour parler de “l'économie” qui contribue à
la société, mais uniquement des intérêts des patrons à
l'intérieur de cette économie. Or, les intérêts des patrons ne
sont pas ceux des travailleurs.
L'industrie compte pour 15 % de
l'économie. Après cette grève, que les métallurgistes gagnent une
hausse salariale ou pas, l'industrie comptera toujours pour 15 %
de l'économie, c'est tout ! Qu'est-ce qui va changer alors ?
Ce qui va changer, c'est que si les métallurgistes obtiennent leur
hausse salariale, la part de ces 15 % de l'économie qui va dans
la poche des patrons sera plus petite qu'avant, tandis que la part de
ces 15 % qui va dans la poche des ouvriers sera plus grande.
La seule raison pour laquelle nous risquons de voir baisser l'importance de l'industrie dans l'économie nationale au cas où les métallurgistes recevraient de meilleurs salaires, est que les patrons risquent de se mettre à saboter l'économie. Les patrons vont vouloir récupérer leur part de profits – pour cela, ils vont se mettre à licencier des travailleurs, ou à fermer des usines. En d'autres termes, ils vont agir afin de réduire les gains des travailleurs après la grève. Ces fermetures, etc. ne seront pas le résultat de la grève, mais la décision des patrons.
La seule raison pour laquelle nous risquons de voir baisser l'importance de l'industrie dans l'économie nationale au cas où les métallurgistes recevraient de meilleurs salaires, est que les patrons risquent de se mettre à saboter l'économie. Les patrons vont vouloir récupérer leur part de profits – pour cela, ils vont se mettre à licencier des travailleurs, ou à fermer des usines. En d'autres termes, ils vont agir afin de réduire les gains des travailleurs après la grève. Ces fermetures, etc. ne seront pas le résultat de la grève, mais la décision des patrons.
Est-ce que la grève empêche les patrons
d'investir ?
La réponse habituelle des “experts” est de dire que si les
patrons tirent moins de bénéfices, alors ils ne seront plus
capables d'investir pour créer de l'emploi. Tout ce que nous pouvons
répondre par rapport à ça est : dans ce cas, ils attendent
quoi pour investir ? Chaque année, la part de la richesse
nationale qui va dans les salaires des travailleurs ne fait que
diminuer. Pendant ce temps, les entreprises sud africaines ont
déjà accumulé 500 milliards de rands sur leurs comptes en
banque (23 000 milliards de francs CFA) qui restent là
seulement. Ils ont déjà tellement d'argent qu'ils ne savent même
pas quoi faire avec ! Pourquoi on ne prend pas cet argent là
pour investir et créer de l'emploi ? Parce que les capitalistes
trouvent qu'ils font plus de bénéfices en utilisant cet argent pour
spéculer sur les marchés financiers. Tout ce qui les intéresse,
c'est les bénéfices.
Pourquoi est-ce que la grève des métallurgistes qui a démarré
la semaine passée est subitement devenue la raison pour laquelle les
capitalistes sont incapables d'investir ? Cet argument ne tient
clairement pas la route. En réalité, ça fait des années que les
capitalistes sont eux-mêmes en grève – l'investissement dans
les entreprises en Afrique du Sud en 2014 est 3 %
inférieur à ce qu'il était en 2008 ! Est-ce que c'est la
faute des métallurgistes ? Non : pendant tout ce temps, ce
sont les patrons qui sabotent l'économie.
Les patrons sud-africains sont fiers de montrer au monde entier qu'ils fabriquent voiture allemande, mais refusent de partager le gâteau avec leurs travailleurs |
Est-ce que la grève va rendre
l'Afrique du Sud “moins compétitive” ?
Nos “experts” disent ensuite que des salaires trop élevés
pour les métallurgistes sud africains vont rendre
l'Afrique du Sud “moins compétitive”. Ils disent aussi
que l'industrie va délocaliser pour se rendre dans d'autres endroits
dans le monde, où les salaires sont encore plus bas. Les “experts”
nous présentent cela comme étant aussi inévitable que le fait que
le soleil se lève à l'Est. Ce qu'ils veulent dire en réalité, est
qu'en cas de hausse salariale, nos patrons décideront de fermer
leurs entreprises en Afrique du Sud pour aller les
relocaliser ailleurs, afin d'engranger plus de bénéfices pour
eux-mêmes plutôt que de payer aux métallurgistes un salaire plus
juste.
Mais les capitalistes veulent tout avoir en même temps. L'ANC, un
parti soutenu par les grands patrons sud africains, est
totalement passé dans le camp du néolibéralisme dont l'idéologie
domine à présent le capitalisme mondial, et parle de supprimer les
barrières douanières, de privatiser les services publics et
l'industrie étatique, d'ouvrir les marchés et de laisser la
compétition décider de tout. Cela est la stratégie employée par
les grands capitalistes d'Amérique et d'Europe afin de faire passer
plus de pouvoir et de richesse de leur côté plutôt que du côté
de la classe des travailleurs.
Quand ça les arrange, les patrons
sud africains sont tout à fait d'accord avec ça. Mais quand ça
ne les arrange pas, alors ils viennent dire que tout ça est la faute
des ouvriers. Mais pour les travailleurs, le néolibéralisme
signifie la course au niveau mondial vers qui aura les plus bas
salaires. Par exemple, beaucoup d'entreprises qui étaient parties en
Chine parce qu'on y trouvait de bas salaires, sont maintenant en
train de quitter la Chine pour aller s'installer vers d'autres pays
où les salaires sont encore plus bas !
Face aux mensonges, le socialisme est notre
réponse
Tous ces problèmes sont typiques du système capitaliste. C'est
pourquoi les travailleurs doivent s'armer d'un programme socialiste.
Les problèmes des capitalistes ne sont pas les nôtres – pourvu
que nous ayons une compréhension claire de l'alternative socialiste.
Les travailleurs doivent exiger l'ouverture des livres de compte des
entreprises sud africaines qui prétendent ne pas pouvoir tenir
la concurrence des importateurs étrangers. Des comités de
travailleurs doivent être mis sur pied pour examiner les profits,
les salaires des cadres, les couts de production, les salaires des
employés et ouvriers et les prix demandés aux clients pour les
produits et services.
Mais même au cas où il est prouvé que l'entreprise ne peut
tenir la concurrence, cela ne veut pas dire que les travailleurs
doivent soutenir les profits des capitalistes en demandant à la
classe des travailleurs de payer plus cher les produits ou services
de cette entreprise tout en acceptant des réductions de salaires
afin de préserver les capitalistes. Si une entreprise ne peut tenir
la concurrence, alors nous devons tout d'abord exiger sa
nationalisation, sous contrôle des travailleurs. Cela doit être la
principale revendication du mouvement syndical dans la lutte pour
protéger l'emploi de la concurrence internationale.
Mais au final, il nous faut une société socialiste, afin de
mettre un terme à cette course vers le bas, afin de donner un emploi
et un salaire décent à chaque travailleur et à chaque membre de
leur famille. Les travailleurs doivent s'organiser en syndicat, mais
il leur faut aussi s'organiser politiquement, comme le montre
l'exemple du Parti ouvrier et socialiste (WASP), afin de compléter
la lutte sur leur entreprise par une lutte unie de l'ensemble de la
classe des travailleurs, pour une société socialiste.
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