Leur système se délabre, un espace s’ouvre à gauche du PS
La défaite de Valls à la primaire du Parti (soi-disant) socialiste, large et cinglante, a été une nouvelle gifle pour lui. Face à lui, Hamon a obtenu presque 59 % des voix. Malgré l’appui de très nombreux dirigeants locaux et nationaux du PS, très peu de militants du PS (il n’en reste plus beaucoup, il est vrai) ont soutenu Valls. Son plus gros meeting de campagne a rassemblé à peine 500 personnes quand Hamon en réunissait 2000 à 3000. Lors des primaires, Valls n’a été capable de recueillir qu’un peu plus de 800 000 voix sur 44 millions d’électeurs potentiels. C’est donc le nombre de personnes qui ont été prêtes à se déplacer pour aller soutenir son bilan et celui des 5 ans de la présidence Hollande.
Pendant ce temps, Marine Le Pen mobilisait 1000 personnes lors d'une conférence de deux jours à Lyon, Macro 8000 pour son meeting, et Mélenchon, 18.000 personnes lors d'un meeting retransmis en plusieurs endroits par… hologramme !
Valls a refusé d’écouter les millions de manifestants et de grévistes du printemps 2016 et les sondages qui disaient invariablement à l’époque que plus de 70 % de la population était opposé à la loi « Travail ». Il a poussé à la répression policière et judiciaire (1750 personnes subissent des poursuites judiciaires suite à la lutte contre la loi « Travail »), il a usé six fois de la manœuvre de l'article 49.3 pour imposer ses textes de loi sans vote à l’Assemblée nationale. A-t-il sérieusement cru que dès qu’il serait confronté à un minimum de démocratie, il n’allait pas subir les conséquences de son attitude autoritaire et méprisante ? Valls a récolté ce qu’il a semé et il est peu probable que le rejet qu’il inspire s’efface de sitôt.
C’est pour les mêmes raisons et selon le même mécanisme que Sarkozy et Juppé ont été dégagés lors des primaires de la droite, payant ainsi leur autoritarisme face aux luttes sociales et leurs nombreuses implications dans des « affaires ». Beaucoup ne veulent plus de ces politiciens arrogants qui ne tiennent au pouvoir que par des manœuvres antidémocratiques et qui se fichent de l’avis de la population. Il est donc particulièrement logique que le peu de démocratie que représentent les « primaires » ait suffit à dégager Valls et à montrer un rejet de sa politique.
– D'après un article de notre camarade Alex Rouillard, Gauche révolutionnaire (section française du Comité pour une Internationale ouvrière)
L’autre signification de la primaire
La deuxième leçon des primaires du PS est que c’est le candidat le plus à gauche qui l’a emporté, malgré la ribambelle de participants qui avaient été présentés afin de disperser les voix. Malgré ce qu’en disent les médias, Hamon n’a pas un programme spécialement très à gauche. Sa proposition de « revenu universel » à 750 euros (environ car en fait seul le premier pas avec une augmentation de 10 % des minimas sociaux pour aller à 600 euros est annoncé, le reste serait décidé par une « conférence citoyenne »…) viserait en fait à fusionner, pour les plus démunis, le revenu de solidarité active (RSA) avec les diverses autres allocations (logement, famille, etc.). Le gain serait donc dérisoire. (Une personne seule qui touche le RSA et des allocations logement, peut toucher 742 euros actuellement, loin du seuil de pauvreté, estimé se trouver à 1000 euros pour ce genre de cas). La proposition de Hamon, qui ne revendique pas un emploi pour tous en obligeant les entreprises à embaucher via une réduction du temps de travail pour les travailleurs, est en fait une acceptation de la domination des grandes entreprises capitalistes.
Certes, M. Hamon réclame l’abrogation de la loi « Travail » ce qui affole certains élus PS, et il se veut plus social dans l’accompagnement du libéralisme. Mais lorsqu’il va rencontrer Hollande ou le Premier ministre Cazeneuve, il rappelle alors qu’il a soutenu toute une partie de la politique du gouvernement ces cinq dernières années. Hamon n’a jamais été au bout de son opposition de prétendu « frondeur » : il a voté tous les budgets d’austérité décidés par le gouvernement.
Mais la dynamique pour ceux qui ont voté Hamon est en fait plus profonde. Ce qui a été exprimé par ces personnes, c'est une volonté de battre Valls sur une base réellement à gauche de ce dernier.
On voit se profiler derrière ce vote l’envie d’enclencher une dynamique qui permette la refondation d’une nouvelle force politique à gauche du PS actuel. Et en cela, c’est assez positif. Et c’est suffisant pour soulever de nombreuses craintes dans le PS. Certains se tournent déjà vers Macron, le candidats des banquiers ; d’autres essaient d’utiliser tous les rouages antidémocratiques (et ils sont nombreux) au sein du Parti « socialiste » pour contraindre Hamon à intégrer dans son programme les points défendus par Valls.
Il n’y aura pas de campagne du PS aux présidentielles sur base du programme de Hamon aux primaires, cela est déjà clairement dit par une grande partie des « ténors » du PS. De même que beaucoup de proches de Valls ont déjà été désignés candidats pour les législatives qui approchent, dont El Khomri elle-même dans le 18ème arrondissement de Paris : on l’imagine mal faire campagne pour l’abrogation de la loi El Khomri sur le travail… Seule une minorité des candidats désignée par le PS sera sur la ligne de Hamon.
La seule possibilité pour Hamon serait donc de prendre la mesure de l’explosion potentielle qui est en cours au Parti socialiste. Valls lui même a dû faire une réunion dans l’urgence ce 31 janvier pour demander à de nombreux dirigeants de ne pas « quitter le PS ». Pour le moment, les dirigeants vont essayer de museler Hamon, qui n’a pas la base militante pour les en empêcher. Ceci le fera inévitablement chuter dans les sondages. Ou alors, ces mêmes dirigeants, sentant le vent tourner en faveur de Macron (lequel est potentiellement capable d’établir, hors du PS, le parti centriste que Valls voulait établir en réformant le PS), pourraient l'aider à battre Hamon à la présidentielle et les candidats pro-Valls aux législatives.
Les prochaines semaines vont être cruciales. Avec la victoire de Hamon à la primaire, c'est le potentiel pour une nouvelle force politique à la gauche du PS qui s’est de fait renforcé. Même si, ce qui est fort probable, Hamon ne va pas dans cette voie-là, c’est néanmoins à celle-ci que ses électeurs ont montré aspirer.
La candidature de Mélenchon et sa campagne de la « France insoumise » (FI) représentent en partie ce potentiel pour la création d’une nouvelle force politique à gauche du PS. C’est d’ailleurs une bonne chose que Mélenchon ait dit être prêt à rencontrer Hamon tout en rappelant que toute une série de positions du vainqueur de la primaire n’étaient pas compatibles avec ce que défend la FI. Notamment sur le travail (la FI défend les 32 heures avec embauche compensatoire obligatoire, la hausse des salaires…) ou l’Europe (Hamon ne défend pas du tout une remise en cause de l’Union européenne). Mais la tactique de Mélenchon a elle-même ses limites, car elle demeure sur un terrain purement électoral.
D’une part, toute une partie des jeunes et des travailleurs s’apprête à s’abstenir aux prochaines élections, car ils en ont assez de ce cirque politicien qui se fait sur le dos de la population, ce qui est largement compréhensible. D’autre part, ce qui manque face à l’offensive menée par les patrons et le gouvernement contre les jeunes, les travailleurs et la majorité de la population, c’est une force capable de permettre à des dizaines de milliers de personnes de s’organiser, de se réapproprier la politique et de lutter contre le capitalisme. C’est sur cet aspect-là des choses qu’il va falloir que la FI discute ces prochaines semaines, d’autant plus quand les électeurs de Hamon comprendront que ce dernier n’a pas la possibilité de mener une campagne de réelle rupture avec la politique de Hollande.
Une révolte qui monte, une situation explosive
Le scandale autour des emplois fictifs de la famille de Fillon, où l’on apprend ainsi que sa femme a été rémunérée pendant des années à ne rien faire (elle aurait reçu au total près de 900 000 euros, d’après le Canard enchainé), alors que M. Fillon n’a de cesse de qualifier les fonctionnaires ou les chômeurs de fainéants qui ne travaillent pas vraiment, est certainement le coup de grâce pour un candidat qui était déjà en chute. Son projet de destruction de la sécurité sociale, d’augmentation de 2 % de la TVA (pour financer la suppression de… l’impôt sur les grandes fortunes, bref de prendre aux plus démunis pour donner aux plus riches) avait rencontré l’opposition d’une écrasante majorité de la population (90 % de rejet de ses propositions sur la Sécu). Il était déjà possible que Fillon ne puisse plus prétendre gagner l’élection comme les milieux de la droite bourgeoise le croyaient. Il est maintenant quasi certain qu’il va s’écrouler et que la droite devra trouver un candidat de rechange. Une partie d'entre elle regarde déjà vers le centre et le mouvement autour de Macron, pour le moment dépourvu d’un véritable appareil.
Quant au Front national et à Marine Le Pen, ce n’est pas non plus la grande facilité. Sa référence appuyée à Trump joue finalement contre elle tant ce dernier semble incontrôlable et presque dément. Bien que haute dans les sondages, Mme Le Pen reste autour des 25 % et ne réussit pas à progresser. Par exemple, parmi ses dernières déclarations, elle a dit ne pas être favorable à une augmentation du salaire minimum. Ceci montre de plus en plus que la soi-disant posture « sociale » du FN n’était qu’un argument électoraliste. Sur 1500 élus municipaux du FN, 400 (soit plus du quart d'entre eux) ont démissionné depuis 2014, du fait des méthodes dictatoriales employées en interne. Un démissionnaire d’Hayange, en Lorraine, a même ajouté : « il n’y a que des gens opportunistes, qui sont là pour se remplir les poches. Parce que j’ai vu comment fonctionnait le Front national à l’intérieur ».
Marine Le Pen se revendique trumpiste. Au fur et à mesure que Trump dévoile son vrai visage, cette prise de position pourrait lui être fort nuisible. |
Faire entendre la voix des travailleurs et des jeunes
La situation est à l’image de ce qui se passe dans la société depuis plus de deux ans. Le mécontentement social devant les bas salaires et les mauvaises conditions de travail s’exprime chaque jour par des dizaines de grèves et de luttes. Dans ce contexte, le manque d’une véritable journée centrale pour défendre l’augmentation des salaires, les conditions de travail, pour refuser les politiques de casse sociale, est pesant. Les directions syndicales, plutôt que de « consulter » des candidats dont on a bien vu quelle était la politique tout au long des 10 dernières années, devraient préparer une grande journée de grève et de lutte. Ainsi, on impacterait largement la campagne électorale, car ce sont les luttes qui changeront les choses. Et la campagne électorale pourrait être un point d’appui pour cela, en poussant notamment un candidat comme Mélenchon à reprendre et à défendre à une large échelle les revendications des travailleurs et de leurs luttes.
Cela permettrait aussi à tous ceux et à toutes celles qui ne veulent pas voter parce qu’ils ne se sentent pas impliqués par la forme qu’ont ces élections, de pouvoir se les approprier. Il est clair qu’une nouvelle force politique de lutte contre le capitalisme proviendra à la fois des millions de personnes qui vont voter pour Mélenchon et d’autres candidats à gauche du PS, mais également de tous ceux et toutes celles qui participent aux luttes, qu’ils et elles votent ou pas.
La situation est entièrement ouverte : tous les candidats au service du capitalisme sont fragilisés et sans base de soutien réellement active et solide. La révolte nous permet de dégager, peu à peu, une partie de ces gens qui nous imposent depuis toutes ces années une politique injuste, antidémocratique et antisociale. Désormais, aucun scénario pour l’élection présidentielle n’est écrit d’avance. Au contraire, tout devient possible. L’inquiétude des dirigeants du PS, de la droite ou du FN doit être perçue comme un véritable encouragement pour le camp des jeunes et des travailleurs.
Tous ceux et toutes celles qui en ont assez du capitalisme et aspirent à une société de justice sociale, tolérante et fraternelle, qui donnera à chacun un emploi, un logement et un avenir décent peuvent jouer un rôle s’ils se regroupent. C’est pour cela que nous appelons à voter pour Mélenchon, malgré le fait que nous trouvions son programme encore trop limité face aux multinationales, aux banques et aux actionnaires. Par exemple, nous sommes d'avis que l’ensemble du secteur financier, des banques aux assurances, doit être nationalisé et mis en propriété publique sous le contrôle des travailleurs et de la population, alors que Mélenchon défend seulement l’idée d’un pôle bancaire public à côté des banques privées. La majorité de ceux et celles qui s’apprête à voter pour lui le font pour exprimer leur ras-le-bol du capitalisme et de sa dictature du profit.
Construire une force de lutte contre le capitalisme
Mais voter n’est qu’un aspect de la chose. Nous avons besoin d’un mouvement de masse pour renverser le capitalisme. C’est cela que la Gauche révolutionnaire (section française du CIO) veut construire. Face à la crise politique et économique, il s’agit d’avancer une véritable alternative, pour une société réellement démocratique, où l’économie sera planifiée pour satisfaire les besoins de tous et non les profits d’une poignée de capitalistes. C’est en s’organisant que nous pourrons préparer les prochaines luttes et préparer le renversement du capitalisme et son remplacement par une société démocratique et socialiste, débarrassée de la corruption, de la guerre, du racisme et de la misère et des souffrances que tout cela entraine.
Ce combat se prépare dès maintenant, rejoignez-nous !
Le grand mouvement contre la loi Travail montre une détermination à en finir avec la politique antisociale. Ce combat doit se prolonger par une véritable organisation de lutte politique. |
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