samedi 1 septembre 2018

CI : Le Code du travail bafoué chaque jour !

Huit heures de travail, huit heures de loisir, huit heures de repos !



Avec toutes ces histoires de croissance à 10 %, on en oublie certains fondamentaux. Nous voulons parler de la journée des huit heures, inscrite dans la loi en Côte d'Ivoire mais nulle part respectée.


Portée historique de la journée des huit heures

La journée des huit heures est une revendication historique du mouvement prolétarien dès 1866. C'est aux États-Unis, en 1884, que les syndicats lors de leur congrès se donnent deux ans pour imposer aux patrons cette limitation du travail à huit heures : « Huit heures de travail, Huit heures de loisir, Huit heures de repos ». La date de la première action au niveau national est fixé au 1er mai 1886.

On déclare à ce sujet une journée de grève générale (« ville morte ») sur toute l'étendue des États-Unis, qui sera largement suivie. La grève se prolonge à Chicago, où elle fait plusieurs morts ; certains des leaders seront arrêtés et condamnés à mort par pendaison. À partir de 1889, l'Internationale consacre le 1er mai comme journée de grève internationale, chaque année, pour faire pression pour imposer la journée des huit heures. Cette lutte fera de nombreux morts dans différents pays, notamment en France.

Il faudra en réalité attendre la révolution socialiste russe d'octobre 1917 pour voir la journée des huit heures enfin acquise. Le gouvernement révolutionnaire russe ayant fixé la durée maximale de travail à 48 heures par semaine, tous les pays d'Europe sont rapidement forcés de suivre, de peur de voir la révolution se propager chez eux.

C'est ainsi en 1919 que cette loi est entérinée en France, en même temps que le 1er mai est officiellement reconnu comme jour férié et non plus comme jour de grève. La même année 1919, la loi de huit heures est inscrite dans la Convention nº1 de l'Organisation internationale du Travail – c'est donc le tout premier document jamais publié par cette organisation.

Le principe « Huit heures de travail, Huit heures de loisir, Huit heures de repos » est inscrit dans la loi internationale depuis à présent près de 100 ans.

La réalité en Côte d'Ivoire : tous nos patrons, des criminels endurcis

Aujourd'hui que constatons-nous en Côte d'Ivoire ? La plupart des gens prestent des journées de 10 heures, 12 heures, 14 heures de travail. Par exemple, dans de nombreux bureaux, le patron exige de ses employés qu'ils soient là dès 7 h du matin pour ne les libérer que vers 18 h ou 19 h. Dans les commerces, les restaurants, les maquis, c'est souvent comme ça aussi. Certains patrons n'ont pas honte de demander à leurs employés de faire des cycles de 24 heures complet, pour ne leur laisser qu'un seul jour de repos entre les deux – ce qui revient à une double journée de 12 heures, 72 heures par semaine au lieu des 48 heures règlementaires. Pour les vigiles devant surveiller un lieu 24h/24, il est tout à fait normal de voir deux vigiles se relayer par cycles de 12 heures : un monte à 8h et descend à 20h, l'autre monte à 20h et descend à 8h.

Le Code du Travail ivoirien stipule pourtant clairement, dans sa section « Horaire collectif de travail, Article premier » :
« La durée hebdomadaire du travail ne peut excéder 40 heures par semaine pour les entreprises non agricoles, 48 heures par semaine pour les exploitations, établissements, entreprises agricoles et assimilés ».

Il est vrai que l'Article 2 stipule qu'en cas de travail discontinu, « une présence plus longue que celle prévue à l'Article premier pourra être admise » ; cependant, (Article 3), ces durées hebdomadaires plus longues sont délimitées à 44 heures au maximum pour les entreprises non agricoles, 52 heures pour les exploitations agricoles ; 56 h pour le personnel de maison ou de gardiennage.

Étant donné cette limitation maximale du temps de travail par semaine, l'Article 5 autorise donc le patron à fixer les horaires de travail suivants :
« 1) 8 h par jour pendant 5 jours
2) 6h40 min pendant 6 jours
3) répartition inégale des 40 h par semaine en fonction des différents jours ouvrables, avec un maximum de 8 h par jour. »

De plus, l'Article 6 exige que l'employeur affiche les horaires de travail et la durée hebdomadaire du travail sur un panneau en un endroit accessible à tous les travailleurs.

Conclusion : la quasi-totalité des entreprises opérant sur le sol ivoirien sont dans l'illégalité la plus complète.

La journée des huit heures : un enjeu non seulement pour le travail, mais pour la nation entière

Or, il ne s'agit pas seulement d'un problème de confort personnel. C'est un véritable problème d'enjeu national.

Avec la journée de 8 heures, cela voudrait dire que pour garder un même endroit 24 h/24, il faudrait engager TROIS vigiles. Mais avec des journées de 12 h, cela veut dire que seulement DEUX vigiles sont embauchés – payés au même salaire minimum que celui qu'ils devraient normalement gagner pour les 8 h exigées par la loi.

On comprend donc que mener une lutte pour l'application stricte de la journée des 8 h permettrait en même temps de créer des millions d'emplois dans ce pays. En gros, on créerait un poste pour chaque deux personnes engagées à l'heure actuelle. C'est beaucoup plus que n'importe quel investisseur étranger ou soi-disant plan d'intégration des jeunes.

En acceptant de travailler 12 heures, le travailleur est en réalité en train de voler le travail de quelqu'un ! Ce n'est donc pas une affaire des étrangers qui nous prennent notre travail !

Mais pourtant, quand le travailleur va se plaindre de cet état de fait à son patron, on lui montre gentiment la porte. Depuis quand ouvrier connait papier ? Le patron n'aime pas ça !

Syndicats et partis de « gauche » : muets ou complices ?

Curieusement, on ne voit nulle part nos syndicats mener campagne sur ce sujet. Même le 1er Mai, qui est pourtant une journée de congé acquise par la lutte pour la journée des huit heures, et dont c'est la raison d'exister, on ne les voit jamais mentionner cette revendication au président. Évidemment, pourrait-on dire, la journée des huit heures est déjà inscrite dans la loi – c'est déjà un acquis !

Il faut aussi pointer du doigt les responsables politiques de notre soi-disant opposition de gauche : quand était la dernière fois où le FPI, le Cojep, l'UNG, le PIT ou Lider, qui se revendiquent de gauche, ont mentionné le fait que le droit du travail n'est pas respecté dans notre pays ? Est-ce que tous ces militants ne pourraient pas être mobilisés aussi à ce sujet, et pas seulement lorsqu'il est affaire de la CEI ou d'un référendum ?

Mener le combat signifie l'organisation et des initiatives à la base

Il est pourtant urgent que les syndicats se ressaisissent et mènent une lutte pour l'application de cette loi non seulement dans le secteur formel mais aussi dans l'informel ! Cela signifie non pas se contenter de faire des réunions dans des bureaux pour s'en plaindre au ministre, mais recruter de nouveaux adhérents partout où c'est possible – dans les maquis, dans les restaurants, dans les ateliers de couture, etc.

Car notre première arme est l'information : si chaque citoyen était conscient de son droit à exiger de son patron qu'il le libère après 8 heures prestées, en sachant que le patron ne pourra pas embaucher facilement quelqu'un d'autre qui acceptera de faire 10, 12, 14 heures, en sachant aussi que les policiers ou les inspecteurs du travail n'hésiteront pas à intervenir pour le défendre, nous serions déjà beaucoup plus fort. Malheureusement, beaucoup de gens ne sont pas informés. Comment les informer ? Par des opérations de sensibilisation de masse dans les quartiers, mais aussi par des meetings à ce sujet, par des marches et par des grèves régionales.

Nous ne devons pas attendre que nos grands dirigeants syndicaux ou politiques ne daignent s'afficher sur ce sujet, il ne nous reste plus qu'à nous organiser à la base, autant que nous le pouvons. Cessons de compter sur des délégués qui ne se mettront jamais en avant. Organisons nos propres comités de lutte. Organisons des grèves sectorielles, au niveau de telle ou telle zone, de telle ou telle entreprise, de tel ou tel quartier, pour protester et faire appliquer par le patron la loi internationale, héritée de la révolution socialiste russe, qui limite notre temps de travail à 40 heures par semaine – 5 journées de 8 heures – et maximum 44 en cas de travail discontinu.

Le groupe Militant en Côte d'Ivoire est prêt à accompagner et encadrer les travailleurs qui nous feront appel. Contactez-nous !


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