mardi 28 août 2018

Théorie : Au vu de l'expérience des régimes « communistes »…

Toute révolution débouche-t-elle forcément sur une dictature ?



Pas du tout. Ce n'est pas parce qu'une révolution prolétarienne dans un pays a dégénéré que toutes les révolutions prolétariennes à venir sont appelées à dégénérer elles aussi.

La révolution russe d'octobre 1917 avait été portée par des comités populaires, les conseils ouvriers ou « soviets », des organes populaires dans les quartiers, les villages, les casernes et les zones industrielles dont les dirigeants étaient élus ; ils étaient reliés entre eux par un exécutif regroupant 500 délégués des conseils de tout le pays, élus lors d'un congrès dont les participants étaient eux-mêmes élus au suffrage universel. Les compétences de ces conseils locaux étaient on ne peut plus étendues et touchaient tant à l'économie qu'à la sécurité, avec une participation active de tout un chacun.

Malheureusement, la révolution s'est très rapidement militarisée, d'abord parce que les ennemis du peuple, qui voulaient rétablir l'ancien régime, se sont ligués pour créer toute une série de rébellions à l'ouest, au sud, à l'est, au nord en recrutant des jeunes aristocrates et bourgeois, des paysans ignorants et des mercenaires (la fameuse « Légion tchécoslovaque »). D'autre part, parce que tous les régimes capitalistes du monde : la France, l'Angleterre, l'Allemagne, le Japon, la Chine, la Turquie, les États-Unis, etc. sont eux aussi intervenus en Russie pour rétablir ce qu'ils estimaient être les dirigeants légitimes (selon eux). Il a donc fallu se battre et introduire des mesures de discipline très strictes.

Dans ce contexte de crise militaire, de famine et de pénurie, il devenait difficile d'entretenir une démocratie populaire fonctionnelle. Les opposants, qui sabotaient activement la révolution, ont dû être mis au pas, les critiques du régime ont été contraintes de se taire. Pour les besoins de la révolution, on a laissé les soldats et miliciens effectuer des réquisitions et des exécutions, ce qui a forcément engendré de nombreuses dérives. Par ailleurs, il était difficile de parler de pouvoir démocratique quand la plupart des militants les mieux formés étaient morts au front et quand les grandes villes s'étaient vidées de leur population, retournée au village pour trouver de quoi manger.

Si toutes ces mesures de « communisme de guerre » ont finalement permis de gagner la guerre civile et à la révolution de se maintenir, ce sont elles qui on aussi semé les germes du régime totalitaire en Russie « soviétique ». En d'autres circonstances, le régime de démocratie prolétarienne aurait pu plus facilement se maintenir.

Évidemment, cela n'empêche pas que du point de vue de nos dirigeants capitalistes, tout système dans lequel la voix du peuple compte plus que la leur sera toujours décrié comme la pire des dictatures, aussi démocratique ce régime soit-il !



Les révolutions « communistes » à base paysanne en Chine et ailleurs dans le monde

La Chine a été le premier régime se réclamant du communisme et né d'une révolution après la révolution russe, quelques 30 ans plus tard. Tout au long des années 1920, 1930 et 1940, les staliniens qui dirigeaient la Russie et l'Internationale communiste (« KomIntern ») sabotaient les révolutions partout dans le monde afin de maintenir leur alliance avec l'impérialisme et l'état de siège en Russie qui garantissait la continuité de leur régime militaire et bureaucratique en Russie. C'est ainsi qu'à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les militants communistes armés qui avaient activement participé à l'insurrection contre les nazis se sont vus ordonner de démobiliser pour laisser les capitalistes (de Gaulle, etc.) prendre le pouvoir en Occident après la « Libération ».

En Chine, par contre, Mao ne l'entendait pas de cette oreille. Mao se souvenait de la politique désastreuse qui avait été imposée par Staline aux dirigeants communistes chinois en 1927 et qui les avait menés tout droit à l'échec et à une mort cruelle. Lorsque les cadres staliniens ont tenté de dicter la même politique de compromission à Mao, celui-ci a compris qu'ils n'étaient pas sincères. C'est ainsi qu'il a pu prendre le pouvoir et assurer le triomphe de la révolution chinoise.

Malheureusement, la révolution chinoise n'était pas une révolution prolétarienne, mais une révolte paysanne armée dirigée par un cadre d'intellectuels. Cette structure militaire a fait en sorte qu'au moment de la victoire, ce n'est pas un régime « soviétique » (démocratique prolétarien) qui a été mis en place, mais un régime entièrement identique au régime stalinien : un État centralisé bureaucratique à la tête d'une économie planifiée non capitaliste. Si la Chine et l'URSS étaient unies face aux capitalistes qui brulaient de récupérer le contrôle sur l'économie de ces pays (et leurs propriétés !), les élites à la tête de ces deux pays luttaient entre elles pour l'influence sur les militants communistes dans le monde et pour le prestige sur l'arène internationale. C'est ainsi qu'au Zimbabwé, la lutte de libération nationale a été menée par une armée pro-chinoise (Mugabé) et une armée pro-russe qui luttaient l'une contre l'autre en même temps que contre le régime des colons !

De même, aucun des États dits « communistes » qui ont été créés tout au long du 20e siècle ne l'a été par une authentique révolution prolétarienne. Cuba, le Vietnam, la Yougoslavie, la Corée du Nord… ont connu des révolutions qui étaient purement militaires, avec une participation de masse de la paysannerie mais une faible participation du prolétariat, et dirigées par des intellectuels nationalistes petits-bourgeois. Les dirigeants de ces régimes se sont empressés de copier l'exemple qui avait été donné par la Russie et la Chine pour instaurer une véritable « dictature des cadres ». En Pologne, en Tchécoslovaquie, en Roumanie, en Hongrie… les régimes « communistes » ont été mis sur pied directement par Staline qui a imposé ses propres hommes à la tête de ces pays après les avoir conquis militairement. De même concernant les régimes « communistes » en Afrique : Mali, Guinée, Bénin, Angola, Mozambique, Éthiopie, etc. C'est pourquoi nous qualifions ces États d'« États prolétariens déformés ».

On retiendra que la révolution russe est la seule révolution de l'histoire qui a pu triompher par la voie prolétarienne démocratique.


Des révolutions qui mènent à des coups d'État, des dictatures, des guerres ou à… rien du tout

On a vu ces dernières années toute une série de révoltes populaires de masse qui ont tenté et sont même parfois parvenues à faire chuter des dictatures : Tunisie, Égypte, Syrie, Libye, Burkina, Gambie, etc.

Malheureusement, dans certains de ces pays, tout est clairement pire qu'avant. Dans ceux où un semblant de démocratie a été obtenu, la population est toujours confrontées aux mêmes facteurs qui avaient provoqué la révolution pour commencer : la misère, le chômage, le sous-développement. 

Le point commun de toutes ces révolutions est qu'elles n'étaient pas guidées par des dirigeants, par un parti révolutionnaire prolétarien, déterminé, conscient de son rôle historique et prêt à aller jusqu'au bout. Dans ce cas, il est inévitable que l'énergie des masses populaires se disperse, à cause du manque de vision, de la fatigue ou tout simplement parce qu'on a l'impression d'avoir obtenu ce qu'on voulait.

Or, passé le premier moment de panique, la classe dirigeante se réorganise pour maintenir sa domination et mater la population révoltée (Égypte). Le vide politique ouvre aussi un espace dans lequel viennent s'introduire toute une série d'aventuriers ou des forces obscures, dont les milices sectaires et autres groupes de mercenaires étrangers (Syrie), quand il ne s'agit pas d'une intervention militaire impérialiste ouverte (Libye) ou de l'éclatement de tensions régionales qui finissent par diviser le pays (Ukraine). 

En clair : c'est la contrerévolution qui est à l'origine de la guerre et de la dictature, pas la révolution !

Même dans le cas où on n'a pas une contrerévolution déclarée (Tunisie et ailleurs), le fait que le pouvoir reste au final entre les mains de politiciens bourgeois « démocratiques » fait que très peu de réformes sociales sont obtenues, et que les quelques acquis de la révolution sont rapidement annulés, au nom du « réalisme économique » (c'est-à-dire, réaliste d'un point de vue bourgeois). Alors on a alors l'impression que « faire la révolution » ne sert à rien. Mais c'est parce que les masses n'ont pas encore atteint un niveau de conscience et d'organisation suffisant pour arracher le pouvoir des mains de ces soi-disant « amis du peuple » et avancer de manière décisive vers le socialisme.

Il nous faut donc retenir de l'histoire que la seule révolution qui est parvenue à ouvrir la voie à un nouveau système économique a été la révolution prolétarienne démocratique dirigée par un parti révolutionnaire déterminé et conscient de son rôle, en Russie. Mais que cette révolution a dégénéré en une dictature, non pas parce que c'était son destin, mais parce qu'il s'agissait d'un pays sous-développé et isolé sur les plans militaire et économique.

Nous tirons les leçons de l'histoire de toutes ces révolutions. Nous comprenons que la révolution se heurte inévitablement à la contrerévolution. 
Nous comprenons aussi qu'il nous faut un parti de dirigeants révolutionnaires pour encadrer l'énergie des masses jusqu'à la victoire finale contre le capitalisme. Nous comprenons aussi que la lutte doit être menée et coordonnée au niveau international pour assurer une révolution mondiale et couper court à toute « intervention » impérialiste.

C'est pourquoi nous construisons le groupe Militant, en tant que section en Côte d'Ivoire du CIO.

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