Les gouverneurs de Sao Paulo, Rio de Janeiro et autres villes ont réduit le prix du transport
Mais la lutte doit continuer !
Suite à
la déferlante de luttes de masse de ces derniers jours, le
gouvernement de l'état de São Paulo,
les préfets de São Paulo et de
Rio de Janeiro
(les deux plus grandes villes brésiliennes) et des dizaines de
capitales d'état et de villes de tout le
pays ont décidé de réduire le prix des transports.
Article rédigé fin juin par notre camarade Andre Ferrari du mouvement “Liberdade, Socialismo i Revolução” (section brésilienne du CIO)
Les gouvernements régionaux intransigeants, autoritaires et répressifs ont été forcés de faire marche arrière après les deux semaines de mobilisation intense qui ont balayé tout le pays. Le 17 juin, plus de 300 000 personnes sont descendues dans les rues de différentes villes. Près de 200 000 personnes ont manifesté à São Paulo et à Rio de Janeiro, là où la mobilisation était la plus concentrée. À Brasilia, la capitale politique, le bâtiment du Congrès a été occupé, ainsi que la mairie de São Paulo.
À
São Paulo, les manifestants
ont paralysé les principaux
axes routiers et marché vers le
Ponte Estaiada, un monument à
de riches spéculateurs immobiliers. Après la
répression policière brutale de la
semaine précédente, qui n'a fait qu'accroitre la
taille des manifestations, le 17 juin,
le gouverneur de l’état a décidé de ne
pas aller plus loin dans la répression.
À Rio de Janeiro, cependant, il y a eu une répression très forte et de nombreuses arrestations, dont celle d'un membre de LSR (Liberdade, Socialismo i Revolução, section brésilienne du Comité pour une Internationale ouvrière). Le camarade a été accusé d'être “membre d'un gang criminel organisé”, puis relâché avec une amende. À Belo Horizonte (dans l’état du Minas Gerais), où un match de football pour la Coupe des Confédérations avait lieu dans le nouveau stade moderne, il y avait plus de personnes qui manifestaient devant le stade que de spectateurs à l'intérieur.
80 000 personnes ont répondu à l'appel à une nouvelle manifestation le lendemain 18 juin à São Paulo. Cette manifestation a complètement occupé la praça da Sé, dans le centre ville. Au même moment, des manifestations avaient lieu à l'avenida Paulista, où il y a eu des tentatives désorganisées de prendre l'hôtel de ville et le bureau du préfet de la ville. La veille à Rio de Janeiro, les bureaux de l'Assemblée législative d’État avaient été occupés plusieurs heures par des manifestants, d'une manière qu'on ne pouvait qualifier que d'insurrectionnelle.
Des
manifestations de masse ont eu lieu toute la
journée du 19 juin. Les autoroutes étaient
bloquées et fermées, les arrêts de bus étaient entravés et dans
la banlieue de São Paulo, le MSTS
(Mouvement des travailleurs sans
toit) a organisé
des manifestations dans les grandes rues, avec la participation
active de LSR (CIO-Brésil). Des signes
montraient que la lutte se radicalisait et
commençait à exploser dans les endroits
pauvres autour de la ville, entrainant les
travailleurs dans la danse, ce qui ajoute à
la pression sur le gouvernement.
Suite à l'appel à de nouvelles manifestations unifiées au niveau national du 20 juin, les autorités de São Paulo et de Rio ont décidé d'annoncer la réduction des prix.
Le Mouvement des travailleurs sans toit, dans la lutte |
Divisions dans les partis du pouvoir
C'est
ce qui est ressorti des importants
débats et des divisions au sein des partis
au pouvoir. Une réunion d'urgence a été organisée avec Lula
(l'ex-président du Brésil, qui n'a plus
de fonction officielle aujourd’hui), la présidente Dilma Rouseff
et le préfet de São Paulo,
Fernando Haddad. Tout au long de cette
réunion, la Prefectura était assiégée par les manifestants.
Le matin suivant, Haddad déclarait qu'une réduction des tarifs des transports serait une position “populiste”. Cependant, cette affirmation a fait long feu. Lors d'un match de football entre le Mexique et le Brésil, à Fortaleza, où le stade était encerclé par les manifestants, une conférence de presse a été organisée par Haddad et par le gouverneur de São Paulo, Alkmin, membre du parti de droite PSDB (Parti social-démocrate brésilien, en opposition au gouvernement fédéral). Haddad et Alkmin ont alors annoncé qu'une réduction des prix serait appliquée.
On retrouve à présent un sentiment antiparti dans beaucoup de couches du mouvement en raison du fait que le PT (Parti des travailleurs) s'est transformé en un parti ouvertement capitaliste, et que la confédération syndicale CUT est à présent devenue une courroie de transmission du gouvernement fédéral. Dans cette situation, certaines sections de la droite organisée ont encouragé un rejet des partis, dirigé contre les partis politiques de gauche présents dans les manifestations. Le sentiment antiparti s'est souvent traduit par des attaques physiques contre ceux qui portaient des bannières et des drapeaux de partis de gauche. Il est souvent arrivé que les provocateurs de droite à la base de ce type d’agissement se révèlent par la suite être des agents de police infiltrés.
Étant donné les dimensions exceptionnelles de ce mouvement de masse, toutes les forces politiques du pays – y compris des représentants du gouvernement fédéral et des fédérations patronales – ont de manière très cynique tenté de récupérer à leur compte l'idéalisme de la jeunesse qu’illustrait ces mobilisations. La classe capitaliste brésilienne est entrée en lutte et elle se bat pour obtenir la direction du mouvement en reprenant certaines de ses revendications.
C'est dans cette situation que les partis de gauche (le P-SoL, le PSTU et le PCB), les mouvements sociaux qui ont une orientation de classe (comme le MTST et Terra Livre, avec lesquels LSR collabore activement), les différents fronts syndicaux (comme CSP-Conlutas, Intersindical et d'autres) et certains groupes anarchistes ont commencé à rejoindre le mouvement. Cela était particulièrement visible dans le cadre des mobilisations pour le 20 juin. Tous ces mouvements défendent le droit des partis de gauche de venir manifester librement sous leurs propres bannières et visent à empêcher la droite de s’attirer un soutien dans le mouvement.
Malgré les éléments contradictoires dans la conscience politique des participants au mouvement, celui-ci est tout de même parvenu à obtenir une victoire et à réduire les frais de transport. Maintenant, la question se pose de voir comment poursuivre la lutte. Aucun accord n’existe sur cette question entre les mouvements sociaux combatifs et la gauche. Les manifestations du 20 juin risquent ainsi de n'être qu'une commémoration de ce qui a été accompli plutôt qu'un pas en avant pour continuer le mouvement.
LSR appelle à l’organisation d’assemblées et de forums du mouvement afin d’établir un cahier de revendications et un programme destiné à approfondir les acquis déjà remportés sur le prix du transport public. Les gouvernements qui ont annoncé une réduction des couts du transport sont les mêmes qui annoncent des coupes budgétaires dans les programmes sociaux. Le mouvement devrait demander que les moyens nécessaires à la satisfaction des besoins sociaux soient prélevés sur les comptes des entreprises privées qui exploitent le système de transport et non pas dans d'autres programmes sociaux.
Même après réduction des prix du transport, le cout des déplacements est un lourd fardeau pour les travailleurs et les étudiants. La revendication pour le transport gratuit était l'une des vieilles revendications du PT, que le parti a abandonnée en virant à droite. Cette revendication devrait être reprise. Elle devrait aussi être liée à la revendication de la municipalisation et de la nationalisation du système de transport.
Les ressources pour garantir ce système et l'améliorer en qualité devraient être trouvées en faisant passer le paiement des dettes des conseils locaux et régionaux au gouvernement fédéral, dettes qui sont pour l'instant utilisées pour faciliter la recherche de profits des banques et des spéculateurs.
Le mouvement a subi une rude répression policière |
Le mouvement doit se lier aux autres luttes
Pour continuer la lutte pour un transport public gratuit et de qualité, les mouvements doivent se lier à d'autres luttes qui ont défendu les revendications des travailleurs, des jeunes et des habitants des villes. Il faut particulièrement se lier à la campagne contre les crimes commis dans le cadre de la préparation de la prochaine Coupe du monde qui aura lieu l'année prochaine au Brésil. Des milliers de familles ont été expulsées de leurs maisons à cette fin. Des millions de réals sont dépensés dans la construction de nouveaux stades et d'autres projets d'infrastructure pour la Coupe du monde alors qu’on manque d’écoles et d’hôpitaux.
Il
est aussi nécessaire de soulever les revendications de défense des
droits démocratiques, de liberté d'expression et du droit de
manifester. La Coupe du monde
signifie, en réalité, la déclaration de l'état
d'urgence. Dans la pratique, cela signifie
la criminalisation de la pauvreté et des mouvements sociaux
contestataires.
Il
est également nécessaire d'approfondir les actions de masse pour
attirer directement à ce mouvement la classe ouvrière et reprendre
les méthodes de lutte de la classe ouvrière dans ces mobilisations,
comme le recours à l’arme de la grève et de la grève générale.
C'est la meilleure façon d'empêcher la droite de gagner une
influence dans le mouvement. La classe dirigeante brésilienne
prépare en ce moment les conditions pour la tenue d’une grève
générale. La question d'une grève générale de 24 heures
est à poser tôt ou tard si nous voulons que le mouvement se
maintienne et se renforce.
Il
est urgent de construire un front uni des mouvements sociaux et
politiques de gauche à court terme dans la perspective d’une lutte
pour une assemblée nationale des travailleurs, des jeunes et des
communautés qui pourrait discuter d'un programme de lutte et du type
de plan d’action à appliquer.
Une
nouvelle page s’est tournée concernant la lutte de classe au
Brésil. Après une longue période, nous sommes sortis du
désert de
plusieurs années
de néolibéralisme et d’étouffement des luttes sociales. Nous ne
devons pas laisser
passer cette chance.
Manifestations au Brésil : un géant s'est réveillé |
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