Rappelons-le,
rappelons-le,
la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial de cacao,
avec 40 % de la production mondiale. Aujourd'hui, malgré une
tendance à la baisse, le cacao reste une richesse nationale de
premier plan pour notre pays, représentant 15 % du PIB et 40 %
des recettes d'exportation.
De manière générale d'ailleurs,
l'agriculture en Côte d'Ivoire occupe toujours 66 % de la
population active, et fournit 70 % des recettes d'exportation :
café, caoutchouc, huile de palme, anacarde, coco, fruits, élevage…
Le principal secteur industriel ivoirien est tout naturellement le
secteur agro-alimentaire, qui représente 24 % de la valeur
ajoutée du secteur secondaire.
S'il est vrai donc que notre pays a
déjà une structure économique typique des pays émergents (avec
25 % du PIB provenant de l'agriculture et des mines, 20 %
de l'industrie, et 55 % des services – dans le cas de la
Chine, on a 40 %/25 %/35 %), on voit donc l'importance
de l'agriculture pour les échanges de notre pays avec le monde
extérieur. La principale source de richesses du pays vient de nos
produits agricoles. Mais pourtant, force est de constater qu'en
brousse, on soufre.
Dans cet article, Jules Konan
(CIO-Côte d'Ivoire) décrit la situation des planteurs de
Soubré, les enjeux qui pèsent sur la culture du cacao, et quelques
pistes socialistes pour remédier aux problèmes de la misère, de la
déforestation et des baisses de rendement.
Rappelons
par ailleurs que nous avons déjà écrit un article sur l'industrie
et l'économie du cacao au
lien suivant.
Précisons d'emblée ce que signifie
“planteur” en Côte d'Ivoire : nous ne parlons pas ici
de riches fermiers blancs disposant de centaines d'hectares,
contrairement au sens habituel de ce mot, mais bien d'un ensemble de
800 000 producteurs et de leurs familles (souvent très
larges), qui occupent des surfaces d'en moyenne 2-5 hectares
(soit l'équivalent d'un carré de 140 à 230 m de côté).
Certains planteurs disposent encore de plantations de superficie
comprise entre 20-50 ha, mais la tendance est au morcellement
des parcelles, chaque planteur répartissant son capital entre ses
différents fils avant de décéder (l'âge moyen du planteur
ivoirien est de 50-60 ans). Cette masse de petits producteurs
tranche fortement avec le faible nombre d'acheteurs et d'exportateurs
(qui ne sont que quelques dizaines). Cette situation n'est pas le
propre de la Côte d'Ivoire, mais est semblable à celle qui
prévaut en Indonésie, etc. Dans le monde, c'est 90 % du cacao
est ainsi produit sur de petites exploitations familiales.
Les plantations de cacaoyers sont
situées dans le sud de la Côte d'Ivoire, en zone forestière.
Les plus vieilles plantations se trouvent dans le sud-est, en pays
agni, tandis que la culture s'est petit à petit propagée vers
l'ouest en pays bété et krou, sous l'action d'une migration massive
de planteurs et manœuvres baoulés et “mossis”, descendus en
“basse-côte” pour y chercher “fortune”.
Le cacao, principale richesse de la Côte d'Ivoire |
Misère
et catastrophe écologique
Le revenu des familles de planteurs
ouest-africains se situe aujourd'hui selon
l'IITA (International Institute for Tropical Agriculture)
entre 30 et 108 $ par personne et par an. Pas besoin
de savants calculs pour réaliser qu'avec une telle “somme”, il
est impossible de pouvoir mener une vie décente, ni même de base,
surtout au vu de l'effondrement de l'infrastructure sociale de
ces vingt dernières années. L'alimentation des planteurs
est en grande partie assurée par l'autosubsistance : de petites
parcelles cultivées en igname, manioc, bananes plantains, riz, maïs,
gombo, aubergines, graines de palme et arachides s'intercalent comme
elles peuvent entre les vergers de cacaoyers. La quasi-totalité de
l'espace a en effet été dévolue à cette culture de rente.
Car les plantations ont beau se situer
en “zone forestière”, c'est à grand-peine qu'on aperçoit la
moindre forêt. Les cacaoyers s'étalent à perte de vue ; seuls
quelques rares grands arbres ont été épargnés afin d'ombrager les
plantations. Mais pas n'importe quels arbres : cela fait belle
lurette que les essences au bois précieux ont été totalement
abattues et évacuées par diverses compagnies forestières. La FAO
estimait ainsi le taux de déforestation en Côte d'Ivoire, pour
la période 1990-2000, à 265 000 ha par an.
Parallèlement à l'établissement des
cultures et à la destruction de l'habitat, s'est accrue l'intensité
de la chasse. Le gibier représentait en effet jusqu'à récemment la
principale source de protéines pour les planteurs. Mais aujourd'hui,
force est de constater que les éléphants, chimpanzés, panthères,
antilopes qui peuplaient les verts paysages de Côte d'Ivoire
ont virtuellement disparu, sans même pouvoir compter sur les ruines
du zoo d'Abidjan pour remédier à cette situation. La cacaoculture
est donc avant tout une catastrophe écologique, dont on parle
curieusement beaucoup moins que celle occasionnée par le
développement de la culture du palmier à huile, allez savoir
pourquoi. Mais il est vrai que l'huile de palme a de nombreux
concurrents et substituts, tandis que personne ne peut se passer de
cacao.
Quelques grands arbres demeurent, mais la forêt a été quasi-totalement abattue pour faire la place au cacaoyer |
Village
et campement
Dans la région de Soubré, considérée
comme la capitale du cacao ivoirien (30 % de la production
ivoirienne, 10 % de la production mondiale), les planteurs
vivent en “brousse” dans des cabanes en terre battue recouvertes
de toits de chaume ou de tôle, sans fenêtres et sans meubles. Les
maisons sont regroupées en “campements” situés à quelques
kilomètres les uns des autres, et regroupant une dizaine de ménages
(chaque “cour” est celle d'un planteur et de ses 4-5 fils et
de leurs femmes, qui ont eux-mêmes chacun 5-8 enfants), souvent
issus d'une même famille élargie ou à tout le moins d'un même
“village”.
Le concept de “village” est très
important : le planteur, même après 40 ans passés en
brousse, reste un immigré dont les attaches véritables n'ont jamais
quitté son village d'origine, situé dans la savane baoulée ou plus
au nord. Ses enfants, dont la plupart sont nés en brousse, sont
répartis à la naissance entre le “village” et le “campement”,
où ils demeurent soit avec le planteur, soit chez un tonton, de
sorte que chaque génération occupe simultanément les deux
endroits. Chacun a un frère, une sœur, une mère, un père, des
tontons, des tantes, des grands-parents qui se trouvent soit au
village, soit au campement. Mais en même temps, le campement
fonctionne comme une unité autonome qui a son propre chef de
campement, son propre président des jeunes, sa propre équipe de
foot, etc.
Cependant, le “campement” reste
subordonné au “village”. Les habitants du campement se
sacrifient continuellement, acceptant de vivre dans des conditions
extrêmement dures, uniquement pour envoyer la quasi-totalité de
leurs revenus au village, où ils se font construire de superbes
maisons dans lesquelles finir leurs vieux jours. L'argent économisé
est évidemment également investi dans la terre et dans les études
des jeunes. Payer les études pour un ou deux enfants représente en
effet une forme d'investissement dans l'espoir de bénéficier d'un
enfant travaillant “dans un bureau” dont le revenu pourra plus
tard subvenir aux besoins de toute la famille.
Au campement, les enfants doivent survivre dans des conditions très peu hygiéniques |
Manque
d'infrastructures
Mais en attendant une retraite dorée
au village, le planteur et sa famille se tuent en brousse dans un
état d'inconfort permanent. Alors qu'au village on a l'électricité,
au campement, il faut investir dans un panneau solaire (assez courant
au marché, bien que fort cher), ou dans un groupe électrogène à
essence, dont le fonctionnement est désagréable (bruit, fumée) et
cher ; le soir, on s'éclaire le plus souvent de lampes à Led,
et on écoute la radio, dont les piles finiront invariablement leur
course en tant que déchet hyper-polluant dans la cour des
habitations. Absence d'électricité signifie aussi absence de frigo
(qui doit être branché en permanence pour être utile), avec toutes
les conséquences que cela entraine sur la salubrité des aliments.
Alors qu'au village il y a l'eau
courante, au campement, c'est aux femmes d'aller chercher l'eau au
“marigot” en portant de grandes bassines en aluminium sur leur
tête ; il faut souvent effectuer quatre ou cinq allers-retours
sur la journée pour assurer l'approvisionnement d'une famille. En
saison des pluies, évidemment, la collecte d'eau est plus facile,
mais encore faut-il pour cela disposer d'une citerne assez grande, et
d'un toit permettant l'écoulement de l'eau le long d'une gouttière
– c'est-à-dire, pas en chaume mais en tôle. Certains
campements sont, il est vrai, équipés de pompes (qui coutent assez
cher à installer), mais celles-ci tombent souvent en panne et il
faut attendre des mois avant que quelqu'un ne vienne les réparer.
Le mobilier étant minime, on se
retrouve souvent à manger par terre ou sur des chaises trop basses.
Les bébés se roulent souvent nus dans la poussière ; on ne
peut les vêtir qu'à partir d'un certain âge, vu l'absence de
langes. Il est par contre de tradition de leur administrer un
lavement systématique au moyen d'une poire en caoutchouc, en même
temps qu'on leur donne le bain.
La cuisine se fait dans une dépendance
de la maison, sombre et continuellement enfumée, sur un feu de bois.
La collecte du bois est elle aussi une attribution des femmes, qui
transportent à nouveau sur leur tête des fagots de buches entières,
encombrantes et pesant souvent plus de 20 kg. Certaines
personnes peuvent se payer une cuisinière au gaz, mais
l'approvisionnement en nouvelles bonbonnes est difficile et très
couteux.
Dès leur plus jeune âge, les femmes apprennent à porter de lourdes charges |
Déplacements
et communications
La ville se trouve en effet fort loin.
Les distances sont typiquement de l'ordre de 30 km de pistes
avant d'atteindre le “goudron”. Et cela, en empruntant des
raccourcis franchissant des ruisseaux à gué et gravissant des
pentes escarpées, accessibles seulement à qui possède une moto ou
un vélo. Les transports en commun par taxi-brousse (dinas, gbakas et
massas) doivent souvent effectuer d'importants détours qui allongent
le trajet de plusieurs heures. Ne pouvant esquiver les innombrables
nids de poules aussi facilement que les motos, ils ne peuvent rouler
vite : 20-30 km/h de moyenne. Et c'est sans compter les
nombreux accidents, pannes et changements de roue, vu l'état de la
piste, l'âge vénérable du véhicule et le poids transporté
(passagers et bagages, qui incluent souvent moutons, bouteilles de
gaz et sacs de riz vietnamien de 20 kg).
En saison des pluies, la route devient
pire encore : le bus doit alors littéralement nager dans des
flaques souvent profondes d'un mètre, et la route devient en
certains endroits si glissante, que certaines côtes doivent être
évitées, occasionnant de nouveaux détours. Autre raison qui
justifie certains détours inutiles : le manque de ponts. À cet
égard, on note à nouveau la capacité des planteurs à s'organiser
et à cotiser des millions pour financer eux-mêmes des travaux
d'infrastructure, avec pour conséquence… la disparition de
l'entrepreneur avec tout l'argent qui lui a été remis !
Seule note positive, les barrages de
miliciens (dont le racket sur leurs postes de “péage” coutait
17 millions d'euros par an à l'ensemble de la filière) ont
pour la plupart disparus, ne laissant la place qu'à quelques postes
de contrôle de gendarmerie qui ne sont – en *théorie –
chargés que du contrôle des pièces d'identité.
Au final, un aller-retour en ville
prend énormément de temps, au moins toute une journée,
généralement deux, et coute très cher. Et cela est également
vrai dans l'autre sens : beaucoup de commerçants se rendent
régulièrement en brousse en camion pour y animer les divers marchés
hebdomadaires, mais les frais de transport font en sorte que les prix
pratiqués sont bien plus élevés qu'en ville. À titre d'exemple,
une bouteille d'1,5 L de bière Bock (“Drogba”), bien
glacée, s'achète 700 f en ville au maquis, alors que la même
bière, chaude, vaut 1000 f en brousse !
De manière générale, les moyens de
locomotion sont fort peu présents en brousse. Si les petits
commerçants dioulas parcourent les campements à vélo pour y
colporter lampes de poche, piles, tissus, poissons congelés,
bonbons, poulets et viande de bœuf fraichement abattue, les
planteurs sont souvent à pied. Les femmes surtout souffrent du fait
qu'elles ne se voient jamais confier la moindre moto. Censées être
cantonnées à leur cuisine, elles parcourent pourtant des kilomètres
pour aller cultiver leur petit potager, pour aller vendre au marché
hebdomadaire leur maigre récolte de tomates ou de concombres, pour
en ramener les courses (dans un panier sur sa tête) nécessaires à
son ménage pour la semaine, pour aller chercher du bois, de l'eau.
Les moyens de communication font
cruellement défaut. Bien que tous les planteurs aient un téléphone
portable, cela ne signifie pas pour autant qu'ils bénéficient de
crédit, ni d'un réseau ! Le réseau téléphonique n'est
souvent accessible qu'à certaines heures et en certains endroits (au
pied de tel palmier, sur le parvis de l'église, etc.). Les
téléphones se fatiguent à chercher le réseau et se déchargent
extrêmement rapidement. Ce qui signifie qu'ils sont souvent éteints,
et que le planteur doit régulièrement parcourir une certaine
distance jusqu'à trouver un voisin muni d'un panneau solaire ou d'un
générateur à essence, qui lui fera payer le cout du rechargement
(en général 100 f).
Non seulement le transport coute cher et est difficile, mais en plus l'état de la route rend les pannes très fréquentes |
Services
publics
Concernant les services publics, il y
a en brousse assez d'écoles et de centres de santé, mais ceux-ci
ont pour la plupart été construits sur financement des planteurs ou
de leur coopérative eux-mêmes ; à moins qu'il ne s'agisse
d'un projet d'une ONG. En outre, ils ne sont pas toujours dotés de
personnel apte à en assurer le service, et les médicaments, là
aussi, ne sont pas gratuits ! De manière générale, quand il
se trouve des enseignants et des infirmiers (ne parlons pas de
docteurs), il s'agit souvent de personnes sous-qualifiées
(stagiaires ou personnes recrutées à la hâte), sous-payées et en
sous-effectif (un enseignant pour 50 élèves, classes parfois
mélangées), qui en plus préféreraient franchement pouvoir habiter
ailleurs. Cela explique donc le fait qu'en ce qui concerne ces
fonctionnaires, la gratuité de l'enseignement ou des soins de santé
déclarée par le gouvernement ne veut rien dire. Et que la qualité
du service s'en ressente : les élèves passent souvent autant
de temps à aller chercher de l'eau pour l'école ou à désherber la
cour de l'école à la machette, qu'à apprendre à lire. Écoles et
centres de santé sont généralement situées uniquement dans les
quelques bourgs les plus importants où sont organisés les marchés,
et le manque de moyens de locomotion signifie que les enfants doivent
souvent parcourir des distances de 5-10 km aller-retour tous les
jours pour aller à l'école.
Les planteurs ne voient en outre
souvent pas l'intérêt d'envoyer l'ensemble de leurs enfants à
l'école, ne voyant pas à quoi peut bien servir une formation où on
n'apprend qu'à lire et à compter, sans apprendre le moindre savoir-faire
pratique. De leur point de vue, bien souvent, mieux vaut habituer les enfants dès le plus jeune âge à
se servir d'une machette et à porter de lourdes charges, à
apprendre à cuisiner et faire le ménage, voire à la rigueur à
apprendre un métier auprès d'un artisan, que d'aller perdre son
temps en bêtises intellectuelles (nous avons déjà parlé de cela
dans notre
article sur le chômage).
École de brousse |
Le
travail, c'est la santé !
En zone forestière se trouvent un
grand nombre de maladies inconnues ou peu présentes dans les régions
d'origine des planteurs. La malaria est omniprésente, et les
planteurs se reposent uniquement sur leur connaissance de quelques
plantes sauvages pour s'en prémunir. La moindre crise peut être
fatale ou demander un retour au village, et durer des semaines, alors
que les médicaments modernes permettent normalement d'évacuer les
symptômes de crise en quelques heures, voire de s'en prémunir
complètement. En brousse vivent un grand nombre de nuisibles :
fourmis cannibales, vers de Guinée et autres parasites qui rêvent
de pondre leurs œufs dans la chair humaine, toutes sortes de
champignons, de moustiques évidemment, une espèce de petites
abeilles qui se nourrissent de sueur et n'hésitent pas à s'attaquer
directement aux yeux des gens, et bien entendu, toute une série de
serpents plus venimeux et mortels les uns que les autres.
Des serpents mortels peuvent se faufiler dans les habitations |
Le travail en soi est extrêmement
dangereux. Les plantations de cacao sont surplombées par d'immenses
arbres desséchés, résidus de la jungle qui recouvrait la région
il y a 40 ans. Il n'est pas rare qu'une branche, à elle seule
grosse comme un palmier, s'effondre sans prévenir sur le champ en
contrebas, avec un fracas qui résonne sur des kilomètres. Mis à
part ces cas impressionnants, les cacaoyers eux-mêmes sont
susceptibles de blesser les planteurs, lors de l'élagage (qui
consiste à supprimer les branches en trop à l'aide d'une machette)
mais aussi lors de la récolte. Sur les arbres mal entretenus,
certaines cabosses (fruit du cacao, qui contient les fèves) se
trouvent à une hauteur de 4 ou 5 m : il faut alors
les décrocher au moyen d'une faucille attachée à l'extrémité
d'une longue perche. La cabosse, parfois lourde de 1-2 kg, peut
alors causer beaucoup de dégâts en tombant.
Après la récolte, les cabosses sont
empilées en un grand tas autour duquel tous les voisins et amis sont
conviés pour le “cabossage”. Il s'agit d'une activité
éminemment sociale, qui célèbre la fin d'une partie de la récolte
et permet d'évaluer le travail accompli. L'ambiance est généralement
bon enfant et les conversations vont bon train, tandis que les bidons
de vin de palme (ou “bangui”, sève de palmier fermentée,
boisson sucrée, pétillante et légèrement alcoolisée) et de
“koutoukou” (vodka maison à base d'un peu de tout fermenté)
font le tour de l'assistance. Il convient cependant de ne pas se
laisser trop déconcentrer, car ce travail consiste à fendre en deux
la cabosse que l'on tient en main d'un seul grand coup de machette,
afin d'en extraire les fèves : la moindre déviation peut vous
couter la main.
L'entretien des plantations inclut
également le désherbage, qui peut se faire à l'aide d'herbicides
(qui coutent cher et mettent en danger la santé du planteur, tout
comme les “pompages” récurrents et obligatoires de divers
insecticides), mais qui est la plupart du temps effectué à la
machette. Le désherbage d'une surface même minime à l'aide d'une
machette nécessite une énergie exceptionnelle ainsi qu'un certain
savoir-faire. Le planteur, accroupi, attrape une poignée d'herbes à
l'aide d'un bâton, et “lance” la machette qu'il ramène avec
force aussi près du sol que possible afin de couper l'herbe. C'est
une activité absolument épuisante, dangereuse, et qui ne peut être
proprement effectuée que par des gens qui la pratiquent depuis leur
plus jeune âge (ce qui suppose le travail des enfants). Bref, les
journées de travail sont éreintantes, d'autant que nous sommes en
Afrique dans un climat équatorial chaud et humide.
C'est fourbu que le planteur rentre
chez lui le soir, où l'attend sa femme qui elle, après avoir passé
une moitié de la journée à casser son dos à transporter de l'eau
et du bois, a ensuite passé tout l'après-midi à cuisiner et à
“piler le foutou”. Le foutou est une pâte extrêmement compacte
et amidonneuse à base de bananes plantains, d'igname, de manioc ou
de taro, qu'on obtient en frappant ces produits féculents dans un
mortier avec un bâton pendant des heures et des heures ; alors
que ces produits sont tout à fait mangeables simplement bouillis ou
frits, tout comme la pomme de terre, les Baoulés considèrent que
c'est la marque d'une bonne ménagère de savoir préparer un bon
foutou pour son homme. D'où le tour de bras extrêmement viril de la
plupart des paysannes baoulées, qui va de pair avec l'oppression
dont elles sont victimes.
Le planteur effectue donc un travail
dangereux dans un environnement dangereux, et au cas où un docteur
ou un certain équipement devient nécessaire, il faut
obligatoirement se rendre en ville, ce qui constitue en soi une
aventure, et plombe le budget du ménage : une seule visite à
l'hôpital peut couter 50 000 fCFA, soit presque deux fois
plus que le salaire mensuel légal ivoirien. Le planteur ne bénéficie
en effet pratiquement jamais d'une assurance, ni d'un compte
bancaire, vu qu'il est la plupart du temps incapable de bénéficier
d'entrée d'argent régulière.
Car le cacao est un produit qui ne se
récolte que deux fois par an : la grande récolte de
septembre-décembre qui produit en une fois presque l'ensemble du
revenu annuel (dont une grande partie est dépensé à rembourser les
dettes, payer la rentrée scolaire/universitaire et à fêter Noël
puis Nouvel An, enfin payer les manœuvres), puis la petite
récolte d'avril-mai, qui tombe juste au bon moment pour pouvoir
fêter Pâques (date à laquelle tous les Baoulés rentrent au
village pour une ou deux semaines). Le restant de l'année, le
planteur vit de dettes à des taux usuriers, qu'il devra rembourser
en octobre.
Cette scène traditionnelle des campagnes africaines est en réalité tout un symbole de l'oppression des femmes |
Éducation
et travail des enfants
Le lecteur attentif aura noté un
autre facteur entrant en contradiction avec la scolarité des
enfants : la Côte d'Ivoire suit en effet le système
d'enseignement français à tous points de vue (mis à part la CP qui
est découplée en CP1 et CP2), y compris pour les périodes de
congé. Or, chacun sait que si la France a décidé d'accorder au
19ème siècle deux mois de grandes vacances à ses enfants, c'était
avant tout pour que les chères têtes blondes puissent passer tout
l'été à aider leurs parents aux travaux des champs : moisson
du blé et de l'orge, etc.
La Côte d'Ivoire, pays agricole
tout comme la France en son temps, a de son côté décidé de fixer
elle aussi la période des vacances à juillet-aout, nonobstant le
fait que cela, loin de permettre aux enfants de partir en vacances,
ne fait que les forcer à rester à la maison où il n'y a rien à
manger depuis déjà trois mois, avant de les renvoyer à l'école
justement au moment où leurs parents ont besoin d'eux, et sans
pouvoir payer les frais d'inscription, les cahiers, et les divers
cadeaux requis par les enseignants à la rentrée. En brousse donc,
la rentrée se fait en septembre mais l'instituteur est seul dans une
classe vide. Ce n'est que vers le mois d'octobre que les premiers
élèves commencent à réapparaitre. Dans les universités, la
situation est pire encore, d'autant plus que la hausse subite des
frais d'inscription (voire prochain article) n'a rien fait pour
arranger les choses. Le planteur se retrouve devant un dilemme :
envoyer les enfants à l'école, sans personne pour l'aider à
récolter le cacao, ou les garder à la maison quelque temps de plus,
au risque de mettre en danger leur année scolaire ?
Nombreux sont apparemment ceux qui
résolvent cette contradiction en faisant appel à des trafiquants
d'enfants. L'ONG Anti-Slavery International, dans son rapport de
décembre 2010, fait état de ce phénomène inquiétant qui
semble toutefois s'être quelque peu résorbé (ou s'être fait plus
discret) après avoir acquis une grande ampleur au cours des
années '90. Des enfants ou de jeunes adolescents de familles
pauvres du Burkina ou du Mali sont séduits par le discours de
trafiquants qui les persuade que malgré la crise, la Côte d'Ivoire
reste un pays de cocagne où l'argent coule à flot. Qu'un travail
dans une plantation de cacao est une expérience enrichissante qui
leur rapportera en quelques années assez d'argent (100 000 fCFA
– 150 € – par an) que pour pouvoir à leur
retour ouvrir un petit commerce, se construire une case dans leur
village et fonder une famille – bien démarrer dans la vie –,
en plus d'obtenir un certain statut en tant que “vétéran de
Côte d'Ivoire”, très prisé dans leur pays.
À leur arrivée en brousse, les
enfants, tout comme la plupart des manœuvres nouvellement arrivés
d'ailleurs, sont surpris de se retrouver dans les conditions décrites
ci-dessus, certes identiques à celles celles vécues par les
planteurs eux-mêmes, moins le cadre d'un entourage familial
bienveillant. Les jeunes manœuvres doivent eux-mêmes trouver leur
nourriture sur la plantation, ou se voient remettre une petite
parcelle pour y planter eux-mêmes igname et manioc. Le travail,
comme nous l'avons expliqué, est éreintant et dangereux, et c'est
d'ailleurs une des raisons pour lesquelles les planteurs préfèrent
engager de jeunes gens : eux ne sont pas en mesure de rechigner,
là où une personne adulte aurait vite fait de replier bagage. Étant
dépourvus d'argent et, bien souvent, de pièces d'identité (qu'ils
n'avaient déjà pas au moment de quitter leur chez eux ; mais
lors du trajet aller, ils étaient normalement accompagnés ou
bénéficiaient d'un “arrangement” avec le chauffeur du bus),
perdus en pleine brousse qu'ils ne connaissent pas, ils ne peuvent
quitter la plantation.
Au moment où ils demandent au
planteur de leur verser le salaire d'une année, le planteur invente
l'une ou l'autre excuse et leur promet l'argent pour l'année
suivante. L'excuse la plus fréquente est : « Le travail
de la première année avait pour but le remboursement de ton voyage
jusqu'à la plantation ». Mais la deuxième année, il n'y a
pas d'argent non plus – de nouveau le planteur a toujours une
excuse. C'est donc lors de la troisième année que le jeune manœuvre
s'enfuit, sans argent ni bagages, ou bien muni de tout juste assez
d'argent que pour pouvoir payer son ticket retour. Un grand nombre
d'entre eux, une fois rentrés chez eux, se sentent trop honteux que
pour retourner dans leur famille (qui souvent, sans nouvelles depuis
des années, les croit morts), et continuent à mener une vie de
galère. Ce phénomène de trafic d'enfants-esclaves est
malheureusement à l'heure actuelle extrêmement difficile à
chiffrer et à contrôler, vu l'isolement et la dispersion des
plantations.
Le travail des enfants est malheureusement perçu comme une nécessité pour de nombreux planteurs, afin de “former” leurs enfants |
Misère
culturelle
En plus de toute ces conditions de
misère matérielle, s'ajoute également une véritable misère
intellectuelle et culturelle. En brousse, vu l'isolement et le manque
de moyens de communication, on s'ennuie grave. On côtoie tous les
jours les mêmes personnes, avec qui on n'a pas grand-chose à
discuter que les derniers ragots et l'avancement des travaux des
champs. Le manque d'électricité combiné à l'isolement a aussi
pour conséquence la difficulté de trouver une télévision ou un
bon film, sans même parler de faire fonctionner un ordinateur ou
d'internet. Beaucoup de planteurs étant analphabètes, personne ne
vend le moindre journal. N'ayant pas accès à la moindre information
venant de l'extérieur, il est impossible de parler de politique ou
de sujets plus généraux. Beaucoup de planteurs au campement,
déracinés, en viennent à oublier leurs traditions et leurs
coutumes, puisque les vieux, qui traditionnellement sont chargés de
raconter les histoires au coin du feu une fois la nuit tombée, sont
au “village”. Il y a peu de jeux de société, à part le
traditionnel awalé. Les petites filles se fabriquent une poupée à
l'aide d'une vieille sandale qu'elles attachent à leur dos comme si
c'était un bébé. Alors que les hommes gardent une certaine
capacité de mouvement et ont plus facilement la possibilité d'aller
chercher un travail en ville, les femmes sont particulièrement
isolées sur le plan culturel, d'autant plus qu'elles ne savent pas
lire, et n'ont que rarement l'occasion de pratiquer le français.
Femmes et hommes ne se parlent pratiquement pas.
Bref,
les principales et quasi-seules activités de loisirs sont le foot,
la boisson, le sexe, et la messe du dimanche. Il ne faut donc pas
s'étonner si la plupart des femmes sont enceintes en permanence à
partir d'un âge assez jeune, et si beaucoup d'enfants sont malformés
(l'alcool, la malnutrition – Il ne s'agit pas ici de
sous-alimentation, mais de malnutrition, c'est-à-dire un
déséquilibre de l'alimentation causé par une alimentation peu
variée, le manque de protéines et de vitamines – et la
consanguinité aidant). En plus, la coutume baoulée prônant le fait
qu'il faut tester la fertilité d'une femme avant de la marier,
beaucoup d'enfants naissent sans père. Les enfants sont en général
laissés à eux-mêmes jusqu'à un certain âge, une fois qu'ils ont
prouvé leur aptitude à survivre ; on les nourrit avec un peu
de riz qu'ils mangent à même le sol à la main, et on préfère
garder la viande et les légumes pour les personnes adultes. Avec les
maladies endémiques (malaria, etc.) et un mode de vie dangereux
(clous, lames de rasoirs jetés par terre et sur lesquels les enfants
peuvent tomber et se blesser), la mortalité infantile est
relativement élevée. Le dimanche et le vendredi sont jours de
prière pour les chrétiens ou pour les musulmans. C'est alors le
moment de se faire beau pour aller prier. Et de lire qui la bible,
qui le coran, seuls ouvrages littéraires présents dans les
campements. On peut ensuite passer le reste de la journée à aller
dire bonjour aux voisins. À part cela, la vie n'est rythmée que par
les nombreux baptêmes, mariages et funérailles, qui durent
plusieurs jours et plusieurs nuits, pendant lesquels on mange, on
boit et on danse (pas des danses traditionnelles, mais bien zouglou
et coupé-décalé sur fond de sono), et auxquels il est quasi
impossible de déroger.
Loisirs en brousse : la loterie “bouteille d'huile” du marché |
Les
causes de la misère :
Le prix
Pourquoi en est-on arrivé là ?
Comme nous l'avons déjà expliqué plus haut, le prix du cacao a été
soumis à une tendance baissière depuis les années '80, qui a
eu des conséquences dramatiques non seulement pour les planteurs,
mais également pour toute la Côte d'Ivoire.
La cacaoculture est une culture de
pays pauvres, équatoriaux, dont la quasi-totalité de la production
est effectuée par de petits producteurs sur de petites
exploitations. Les producteurs sont dispersés, peu ou pas
structurés. Là où des coopératives existent, il existe également
un nombre incroyable de “fausses coopératives”, entreprises
créées par des acheteurs désireux de bénéficier de conditions
plus avantageuses, et ne comptant pas le moindre planteur dans leurs
rangs. On a ainsi vu certaines de ces “coopératives” à qui on
avait remis des sacs, qui ont ensuite vendu ces sacs à leurs
affiliés au lieu de les leur remettre gratuitement comme cela était
prévu. Sans parler des fameuses primes censées être remises en fin
de campagne, mais qui n'arrivent jamais, soit que les responsables de
la coopérative ont mystérieusement disparu ou trouvent des excuses,
soit que divers “accidents” surviennent à la personne qui s'est
vu remettre l'argent à distribuer aux affiliés (ce qui peut aller
jusqu'à l'assassinat de la personne par des “coupeurs de route”
bien informés).
Les coopératives elles-mêmes ne sont
pas ou mal organisées entre elles, avec diverses fédérations dont
beaucoup ont pour porte-parole des gens qui n'ont jamais foutu un
pied en brousse de leur vie. Ces personnes étaient bien payées et
ont tout fait pour éviter la moindre élection au sein de leurs
organisations respectives, d'autant qu'aucun recensement des
producteurs de cacao à l'échelle du pays n'a jamais été effectué.
Alors que la libéralisation était selon le FMI censée profiter aux
planteurs en leur permettant de s'asseoir directement à la table des
négociations ! Ce phénomène d'escroquerie politique est
évidemment un héritage direct des années Gbagbo, pendant
lesquelles l'escroquerie avait été érigée en modèle de société.
Le marché est resté tenu essentiellement par de grands groupes
multinationaux qui sont parvenus à dicter leur loi à l'État
ivoirien même du temps d'Houphouët, et à qui la libéralisation
sauvage de la filière a énormément profité. Une masse de petits
producteurs se retrouve ainsi à la merci d'une poignée de
spéculateurs.
Tout au long des années Gbagbo, les
planteurs ne touchaient qu'environ 200-300 f/kg, pour un prix
indicatif pourtant établi en moyenne à 400 f/kg par le
gouvernement. Pour rappel, au cours de ces années, le prix du cacao
a fluctué entre 600 et 2400 $ la tonne, soit
entre 340 f et 1370 f/kg.
Lors de la campagne 2011-12, le
gouvernement d'Alassane avait fixé le prix du cacao à 1000 fCFA
par kg. C'était en effet le prix qui avait été fixé au Ghana, et
le gouvernement voulait s'aligner sur ce montant afin de mettre un
terme au trafic interfrontalier (une grande partie du cacao ivoirien
part au Ghana – et au Burkina ! – s'y faire
acheter). C'était du même coup l'occasion pour le gouvernement de
s'affirmer, la même année où il était finalement parvenu au
pouvoir après une lutte sanglante pour les urnes. Ce prix fixé à
1000 f/kg de cacao s'est malheureusement avéré insoutenable
pour les acheteurs, qui ont évoqué tous les arguments possibles et
imaginables pour y déroger, notamment qu'acheter le cacao à ce prix
signifierait qu'ils allaient devoir ensuite vendre à perte. La
situation pour les acheteurs au Ghana n'étant pas identique à celle
de la Côte d'Ivoire. L'État ne disposant pas encore des moyens
pour faire appliquer sa politique, le prix n'a finalement pas été
respecté, et les planteurs n'ont reçu en moyenne qu'entre
400 et 800 f/kg.
Finalement,
pour la campagne 2012-13, le gouvernement s'était mieux préparé
grâce à la réorganisation de la filière (comme expliqué
ci-dessus), et un prix a été fixé en commun accord avec les
acheteurs, à 725 f/kg (1,10 €), ce qui représente une
hausse certes par rapport à ce qui avait été effectivement reçu
par les planteurs l'année précédente, tout en équivalent à 50 %
du prix du marché mondial, comme promis. Les planteurs sont dans
l'ensemble rassurés, mais déçus, vu qu'ils s'attendaient à ce que
cette année encore, l'État leur promette les 1000 f/kg, si pas
plus. D'autant que le prix au Ghana pour la même année était de
879 fCFA/kg. En plus, cela n'a toujours pas réglé les
problèmes au sein de la filière (voir à nouveau à ce sujet notre
article sur la filière cacao).
(Au Ghana, l'État est parvenu à
maintenir un système d'achat étatique de la production, le Cocobod.
Cette institution vend la récolte nationale à l'avance, puis paye
les producteurs. Elle est souvent louée pour sa bonne gestion, et
est grande favorite des banques. De manière générale, la plus
grande stabilité du Ghana a permis aux planteurs de se regrouper en
associations fortes qui permettent un réel jeu démocratique. On
mentionne aussi la présence de coopératives travaillant en
partenariat avec des ONG telles Oxfam, regroupant des dizaines
de milliers de planteurs (comme la coopérative Kuapa Kokoo),
qui replantent les arbres forestiers, forment les planteurs aux
bonnes pratiques agricoles durables, investissent les profits communs
dans des projets d'infrastructures collectives, etc. Alors que le
prix du cacao en début de campagne au Ghana était cette année
supérieur à celui pratiqué en Côte d'Ivoire, une chute du
cours du cédi, la monnaie ghanéenne, qui a perdu 20 % de sa
valeur, en plus de divers problèmes de retard de paiement par le
Cocobod, a vu s'inverser le flux de trafic de cacao en décembre 2012,
qui va désormais du Ghana vers la Côte d'Ivoire.)
L'“or brun” |
Grèves
des planteurs
Les
diverses foires d'empoigne autour du prix du cacao ont mené les
planteurs à organiser toute une série de grèves pour se faire
entendre. En 1999, les planteurs ont organisé
leur première grève en novembre, peu de temps avant le coup d'État
du général Gueï, réclamant le retour de la Caistab et de
l’ancien système de stabilisation des prix. En 2004
de nouveau, on a connu une opération de rétention de cacao pour
exiger la fixation du prix. En 2006, des centaines de planteurs
ont manifesté devant le ministère de l'Agriculture pour réclamer
l'abolition des taxes. Ils ont fini par obtenir 3 milliards de
francs CFA (sur les 17 milliards revendiqués), mais qui
pour la plupart ont été aussitôt détournés par les fausses
coopératives. On a aussi entendu dire que certaines manifestations
avaient été “arrangées” par des cadres haut placés de la
filière cacao dans le but d'obtenir eux-mêmes une partie de cet
argent. Plusieurs leaders paysans ont en outre été emprisonnés
pour leur action.
En 2011, les planteurs se sont
également mobilisés, en vain, pour faire respecter le prix de
1000 fCFA/kg qui avait été établi par le gouvernement. Les
actions incluaient des rétentions de cacao, des barrages routiers,
des incendies de récolte, des manifestations et des grèves. La
grève a eu un impact certain : au port de San Pedro, on ne
comptait plus que 2-3 camions par semaine au lieu de
50 habituellement. Mais les acheteurs sont restés inflexibles :
si le prix qui leur est payé au port par les exportateurs est de
800 francs/kg, comment peuvent-ils se permettre d'acheter le
cacao à 1000 francs ? L'action elle-même a de
nouveau été affaiblie par la désorganisation des planteurs et par
la trahison de leur soi-disant leaders autoproclamés. Au final, les
planteurs ne peuvent retenir indéfiniment le cacao, devant faire
face à leurs dettes et à la scolarité de leurs enfants. Pourtant,
dans le documentaire réalisé à l'époque et diffusé sur la chaine
de télévision Arte, tous les exportateurs, industriels, etc.
s'accordaient à dire qu'il faut soutenir les planteurs sous peine de
voir la mort du secteur. Mais personne ne veut faire le premier pas.
Cette année (campagne 2012-13), le
gouvernement s'était mieux préparé. La réforme des institutions
de la filière a été finalisée, et 858 agents de l'Anader
(Agence nationale d'appui au développement rural) ont été déployés
dans le pays afin de surveiller les prix. Les contrevenants ont eu à
faire face à de lourdes amendes (500 000 francs) et à des
retraits de licence, et quatorze acheteurs réfractaires ont été
arrêtés et condamnés à trois mois de prison. La fixation du prix
a donc dans l'ensemble été un succès. Les planteurs peuvent enfin
avoir une visibilité à l'avance de ce que peut leur rapporter leur
plantation, ce qui permet d'effectuer des investissements et de mieux
utiliser les produits phytosanitaires (engrais, insecticides, etc.).
La fixation des prix devrait également encourager une meilleure
qualité des fèves : les planteurs auparavant pressés de
vendre leur récolte au premier acheteur qui leur proposait un “bon”
prix, peuvent maintenant prendre le temps de faire correctement
fermenter et sécher leurs fèves avant de les vendre.
Cependant, selon Michel Barel,
ancien cadre du Cirad, toute cette action n'a permis de revenir qu'au
prix de… 1992, alors que le cout de la vie a fortement
augmenté depuis, et que le rendement de leur parcelle a, lui,
fortement baissé. Il n'est dès lors pas étonnant que beaucoup de
jeunes se détournent de l'agriculture et cherchent une nouvelle
activité.
Les planteurs ont tenté plusieurs actions de grève, mais en général sans succès |
Un
rendement en berne
Car le fléau qui touche les planteurs
ivoiriens n'est pas seulement lié au problème du prix. Ils sont
eux-mêmes confrontés à un réel problème de rendement. Partout
dans tout le pays, les plantations sont vieilles, malades, et mal
entretenues. Le planteur repoussant continuellement de nouveaux
investissements à plus tard, les arbres restent en place jusqu'à
atteindre un niveau zéro de production. À ce moment-là, le sol est
déjà complètement épuisé et cela ne vaut même plus la peine de
replanter de nouveaux cacaoyers. Les plantations, trop vieilles, sont
attaquées par toute une série de maladies, d'insectes et de
champignons : mirides contre lesquels il faut traiter à
l'insecticide quatre fois par an, pourriture des cabosses contre
laquelle la plupart des planteurs s'avouent impuissants, et le fameux
virus du “swollen shoot” qui exigent l'abattage et incinération
immédiate de tout arbre présentant les moindres symptômes ainsi
que de tous ses voisins directs. Il y a aussi le Laurenthus, une
sorte de gui, plante parasite très jolie aux fleurs roses fuchsia
qui se greffe au sommet des arbres et pompe leur sève jusqu'à finir
par les dessécher complètement. Les sols sont épuisés et
nécessitent un apport d'engrais raisonné et adéquat, sous forme de
compost ou de granulés, la structure du sol est abimée et certaines
plantations ont vu les horizons fertiles du sol emportés par
l'érosion.
On
estime que les pertes causées par les maladies et ravageurs
équivalent à 30 % de la récolte. Le rendement en baisse est
aujourd'hui d'environ 0,5 t/ha (et encore), quand les planteurs
indonésiens tirent au minimum 1,5 t/ha de leurs plantations,
avec un potentiel annoncé de 5 t/ha pour les nouvelles variétés
greffées.
(Les
planteurs indonésiens – qui produisent 13 % de la
production de cacao mondiale – ont toutes sortes d'avantages
sur les planteurs ivoiriens. Cela inclut une meilleure connaissance
du métier d'agriculteur (utilisation raisonnée et régulière
d'engrais et produits phytos), un meilleur matériel végétal, de
nouvelles techniques de production, un meilleur soutien de l'État
(lequel a aussi, comme le Ghana, la possibilité de dévaluer sa
monnaie pour favoriser les exportations, contrairement à la
Côte d'Ivoire dont le franc CFA est lié à l'euro), la
présence d'un large couvert forestier. Aujourd'hui, l'ensemble du
personnel de l'ICRAF en Côte d'Ivoire part en Indonésie s'y
former avant de revenir en Côte d'Ivoire.)
Face à tous ces maux, il est
nécessaire de recevoir une formation de cultivateur adaptée, de
bénéficier d'un encadrement qui permette au planteur de connaitre
la biologie du cacaoyer, de comprendre d'où viennent les maladies,
d'avoir quelques notions de gestion de la fertilité des sols (c'est
quoi, un engrais ?). Mais il faut constater que sur le terrain,
les planteurs sont très peu informés. Les agents de l'Anader
(Agence nationale pour le développement rural) sont très
compétents, mais sont en sous-effectif et en plus, sont liés à des
clauses qui font qu'ils ne peuvent intervenir qu'après avoir passé
un contrat avec une coopérative qui fait appel à eux. En plus, ils
ne disposent pas d'un budget leur permettant de visiter le terrain
assez régulièrement. Les panneaux d'information avertissant du
danger du swollen shoot, maladie extrêmement dangereuse, et de
la nécessité de déclarer toute apparation de symptômes à l'État
afin d'établir une zone de quarantaine, sont cantonnés au corridor
du bureau de l'Anader, situé en ville. La production de semences de
cacaoyer améliorées par le CNRA (lui aussi sous-financé) est
insuffisante. Les excellentes fiches techniques publiées par le CNRA
sont elles aussi disponibles uniquement sur internet. Et encore
faudrait-il que le planteur puisse les lire ! L'analphabétisme
est aussi un grand problème qui empêche de pouvoir lire les
instructions écrites sur les flacons d'insecticide, etc. alors « On
pompe médicament là », sans trop savoir quoi ni comment ni
pourquoi.
Traditionnellement, la solution des
planteurs face à tous les problèmes qui affligeaient leurs
plantations était de simplement migrer ailleurs, de s'emparer d'un
nouveau morceau de forêt et basta ! Car le cacaoyer est et a
toujours été une culture de “front pionnier”. Plante des
sous-bois, elle pousse mieux à l'ombre des grands arbres, là où
elle peut jouir d'un climat forestier adapté, où elle bénéficie
de toutes sortes de services fournis par ces arbres (fertilisation
par la chute des feuilles de la canopée, remontée des sels minéraux
et de l'eau par les puissantes racines des grands arbres,
micro-climat ombragé, abri offert à des prédateurs naturels des
parasites du cacaoyer), et aussi de caractéristiques du sol, fruit
d'un long de processus de formation sous le couvert de la forêt.
Seulement, la surexploitation mène au dessèchement et à la coupe
des grands arbres, la chasse et les aspersions intempestives de
pesticides ont vu disparaitre bon nombre d'animaux utiles (les
chasseurs en sont maintenant réduits à attraper rats et écureuils),
le sol forestier se dégrade petit à petit, et on arrive en fin de
cycle : il faut aller planter ailleurs. Ce cycle se produit
d'ailleurs à l'échelle internationale. Ce n'est pas un hasard si,
alors que la culture du cacaoyer est originaire du Mexique, la
production de ce pays est devenu aujourd'hui marginale. En 1900,
le premier producteur mondial de cacao était l'Équateur. Vous
souvenez-vous de la dernière fois où vous avez mangé du chocolat
équatorien ?
Tout pays producteur de cacao se
retrouve à un moment de son histoire confronté à la baisse des
rendements qui découle du fait que l'on ne peut pas indéfiniment
étendre la culture d'une plante encore et encore. Au bout d'un
moment, il n'y a tout simplement plus la place. Il s'agit alors
d'effectuer une difficile transition. Celle qui vise à passer d'un
système traditionnellement extensif, à un système intensif. Ou de
passer à une autre culture.
Trop de cabosses pourrissent sur les arbres, pas par manque de moyens, mais par ignorance des méthodes de lutte |
D'autres
cultures
En attendant, la mauvaise situation
des planteurs de cacao est une des causes du risque de pénurie de
cacao dans le monde.
Il est vrai que même dans les
années 1974 à 2000, le prix du cacao restait fixé
en-dessous du seuil de pauvreté (le prix pratiqué à l'époque
équivaudrait à 800 f/kg à l'heure actuelle). Les planteurs
ont par conséquent toujours eu recours à une diversification des
cultures : traditionnellement, le cacao alternait avec le café,
une des premières richesses de la Côte d'Ivoire. Les cours du
café s'étant effondrés (suite notamment au décollage du Vietnam,
second exportateur mondial après le Brésil), et vu la pénibilité
des travaux nécessaires à sa culture, le café a aujourd'hui quasi
disparu du pays. Seuls quelques bosquets demeurent, récoltés par
les femmes désireuses de se faire un peu d'argent de poche. On
plante aussi des vivriers (ignames, taro, manioc, bananes plantains)
afin d'assurer un minimum d'auto-subsistance. Mais de nos jours, le
cacao semble en passe de suivre la même trajectoire que le café.
Parmi les autres cultures possibles, citons la culture, très
artisanale, du riz dans les bas-fonds (on estime le potentiel de
terres irrigables à 180 000 hectares dans le pays, alors
que seuls 38 000 sont aménagés). Et puis, évidemment,
l'hévéa.
Plante elle aussi originaire
d'Amazonie, l'hévéa bénéficie en ce moment d'un véritable effet
de mode en Côte d'Ivoire. Encouragée par une société
monopolistique, la SAPH, la récolte de caoutchouc naturel est
rapidement passée de 22 000 tonnes dans les années '80
à 230 000 tonnes aujourd'hui. L'hévéa est une plante non
seulement qui donne d'excellents rendements dans le pays (parmi les
plus élevés au monde), mais qui, surtout, a l'avantage d'offrir un
rendement stable au planteur. En effet, la récolte se fait sur une
base mensuelle, tout au long de l'année. Comme nous le disait
Arthur Konan, planteur dans la région de Soubré : « Avec
l'hévéa, je deviens fonctionnaire ! » Au-delà de la
stabilité de revenu, la filière hévéa jouit également d'une bien
meilleure réputation que la filière cacao percluse de scandales.
Il n'y a d'ailleurs pas que les
paysans qui s'intéressent à cette culture : de nombreux
cadres, fonctionnaires, salariés ont décidé d'investir leurs
économies dans l'hévéa au cours des dernières années (de manière
générale, il est de tradition en Côte d'Ivoire d'investir
dans une plantation pour les salariés, qui considèrent cela comme
la meilleure assurance-retraite par les salariés). L'hévéa produit
pendant 30 ans, au terme desquels, contrairement au cacao, il
peut être abattu pour fournir un bois de construction de qualité.
Aujourd'hui, les plantations occupent 120 000 hectares en
production (le gouvernement veut 300 000 ha d'ici 2020),
qui se répartissent entre 60 % de petites plantations paysannes
et 40 % de plantations industrielles, et qui font vivre près de
15 000 personnes. Les exportations de caoutchouc naturel
valent 15 % des exportations agro-industrielles du pays. Un
véritable enthousiasme donc, malgré la présence d'inquiétants
risques économiques et écologiques (qui feront le sujet d'un
prochain article), qui menace fortement la filière cacao.
La culture du palmier à huile est
elle aussi une des favorites des petits planteurs. Les grands groupes
comme Wilmar et Olam (tous deux singapouriens) ont fait passer la
production d'huile de palme de 323 000 t en 2007,
à 430 000 en 2009, avec l'objectif de doubler cette
production d'ici cinq ans. Cela passe selon eux par une hausse
du rendement en exploitation paysanne (7 t par hectare contre
17 en plantation industrielle). La totalité de la consommation
ivoirienne d'huile de palme est couverte par des groupes industriels
ivoiriens, qui envisagent une extension de leur production afin de
pouvoir exporter à la sous-région pour combler un déficit estimé
à 150 000 t/an dans l'Uemoa (Union économique
et monétaire d'Afrique de l'Ouest).
Beaucoup de planteurs cherchent à présent un “refuge” dans l'hévéaculture |
La
lutte passe par la sortie du capitalisme
La
situation des planteurs ivoiriens confirme donc la théorie de la révolution
permanente telle qu'avancée par Trotsky dès 1905 (voir
notre article). Selon cette théorie, les agriculteurs, de part
leur dispersion, leur nature individualiste, leur manque de culture,
leur soumission à la ville et aux grands groupes industriels
(en 2005, le planteur de cacao ne recevait que 5 % du prix
final de la barre de chocolat, contre 75 % pour l'industrie et
20 % pour les transporteurs), et de part leur hétérogénéité
sociale (planteurs pauvres travaillant seuls leur lopin de terre,
planteurs riches possédant de grandes plantations employant de
nombreux manœuvres) et leur fonctionnement capitaliste, sont
incapables de s'organiser de manière indépendante. Les seuls cas de
révolution paysanne victorieuse étaient basées sur une
organisation militaire et soutenue par des États ouvriers plus
puissants, qui ont donné naissance à des États ouvriers
bureaucratiquement déformés (cas de Cuba, de la Chine, du Vietnam).
La paysannerie, comme l'ensemble des “classes moyennes”, oscille
en permanence entre le camp de la bourgeoisie et celui du
prolétariat, et est incapable de diriger la nation dans la lutte
pour l'émancipation politique et économique.
La
solution à la question paysanne passe donc par une révolution
socialiste dirigée par le prolétariat urbain et en particulier, par
la classe ouvrière organisée. Les travailleurs des villes (y
compris ceux de la filière cacao dans les usines, les transports et
les entreprises exportatrices qui en Côte d'Ivoire, ont entre
leurs mains la plus grande partie de la valeur du cacao exporté) ont
le potentiel de faire naitre des organisations puissantes et
démocratiques, et de prendre le pouvoir pour amener le pays vers le
socialisme. Cependant, cette révolution ne pourra se faire “sur le
dos” des planteurs, mais au contraire avec eux, dans une alliance
où les paysans joueront le rôle d'auxiliaire afin de soutenir le
prolétariat dans sa lutte. Sans quoi, ils risquent de se retrouver
embrigadés par la bourgeoisie qui les utilisera pour casser le
mouvement prolétarien – on a vu des éléments de cela en
Turquie et en Égypte, où des paysans et des travailleurs des zones
rurales, plus conservatrices, ont été amenés par le pouvoir pour
contrer les mouvements de contestation.
Dans
le cadre du capitalisme, il n'y a rien à attendre à part des
mesurettes mais qui ne règleront jamais les problèmes fondamentaux.
Car
il est clair que les beaux discours actuels sur l'aide aux planteurs,
etc. n'ont d'autre but que d'accroitre l'auto-exploitation des
planteurs par eux-mêmes afin de continuer à approvisionner le
marché mondial en un produit qui n'apporte en réalité pas
grand-chose au pays. Et encore, cela suppose que les différents
vautours qui aujourd'hui parlent d'aider les pauvres planteurs,
parviennent à trouver un accord et à se mettre d'accord sur les
concessions à faire de la part de chacun. Et en ces temps de crise,
c'est pas gagné.
Bien
sûr, le prix du cacao a été fixé ; bien sûr, certaines
coopératives reçoivent des semences, des produits phytos ;
bien sûr, des pistes vont être grattées, des écoles rénovées…
mais tout cela ne restera que des gouttes d'eau dans l'océan. En
plus, il suffit que le gouvernement décide de faire un peu
contribuer les grands groupes cacaoyers (ou plutôt, de mettre un
terme à leurs privilèges indus) pour que ces multinationales
menacent de quitter le pays le mois prochain ! Où sont passés
toutes leurs paroles fleuries sur la nécessité du développement
durable de la filière cacao ?
En Côte d'Ivoire, la majeure partie de la valeur du cacao à l'exportation se trouve entre les mains des ouvriers de la filière |
Mais
que peut apporter concrètement le socialisme aux planteurs ?
Les
premières mesures instaurées par un gouvernement socialiste
seraient la nationalisation de l'ensemble de la filière cacao :
rachat, transport, broyage et exportation, et l'instauration d'un
monopole étatique du commerce extérieur. Afin d'éviter les dérives
bureaucratiques et la corruption, les cadres des organes de gestion
de la filière seront soumis au contrôle permanent de comités
populaires formés de planteurs et petits salariés de la filière,
avec un salaire modeste et droit de révocation permanente. Tous ces
cadres seraient en outre élus par ces mêmes comités.
Cette
nationalisation est nécessaire afin d'éviter les délocalisations
et la fuite des capitaux, et aussi pour pouvoir rehausser le prix
bord-champ en évitant que ne rouspètent les multinationales. En
plus, la nationalisation permettra, grâce à l'avancement de
l'industrie de première transformation, la mise en application du
plan d'Houphouët-Boigny, à savoir, l'affirmation du rôle de leader
du cacao ivoirien sur le marché mondial, pour contraindre les
marchés mondiaux à payer un meilleur prix.
Autant
que possible, après nationalisation, le personnel engagé par les
différents transporteurs, industriels et exportateurs sera maintenu
dans ses fonctions (de nouvelles personnes seront d'ailleurs surement
engagées) ; une indemnisation pour les petits entrepreneurs
sera accordée sur base de besoins prouvés, soumise à l'approbation
populaire.
Pour la nationalisation de la filière cacao, sous contrôle des travailleurs |
Dans
un deuxième temps, les planteurs seront encouragés à former des
coopératives, et recevront en cela un véritable soutien de la part
de l'État formé par les travailleurs insurgés. Ce soutien se
traduira sous la forme de :
- extension des services de l'Anader par le recrutement d'une nouvelle génération d'agents formateurs et encadreurs, qui vivront au campement et dans les villages, afin d'y être disponibles à tout moment, pour y donner des conseils, organiser les champs-écoles, et faire passer les messages à destination des planteurs (informations météorologiques, lutte contre le swollen shoot, organisation de la campagne, etc.) ;
- mise à disposition gratuite de semences, engrais, produits phytos, machines, pour les coopératives ; mais aussi aliments et vaccins pour l'élevage ;
- organisation d'un système national de crédit agricole et d'assurance-récolte ;
- production et distribution d'engrais biologiques par l'État grâce à la collecte d'ordures ménagères dans les villes pour compostage ;
- organisation de canaux médiatiques de sensibilisation et de conseils agricoles (affiches dans les campements expliquant les bonnes pratiques agricoles pour les principales cultures, mise à disposition de fiches techniques illustrées et adaptées, rédigées dans toutes les principales langues nationales, chaines télévisée et radio adaptées, etc.) ;
- rehausse du budget du CNRA et des autres instituts de recherche afin de poursuivre les recherches allant dans le sens de la sélection, la production et la distribution de semences et de clones d'arbres naturellement résistants aux maladies, les analyses de sol et les recommandations adéquates en termes d'application d'engrais raisonnée, et le développement de méthodes de lutte intégrée (biologique, chimique et culturale) contre les principales maladies du cacao et des autres plantes cultivées ;
- production d'un cacao de qualité grâce aux bonnes pratiques agricoles et de fermentation ;
- diversification de l'agriculture sur base de conseils judicieux et d'une information libre et transparente ;
- nationalisation sans rachat ni indemnité des grandes plantations industrielles, sous contrôle de leur personnel et de cadres étatiques ;
- redistribution des terres non mises en valeur par leurs propriétaires, avec indemnisation uniquement sur base de besoins prouvés : la terre appartient à celui qui la travaille !
- préservation du patrimoine forestier et replantation d'arbres utiles à l'écosystème agricole (Gliricidia, etc.).
- encouragement des manœuvres agricoles à créer leur propre syndicat, doté de structures d'accompagnement et de coordination des membres ;
- mesures d'encouragement pour les planteurs qui désirent regrouper leurs terres afin de la cultiver en commun.
Le rêve de tout planteur ! C'est possible, grâce à une réorganisation de la filière et une véritable aide de l'État |
En
outre, sur base de la planification de l'économie nationalisée, et
de la mise sous tutelle populaire des vastes ressources du pays, il
sera facile au gouvernement socialiste des travailleurs d'organiser :
- la construction de véritables routes même en brousse, contre le simple “grattage de piste” ;
- l'électrification des campagnes ou la mise à disposition de panneaux solaires à prix subventionné ;
- l'exploitation de sources d'énergie renouvelables localement : cuisines à biogaz, fours solaires, etc.
- le creusage de pompes et l'installation de l'eau courante ;
- la collecte des déchets et en particulier, la lutte contre les piles et sacs plastiques qui empoisonnent notre sol (et pas uniquement par des mesures autoritaires telles que l'interdiction brutale des sacs plastiques par le gouvernement d'Alassane) ;
- des entreprises de travaux publics qui seront chargées de donner à chaque planteur une maison en dur, contre les actuelles cases en terre battue “Dahomey” ;
- la réorganisation du réseau scolaire, à destination des planteurs : assez de l'école “des intellectuels”, pour des cours pratiques où les enfants apprendront non seulement à lire, mais également à exercer un métier, dans une école véritablement gratuite, au calendrier aménagé en fonction des réalités sociales et non pas du “modèle français” (vacances d'octobre à novembre, rentrée en décembre) ;
- l'extension du système de soins de santé ;
- une administration communale plus proche de la population ;
- l'organisation de brigades d'étudiants volontaires, envoyés travailler sur les plantations pendant la récolte afin d'aider les planteurs ;
- la rénovation et l'aménagement des marchés ruraux (y compris des installations de stockage modernes avec réfrigérateurs, etc.) ;
- l'extension du réseau de transport ;
- la mise en place d'infrastructures culturelles en brousse ;
- etc.
Au Vietnam, chaque planteur a une maison en béton, l'électricité,
l'eau et le gaz. Un résultat de la planification de l'économie.
Toutes
ces transformations se produisant en même temps que s'opère une
véritable industrialisation du pays, la mise en valeur du potentiel
minier, la construction du chemin de fer, la mise en place de
nouvelles centrales électriques, etc.
À
nouveau, toutes ces mesures ne pourront voir le jour et être
appliquées que sur base d'un véritable contrôle populaire sur les
cadres, afin qu'aucune tentative d'escroquerie ou de détournement ne
reste impunie. Au niveau du village, des comités doivent se mettre
en place. Ces comités doivent faire la part belle aux jeunes, afin
de remettre en question l'immobilisme imposé par les “vieux” et
autres garants de la “tradition”. Les comités doivent en outre
autant que possible impliquer les femmes (lesquelles sont encouragées
à créer leurs propres organes), et intégrer autant que possible
l'ensemble de la population de la zone, quelle que soit sa
nationalité, son ethnie, sa religion, son âge et son sexe. Ces
comités doivent également accueillir les habitants “temporaires”,
non propriétaires ou “récemment” arrivés au village. Les
comités de village doivent eux-mêmes élire des délégués des
femmes, des jeunes et des “sans-terre” qui se réuniront avec
ceux d'autres villages pour former des comités régionaux, etc.
Toute cette réorganisation ne pourra
cependant jamais voir le jour dans le cadre du système capitaliste
mondial, où l'impérialisme ne tarde pas à faire “rentrer dans le
rang” tout pays qui cherche à s'émanciper. Les exemples du
Burkina, du Congo, etc. sont à cet égard marquants. Face aux
complots impérialistes, nous proposons non pas un dictateur éclairé
(mais facilement “assassinable”), mais la classe prolétaire consciente,
organisée et armée, qui dirige l'économie d'elle-même via ses
propres organes populaires : on peut tuer un dictateur
révolutionnaire, on ne peut pas tuer tout un peuple.
C'est à l'ensemble de ces tâches que
le CIO, déjà présent au Nigeria, en Tunisie et en Afrique du Sud
et dans le reste du monde, désire s'atteler durablement en Afrique
francophone. Contactez-nous pour de plus amples discussions et pour
rejoindre notre lutte !
jusqu'à présent j'estime que c'est la meilleure analyse que j'ai eu à lire sur la cacao culture en cote d'ivoire il va falloir assez de sensibilisation avant de passer à cette véritable révolution escomptée le travail ne fait que commencer et cela passe d'abord à la prise en main par les planteurs des coopératives merci
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