lundi 1 juillet 2013

Afrique du Sud : hommage au camarade Ernest

Un véritable militant de sa classe et socialiste révolutionnaire




Hommage au camarade Kemelo Ernest Mokgalagadi, rédigé par Mametlwe Sebei, du Democratic Socialist Movement en Afrique du Sud
C'est avec une grande tristesse et le sentiment d'une immense perte que nous pleurons aujourd'hui la mort de notre camarade Kemelo Ernest Mokgalagadi, secrétaire de la section Kroondal du Democratic Socialist Movement, section sud-africaine du CIO. Le camarade Ernest, comme il était appelé simplement et affectueusement par ses amis et par ses camarades, est décédé à l'hôpital Job Shimankane Tabane de Rustenburg après une courte période de maladie et une opération effectuée le 2 juin 2013. Son décès a certainement privé les travailleurs des mines et la lutte pour le socialisme d'un organisateur infatigable et d'un militant inflexible à Rustenburg, qui est le principal bastion de la résistance ouvrière d'Afrique du Sud.

Sa personnalité

Lorsque j'ai rencontré le camarade Ernest pour la première fois, il venait d'être libéré de prison, aux côtés de 30 autres travailleurs. Ils avaient été condamnés pour tentative de meurtre et autres accusations très graves, après avoir occupé le sous-sol de leur mine pendant des journées entières, tandis qu'ils avaient placé des explosifs à travers toute la mine afin d'éviter que la police ne vienne les en déloger par la force des armes, voire les y abattre.

Je n'avais alors pas réalisé que j'avais devant moi un de ces camarades qui venaient d'être libérés, parce que je ne m'imaginais pas que quelqu'un qui a frolé la mort d'aussi près au cours de la bataille contre la police et le service de sécurité de la mine tout au long de leur occupation du sous-sol, que quelqu'un qui a subi une telle violence policière, qui a été battu et torturé pendant son incarcération, et qui, en plus de tout cela, a été accusé de toute une série de délits extrêmement graves, – je ne pouvais pas m'imaginer que ce monsieur qui blaguait tellement et qui nous faisait tellement rire puisse être cette même personne.

Mais voilà, c'était ça, le camarade Ernest. C'est son sourire éternel – son trait le plus remarquable – qui, en plus de son éternel sens de l'humour, a fait en sorte que tous les camarades qui l'ont connu au fil des années en sont venus à tellement l'aimer.

Grève des mineurs en Afrique du Sud

La lutte de Murray et Roberts et son adhésion au CIO

Le camarade Ernest faisait partie de la première vague de mineurs qui a rejoint le DSM en 2009, section sud-africaine du CIO, qui n'était alors encore qu'un petit groupe de propagande marxiste. C'est lui qui était le dirigeant des 4500 travailleurs de Murray et Roberts qui étaient entrés en grève et avaient été licenciés massivement par l'entreprise pour leur participation dans ce qui était une grève non-autorisée. La grève de Murray et Roberts a sans nul doute été le premier point tournant dans le processus de désintégration du Syndicat national des travailleurs des mines (NUM), – le débat de la la fin de sa domination incontestée dans l'industrie d'extraction du platine à Rustenburg.

Pour la première fois, le NUM a été ouvertement et publiquement défié par ses propres membres pour son rôle criminel et traitre. Les dirigeants du NUM avaient signé un accord avec la direction de Murray et Robert derrière le dos des travailleurs, qui acceptait une hausse de salaire de +8 %, reniant le mandat qui leur avait été donné par les travailleurs, qui avaient demandé +10,5 %. Les travailleurs étaient unanimement opposés à cette accord. C'est ce qui a rendu la grève illégale, puisque la direction syndicale la considérait de son côté comme terminée, en vertu de l'accord signé. Et donc, c'est ce qui a donné aux patrons toute possibilité d'envoyer leurs forces de sécurité et celles de l'État pour écraser la grève dans le sang.

Le camarade Ernest avait été élu dans le comité de grève qui dirigeait le mouvement qui se poursuivait malgré l'opposition sans merci de la part de la direction du NUM. Cette grève n'était en fait que la première de toute une série de batailles sanglantes menées par les patrons des mines et le gouvernement contre les travailleurs, qui a culminé avec le massacre de Marikana le 16 aout 2012.

C'est l'expérience de ces premières luttes contre la bureaucratie syndicale du NUM, dont beaucoup ont refusé de reconnaitre la dégénération complète jusqu'au massacre de Marikana, qui a engendré en l'âme du camarade Ernest une haine perpétuelle envers les traitres à la classe ouvrière. Il avait un mépris absolu pour les bureaucrates syndicaux, qui se traduisait souvent par une rigidité entêtée de son approche de la tactique de lutte syndicale.

Le comité ouvrier de la mine Murray et Roberts, dans lequel le camarade Ernest a joué un rôle central, a été à la base de l'intervention politique du DSM parmi les travailleurs de Rustenburg et d'ailleurs. C'est ce comité qui, avec les comités de grève de Samancor et de Anglo-Platinum, a constitué la fondation du Comité de grève unifié de Rustenburg, qui s'est développé au-delà de Rustenburg pour devenir le Comité de grève national qui a joué un rôle si crucial dans la coordination des grèves des mineurs de l'année passée. Le congrès de fondation du Comité unifié de Rustenburg, auquel ont participé plus de cinquante délégués des mines, réunis dans une salle de l'école primaire Ikemeleng à Kroondal, a été le fruit du travail infatigable d'organisation effectué par le camarade Ernest.

Le Comité de grève national au moment de Marikana


Son engagement syndical et politique

À l'heure de sa mort, le camarade Ernest était un cadre très important du Democratic Socialist Movement à Rustenburg, et membre du Comité ouvrier national des travailleurs des mines. C'est à ce titre qu'il était aussi président de la section de Rustenburg du Workers and Socialist Party (WASP). Ayant collaboré de manière intime avec lui, je suis en mesure d'affirmer que ce qui le plaçait à part dans ces rôles, était son appréciation du fait que les luttes des travailleurs des mines ne peuvent plus se limiter aux revendications immédiates et quotidiennes des travailleurs, mais doivent être liées à la lutte large, internationale de la classe ouvrière pour le renversement du capitalisme et pour la transformation socialiste de la société.

Ayant compris le fait que la construction d'un parti socialiste révolutionnaire est la clé vers la libération de la souffrance quotidienne qu'est la vie dans les mines et les corons de Rustenburg, le camarade Ernest a dévoué le reste de sa vie à cette tâche, avec une détermination de fer, qui était une source d'inspiration pour l'ensemble de ses camarades. Il considérait tous les problèmes, tactiques comme théoriques, avec le plus grand sérieux, en faisant attention à bien en comprendre et en analyser chaque petit détail, chaque point – et une fois qu'il avait fait le tour de la question et s'était fait son idée, il partait pour se battre pour cette position et la défendre en tout lieu, avec un sentiment de dévouement absolu. Le sérieux de son travail, son application, nous feront cruellement défaut, de même que son sourire et ses blagues éternels.

Il avait pris à cœur le besoin d'accroitre sa compréhension théorique et politique, et n'avait que le mépris le plus absolu pour tous ces dirigeants ouvriers qui “croient tout savoir” et par conséquent refusent d'apprendre. Bien qu'il n'en était qu'au début de sa lecture énergique de la littérature marxiste, son dévouement et son insistance nous avaient tous convaincus qu'il se destinait à devenir une force encore plus grande au service du DSM et du WASP, non seulement en tant qu'organisateur et syndicaliste, mais aussi en tant que cadre capable de jouer un rôle indépendant dans le développement futur du parti.

Le secrétaire du NUM, le chef des bureaucrates syndicaux
qu'Ernest haïssait tant

La lutte continue !

Le camarade Ernest était né le 26 juin 1974 à Taung, dans la province du Nord-Ouest. Comme beaucoup de jeunes travailleurs des zones rurales du pays, il avait migré en ville pour y chercher du travail dans les mines. Peu de temps après avoir obtenu son Bac, il avait trouvé un travail dans les mines de l'État-Libre, puis de Rustenburg, où il avait travaillé à la mine Aquarius Platinum du groupe Murray et Roberts jusqu'en 2009, lorsqu'il avait été licencié en même temps que ses 4500 collègues. Au moment de sa mort, il dirigeait toujours la lutte pour le réengagement de tous ses collègues licenciés. Il laisse derrière lui une fille et un fils, ses parents et trois sœurs.

L'émergence de comités de grève indépendants, leur association en un Comité de grève national uni, les départs en masse de travailleurs du NUM et la mise sur pied du WASP, représentent les développements politiques les plus importants de la période post-apartheid – les premiers pas pris par la classe ouvrière afin de regagner son indépendance politique de classe qui lui a été volée par l'ANC et les collaborateurs de classe au sein de l'Alliance tripartitie. Voilà l'héritage que nous a laissé ce pionnier. Son dévouement, sa discipline et son sourire toujours radieux manqueront beaucoup à tous ses camarades et à tous ses amis au DSM et au CIO. Nous envoyons nos condoléances à sa famille et à ses amis, et faisons le serment de continuer la marche vers l'émancipation de la classe ouvrière et la transformation socialiste de la société à laquelle il avait dévoué sa vie.

Camarade, merci pour ton exemple, nous continuerons le combat !

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