Un véritable militant de sa classe et socialiste révolutionnaire
Hommage au
camarade Kemelo Ernest Mokgalagadi, rédigé par
Mametlwe Sebei, du Democratic Socialist Movement en
Afrique du Sud
C'est
avec une grande tristesse et le sentiment d'une immense perte que
nous pleurons aujourd'hui la mort de notre camarade
Kemelo Ernest Mokgalagadi, secrétaire de la section
Kroondal du Democratic Socialist Movement, section
sud-africaine du CIO. Le camarade Ernest, comme il était appelé
simplement et affectueusement par ses amis et par ses camarades, est
décédé à l'hôpital Job Shimankane Tabane de Rustenburg
après une courte période de maladie et une opération effectuée
le 2 juin 2013. Son décès a certainement privé les
travailleurs des mines et la lutte pour le socialisme d'un
organisateur infatigable et d'un militant inflexible à Rustenburg,
qui est le principal bastion de la résistance ouvrière
d'Afrique du Sud.
Sa personnalité
Lorsque
j'ai rencontré le camarade Ernest pour la première fois, il
venait d'être libéré de prison, aux côtés de 30 autres
travailleurs. Ils avaient été condamnés pour tentative de meurtre
et autres accusations très graves, après avoir occupé le sous-sol
de leur mine pendant des journées entières, tandis qu'ils avaient
placé des explosifs à travers toute la mine afin d'éviter que la
police ne vienne les en déloger par la force des armes, voire les y
abattre.
Je
n'avais alors pas réalisé que j'avais devant moi un de ces
camarades qui venaient d'être libérés, parce que je ne m'imaginais
pas que quelqu'un qui a frolé la mort d'aussi près au cours de la
bataille contre la police et le service de sécurité de la mine tout
au long de leur occupation du sous-sol, que quelqu'un qui a subi une
telle violence policière, qui a été battu et torturé pendant son
incarcération, et qui, en plus de tout cela, a été accusé de
toute une série de délits extrêmement graves, – je ne
pouvais pas m'imaginer que ce monsieur qui blaguait tellement et qui
nous faisait tellement rire puisse être cette même personne.
Mais
voilà, c'était ça, le camarade Ernest. C'est son sourire
éternel – son trait le plus remarquable – qui, en plus
de son éternel sens de l'humour, a fait en sorte que tous les
camarades qui l'ont connu au fil des années en sont venus à
tellement l'aimer.
Grève des mineurs en Afrique du Sud |
La
lutte de Murray et Roberts et son adhésion au CIO
Le
camarade Ernest faisait partie de la première vague de mineurs
qui a rejoint le DSM en 2009, section sud-africaine du CIO, qui
n'était alors encore qu'un petit groupe de propagande marxiste.
C'est lui qui était le dirigeant des 4500 travailleurs de
Murray et Roberts qui étaient entrés en grève et avaient été
licenciés massivement par l'entreprise pour leur participation dans
ce qui était une grève non-autorisée. La grève de Murray et
Roberts a sans nul doute été le premier point tournant dans le
processus de désintégration du Syndicat national des travailleurs
des mines (NUM), – le débat de la la fin de sa domination
incontestée dans l'industrie d'extraction du platine à Rustenburg.
Pour
la première fois, le NUM a été ouvertement et publiquement défié
par ses propres membres pour son rôle criminel et traitre. Les
dirigeants du NUM avaient signé un accord avec la direction de
Murray et Robert derrière le dos des travailleurs, qui acceptait une
hausse de salaire de +8 %, reniant le mandat qui leur avait été
donné par les travailleurs, qui avaient demandé +10,5 %. Les
travailleurs étaient unanimement opposés à cette accord. C'est ce
qui a rendu la grève illégale, puisque la direction syndicale la
considérait de son côté comme terminée, en vertu de l'accord
signé. Et donc, c'est ce qui a donné aux patrons toute possibilité
d'envoyer leurs forces de sécurité et celles de l'État pour
écraser la grève dans le sang.
Le
camarade Ernest avait été élu dans le comité de grève qui
dirigeait le mouvement qui se poursuivait malgré l'opposition sans
merci de la part de la direction du NUM. Cette grève n'était en
fait que la première de toute une série de batailles sanglantes
menées par les patrons des mines et le gouvernement contre les
travailleurs, qui a culminé avec le massacre de Marikana
le 16 aout 2012.
C'est l'expérience
de ces premières luttes contre la bureaucratie syndicale du NUM,
dont beaucoup ont refusé de reconnaitre la dégénération complète
jusqu'au massacre de Marikana, qui a engendré en l'âme du
camarade Ernest une haine perpétuelle envers les traitres à la
classe ouvrière. Il avait un mépris absolu pour les bureaucrates
syndicaux, qui se traduisait souvent par une rigidité entêtée de
son approche de la tactique de lutte syndicale.
Le comité ouvrier de
la mine Murray et Roberts, dans lequel le camarade Ernest a joué
un rôle central, a été à la base de l'intervention politique du
DSM parmi les travailleurs de Rustenburg et d'ailleurs. C'est ce
comité qui, avec les comités de grève de Samancor et de
Anglo-Platinum, a constitué la fondation du Comité de grève unifié
de Rustenburg, qui s'est développé au-delà de Rustenburg pour
devenir le Comité de grève national qui a joué un rôle si crucial
dans la coordination des grèves des mineurs de l'année passée. Le
congrès de fondation du Comité unifié de Rustenburg, auquel ont
participé plus de cinquante délégués des mines, réunis dans
une salle de l'école primaire Ikemeleng à Kroondal, a été le
fruit du travail infatigable d'organisation effectué par le
camarade Ernest.
Le Comité de grève national au moment de Marikana |
Son engagement
syndical et politique
À l'heure de sa
mort, le camarade Ernest était un cadre très important du
Democratic Socialist Movement à Rustenburg, et membre du
Comité ouvrier national des travailleurs des mines. C'est à ce
titre qu'il était aussi président de la section de Rustenburg du
Workers and Socialist Party (WASP). Ayant
collaboré de manière intime avec lui, je suis en mesure d'affirmer
que ce qui le plaçait à part dans ces rôles, était son
appréciation du fait que les luttes des travailleurs des mines ne
peuvent plus se limiter aux revendications immédiates et
quotidiennes des travailleurs, mais doivent être liées à la lutte
large, internationale de la classe ouvrière pour le renversement du
capitalisme et pour la transformation socialiste de la société.
Ayant compris le fait
que la construction d'un parti socialiste révolutionnaire est la clé
vers la libération de la souffrance quotidienne qu'est la vie dans
les mines et les corons de Rustenburg, le camarade Ernest a
dévoué le reste de sa vie à cette tâche, avec une détermination
de fer, qui était une source d'inspiration pour l'ensemble de ses
camarades. Il considérait tous les problèmes, tactiques comme
théoriques, avec le plus grand sérieux, en faisant attention à
bien en comprendre et en analyser chaque petit détail, chaque point
– et une fois qu'il avait fait le tour de la question et
s'était fait son idée, il partait pour se battre pour cette
position et la défendre en tout lieu, avec un sentiment de
dévouement absolu. Le sérieux de son travail, son application, nous
feront cruellement défaut, de même que son sourire et ses blagues
éternels.
Il avait pris à cœur
le besoin d'accroitre sa compréhension théorique et politique, et
n'avait que le mépris le plus absolu pour tous ces dirigeants
ouvriers qui “croient tout savoir” et par conséquent refusent
d'apprendre. Bien qu'il n'en était qu'au début de sa lecture
énergique de la littérature marxiste, son dévouement et son
insistance nous avaient tous convaincus qu'il se destinait à devenir
une force encore plus grande au service du DSM et du WASP, non
seulement en tant qu'organisateur et syndicaliste, mais aussi en tant
que cadre capable de jouer un rôle indépendant dans le
développement futur du parti.
Le secrétaire du NUM, le chef des bureaucrates syndicaux qu'Ernest haïssait tant |
La lutte
continue !
Le camarade Ernest
était né le 26 juin 1974 à Taung, dans la province
du Nord-Ouest. Comme beaucoup de jeunes travailleurs des zones
rurales du pays, il avait migré en ville pour y chercher du travail
dans les mines. Peu de temps après avoir obtenu son Bac, il avait
trouvé un travail dans les mines de l'État-Libre, puis de
Rustenburg, où il avait travaillé à la mine Aquarius Platinum
du groupe Murray et Roberts jusqu'en 2009, lorsqu'il avait été
licencié en même temps que ses 4500 collègues. Au moment de
sa mort, il dirigeait toujours la lutte pour le réengagement de tous
ses collègues licenciés. Il laisse derrière lui une fille et un
fils, ses parents et trois sœurs.
L'émergence de
comités de grève indépendants, leur association en un Comité de
grève national uni, les départs en masse de travailleurs du NUM et
la mise sur pied du WASP, représentent les développements
politiques les plus importants de la période post-apartheid – les
premiers pas pris par la classe ouvrière afin de regagner son
indépendance politique de classe qui lui a été volée par l'ANC et
les collaborateurs de classe au sein de l'Alliance tripartitie.
Voilà l'héritage que nous a laissé ce pionnier. Son dévouement,
sa discipline et son sourire toujours radieux manqueront beaucoup à
tous ses camarades et à tous ses amis au DSM et au CIO. Nous
envoyons nos condoléances à sa famille et à ses amis, et faisons
le serment de continuer la marche vers l'émancipation de la classe
ouvrière et la transformation socialiste de la société à laquelle
il avait dévoué sa vie.
Camarade, merci pour ton exemple, nous continuerons le combat ! |
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