Ne nous laissons pas manipuler par les « opposants » bourgeois
Depuis quelques mois, on
ne parle plus que de ça. Au point où des jeunes sont désormais
prêts à mourir pour lui. On parle de l'article 35 de la
constitution ivoirienne. Alassane n'étant pas
éligible au regard de cet article (ou alors seulement de façon « dérivée »…), on lui prie de ne pas se
représenter. Point. On pense ainsi avoir trouvé l'argument massue
qui permettra à tous les patriotes ivoiriens de prendre leur
revanche sur l'envoyé de l'impérialisme. Il en irait de l'honneur
du pays.
Cependant, il nous semble
que loin de contribuer à la chute d'un tyran, cet argument d'ordre
purement juridique ne nous aide en rien à construire un mouvement
pour faire tomber Alassane, divise les Ivoiriens, évite – comme
par hasard – la question sur l'alternative à sa politique
menée, fait le jeu de politiciens bourgeois qui manipulent une
nouvelle fois la jeunesse pour assouvir leurs propres appétits… et
renforce en réalité le régime plus qu'il ne l'affaiblit.
Si nous souhaitons de tous
nos vœux la chute d'Alassane et avec lui, de la politique
néolibérale et du système capitaliste qu'il représente dans notre
pays, il nous semble que discuter de la stratégie correcte à
adopter est nécessaire pour la construction d'un véritable
mouvement national capable de mener à bien la révolution qui
s'impose.
L'article 35 divise
les habitants de Côte d'Ivoire et renforce Alassane
L'article 35 se
trouve au centre des débats ivoiritaires. Pour de nombreux nordistes
qui ont soutenu et continuent de soutenir Alassane, le fait de
l'attaquer sur ce point constitue une attaque personnelle à son
égard de la part de frustrés de l'ancien régime qui rêvent de
revenir au pouvoir. Cet article est éminemment lié au problème de
la séparation nordiste/sudiste. Le RDR a beau jeu de récupérer ces
critiques pour dénoncer des opposants « ivoiritaires »
qui menacent le processus de soi-disant « réconciliation
nationale ». Beaucoup d'autres Ivoiriens, qui ne désirent que
la paix, ne sont pas du tout convaincus par cet argument et refusent
d'entrer dans le débat. Répéter l'argument de l'inéligibilité
d'ADO ne fait que souder le camp du RDR et donner du crédit aux
discours ethnicistes tenus par Soro et d'autres pontes du régime.
Le débat de l'article 35
permet aux opposants bourgeois d'éviter les questions
socio-économiques
Si nous voulons nous
débarrasser d'Alassane, c'est avant tout parce que nous trouvons son
bilan économique désastreux et que nous désirons libérer la Côte
d'Ivoire de l'emprise de l'impérialisme. Ce que veulent avant tout
la majorité des habitants de Côte d'Ivoire, c'est la paix, du
travail, se loger, se déplacer, manger et s'habiller à moindre
cout, la fin de la corruption, un enseignement gratuit et de qualité,
la santé… Et la fin de la mainmise des multinationales étrangères
sur le pays. Or, les opposants officiels (Banny, Essy, KKB, Mamadou
Koulibaly…) ne proposent aucune alternative par rapport à ce
bilan. Essy Amara a récemment déclaré qu'il n'a aucun problème
avec le programme défendu par Alassane, mais qu'Alassane ne s'est
pas entouré des bonnes personnes pour l'appliquer. Et que lui, Essy,
a les bonnes personnes.
Pourtant, nous savons que
nous ne pourrons sortir du marasme actuel tant que notre économie
reste à 40 % la propriété d'entreprises françaises, sans
parler de la mainmise des multinationales américaines, indiennes,
marocaines… Tant que nos ressources nationales seront pillées par
des groupes étrangers et que le développement de notre pays
dépendra du bon vouloir des « investisseurs étrangers »,
pour qui il faudrait créer un cadre adéquat. Cela passe
obligatoirement par la nationalisation des secteurs stratégiques de
notre économie, sous contrôle démocratique des travailleurs et des
consommateurs.
À tout cela, les
opposants bourgeois à la tête de la CNC n'offrent aucune réponse.
C'est pourquoi ils insistent tellement sur la question de
l'article 35 et évitent soigneusement toute autre question. Il
s'agit donc d'une manipulation de la part de ces politiciens, prêts
à sacrifier la jeunesse sur l'autel de leurs propres intérêts
corrompus.
Faire tomber Alassane…
et après ?
Le problème du slogan
« Alassane dégage », est qu'il n'y a à nos yeux
personne de crédible pour remplacer Alassane à la tête du pays
s'il venait à tomber. On retomberait donc dans la même situation
qu'au Burkina Faso, en Tunisie ou en Égypte (voire en Libye, en
Syrie ou en Ukraine…). Beaucoup d'Ivoiriens espèrent la mise en
place d'un éventuel « régime de transition » qui
devrait être instauré si Alassane venait à partir. Mais alors ?
En quoi ce régime, dirigé par des politiciens procapitalistes,
mettrait-il un terme à la domination de l'impérialisme ? En
quoi nous donnerait-il des emplois et des salaires dignes ? En
quoi nous apporterait-il la démocratie à laquelle nous aspirons
tant ? Tout ce que ce régime pourrait apporter, ce serait
quelques postes à une poignée de cadres issus des différents
partis politiques et de leurs organisations de jeunesse. Est-ce ce
pourquoi nous sommes prêts à mourir ?
Tant que nous vivrons dans
le système capitaliste, il n'y aura pas de démocratie en Côte
d'Ivoire (et en Afrique de manière générale). Une démocratie
véritable ne pourra être mise en place que par la rupture
définitive d'avec le capitalisme et la reconstruction de notre pays
selon un modèle socialiste révolutionnaire.
Beaucoup d'Ivoiriens
comprennent que sans personne pour le remplacer, tout mouvement
destiné à faire chuter Alassane « par principe » ne
pourra que mener notre pays à une nouvelle crise et à une nouvelle
guerre civile. C'est pourquoi, même s'ils ne sont pas heureux, ils
refusent et refuseront de se joindre au mouvement actuel de
l'opposition, voire le combattront.
La lutte pour l'article 35
vise à « mettre à mal les liens entre Alassane et ses patrons
à l'étranger » ?
Démontrer aux dirigeants
français, américains, etc. qu'avec Alassane à la tête du pays, la
Côte d'Ivoire est ingouvernable, pour les convaincre d'arrêter de
le soutenir ?
L'impérialisme n'est pas
dupe : il a déjà ses pions, ses pièces de rechange, à la
tête du CNC pour remplacer Alassane au cas où celui-ci devait se
voir contraint de quitter le pays. Alassane a d'ailleurs déjà
déclaré que pour lui, quitter le pouvoir ne sera pas la fin. Il
avait ainsi expliqué à RFI qu'il a encore « beaucoup
d'affaires à l'étranger qu'il a mises de côté au moment de sa
prise de fonction, mais qu'il peut reprendre le moment venu ».
Les Banny et consorts sont déjà en embuscade en tant que favoris de
l'impérialisme. C'est pourquoi leur objectif est de « faire du
bruit » jusqu'au départ d'ADO. Mais et après ?
Et puis, depuis quand des
patriotes sont-ils prêts à créer un mouvement pour inviter
l'impérialisme à se lancer dans une nouvelle intervention dans le
pays ? N'était-ce pas pour Affi que l'adhésion de la
« communauté internationale » était si importante ?
Quand cesserons-nous d'aller régler nos palabres à Paris et à
New York ?
L'article 35 est
antidémocratique
En tant que socialistes,
nous pensons que toute personne doit pouvoir se présenter à tout
poste électif, quels que soient sa nationalité, son âge, son
genre, sa religion ou son orientation sexuelle. C'est à la
population qu'il revient de décider qui elle veut mettre à la tête
du pays. Si la population estime qu'elle ne veut pas d'un candidat
étranger, c'est à elle qu'il revient de décider. Il est vrai qu'il
faut des règles pour régir la vie d'un pays. Mais la constitution
actuelle de l'État bourgeois néocolonial ivoirien est une
constitution injuste et antidémocratique, qu'il nous reviendra de
réécrire au moment où nous organiserons notre révolution. Il est
incroyable que certains militant patriotes aujourd'hui appellent au
respect sacré de la constitution et de son article 35, quand
ces mêmes militants parlent aussi de mettre en place un système
socialiste qui pourtant ne rentre pas du tout dans le cadre de la
constitution actuelle.
Oui, Alassane, en tant que
chef de l'État bourgeois ivoirien, est censé se plier à la loi qui
régit le fonctionnement de cet État. Mais d'un autre côté, depuis
quand nos politiciens et nos dirigeants respectent-ils la loi ?
Une des (nombreuses) erreurs qui ont entrainé la chute du régime
Gbagbo, est d'avoir à tout prix vouloir jouer selon les règles du
jeu. Or, les impérialistes jouent à un tout autre jeu !
Vouloir faire rentrer notre lutte dans le cadre de ces revendications
légales et « démocratiques », c'est faire preuve
d'irresponsabilité et vouloir retomber dans les mêmes erreurs.
Une autre constitution, un
autre État
Oui, on peut et on doit
interpeller le régime RHDP sur le fait qu'il ne respecte pas la loi
dont il est censé être le garant. Mais cela ne doit pas être le
cœur de la lutte. Cela doit au contraire nous servir d'argument pour
dénoncer le fait que cette constitution n'est en réalité pas
adaptée à nos réalités, qu'elle n'est qu'un mensonge destiné à
nous berner et à nous faire croire que notre pays peut se développer
et connaitre un véritable État de droit dans le cadre du système
capitaliste néocolonial. Il nous faut d'autres lois, il nous faut
une autre constitution, il nous faut un autre État, reposant
directement sur les couches populaires organisées en conseils de
quartier, de village et d'entreprise.
Cela suppose la
construction dès aujourd'hui d'un nouveau parti révolutionnaire de
masse qui rassemblera tous les véritables patriotes, en lien avec
les larges couches populaires, pour mettre à l'avant-plan la lutte
pour le contrôle de nos propres ressources nationales et la
reconstruction socialiste de nos sociétés, à une échelle
panafricaine. Malheureusement, le mouvement actuel pour la défense
de l'article 35 ne répond aucunement à cette nécessité, mais
nous en détourne au contraire pour faire de nous des jouets des
politiciens bourgeois qui se moquent de nos souffrances.
Comment faire partir
Ouattara ?
Aucun dictateur n'est
jamais parti à cause de quelques manifestations de rue et marches
éclatées dans les quartiers populaires d'Abidjan et des villes de
l'intérieur. La seule chose que les capitalistes connaissent est la
force économique. On peut marcher à 10 000 dans les rues de
Yopougon, ça leur fait quoi ? C'est nous qui mourons pour eux !
Que le Burundi nous serve de leçon !!
Malgré tout son potentiel
de mobilisation, le FPI n'a pas empêché Alassane d'arriver au
pouvoir. Depuis quatre ans, aucun mouvement d'ampleur n'a pu être
organisé. Alors, en quoi la situation actuelle a-t-elle changé ?
En Égypte, les jeunes ont
campé pendant des semaines sur la place Tahrir sans que le pouvoir
ne tombe. Ce n'est que lorsqu'une grève générale a éclaté dans
les immenses usines du delta du Nil que Moubarak a plié bagage à
l'instant (sans que cela ne résolve pour autant tous les problèmes
du pays, loin de là !).
Ouattara a été placé
par l'impérialisme pour garantir que les investissements étrangers
continuent à fructifier en Côte d'Ivoire malgré tout. Tant que le
port d'Abidjan et de San Pedro fonctionneront, tant que les zones
industrielles de Koumassi, Yopougon, Vridi, Bouaké, etc.
fonctionneront, tant que les grandes plantations de bananiers,
d'hévéa, de palmiers, etc. fonctionneront, tant que les mines d'or,
de fer, de diamants, les plateformes pétrolières fonctionneront
– bref, tant que les riches parrains ivoiriens et étrangers
de Ouattara verront l'argent s'entasser sur leurs comptes en banque
grâce au pillage de notre travail et de nos ressources, il est
probable que Ouattara restera en place.
La plus grande force dans
la société est la classe ouvrière organisée, seule garante de
l'installation durable d'un régime socialiste démocratique. Tant
que cette force ne sera pas à même de jouer son rôle historique et
d'attirer derrière elle la nation toute entière, notre pays
continuera à s'enfoncer dans son cycle de crises postélectorales
sans fin. Et les jeunes continueront à marcher dans les rues de nos
quartiers en criant leur désespoir.
Rejoignez-nous pour nous
aider dans ce combat !
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