Pour l'unité des
travailleurs contre la guerre, le terrorisme et le racisme
Au Royaume-Uni, le
chancelier George Osborne (parti conservateur) a déclaré à la
télévision nationale que si le parlement britannique n'autorise pas
le bombardement d'EI en Syrie, il s'agira d'une « victoire
publicitaire » pour EI. Ainsi, l'intensification du massacre en
Syrie est présenté comme la seule option. Mais puisque nous savons
que les missiles britanniques n'apporteront rien de nouveau par
rapport à la pluie de bombardements états-uniens, russes et
français, pourquoi donc une telle ferveur de la part de MM. Osborne,
Cameron et compagnie ?
– Éditorial du
journal Le Socialiste, hebdomadaire publié par le Parti socialiste
d'Angleterre et du pays de Galles (section du CIO)
La réponse se
trouve dans le commentaire de M. Osborne, pour qui un refus du
parlement d'avaliser la volonté du gouvernement de partir bombarder
la Syrie enverrait « un message terrible quant au rôle du
Royaume-Uni dans le monde ». C'est-à-dire, qu'il s'agirait
d'une perte de prestige pour la classe dirigeante britannique sur le
plan international.
La classe dirigeante
britannique exploite aussi la peur du public sur le plan national :
il faut que nous donnions l'impression de défendre la population
contre le terrorisme. Après les attaques de Paris, sans avoir la
moindre véritable réponse sur la manière dont on pourrait éviter
des attentats similaires sur le sol britannique, la mission du
gouvernement est de bluffer le peuple en déclenchant une tempête en
Syrie. « Le Royaume-Uni n'a jamais été un pays qui reste sur
le côté et qui laisse à d'autres le soin de le défendre »,
dixit M. Osborne.
Le gouvernement veut aussi
contrer tout effet négatif que les attaques de Paris pourraient
avoir sur l'économie britannique : à la suite de ces attaques,
on a vu une chute du nombre de personnes dans les rues commerciales
et autour des attractions touristiques.
Pour protéger les
intérêts des grands patrons et relever leur niveau de
« confiance », le gouvernement tente donc de créer une
illusion de sécurité en déclarant une nouvelle offensive, en plus
d'allouer de nouveaux fonds à des mesures de « sécurité ».
Avec un tel contexte
et une telle propagande, avancée à grands sons de trompette dans
tous les médias, affirmant que la seule manière de garantir la
sécurité du pays est d'aller bombarder EI, il n'est pas étonnant
de constater que 71 % des Britanniques soutiennent l'idée de
cette intervention, contre 67 % en juillet. Une courte majorité
de la population est même en faveur de l'envoi de troupes au sol.
Cependant, le même
sondage a aussi montré que 64 % de la population du Royaume-Uni
sont persuadés que le pays serait plus sûr si le gouvernement Blair
n'était pas parti en guerre contre l'Iraq et l'Afghanistan. De même,
il est certain qu'une nouvelle intervention britannique en Syrie
aujourd'hui ne fera que rendre plus probable le fait que le
Royaume-Uni soit ciblé par des attaques terroristes au cours des
prochaines semaines ou des prochains mois.
Mary Dejevsky,
écrivant dans le journal The Guardian, rappelait à ses lecteurs que
juste avant les attaques de Paris, le comité restreint des Affaires
étrangères britannique avait publié un rapport s'opposant à toute
intervention militaire en Syrie. « Les arguments avancés alors
ont acquis encore plus de force aujourd'hui. Bombarder la Syrie va
accroitre le risque d'attentats terroristes dans notre pays, affirmer
cela n'est pas une question de couardise ».
Les interventions
étrangères par des États occidentaux augmentent aussi le risque
d'attaques sur des cibles occidentales dans d'autres pays, comme ça
a été le cas avec l'attaque sur l'hôtel Radisson Blu de
Bamako au Mali. Cette atrocité n'est évidemment pas non plus sans
lien avec l'histoire d'interventions impérialistes de la France au
Mali et ailleurs en Afrique.
La futilité des
bombardements
De toutes façons,
même si bombarder EI peut l'affaiblir, cela ne peut jamais
l'anéantir totalement. La coalition dirigée par les États-Unis a
déjà accompli plus de 8000 raids contre EI en à peine un an ;
pourtant EI contrôle toujours le même territoire qu'avant.
Même une invasion
au sol ne pourra détruire EI totalement, comme le montre l'exemple
des talibans en Afghanistan. Comme cela s'est déjà produit dans le
passé, des forces telles que EI peuvent se changer en une nouvelle
organisation djihadiste. Et les forces au sol se retrouveront
rapidement embourbées pendant de longues années sans aucun succès,
comme on le voit à nouveau avec ce qui se passe en Iraq et en
Afghanistan – c'est d'ailleurs la raison pour laquelle aucune
des puissances impérialistes ne propose d'envoyer des troupes au sol
en Syrie à présent.
Lors des raids
aériens, les bombes touchent aussi inévitablement la population
civile. Parmi les villes les plus touchées, on compte Raqqa, une
ville de 350 000 habitants que l'EI cherche à empêcher de
fuir. Le désastre qui frappe la vie de ces personnes ne va faire que
s'ajouter encore à la colère parmi les sunnites dans tout le
Moyen-Orient contre les puissances interventionnistes, ce qui va
permettre aux organisations djihadistes de recruter encore plus de
recrues.
De plus, vaincre EI
sur le plan militaire ne revient absolument pas à le vaincre sur le
plan idéologique et à ôter son pouvoir d'attraction aux yeux de
ses militants. Au contraire, toute une série de jeunes musulmans du
monde entier ont à présent l'impression que c'est là que se trouve
le front de la résistance contre les puissances impérialistes, que
l'EI n'est qu'une « victime » de leurs machinations.
De nombreux jeunes
qui se sont rendus en Syrie pour rejoindre EI ont été motivés non
seulement par son idéologie, mais aussi parce qu'ils perçoivent
cette organisation comme la plus sérieuse dans le combat contre la
dictature du régime Assad, contre la terreur et la destruction.
Le bombardement
d'EI, comme les attaques sur les droits civiques en Occident – qui
touchent particulièrement les musulmans d'Occident –, vont
accroitre le sentiment de colère et d'aliénation de la jeunesse
musulmane, ce qui fait qu'une partie de cette jeunesse va
inévitablement se sentir attirée par EI et ses nombreux clones.
Le succès de EI vient du fait qu'il se fait passer pour une force antiimpérialiste. Le bombarder ne fait que renforcer son image. |
L'hypocrisie
impérialiste
Les puissances
capitalistes qui interviennent contre EI ne parviennent pas à parler
d'une même voix. Par exemple, l'ancien Premier ministre français de
droite, Dominique de Villepin, s'est opposé aux bombardements en
disant : « Nous donnons ainsi une légitimité à leur
affirmation selon laquelle nous sommes en guerre … Nous ne devons
pas tomber dans ce piège d'intensification du conflit ».
Néanmoins,
l'hypocrisie des gouvernements occidentaux ne connait aucune limite.
Le groupe EI est lui-même un produit de la brutalité militaire qui
a été infligée aux sunnites pendant l'invasion de l'Iraq dirigée
par les États-Unis et l'occupation qui a suivi.
Les amis de
l'impérialisme occidental au Moyen-Orient incluent les élites
autocratiques des monarchies du Golfe, ainsi que le régime turc.
Tous ces « amis » sont cependant très impliqués dans
leur soutien aux milices sunnites en Syrie et en Iraq afin de contrer
l'influence des chiites, soutenus par l'Iran.
Les atrocités
régulièrement commises au Moyen-Orient par nombre de ces milices et
forces sectaires, chiites ou sunnites, ne reçoivent que peu
d'attention de la part des puissances occidentales. Mais lorsque des
djihadistes commettent des actes terroristes sur le sol occidental ou
contre les Occidentaux partout dans le monde, tout d'un coup cela
devient pour eux tout autre chose.
Alors que les
musulmans du Moyen-Orient souffrent grandement entre les mains de EI
et des autres forces réactionnaires, les musulmans d'Occident ne
sont pas en reste. Les accusations constantes à l'encontre de la
communauté musulmane dans les médias de droite ont suscité une
hausse de 300 % des attaques commises au Royaume-Uni contre les
musulmans britanniques à la suite des attentats de Paris. La plupart
des cibles de ses attaques étaient des femmes.
Comment les États occidentaux volent au secours des populations syriennes |
Les droits
démocratiques attaqués en Occident
De plus, les
musulmans et les réfugiés sont parmi les personnes les plus
touchées par les mesures de « sécurité » renforcées
qui ont été imposées en réaction aux attentats terroristes.
En France, le
président Hollande a de nouveau volé le discours de la droite avec
son extension de l'état d'urgence à au moins trois mois. L'état
d'urgence signifie des mesures de répression qui donnent des
pouvoirs accrus à l'armée dans les lieux publics, autorise la
police à perquisitionner des logements sans mandat, ainsi que de
bloquer l'internet et les réseaux sociaux.
Mais le plus grave
est l'interdiction de tout rassemblement public, y compris les deux
manifestations contre le changement climatique et les meetings
électoraux à l'occasion des élections régionales de décembre.
Selon les derniers
sondages réalisés en France, une majorité des gens soutiendrait
ces mesures. Mais les questions sont posées de façon biaisée, en
demandant par exemple aux gens s'ils sont d'accord de soutenir « des
mesures qui limitent la liberté des individus afin de garantir la
liberté de tous ».
En Belgique aussi,
toute une série de mesures « d'urgence » ont été
annoncées, y compris l'emprisonnement automatique de djihadistes
présumés rentrés d'Iraq ou de Syrie, et le fichage de personnes
soupçonnées d'adhérer à « l'islam radical ».
Bruxelles a été fermée pendant plusieurs jours : toutes les
écoles, universités, centres commerciaux et même le métro ont été
fermés afin de laisser libre cours à des « opérations »
policières.
De nouveaux
contrôles sont imposés aux frontières des 26 pays de la zone
Schengen. Cela ne va certainement pas bloquer les terroristes, mais
ça va retarder toutes les autres personnes désireuses d'entrer,
avec de nouveau un ciblage des musulmans et une situation encore plus
catastrophique pour les réfugiés qui tentent de fuir la guerre.
Au Royaume-Uni, des
milliards de livres sterling supplémentaires sont à présent donnés
à l'armée et aux services de renseignement, tandis qu'on parle de
déployer l'armée dans les rues. Tout cela se fera, encore une fois,
aux dépens des services publics et de la démocratie.
Il est bien
compréhensible que la population soutienne les mesures destinées à
lutter contre le terrorisme. Le problème est qu'aucune des mesures
annoncées pour le moment ne changeront quoi que ce soit. Par contre,
les droits démocratiques vont être revus à la baisse, et toute
cette présence policière et militaire sera utilisée contre les
luttes des travailleurs à des fins économiques ou politiques.
Le police de nos
pays a déjà assez d'autorité pour pouvoir arrêter n'importe
quelle personne suspecte de crime. Même le Times, journal de droite,
prévenait que « le problème fondamental qui ressort des
attentats de Paris n'est pas tellement le manque de pouvoirs conférés
à la police que l'échec et la négligence des institutions à voir
un danger qui a pourtant été annoncé depuis longtemps »,
tout en avertissant du danger de ces mesures qui vont « éroder
les libertés ».
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Corbyn et le Parti travailliste
Jeremy Corbyn, le
nouveau président du Parti travailliste britannique, élu par la
base en opposition aux dirigeants du parti, se dit opposé au
bombardement de la Syrie. Mais une critique que l'on doit lui
formuler est qu'il a dit que ce qui le chiffonnait était l'idée
d'une intervention militaire qui se déroulerait « sans le
soutien des Nations-Unies ».
Auparavant,
lorsqu'on parlait d'attaquer l'Iraq ou Assad en Syrie, les
politiciens antiguerre pouvaient se cacher derrière les
Nations-Unies, en sachant que la Russie et la Chine appliqueraient
leur véto à toute demande d'intervention.
Mais voilà que EI a
abattu un avion russe et tué un otage chinois. Du coup, l'attitude
de ces deux gouvernements s'est modifiée. C'est comme ça que le
conseil de sécurité des Nations-Unies a soutenu à l'unanimité la
résolution française appelant à mettre en place « tous les
moyens nécessaires » pour faire cesser les attaques
terroristes, ce qui est pris pour un accord tacite pour les députés
britanniques désireux d'aller bombarder la Syrie.
Les Nations-Unies ne
sont pas un organe indépendant chargé d'arbitrer les disputes entre
nations. Cette agence est avant tout dominée par les grandes
puissances, elle n'agit que dans leurs intérêts. Après tout, la
guerre de Corée (1952-53), par laquelle les États-Unis ont volé au
secours du régime capitaliste de Corée menacé par une révolution
« communiste » au nord, a été combattue sous le drapeau
des Nations-Unies. Les sanctions cruelles contre l'Iraq dans les
années '1990, qui ont causé 500 000 décès dans ce
pays, ont elles aussi été adoptées par les Nations-Unies.
Mais Corbyn, ébranlé
par des menaces de démissions de la part de la direction de son
parti, a fait fausse route en permettant à ses députés de voter
comme ils l'entendaient sur la question de l'intervention en Syrie,
au lieu de donner des consignes de vote strictes en faveur du
« Non ». Cette liberté de vote a permis au
Premier ministre Cameron d'obtenir l'assentiment de la majorité du
parlement.
Corbyn veut
maintenir « l'unité du parti » coute que coute, plutôt
que de mener une lutte décisive pour retransformer le Parti
travailliste en une force de gauche combative, conformément au
mandat qui lui a été donné par les membres. Mais au lieu de ça,
il se laisse mener en bateau par les députés de droite.
La droite au sein du
parti va tout faire pour chasser Corbyn et le contraindre à
l'erreur. S'il veut conserver le soutien qui lui a permis d'accéder
à cette position de dirigeant et l'utiliser pour avancer, Corbyn
doit rester ferme et se servir de ce soutien pour renforcer sa
position et faire progresser le processus de reconstruction d'une
force prolétarienne de masse.
Car si l'idéologie
islamiste de droite est capable aujourd'hui d'attirer à elle
tellement de jeunes dans ce contexte de crise profonde de la société
capitaliste, c'est uniquement en raison de l'absence de partis de
masse démocratiques basés sur l'unité des travailleurs et sur la
défense des intérêts du prolétariat.
Ce n'est qu'en construisant un tel parti qu'on pourra obtenir la solution pour supprimer les causes
fondamentales du terrorisme et de la guerre, en mettant clairement en
avant une alternative socialiste au capitalisme agonisant.
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