Malgré la hausse des
violences racistes, la solidarité est toujours gagnante
Les appartements de trois
camarades du Parti de l'égalité – les Socialistes
(Rättivespartiet Socialisterna – RS, section suédoise du CIO) ont
été attaqués par des individus qui ont tenté d'y mettre le feu à
3 h du matin dans la nuit du samedi au dimanche 24 et
25 octobre 2015.
Deux jours plus tôt, un
attentat était survenu dans une école de Suède, où un jeune homme
raciste a tué deux personnes à l'arme blanche et grièvement blessé
deux autres personnes. Au cours de la même semaine aussi, cinq
bâtiments utilisés pour loger des réfugiés ont été incendiés
dans diverses villes de Suède.
Que se passe-t-il dans ce
pays et à quoi devons-nous encore nous attendre ?
– Camarades du
Parti de l'égalité – les Socialistes (RS, Rättvisepartiet
Socialisterna, section du CIO en Suède)
Attaque sur les logements
de nos camarades à Göteborg
L'attaque sur les
logements de nos camarades du CIO a été subie dans un des bastions
de notre parti, le quartier de Hammarkullen à Göteborg (prononcé
« Yeutebor », ville portuaire de l'ouest de la Suède,
500 000 habitants, la deuxième plus grande ville de
Suède). Un des logements attaqués est l'appartement de notre
camarade Kristofer Lundberg, président de RS en Suède occidentale.
Kristofer est également président d'une association de locataires
basée dans plusieurs quartiers de la ville dont Hammarkullen. Notre
parti à Göteborg est bien connu pour les nombreuses campagnes qu'il
mène sur la question du logement et des coupes budgétaires, pour
son rôle dans la lutte contre le racisme ainsi que pour son soutien
à la lutte du peuple kurde.
Les attaquants ont tenté
d'incendier les trois appartements en mettant le feu aux boites aux
lettres et aux poubelles dans les cages d'escalier. Par chance, un
des foyers a été découvert rapidement et le feu dans les boites
aux lettres a été rapidement éteint. Les incendies dans les cages
d'escalier ont nécessité l'intervention de 35 pompiers
mobilisés de 3h à 7h du matin pour être éteints.
En réponse à l'attaque,
RS convoque une AG d'urgence pour les habitants du quartier
Dès le dimanche matin, un
groupe de camarades de RS s'est rassemblé immédiatement et a appelé
les habitants du quartier à une AG à midi. Les camarades ont décidé
d'informer les habitants de chaque famille dans la zone pour les
inviter à ce meeting organisé le même jour au nom du parti.
70 personnes sont venues à cette AG. Beaucoup étaient venus
exprimer leur solidarité et affirmer qu'ils étaient prêts à
réagir. Plusieurs se sont engagés comme volontaires pour
l'organisation de patrouilles nocturnes, d'autres ont accepté de
faire partie de notre liste d'appels d'urgence. Il a été décidé
de mobiliser pour un meeting de rue mardi et pour une nouvelle AG le
mercredi.
La presse régionale est
venue aux nouvelles. Nos camarades et les policiers présents ont
déclaré qu'ils considèrent cette attaque comme un crime politique,
connecté aux incendies dans les abris pour réfugiés.
L'assemblée des résidents convoquée en urgence par les camarades après l'attaque |
Incendies et attaque sur
une école
Dix-sept centres d'accueil
des réfugiés ont été attaqués depuis le mois de mars et
incendiés. Six de ces attaques ont eu lieu justement dans la semaine
du 19 au 25 octobre. Une recherche effectuée par un magazine
antiraciste a démontré que les centres qui accueillent des enfants
de réfugiés sont particulièrement vulnérables.
Jeudi 22 octobre, un
terroriste a attaqué une école à Trollhättan, petite ville
industrielle de 50 000 habitants située à 75 km de
Göteborg. Un homme nommé Anton Lundin-Pettersson a surgi dans
l'établissement en tenue de combattant, portant un casque de Dark
Vador, armé d'une épée et d'un long poignard. Il voulait ainsi se
faire passer pour un « chevalier », conforme à l'image
défendue par le terroriste norvégiien Anders Behring Breivik (qui a
massacré une centaine d'enfants armé d'un fusil, en 2011).
Dans une lettre d'adieu,
Lundin-Petterson expliquait qu'il partait attaquer les « étrangers »
et que selon lui, « La Suède ne devrait pas accueillir autant
d'immigrés ». Il a choisi une école qui compte de nombreux
élèves d'origine étrangère. Lors de son attaque, ses victimes ont
été sélectionnées en fonction de la couleur de leur peau. Les
élèves blancs n'ont pas été inquiétés. Un éducateur suédois,
âgé de 20 ans, Lavin Eskander, a été tué alors qu'il
tentait de bloquer l'assaillant, tandis qu'un élève âgé de
15 ans, Ahmed Hassan (originaire de Somalie), est mort en
recevant un coup d'épée dans le ventre. Deux autres élèves ont
également été grièvement blessées. Le terroriste a finalement
été abattu par la police.
En examinant le profil
internet de Lundin-Petterson, les enquêteurs ont découvert qu'il
était abonné à plusieurs chaines YouTube pro-nazies, antisémites
ou islamophobes. Il suivait également avidement les articles de
divers militants d'extrême-droite, y compris un blog faisant la
promotion de « l'importance de la race dans la société ».
Tout comme pour Anders Behring Breivik, Lundin-Petterson considérait
le multiculturalisme comme un « projet infernal », le
fruit d'une conspiration mondiale.
Le terroriste avant son attaque |
La haine raciste
Toutes ces attaques
racistes se déroulent dans un contexte de polarisation croissante en
Suède. On entend de plus en plus de discours antiréfugiés, du
style « On ne peut plus en accepter d'autres ». On voit
de plus en plus de haine raciste sur l'internet. Les attaques sur les
centres d'accueil de réfugiés sont applaudies par des racistes
anonymes sur internet, dont beaucoup s'écrient « Enfin ! ».
On a même vu un politicien du parti raciste, les « Démocrates
suédois » (Sverigedemokraterna, SD), se demander pourquoi une
tour à mitrailleuse n'avait pas encore été installée sur le pont
qui relie la Suède au Danemark (et au reste de l'Europe).
Au cours de la même
semaine du 19 au 25 octobre, les SD avaient émis plusieurs
déclarations appelant leurs militants à « partir en action »
pour empêcher les réfugiés de s'installer. « C'est très
bien parti », lançait Kent Ekeroth, député des SD, lors
d'un meeting à Trelleborg, petite ville du sud de la Suède.
Les pays nordiques ont
déjà connu ce genre d'actes racistes et haineux auparavant. Ainsi,
en 1991-92, un individu surnommé « Laserman » par
la presse a perpétré onze attaques au fusil, dont une mortelle.
En 2009-10, la ville de Malmö a été terrorisée par un
« Laserman 2 », qui a assassiné deux personnes et
attenté à la vie de six autres. On ne peut évidemment pas non plus
ne pas parler d'Anders Behring Breivik qui a abattu 77 enfants
et blessé 42 personnes lors du camp d'été des jeunes
socialistes sur l'ile d'Utøya. Ces trois terroristes partageaient
les mêmes thèses racistes, la même conviction que l'immigration
signifie une invasion des pays nordiques par des êtres de race
inférieure et qu'il leur revient de « défendre leur race ».
De plus, des militants
d'extrême-droite sont également responsables d'au moins trente
meurtres en Suède depuis les années '1980.
Il ne s'agit pas ici de
problèmes de « santé mentale », comme certains ont
cherché à le faire croire concernant Breivik, accusé à tort de
folie. Il s'agit ici bel et bien de crimes politiques, de meurtres
racistes, à chaque fois perpétrés par des individus liés à
l'extrême-droite, au racisme et aux cercles nazis. Il est possible
que ces personnes n'aient pas été officiellement membres d'aucun
mouvement, mais il est clair que les idées qui les ont poussées à
agir sont des idées développées et promues par des racistes
organisés.
Marche de solidarité des camarades de RS |
Les « Démocrates
suédois »
La politique du parti qui
se fait appeler « Démocrates suédois » est dominée par
l'idée d'une « totale interdiction du droit d'asile ».
Cette organisation ajoute à cela de nombreuses revendications
nationalistes telles que plus d'attention au drapeau national, plus
de respect au roi ou à l'hymne national.
Nous répondons que tout
cela est du faux vu son programme économique rempli de propositions
pour plus de coupes budgétaires et de privatisations. Par exemple,
ce parti propose que les fonds attribués aux communes par l'État
soient coupés pour passer de 94 à 41 milliards de couronnes
(de 6700 à 2900 milliards de francs CFA) d'ici 2018,
soit une perte de 100 000 emplois. Aujourd'hui aussi, les
SD disent vouloir abolir l'aide apportée aux communes par l'État
dans le cadre de l'accueil des demandeurs d'asile.
Les SD répandent de
nombreux mensonges, comme par exemple qui si l'État donnait moins
d'argent aux réfugiés, il y aurait plus de fonds disponibles pour
les pensionnés, les malades et les chômeurs suédois. Mais en
réalité, cela fait plus de 20 ans qu'on assiste à une
tendance ininterrompue à des coupes dans les budgets sociaux, quel
que soit le nombre de réfugiés ! (C'est d'ailleurs le cas dans
de nombreux autres pays).
De plus en plus de
politiciens de droite cherchent à obtenir la collaboration des SD.
En même temps, ce parti augmente ses actes racistes et attire de
plus en plus de nazis.
Marche contre les SD |
L'antiracisme et la
solidarité
La Suède reçoit
aujourd'hui plus de réfugiés qu'elle n'en a jamais reçu depuis la
Seconde Guerre mondiale. Selon la dernière estimation, entre 140 000
et 190 000 réfugiés devraient arriver cette année.
Au départ, même les politiciens bourgeois ont répondu à l'immense
élan de solidarité exprimé par la population. Le Premier ministre
social-démocrate, Stefa Löfven, a même parlé à la première
marche « Bienvenue aux réfugiés » qui a rassemblé
15 000 manifestants.
Cependant, comme dans
toute l'Europe, le gouvernement (composé des sociaux-démocrates et
des écologistes) a maintenant opté pour une politique plus
restrictive en termes d'accueil des réfugiés, en accord avec les
quatre partis de l'opposition bourgeoise. Cette politique plus
restrictive signifie des conditions plus strictes pour le
regroupement familial, la délivrance de permis de séjour
temporaires, une accélération du processus de déportation, la
décision de pouvoir réorienter des réfugiés vers d'autres pays
européens, et l'obligation pour certains réfugiés d'accepter des
emplois précaires et mal payés.
Comme dans d'autres pays
aussi, l'opinion publique parmi la population et les travailleurs a
beaucoup évolué en ce qui concerne les réfugiés. Fin septembre,
44 % de la population trouvait que la Suède devrait accueillir
plus de réfugiés, contre 28 % seulement en février. À
présent, 31 % de la population se déclare même d'accord de
loger un réfugié dans leur propre maison.
Des milliers de citoyens
se sont engagés en tant que volontaires dans les gares et dans les
centres d'abri. Des collectes de dons sont organisées entre
collègues de travail, dans les écoles… et atteignent des sommes
records.
Cependant, ce sentiment
d'ouverture pourrait être tempéré si les coupes budgétaires
continuent de concert avec la crise du logement et la propagande
raciste menée par les politiciens de droite et d'extrême-droite à
propos du « cout de toute cette immigration ».
Solidarité avec les réfugiés : « Réfugiés bienvenue », « Ouvrez toutes les frontières » |
Il nous faut un mouvement
Il nous faut un mouvement
antiraciste pour mener la lutte contre le racisme partout. À
Trollhättan, trois jours après l'attaque sur l'école, une marche a
rassemblé 5000 personnes. C'est un dixième de la population de
la ville. L'ambiance était faite de tristesse mais aussi de dégout
envers les racistes. Nous savons, sur base de notre expérience de
terrain, que le racisme et le nazisme peuvent être repoussés par de
grandes mobilisations, par des campagnes et par des activités dans
les entreprises, dans les écoles et dans les quartiers.
En même temps, il est
clair pour nous que l'antiracisme doit être combiné à la lutte
contre l'austérité et contre le néolibéralisme. Car c'est la
politique de droite qui engendre la précarité, la division et donc
le racisme. Les syndicats, les réseaux militants et la société
civile doivent lutter pour un emploi, un logement, la santé et
l'enseignement pour tous. Les communes doivent recevoir plus de fonds
afin d'arrêter les coupes dans les budgets sociaux et fournir une
aide aux réfugiés.
Mais la lutte doit aussi
défendre le droit d'asile et donc s'opposer à l'accord récemment
conclu entre le gouvernement et les partis de droite. Les
déportations et la politique plus dure envers les immigrés vont
encourager les racistes dans leur promotion de l'idée qu'il faut
accepter moins de réfugiés représente quelque chose de
progressiste.
Le système capitaliste et
les politiciens à son service veulent pouvoir nous diviser pour nous
attaquer un groupe à la fois. Aujourd'hui en Suède, les attaques
contre les réfugiés se déroulent au même rythme que les coupes
dans la santé publique. En tant que socialistes, nous luttons contre
l'austérité sous toutes ses formes. Nous nous battons dans une
lutte commune contre le racisme mais aussi contre le capitalisme et
l'impérialisme qui créent ce racisme, pour la justice et pour le
socialisme.
Les camarades de RS lors de leur congrès |
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