Le Premier ministre Abe est fort uniquement parce que l'opposition est faible
Parmi tous les Premiers ministres qui se sont succédé au Japon au cours des quarante dernières années, Shinzo Abe est celui qui aura duré le plus longtemps. Son Parti libéral démocratique (Jiyū-Minshutō, ou Jimintō) au pouvoir reste en tête des sondages, malgré les grands mouvements de contestation de l'été dernier contre les nouvelles lois de sécurité, qui suscitent l'opposition de la majorité de la population.
Cette stabilisation temporaire de la vie politique japonaise n'a été possible qu'en raison de la faiblesse de l'opposition et du fait que l'échec de la politique d'« abénomie » (l'économie selon Abe) n'est pas encore devenu apparent aux yeux de la masse de la population. Toutefois, l'accalmie actuelle ne sera que de courte durée pour le gouvernement. Derrière la façade de stabilité politique et sociale, le capitalisme japonais est confronté à une énorme crise, même sans tenir compte de la récente volatilité sur les marchés boursiers mondiaux.
– Carl Simmons, Kokusai Rentai (Solidarité internationale, section du CIO au Japon)
Depuis 1990, la croissance moyenne du PIB japonais n'a été que d'un peu moins de 1 %. Ce qui était considérée comme une « décennie perdue » s'est à présent changé en « vingt années perdues » pour la croissance économique. La nature de ce déclin est indiquée par un rapport diffusé un peu avant Nouvel An par la Compagnie de diffusion du Japon, la chaine de médias nationaux. Selon ce rapport, le Japon se trouverait à présent à la 20e place des pays de l'OCDE pour la croissance du PIB par habitant. C'est son plus bas classement depuis 1970.
En plus de ce lent déclin économique, le Japon est également confronté à une rapide baisse de sa population. Un rapport du gouvernement a prévenu du fait qu'en 2060, le nombre de Japonais passera de 127 millions aujourd'hui à 87 millions. À cette date, 40 % de la population sera âgée de plus de 65 ans.
La population japonaise ne cesse de vieillir |
L'émergence de la Chine
Cette sensation de crise et de panique face au déclin national est exacerbée par l'émergence de la Chine en tant que grande puissance économique et militaire – un rival pour le Japon. Pas une semaine ne passe sans que de nouvelles informations n'apparaissent dans la presse japonaise pour illustrer ce déclin relatif. Par exemple, le nombre d'universités chinoises qui figurent dans le classement des meilleures universités asiatiques a dépassé le nombre d'universités japonaises. Le nombre d'articles écrits par des Chinois dans les revues scientifiques dépasse le nombre d'articles écrits par des Japonais. Et c'est sans parler des nombreux rapports qui indiquent la croissance militaire de la Chine, surtout de sa flotte de guerre.
C'est ce sentiment de crise qui a poussé Abe et sa rhétorique nationaliste au-devant de la scène politique. On voit aussi cela dans l'évolution du Jimintō. Dans le passé, ce parti était dominé par diverses factions regroupées autour de différents députés qui finançaient leurs propres projets de construction et se relayaient rapidement au poste de Premier ministre, sans que l'on ne parle vraiment de différences en terme de programme politique. Mais aujourd'hui, ce parti est dominé par la Conférence du Japon, un influent lobby de droite dont Abe est le principal conseiller. Ce groupe au sein du Jimintō aurait à présent sous son contrôle 289 députés (sur 480), ainsi que la majorité des membres du cabinet d'Abe.
Même si Abe est lui-même un militant convaincu de la même idéologie de droite réactionnaire et partisan de la révision de la constitution proposée par ce groupe (la constitution actuelle interdit notamment au Japon de déployer des forces armées à l'étranger, ce que la classe dirigeante japonaise veut changer), il est également bien conscient du fait que l'opinion de la population japonaise n'est aujourd'hui pas prête à accepter la moindre restriction de ses droits démocratiques. La loi sur la protection des secrets d'État, les tentatives de faire taire l'opposition, les pressions sur les agences de presse, les nouvelles lois sécuritaires… ont suscité l'indignation d'une partie de la population, et – ce qui est très important – poussent une partie de la jeunesse à devenir politiquement active. Même si les récents mouvements de contestation n'ont pour le moment pas obtenu la moindre victoire, le mouvement de l'été dernier contre le projet de nouvelles lois sécuritaires n'a pas été sans effet sur la société.
Mouvement d'opposition aux plans guerriers d'Abe : « La guerre est finie », « La paix, pas la guerre » |
La stratégie d'Abe et l'échec de l'« abénomie »
Dans sa campagne pour les élections nationales de juillet de cette année, Abe va insister sur le fait que l'opposition ne propose aucune alternative à sa politique d'« abénomie ». Sans insister sur son projet de révision de la constitution, il va tenter d'exploiter des incidents tels que les essais nucléaires effectués par la Corée du Nord et les incursions de la flotte militaire chinoise dans les eaux japonaises pour promouvoir cette idée. Mais il va devoir se montrer très prudent. Il sait que ce ne sera pas facile de convaincre une majorité de la population d'accepter un changement de la constitution par voie de référendum, et que le succès ou l'échec de son gouvernement dépend avant tout de l'impact de sa politique économique.
Le premier effet de la politique d'« assouplissement quantitatif » menée par le gouvernement a été de renforcer la profitabilité des grandes entreprises nationales. 30 % des entreprises de la première section de la bourse de Tōkyō ont annoncé des profits records pour l'année 2014. C'était le meilleur résultat depuis 2006, où 36 % de ces entreprises avaient annoncé avoir engrangé de tels profits. En tout, les profits des entreprises se sont accrus de 6,7 % en 2014.
Cette politique a renforcé la confiance des patrons. Avant la dégringolade du Nouvel An, la bourse de Tōkyō avait atteint son plus haut niveau depuis 16 ans ; ce niveau avait doublé depuis l'arrivée d'Abe au pouvoir. Ce sont les riches qui ont le plus profité de cette croissance. Selon l'agence fiscale nationale, le nombre de gens dont le revenu dépassait les 500 millions de yen par an (2,5 milliards de francs CFA soit 200 millions par mois) était passé de 578 en 2010 à 1515 en 2013.
Cette croissance des profits était essentiellement le résultat de la chute de la valeur du yen, une conséquence de la politique d'Abe. Malgré cela, le Japon continue à subir un énorme déficit commercial. Même si la chute du yen a encouragé les exportations de voitures et d'autres marchandises, les profits totaux se sont surtout accrus à cause de la hausse des profits tirés par les entreprises japonaises installées à l'étranger, recalculés en yen. Le fait que les grandes entreprises possèdent plus d'argent sur leur compte en banque ne veut pas dire pour autant un retour de la croissance. Car pour qu'il y ait croissance, il faut que cet argent soit investi dans le pays !
À la fin de l'année passée, Abe et Kuroda, le gouverneur de la banque centrale japonaise, ont redoublé d'efforts pour tenter de convaincre les grandes entreprises nationales de renforcer leurs investissements. Kuroda a utilisé l'argument selon lequel « La fortune sourit aux audacieux ». Mais cela n'a pas suffi à convaincre les patrons. Vu la stagnation du marché national et le ralentissement de la croissance en Chine, ces grands patrons se demandent à quoi bon investir s'ils savent qu'ils ne pourront pas vendre leur nouvelle production. Et même s'il se créait un nouveau marché pour la consommation, pourquoi ces entreprises devraient-elles investir au Japon, alors qu'elles peuvent tout aussi bien investir à l'étranger ? La chute du yen n'a pas suffi à empêcher la tendance à délocaliser la production vers d'autres pays.
Selon la Banque japonaise pour la coopération internationale, les entreprises japonaises ont effectué 35 % de leur production à l'étranger en 2014. En 1989, cette proportion n'était que de 14 % ; on s'attend à ce qu'elle atteigne 40 % d'ici 2018. La plupart des investissements réalisés par des entreprises japonaises sont localisés non pas au Japon mais en Indonésie, en Malaisie, aux Philippines, à Singapour et en Thaïlande.
Tout en appelant les patrons à investir au pays, la banque centrale les a aussi exhortés à augmenter les salaires. Les organisations patronales disent que c'est une excellente idée, car une hausse des salaires renforcerait le pouvoir d'achat de la population, ce qui permettrait d'accroitre les ventes des entreprises. Mais chacun attend que son concurrent augmente les salaires, sans chercher à le faire soi-même !
Kuroda a même critiqué les dirigeants des syndicats des travailleurs, disant qu'ils ne font pas assez d'efforts pour chercher à obtenir des hausses salariales ! L'échec de la politique d'« abénomie » pourrait donc être attribué aux syndicats, qui étaient encore récemment loués en tant que principal facteur du succès du capitalisme japonais. Même si les salaires ont un peu augmenté ces derniers temps, cette hausse ne suffit pas à contrebalancer l'inflation (la hausse de la cherté de la vie). Et même les quelques entreprises qui ont décidé d'augmenter les rétributions de leurs travailleurs l'ont fait essentiellement sous la forme de primes plutôt que de véritables hausses salariales.
Le plan d'Abe et de Kuroda était d'obtenir une inflation de 2 %, parce qu'ils supposaient qu'un tel taux pourrait contraindre les entreprises et les consommateurs à dépenser plus, vu que leurs économies perdraient graduellement de leur valeur. Mais malgré trois années d'« assouplissement quantitatif » et une énorme hausse de la masse d'argent en circulation, l'inflation n'a pas dépassé les 0,2 %, bien en-dessous de l'objectif du gouvernement.
La conséquence de cette politique est que la dette de l'État a désormais atteint le plus haut niveau pour un pays de l'OCDE : elle s'élève à présent à 226 % du PIB. L'État parvient à rembourser cette dette grâce à la faiblesse du taux d'intérêt. Le danger est que le taux d'intérêt pourrait augmenter en cas d'inflation, ce qui déclencherait une grave crise économique. Même si on a évité une nouvelle récession en 2015, la croissance observée aujourd'hui est loin d'être solide. La véritable conséquence de la politique d'« abénomie » est une croissance morose, anémique, tandis que le niveau de vie des travailleurs continue d'être attaqué.
Le Premier ministre Shinzo Abe (qui parle à gauche) à une réunion de haut niveau avec le gouverneur de la banque centrale Kuroda (au fond à droite) |
La fin de la politique d'« emploi à vie »
Le troisième pilier de la politique d'« abénomie » était censée être la « réforme structurelle » ; c'est-à-dire une politique qui permettrait aux patrons de se débarrasser plus facilement de leurs travailleurs. Le « système de l'emploi à vie » était auparavant perçu comme un des fondements de la stabilité japonaise. Mais ce système est à présent fortement remis en question. En 1984, 85 % des travailleurs bénéficiaient d'un emploi permanent « à vie ». Cette proportion n'est aujourd'hui plus que de 60 %. Et cette tendance va continuer, vu la baisse des restrictions sur l'utilisation de travailleurs temporaires.
La hausse du nombre de travailleurs temporaires a causé une forte augmentation de la pauvreté. En 2013, le revenu moyen des travailleurs temporaires n'était que de 140 000 yen par mois (soit 700 000 francs CFA), alors qu'un travailleur permanent gagne en moyenne trois fois plus. Le nombre de travailleurs pauvres, ceux qui gagnent moins de 170 000 yen par mois (850 000 francs CFA), a atteint le chiffre record de 11 millions de personnes en 2014 : soit un travailleur sur six. On estime que 15 % des enfants âgés de moins de 17 ans vivent dans des familles dont le salaire se situe sous le seuil de pauvreté de 100 000 yen par mois (500 000 francs CFA). On voit donc que la pauvreté ne cesse de croitre.
Abe et ses conseillers comprennent bien que la croissance actuelle est en réalité très faible. Le Japon pourrait replonger dans une spirale déflationniste à tout moment. Abe espère qu'il pourra se faire réélire cette année avant qu'une nouvelle crise économique n'éclate. Il espère pouvoir faire cela en avançant la date des élections à la chambre basse du parlement afin d'organiser une double élection conjointe pour les deux chambres. C'est ce même souci qui explique la hausse de 30 000 yen (150 000 francs CFA) accordée pour les pensions les plus basses, ainsi que les concessions faites au Kōmeitō (Parti de la justice, un parti de centre-droit lié au mouvement bouddhiste Sōka Gakkai et partenaire de coalition du Jimintō) comme l'exemption des produits alimentaires de la hausse de la TVA qui sera appliquée à partir d'avril 2017. Si l'économie devait se dégrader d'ici là, il est possible que de nouvelles concessions soient effectuées par le gouvernement avant les élections.
De plus en plus de Japonais pauvres vivent dans des cabanes dans la rue |
La faiblesse de l'opposition
Le principal facteur qui explique la puissance d'Abe est la faiblesse de l'opposition. Le plus grand parti d'opposition, le Parti démocratique (Minshutō), n'est qu'un ramassis de renégats du Jimintō et d'anciens éléments du Parti social-démocrate (essentiellement issus de son aile droite), soutenu par la plus grande (et la plus conservatrice) confédération syndicale, la Rengō.
Lorsque le Minshutō était au gouvernement de 2009 à 2012, il a suivi une politique encore plus néolibérale et orthodoxe qu'Abe. Ce parti a trahi ses électeurs en augmentant la TVA, alors qu'il avait promis tout au long de la campagne électorale qu'il ne ferait jamais une chose pareille. Le parti n'est même pas uni sur la question de la révision de la constitution. Il inclut des politiciens qui visitent régulièrement le sanctuaire Yasukuni, généralement associé à l'extrême-droite nationaliste, dont le cimetière abrite un millier des pires criminels de guerre japonais. Le Minshutō a récemment signé un programme conjoint avec un parti de droite dans lequel il défend entre autres une réduction de 20 % des dépenses d'État pour les salaires des fonctionnaires. Alors que ce parti continue à bénéficier du soutien de grands syndicats de la fonction publique tels que le syndicat des enseignants du Japon et le syndicat des employés communaux !
À la gauche de ce parti, on trouve le Parti social-démocrate (Shakai Minshu-tō, ou Shamintō) le successeur du Parti socialiste japonais, qui n'est plus que l'ombre de lui-même. Alors que ce parti était autrefois le parti de masse des travailleurs japonais, il n'a plus aucune influence dans le pays à part sur l'ile d'Okinawa. Il n'est même plus capable de présenter un candidat dans la majorité des circonscriptions électorales.
Enfin, on trouve le Parti communiste japonais (Nihon Kyōsan-tō), le seul parti de gauche encore capable de compter sur un soutien électoral au niveau national. Ce parti est en train de monter dans les sondages et a obtenu un bon score aux dernières élections. Mais même s'il bénéficie d'une hausse de soutien, ses membres sont de plus en plus âgés. Beaucoup de travailleurs et de syndicalistes qui auparavant soutenaient le Parti social-démocrate ont du mal à faire confiance au Parti communiste. Même s'ils sont prêts à voter pour ce parti, vu le manque d'alternative, ils ne le considèrent pas comme « leur » parti.
Le Parti communiste japonais considère le socialisme comme un objectif à atteindre uniquement sur le très long terme. Selon son programme, « Le changement dont le Japon a besoin aujourd'hui est une révolution démocratique, pas une révolution socialiste ». Pour le Parti communiste, le Japon, qui est pourtant une des plus grandes puissances impérialistes de la planète, est un pays sous domination états-unienne et doit avant tout lutter pour son indépendance.
Récemment, ce parti a accompli un important revirement dans sa tactique. Tout au long de son histoire, il s'était toujours opposé à toute forme de coopération avec d'autres groupes. Il avait sa propre fédération syndicale et ses propres groupes citoyens sous le contrôle de son organe de parti. Il présentait des candidats dans chaque circonscription quelles que soient les circonstances et les chances d'être élu. Mais depuis l'émergence de forces de droite populiste qui soutiennent une révision de la constitution (comme Abe et le Parti de la Restauration dont nous parlerons plus loin), le Parti communiste est revenu sur cette logique et a non seulement retiré certains de ses candidats mais a même soutenu des candidats du Jimintō, notamment à Ōsaka, dans l'espoir de contrer les candidats d'extrême-droite.
Le Parti communiste du Japon « en action » |
Une alliance de l'opposition ?
L'appel à former une grande alliance de l'opposition pour stopper Abe a eu un impact. Une organisation de jeunes nommée Action étudiante d'urgence pour la démocratie libérale (« Jiyū to minshu shugi no tame no gakusei kinkyū kōdō »), qui a joué un rôle très important dans le mouvement contre la loi sur les secrets d'État et les lois sécuritaires de l'été dernier, a organisé une conférence de presse avec quatre autres groupes citoyens pour appeler les partis d'opposition à former une candidature unique dans chaque circonscription électorale, chaque candidat devant signer un accord promettant d'abolir les lois sécuritaires. Dans la foulée, ils ont aussi appelé le reste de la société civile à rejoindre le mouvement pour soutenir cet appel.
L'idée que la politique ne doit pas être laissée entre les mains des seuls députés et hauts cadres de l'État, mais qu'elle peut aussi être l'affaire de simples citoyens et de la jeunesse, est un premier pas important que nous devons encourager. Cependant, il nous faut aussi être clairs sur le fait que cette stratégie ne pourra jamais porter le moindre fruit.
Cette approche a d'ailleurs déjà été testée lors des élections régionales et communales à Ōsaka, la plus grande ville de l'ouest du Japon (20 millions d'habitants), à présent entre les mains d'un parti de droite populiste, le Ishin no Kai (Association pour la restauration). Tous les partis d'opposition, y compris la section locale du Jimintō, se sont ligués en un front destiné à contrer les candidats de ce parti.
Le plan de réorganisation de la commune d'Ōsaka (qui visait à faire fusionner la région et la commune d'Ōsaka en un seul district métropolitain) proposé par l'Association pour la restauration a été refusé lors d'un référendum. Mais cela n'a pas empêché les candidats de ce parti de remporter les élections haut la main. Au lieu de parler de son programme politique, l'Association pour la restauration a utilisé quelques phrases populistes pour dénoncer le fait que tous les autres partis se liguent contre elle, afin de l'empêcher de mener à bien le « changement » préconisé par elle. Elle a mis en avant le fait que ses opposants ne sont même pas d'accord sur le moindre programme politique. Il est vrai que cette tactique était plus facile à employer par l'Association pour la restauration parce qu'elle reste un parti d'opposition, même si elle est au pouvoir à Ōsaka. Mais on voit aujourd'hui Abe utiliser la même rhétorique face aux appels à organiser un front contre lui.
Nous comprenons bien le désir des militants démocratiques de vouloir transformer les élections à la chambre haute du parlement en une sorte de référendum sur les lois sécuritaires d'Abe. Cependant cet appel ne sera sans doute pas repris par les couches larges de la société, y compris les plus pauvres, pour qui les questions économiques sont beaucoup plus importantes. Une telle approche « frontiste » implique en effet de soutenir des candidats de l'opposition qui défendent pourtant la même politique néolibérale de coupes budgétaires et d'attaques sur le niveau de vie des travailleurs, comme le fameux accord pour une réduction de 20 % de la masse salariale de la fonction publique prôné par le Parti démocratique. On n'est d'ailleurs même pas sûr que ces candidats soient véritablement opposés à ces lois sécuritaires. D'autres peuvent y être opposés simplement parce qu'elles contredisent la constitution, tout en soutenant une révision de la constitution qui les rendrait constitutionnelles !
Tōru Hashimoto, le maire d'Ōsaka, dirigeant de l'Association pour la restauration (droite populiste) |
Où aller ?
Au lieu d'appeler à l'unité des partis d'opposition, il faut plutôt appeler à un front de la société civile, des syndicats combatifs et des partis de gauche autour d'un programme de lutte. Un tel appel trouverait une oreille beaucoup plus favorable auprès de tous les mécontents, et permettrait d'ébaucher une stratégie capable de nous faire progresser.
Un véritable programme de lutte doit non seulement défendre l'abolition des lois sécuritaires, mais aussi s'opposer au projet de révision de la constitution promu par Abe et appeler à démanteler les bases de l'armée américaine stationnées au Japon. Ce programme doit aussi s'opposer à l'énergie nucléaire et à la politique actuelle de l'énergie qui menace l'environnement.
Il doit aussi mettre en avant les revendications économiques des travailleurs et des pauvres, en exigeant un salaire minimum de 1500 yen par heure (7500 francs CFA), l'embauche permanente des travailleurs temporaires, la réforme de l'assurance médicale pour garantir un taux de couverture de 100 %, etc.
Ce programme devra aussi lutter pour l'égalité des genres, contre les discours réactionnaires et insultants envers les femmes tenus par le Jimintō et ses alliés.
Cette alliance, si elle parvenait à se réaliser, pourrait constituer la base d'un nouveau parti de gauche, qui mettrait en avant une véritable alternative socialiste au capitalisme, un système qui à notre époque ne promet que plus de restrictions des droits démocratiques, plus de discrimination, d'inégalités, de pollution et de guerres.
La foule devant le siège du parlement, en été 2015 |
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