Construisons le mouvement
pour Bernie afin de vaincre la classe des milliardaires et les
dirigeants du Parti démocrate
La victoire de Bernie
Sanders à la primaire démocrate du New Hampshire a lancé un
véritable séisme qui ébranle à présent les élections
présidentielles américaines et l'ensemble de l'élite politique.
Pour la première fois de l'histoire des États-Unis, un candidat qui
se dit socialiste a remporté une victoire dans une primaire dans un
État véritablement stratégique.
Bernie a obtenu 22 % de plus
que la candidate « officielle » Hillary Clinton :
60 % contre 38 %, ce qui fait qu'il obtient du même coup
la plus grande marge d'avance jamais vue de toute l'histoire de la
primaire du New Hampshire. La victoire de Bernie marque donc bien le
début d'une nouvelle période tumultueuse de la vie politique aux
États-Unis.
– Patrick Ayers, groupe Alternative socialiste (section du CIO aux États-Unis)
En plus du « match
nul » lors de la primaire de l'Iowa, la victoire de Sanders au
New Hampshire va déclencher une bataille bien plus féroce pour la
nomination du Parti démocrate. Sanders est désormais perçu comme
un candidat sérieux à la nomination et à la présidence, porté
par l'énorme enthousiasme suite à son appel à une « révolution
politique contre la classe des milliardaires ». À ce titre,
les primaires dans le Nevada, en Caroline du Sud, puis dans les onze
États où des primaires doivent se tenir le 1er
mars, qui sont vues comme des terrains moins favorables à Sanders,
constitueront pour lui le test décisif.
Les brillants résultats
de Sanders en Iowa, dans le New Hampshire et dans les sondages
réalisés au niveau national ont enclenché une vague sans précédent
de petites donations. Rien qu'en janvier, Sanders a récolté
20 millions de dollars (12 milliards de francs CFA),
sur base de dons d'un montant moyen de 27 $ (15 000 FCFA).
Au cours du même mois, Clinton n'avait pu récolter « que »
15 millions $ (9 milliards FCFA), financés
essentiellement par une poignée de très riches « parrains ».
Suite à sa victoire dans le New Hampshire, Sanders a encore reçu la
somme record de 6 millions $ (3 milliards FCFA)
en transferts individuels faits par internet.
Pendant ce temps, le Parti
républicain « scrute le fond de l'abysse ». Lors de la
primaire de ce parti dans le New Hampshire, qui se tenaient en même
temps que la primaire démocrate, Donald Trump est ressorti vainqueur
de loin, avec 35 % des voix. La seconde place a été ravie par
John Kasich (16 %), tandis que Ted Cruz était troisième (avec
11 %), suivi par Jeb Bush et Marco Rubio. (Jeb Bush, le petit
frère de l'ancien président George W. Bush, était donné depuis
des années comme le grand favori du camp républicain. Il a
cependant fini par abandonner la course samedi 20 février, ne
récoltant à nouveau que 7 % des voix en Caroline du Sud). Dans
les faits, on voit se développer deux primaires en parallèle à
l'intérieur du Parti républicain, ébranlé par une grave crise
interne : d'un côté la primaire entre les candidats
populistes, qui se joue entre Trump et le vainqueur des primaires en
Iowa, Ted Cruz ; de l'autre, la primaire entre les candidats qui
ont le soutien de l'élite politique : Rubio, Bush et Kasich.
Les candidats populistes
comme Trump et Cruz ont ensemble remporté plus de 53 % des voix
lors de la primaire républicaine du New Hampshire. Leur discours
raciste, sexiste et islamophobe représente clairement une menace
pour la classe ouvrière. Mais leur percée au sein du Parti
républicain n'est en fait que le reflet d'une révolte de la part de
simples citoyens qui sont fatigués du statu quo. Chez les démocrates
comme chez les républicains, la primaire du New Hampshire a été,
comme Sanders l'a expliqué, le théâtre d'une rébellion contre
« la politique de l'élite, l'économie de l'élite et les
médias de l'élite ».
Si la gauche devait
échouer à construire une présence politique durable, si nous
continuons à laisser nos mouvements se faire phagocyter par les
candidats de la direction du Parti démocrate, cela ouvrira un espace
de plus en plus grand aux idées d'extrême-droite. Il s'agit d'une
course contre la montre, au cours de laquelle nous devons construire
une puissante alternative de gauche totalement indépendante de la
bourgeoisie afin de tacler le danger grandissant que représente la
démagogie populiste de droite.
Donald en campagne contre l'immigration, contre l'islam, contre les femmes et pour les riches |
Une révolte de la
jeunesse et de la classe ouvrière
Avec ses meetings de masse
et l'affluence record de petites contributions individuelles, la
campagne de Bernie a donné une expression à la profonde colère qui
vit parmi la société américaine contre la domination de la finance
et des grandes entreprises dans la politique du pays. C'est cet
enthousiasme, suscité par l'appel de Bernie parmi les jeunes et les
travailleurs (« une révolution politique contre la classe des
milliardaires »), qui lui a assuré la victoire dans le New
Hampshire.
En général, les
personnes qui viennent voter lors des primaires ont tendance à être
assez âgées et plutôt fortunées. C'est la couche qui continue à
soutenir Clinton. Mais la victoire de Bernie a été assurée par une
mobilisation massive de la jeunesse et des travailleurs.
Des sondages réalisés à
la sortie du scrutin dans le New Hampshire, il ressort que 83 %
des électeurs démocrates dont l'âge est compris entre 18 et
29 ans ont voté pour Bernie ; on constate donc ici le même
phénomène qu'en Iowa. Les électeurs âgés de moins de 45 ans
représentaient 41 % des électeurs à la primaire démocrate du
New Hampshire – un taux encore plus grand qu'en Iowa où les
électeurs âgés de moins de 45 ans n'étaient que 35 %.
65 % de ceux dont le revenu familial est inférieur à 100 000 $
par an et 71 % des électeurs dont le revenu familial est
inférieur à 30 000 $ par an ont voté pour Bernie.
Clinton n'a obtenu une majorité que parmi ceux dont le revenu est
supérieur à 200 000 $ par an (soit plus de
10 millions FCFA par mois).
Bernie a aussi remporté
les voix de 55 % des femmes du New Hampshire. Quelle brillante
réponse à Madeleine Albright et Gloria Steinen (deux « féministes »
bourgeoises, cadres du Parti démocrate) qui ont déclaré qu'« il
existe un endroit spécial en enfer » pour les femmes qui ne
soutiennent pas Clinton et que les jeunes filles qui, dans leur
écrasante majorité, ont voté pour Sanders en Iowa l'ont fait
« parce que les garçons sont avec Bernie ».
Si beaucoup de jeunes filles soutiennent Bernie, ce n'est pas par « manque de solidarité féminine » avec Clinton |
La riposte de l'élite
La campagne pour Clinton a
vivement riposté face au succès de Bernie. Cela reflète la
profonde anxiété qui vit parmi l'élite dirigeante. Elle craint la
révolte en cours contre les dirigeants des deux partis traditionnels
du capitalisme états-unien. Lloyd Blankfein, PDG de la banque
Goldman Sachs, a récemment qualifié la campagne de Bernie de
« tendance dangereuse ». Ils s'inquiètent du fait que la
campagne de Bernie est en train de donner un écho aux espoirs de
millions de personnes, qui veulent croire au fait qu'il est possible
de vaincre les candidats imposés par les grandes entreprises. Le
milliardaire Michael Bloomberg, qui est l'ancien maire de New York,
est par exemple en train de réfléchir à se présenter comme
candidat indépendant pour la présidentielle, vu la crise dans
laquelle sont plongés les deux partis.
Depuis l'Iowa, la
campagne de Clinton a adopté un ton beaucoup plus négatif et
virulent. Lors du premier débat face à face qui a suivi la primaire
en Iowa, Hillary a accusé Bernie de la « dénigrer » en
insistant à chaque fois sur le fait qu'elle est financée par les
patrons de Wall Street. Ses militants ont entonné un refrain comme
quoi Bernie serait le candidat des hommes, afin de chercher à
récupérer les votes des jeunes femmes qui le soutiennent.
Cependant, beaucoup de ces attaques se sont retournées contre elle.
Elles ont surtout révélé le fait que beaucoup de gens se méfient
d'elle et n'accordent aucune confiance à ses arguments. Les soutiens
de Clinton, qui incluent la direction du journal New
York Times, ont appelé l'équipe de
campagne de Clinton à revoir leur tactique, en proposant des
méthodes selon eux plus efficaces pour contrer Sanders.
En même temps, la menace
représentée par Sanders va inévitablement susciter une réponse
plus générale de la part de l'ensemble de la classe dirigeante, y
compris les grandes chaines médiatiques et la direction du Parti
démocrate. Les attaques sur Sanders et sur le mouvement derrière
lui vont se faire de plus en plus agressives et vicieuses.
Bernie a permis à tout le
monde d'identifier Clinton comme la candidate de l'élite financière
et industrielle. Récemment, il a révélé le fait qu'elle ait reçu
675 000 $ pour aller parler à trois séminaires organisés
par la banque Goldman Sachs (c'est 400 millions FCFA).
Quand on lui a demandé pourquoi elle a accepté cette somme, Clinton
a simplement répondu « C'est ce qu'ils m'ont offert ».
Beaucoup de gens ont insisté pour savoir de quoi elle avait été
parler là-bas et recevoir le texte de son discours : elle a
refusé. Révéler le contenu de son discours pourrait s'avérer fort
mauvais pour elle, car cela aurait pour effet de mettre à jour
l'ampleur de sa loyauté envers le monde de la finance. Selon une
interview avec un cadre de Goldman Sachs qui était présent à un de
ces discours, « C'était assez surprenant … C'était
tellement différent des discours qu'elle donne en ce moment en tant
que candidate à la présidentielle. Il s'agissait d'un discours très
édulcoré. Elle avait plus l'air d'une directrice de la banque que
d'une politicienne ». Mais même si Clinton finissait par
accepter de révéler le contenu de son discours, les dégâts ont
déjà été faits, et cela va peser sur sa campagne pour tout le
reste des primaires.
Sous pression de Sanders,
Clinton pourrait commencer à adopter un discours de gauche, de
manière opportuniste, en disant qu'elle est le candidat à qui il
faut faire confiance pour protéger les simples citoyens des
méchantes banques. Mais pourtant son CV est limpide : Clinton
est la candidate du grand patronat, point.
Hillary Clinton, dans l'ombre de son mari ? |
Les avantages électoraux
de Clinton
Même si Bernie bénéficie
de tout un mouvement derrière lui, Clinton continue à bénéficier
d'immenses avantages. Elle est soutenue par l'ensemble des médias,
est financée à hauteur de 60 millions de dollars par les
grandes entreprises et banques, et a à sa disposition l'ensemble des
hauts cadres du Parti démocrate et tous leurs réseaux. Plus de
200 gouverneurs, sénateurs, et députés ont déjà affirmé
soutenir Clinton, tandis que seuls deux députés se sont déclarés
en faveur de Bernie (et aucun sénateur ni gouverneur).
Clinton compte aussi sur
le soutien d'une large majorité des principaux leaders libéraux,
tels que l'économiste Paul Krugman et la féministe Gloria Steinem.
Bien plus scandaleux, la plupart des dirigeants des plus grandes
fédérations syndicales soutiennent Clinton, alors qu'elle a tout de
même fait partie de la direction de Walmart, la plus grande chaine
de supermarchés des États-Unis qui, à ce jour, interdit toujours
le moindre début de représentation syndicale en son sein. En Iowa,
Clinton a remporté 53 % des voix des syndicalistes.
Un important facteur qui
aide Clinton est le fait qu'elle est déjà bien connue et porte un
nom célèbre. Elle estime pouvoir compter d'office sur les voix de
l'ensemble des Noirs et des Latinos. Mais plus Sanders devient connu,
plus son soutien est en train de grandir.
Nous pouvons nous attendre
à ce que l'équipe de Clinton et ses partisans parmi la classe
dirigeante lancent maintenant une campagne de terreur et de
dénigrement tout au long des semaines à venir. Avec toute la
puissance des médias mobilisée pour influencer les débats, cela
pourrait avoir un impact, surtout parmi les électeurs plus âgés et
des millions d'autres travailleurs qui s'intéressent un peu moins à
la politique. La classe dirigeante va chercher à alimenter les
craintes des électeurs selon lesquelles le fait de choisir Sanders
comme candidat aidera les républicains à remporter les élections
présidentielles en novembre. Pendant ce temps, des millions de
travailleurs et de jeunes qui auraient pu être touchés par le
message de Sanders sont totalement dégoutés de la politique, vu à
quel point ils sont négligés depuis des années, et refusent de se
mobiliser.
Les dirigeants du Parti
démocrate vont tout faire pour contrer Sanders. Si les avantages
institutionnels « normaux » ne suffisent pas à bloquer
la campagne de Sanders, alors des mesures plus décisives seront
exigées par les grands patrons. Ils vont exercer une forte pression
sur de nombreuses personnalités médiatiques et politiques pour
qu'ils se rangent derrière Clinton. Au cas où les divisions au sein
du parti atteindraient un certain point, on ne peut pas exclure que
même le président Obama puisse se ranger derrière Clinton, au
mépris de la tradition de neutralité suivie par les présidents
sortants.
Briser ces barrières
institutionnelles va nécessiter un mouvement de soulèvement de
masse contre l'élite dirigeante à une échelle bien plus grande que
tout ce que nous avons pu faire jusqu'à présent. Il sera nécessaire
d'activer les millions de gens qui ne participent normalement pas du
tout dans la politique et qui ne votent même pas, ou qui ne sont pas
convaincus du fait que la campagne de Bernie puisse leur apporter le
moindre changement dans leur vie de tous les jours. Tout cela
signifie que Bernie ferait une erreur fondamentale s'il commençait à
vouloir « modérer » son discours dans l'illusion de
s'attirer ainsi plus d'électeurs. Au contraire, Bernie doit
approfondir son message de « révolution politique »,
pour présenter à de plus larges couches de la population une
véritable perspective de changement en profondeur. Cela veut aussi
dire qu'il faut reconnaitre le fait que l'appareil du Parti démocrate
n'est pas de notre côté et que nous devons construire un mouvement
basé sur la mobilisation et l'organisation des travailleurs à la
base, en toute indépendance.
Marche pour Bernie à Boston : « Taxer les riches », « Nous voulons 15 $ de l'heure », « Non au racisme de Trump », « Votez pour Bernie » |
#Movement4Bernie
Il nous faut une stratégie
pour inspirer ces millions de gens à s'impliquer dans notre campagne
de manière active. Comme Bernie le dit lui-même : « Même
le meilleur président du monde ne pourra jamais se confronter seul à
la classe des milliardaires ».
La politisation de la
campagne de Bernie nous donne une change de construire un véritable
mouvement à la base qui nous sera utile pour mener à bien cette
« révolution politique », en tirant parti de
l'enthousiasme suscité par sa campagne pour nous organiser au niveau
de nos quartiers, de bas en haut. Il est aussi très important de
constater que cette implantation à la base nous servira dans le
futur dans le cadre de la lutte contre ces mêmes milliardaires,
agents immobiliers, banquiers et patrons malhonnêtes qui oppriment
la population.
Le groupe Alternative
socialiste a lancé le Mouvement pour Bernie afin de contribuer à
l'implantation à la base de la campagne pour Bernie, qui sera
nécessaire pour vaincre les représentants politiques du grand
patronat. Nous voulons jouer notre rôle en activant autant de gens
que nous le pouvons afin de préparer la lutte qui se trouve devant
nous, tout en liant cette bataille à la nécessité de construire un
mouvement qui lutte pour les intérêts de la grande majorité de la
population et pour une véritable transformation de la société.
Nous avons participé à l'organisation des récentes « Marches
pour Bernie » partout dans le pays, qui ont rassemblé
3000 manifestants à Chicago – y compris des militants de
la campagne Black Lives Matter (« Les vies des Noirs
comptent ») – et 2000 manifestants à New York, en
plus des actions qui ont lieu dans de nombreuses autres villes.
Le 27 février, le
Mouvement pour Bernie participera à la deuxième édition des
« Marches pour Bernie » aux côtés des autres
organisations de soutien à Bernie, de syndicats, de représentants
de quartiers et d'associations de la société civile. Si nous
agissons de manière audacieuse et cohérente, nous pouvons mobiliser
des milliers de personnes dans chaque ville du pays pour exprimer de
manière fracassante notre intense soif d'un véritable changement.
Alternative socialiste est
aussi active dans le mouvement « Syndicalistes pour Bernie »,
qui vise à remettre en question les dirigeants des syndicats qui
continuent à suivre Clinton – la plus grande amie des
patrons – sous prétexte qu'elle « a plus de chances
d'être élue ». En tant que socialistes, nous avons toujours
mis en garde les syndicats contre les multiples trahisons de la part
du Parti démocrate, dont les dirigeants sont tous des grands
patrons, en les appelant à mettre plutôt en avant de vrais
représentants politiques des travailleurs, indépendants de la
bourgeoisie, qui refusent tout don de la part des banques et des
grandes entreprises.
La campagne pour Sanders
nous offre une occasion historique de populariser ces arguments parmi
les travailleurs, pour chercher à mettre en place une nouvelle
direction syndicale qui se battra contre les dirigeants cyniques qui
n'ont jamais rien à reprocher à des politiciens comme Mme Clinton
qui soutiennent les guerres et mangent avec les plus riches banquiers
du pays. Tous nos tracts et déclarations sont disponibles pour
impression sur le site laborforbernie.org
La campagne « Syndicalistes pour Bernie » tente de remettre en question les liens entre les dirigeants des syndicats et l'appareil du Parti démocrate |
Un parti pour les 99 %
Un des traits les plus
séduisants de la « déferlante Bernie » est l'immense
mobilisation de sympathisants – comme le meeting de janvier
dans le Minnesota qui a rassemblé 20 000 personnes. Ces
grands meetings donnent une expression visible et concrète de
l'enthousiasme et du soutien dont bénéficie Bernie mais au-delà de
lui, tout son discours, qui parle d'une politique d'un genre nouveau
et qui ose s'en prendre à la classe des milliardaires. Tout comme
les millions de dollars qu'il a reçu sous la forme de petites
contributions individuelles, ces mobilisations montrent le potentiel
qui existe pour la construction d'un mouvement social et politique,
indépendant de la bourgeoisie, qui entrainerait des millions de
simples gens.
Notre population est
confrontée à tant de problèmes : racisme, sexisme, bas
salaires, hausse vertigineuse des loyers, endettement pour frais de
scolarité, etc. Mais tout cela se résume à la question de qui a le
pouvoir : la classe des milliardaires dispose de beaucoup de
moyens, et nous, simples prolétaires, nous n'avons pour ainsi dire
rien. La campagne de Bernie nous offre donc une occasion de changer
la donne.
Nous ne sommes pas obligés
d'accepter l'idée de soutenir le « moindre mal » parmi
les candidats des patrons, comme quoi cela serait soi-disant la seule
façon de vaincre la droite. Le programme de Hillary Clinton est en
réalité un désavantage dans le cadre d'un combat pour la droite,
comme Bernie l'a d'ailleurs très bien fait remarquer. La meilleure
façon de mobiliser contre la droite et de remporter les
présidentielles au mois de novembre est de poursuivre la
construction de la campagne pour Bernie, tout en continuant à
entretenir cet immense enthousiasme.
La collecte de fonds
effectuée par Bernie nous montre aussi que si nous le voulons, nous
pouvons nous aussi rassembler les fonds nécessaires pour lutter à
armes égales avec les politiciens du patronat. C'est notre capacité
à mobiliser les foules des travailleurs, en toute indépendance, qui
nous donne cette possibilité. Notre avantage serait toutefois bien
plus déterminant si seulement les syndicats décidaient de se
positionner derrière Sanders plutôt que d'apporter un soutien
véritablement criminel à Clinton comme ils le font.
En réalité, bien que
Sanders lui-même continue à s'en tenir à l'idée que le Parti
démocrate peut être transformé de l'intérieur, la campagne de
Bernie montre que le potentiel est bien là pour construire notre
propre parti politique, un parti des 99 % de la population,
contre les grands patrons et leurs deux partis. Ce nouveau parti
pourrait rassembler sur une même plateforme les socialistes, les
syndicalistes, les jeunes, et les militants progressistes de tous
horizons, afin de nous donner l'outil nécessaire pour mobiliser des
millions de gens contre l'oligarchie financière.
Même si Bernie cherche à
se faire élire comme candidat du Parti démocrate, beaucoup des ses
partisans comprennent bien que le Parti démocrate est une machine
entre les mains des 1 % de riches qui nous dominent. Bernie a
dit qu'au cas où il perdrait ces primaires (des élections qui, on
le sait, sont truquées d'avance par toute une série de mécanismes
bien huilés), il resterait un membre loyal du Parti démocrate et
soutiendrait Clinton dans sa campagne financée par les plus grandes
banques du monde : beaucoup de ses partisans sont fort
mécontents de cette déclaration. Mais par sa dynamique, la campagne
de Sanders est en train de démasquer Hillary Clinton et de révéler
au grand jour les limites du Parti démocrate et sa nature profonde
de parti de l'élite financière.
Il y a véritablement un
grand danger que tout le mouvement de soutien à Bernie, cette
révolte contre la classe des milliardaires et le système politique
corrompu, soit au final instrumentalisé par le Parti démocrate pour
forcer tous ces militants à soutenir Clinton. Notre groupe,
Alternative socialiste, est en train de mener une mobilisation active
dans la direction opposée. Nous sommes partout très bien accueillis
parmi les partisans de Sanders, auprès de qui nous propageons l'idée
d'une candidature indépendante de gauche à tous les échelons du
gouvernement, dirigée à la fois contre les Républicains et contre
les Démocrates. Ce mouvement doit être vu comme la semence qui
finira par donner un nouveau parti de masse, dirigé par les
travailleurs et pour les travailleurs.
Nous voyons de profondes
fissures et divisions s'ouvrir entre les simples électeurs et le
Parti démocrate, par nature une machine procapitaliste à la solde
de la grande bourgeoisie. Si Michael Bloomberg envisage maintenant de
se présenter en tant que candidat indépendant aux présidentielles,
c'est parce que la classe dirigeante se prépare déjà à une
révolte ouverte au cas où Sanders remporterait les primaires au
sein d'un parti qu'ils considèrent sous leur contrôle. Ces forces
vont tout faire pour saboter Sanders lors de la présidentielle
plutôt que de permettre au mouvement derrière lui de consolider sa
position.
Même la convention du
Parti démocrate, qui doit désigner le candidat à la
présidentielle, inclut un mécanisme destiné à empêcher la
concrétisation d'une éventuelle victoire de Sanders. En effet,
parmi les délégués à cette convention, si 80 % sont élus
par les élections primaires qui se déroulent en ce moment, il reste
800 « superdélégués », des cadres désignés par
la machine du Parti démocrate, qui constituent donc à eux seuls
20 % des électeurs finaux. Cela veut dire que quand bien même
Sanders sortirait vainqueur des primaires, il est possible qu'il ne
soit au final pas reconnu comme le candidat du parti. Même s'il est
vrai que la direction du parti préfèrerait ne pas avoir à utiliser
ce pouvoir pour bloquer Sanders, vu qu'un tel « coup d'État »
provoquerait d'intenses critiques au sein et en-dehors du parti,
ouvrant la voie à une grave crise politique. C'est pourquoi en ce
moment, tous les efforts sont concentrés sur les primaires où ils
tentent de battre Sanders coute que coute.
Le combat pour les
primaires démocrates va continuer. 65 % des délégués à la
convention seront désignés au cours du mois de mars. Il nous faut
donc dès à présent lancer une mobilisation totale au niveau
national pour contrer l'offensive que la classe dirigeante est en
train de préparer contre Bernie dans les semaines à venir.
S'il veut gagner les
élections (et, au-delà, faire appliquer le programme de Sanders
même après qu'il ait été élu), le mouvement derrière Bernie ne
doit pas se limiter au modèle traditionnel de campagne électorale
où tout est décidé par des gens dans des bureaux. Notre campagne
doit partir de l'auto-organisation à la base. Plus notre
auto-organisation sera forte aujourd'hui, plus nous serons
indépendants de la machine du Parti démocrate, plus nous serons
capables de poursuivre la lutte pour une révolution politique même
après les élections, quel que soit le résultat des primaires ou
des présidentielles.
La campagne pour Sanders a
déjà ouvert une nouvelle période dans la vie politique des
États-Unis. Mais dans les semaines qui vont venir, le potentiel
existe pour porter un coup encore plus grand à la politique du
patronat, afin d'ébranler jusque dans ses fondements ce système de
deux partis sous contrôle et corrompus, et d'ouvrir une nouvelle
vague de lutte politique pour une transformation socialiste en
profondeur de la société.
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