lundi 1 juin 2015

CI : Naissance de la Coalition nationale pour le changement

Un changement, oui mais lequel ?


C'est vendredi 15 mai qu'a été signée la charte de la Coalition nationale pour le changement par presque l'ensemble des principaux candidats contre Alassane Ouattara, candidat du RHDP. Les grands absents sont Affi N'Guessan et (provisoirement) Essy Amara qui a décidé de soumettre son propre projet de charte à la CNC avant de se prononcer. Si les objectifs de cette coalition sont nécessairement assez limités : lutter pour un cadre sain en vue des élections, il est clair que le CIO-CI ne peut rester en marge de cette nouvelle dynamique qui se crée pour faire progresser la démocratie en Côte d'Ivoire. Cependant, nous tenions à faire plusieurs observations qui méritent, selon nous, d'être discutées parmi les militants des différentes composantes de la coalition.

CIO-CI



Tout d'abord, nous constatons que cette coalition constitue une source de division de plus pour le FPI. En effet, Affi N'Guessan, partisan du « dialogue » avec le pouvoir, désire se présenter aux élections en tant que candidat du FPI, malgré l'opposition viscérale d'une grande partie de la base du parti qui estime l'en avoir exclu. Vu l'ambiance qui règne en ce moment au FPI, il ne faut sans doute pas attendre grand-chose en termes de réconciliation des militants du congrès « affiste » qui aura bientôt lieu. Si les « frondeurs » accusent (selon nous, à raison) Affi d'être à la solde du régime, les partisans de Affi ont eu aussi un argument solide lorsqu'ils accusent les « pro-Sangaré » de s'associer aujourd'hui avec des gens qui ont combattu ou lâché Gbagbo hier et dont l'idéologie ne cadre pas avec celle déclarée du FPI. 

Il convient donc de répondre à cet argument comme il se doit. Aujourd'hui, c'est l'ensemble des partis politiques, syndicats et organisations de la société civile qui sont touchés par la répression, la corruption et les manœuvres de division et de confusion utilisées par le régime. Le sac du siège du PIT n'en est que la dernière expression, qui suit de près la nomination d'Anzoumana du MFA à un poste de ministre après l'exclusion d'Anaky Kobena, l'interdiction de la fête des sans-emplois organisée par le CNJ le 1er mai, le siège de Mama, la dure répression contre les étudiants et les enseignants grévistes, l'arrestation des proches de Banny, d'Amara, et des cadres du FPI, les attaques sur les réunions des JFPI ou de la CICI… Dans ce contexte, il est devenu extrêmement difficile de manifester et de s'exprimer pour l'ensemble de la population. À la RTI, seuls prennent la parole les politiciens proches du pouvoir (ce qui inclut Affi N'Guessan), tandis que les Banny, Amara, Ahipeaud, Koulibaly… doivent se contenter de la presse d'opposition ou de RFI et Jeune Afrique. Voilà où on en est. 

Il y a réellement un déni de démocratie en Côte d'Ivoire. Tout le monde s'accorde pour dire cela. Sauf, évidemment, ceux qui ferment les yeux car curieusement libres d'aller s'exprimer où ils le veulent, à l'image de l'« opposant officiel » Affi N'Guessan. 

C'est donc dans ce contexte que se justifie la mise en place d'une telle coalition. Rappelons que cette coalition n'a pas pour but déclaré de présenter un candidat unique à présenter face à Ouattara lors des élections censées se dérouler dans moins de six mois, mais simplement de chercher à créer un cadre dans lequel chacun sera libre de s'exprimer et de dire ce qu'il a à dire, malgré les divergences. Les marxistes véritables partout dans le monde et dans l'histoire défendent et ont toujours défendu la liberté d'expression y compris de nos opposants les plus féroces. La liberté d'expression, de réunion, d'organisation… font partie des acquis démocratiques obtenus par la lutte par les générations de révolutionnaires qui nous ont précédés. Nous ne pouvons donc transiger là-dessus. Nous avons beau ne pas être d'accord avec ce qu'un Banny a à nous dire, il faut au moins qu'il puisse le dire ! Et nous serons prêts à nous battre pour cela, aux côtés de la CNC. 

C'est pourquoi le CIO-CI participe dores et déjà aux actions de la CNC où il espère lui aussi pouvoir avoir son mot à dire et voir sa liberté d'expression respectée lors des différentes manifestations de cette coalition.

Cependant, nous avons quelques réserves et mises en garde à faire. Il est clair pour nous qu'il ne faut pas avoir la moindre illusion dans ce que cette coalition sera capable d'arracher par elle-même. Il ne s'agit somme toute que d'une alliance entre politiciens de droite et de centre-gauche, appuyée par la faction « frondiste » du FPI. Or, ce n'est pas par des beaux discours qu'on forcera le régime à concéder des ouvertures démocratiques. Ce régime ne connait que la force, et la seule force que la population a à sa disposition est la force du nombre, si celle-ci est correctement canalisée au moyen de manifestations, marches, grèves, barrages et occupations. Le FPI est capable de mettre en place un tel rapport de force, pour peu qu'il adopte un discours qui puisse véritablement parler au peuple et partir des besoins concrets du moment. Cependant, les nouveaux alliés du FPI, en tant que membres de l'élite dirigeante, ne sont pas prêts à faire usage de telles tactiques de lutte de masse, car cela ne coïncide pas avec leurs objectifs. Du coup, soit la coalition risque d'éclater, soit elle risque de ne rien obtenir.

Il faut aussi discuter de cette question cruciale : de quel changement parlons-nous ? Qui suit un tant soit peu l'actualité internationale comprend bien que le système politique qui nous est imposé ici en Côte d'Ivoire n'est qu'une émanation de la crise économique mondiale. Nous sommes entrés dans une ère d'austérité où les budgets des États sont coupés, où tout est fait pour tenter désespérément de convaincre des grands patrons d'investir les milliards de milliards qui dorment inutilisés sur des comptes en banque en « attendant des jours meilleurs » qui ne viendront pas, où la démocratie est de moins en moins la norme, y compris dans les pays développés (aujourd'hui on tue des manifestants en France et l'armée patrouille dans les rues en Belgique tandis que les syndicalistes sont mis sur écoute et dispersés aux États-Unis). 

Alors, on aura beau élire un président dont le style d'expression sera peut-être différent de celui d'Alassane, on peut déjà prédire que la politique menée sera au final la même. Au lieu d'avoir un gouvernement qui nous criera « Vos salaires sont coupés pian ! », on aura quelqu'un qui viendra les larmes aux yeux nous expliquer en quoi il est nécessaire de couper nos salaires pour le bien de la nation, chiffres à l'appui. Mais au final, les salaires seront quand même coupés !

C'est pourquoi, tout en soutenant la lutte pour la démocratie en Côte d'Ivoire et la Coalition nationale pour le changement, nous continuons à appeler la base du FPI à s'organiser en vue d'une refondation idéologique du parti sur ses bases : le socialisme. Ce n'est qu'en menant une lutte révolutionnaire en vue d'un changement de système que l'on pourra à la fois contraindre le régime à des ouvertures démocratiques tout en faisant progresser le combat pour une société où les richesses nationales (agriculture, industrie, ports, infrastructures, banques…) appartiennent au peuple et sont réinvesties et redistribuées pour toute la population. C'est-à-dire qu'il ne suffit pas de vouloir libérer Gbagbo ! Suivre un tel programme donnerait au FPI tous les outils nécessaires pour se défaire facilement de ses adversaires, rallier la nation derrière lui et revenir à la tête du combat pour un monde plus juste. À ce moment-là, on n'aurait même plus besoin d'entrer dans de telles alliances contre nature. Le FPI est-il prêt ?

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