Pour l'unité des
travailleurs turcs et kurdes !
Les deux attaques
terroristes à Ankara qui se sont suivies en moins d'un mois ont non
seulement emporté de nombreuses vies innocentes, mais ont également
été extrêmement utiles au régime du président Erdoğan. Elles ont en effet totalement discrédité la lutte du peuple kurde pour sa liberté aux yeux d'une grande partie de la
population turque.
En
termes de méthodes employées et de leur résultat, ce genre
d'attentats terroristes ne diffère en rien des attaques perpétrées
contre les Kurdes, les travailleurs et les socialistes par les
bandits djihadistes à la solde d'EI. Le terrorisme n'est pas la
solution pour aller vers un monde libéré de la violence et de
l'oppression.
Quelle qu'en soit la justification, le CIO ne pourra
jamais cautionner des méthodes de lutte qui servent en réalité les
intérêts de la classe dirigeante, puisqu'elles servent à
discréditer la lutte légitime du peuple kurde aux yeux de la
population. Le terrorisme individuel est la pire méthode qui se
puisse employer.
– Sosyalist Alternatif (section du CIO en Turquie)
Ces deux attaques
terroristes se sont produites au cœur des deux plus grandes villes
de Turquie. 42 personnes sont décédées suite à ces
attentats. L'un, à Ankara, a été revendiqué par les TAK, les
Faucons de la liberté du Kurdistan (Teyrêbazên Azadiya
Kurdistan) ; l'autre,
à Istanbul, est l'œuvre de l'État islamique.
Comme ces attaques
visent directement des civils et causent des craintes et de
l'inquiétude, ceux qui défendent le régime tentent de nous faire
croire que tout cela fait partie du « destin ». Ainsi,
M. Abdulkadir Aksu, un célèbre journaliste pro-AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi, Parti de la justice et du développement, le parti au pouvoir), a déclaré
que nous devons « nous habituer » à vivre avec le
terrorisme.
Le président
Erdoğan et son Premier ministre Davutoğlu ont tenté d'accuser les
Kurdes et le PYD (Parti de l'union démocratique – Partiya Yekîtiya Demokrat – le parti des Kurdes de Syrie) pour l'attentat de janvier, en guise de prétexte
pour une intervention militaire en Syrie et en particulier au Rojava
(la zone contrôlée par les Kurdes, au nord de la Syrie et à la frontière turque). Le régime cherche à utiliser
ces derniers attentats pour accuser de terrorisme toute personne qui
lui résiste, ce qui lui donnerait le droit de réprimer. Selon la logique du régime, le terme de « terrorisme »
devrait finir par s'appliquer à l'ensemble des opposants à
Erdoğan ! Il a même déjà concocté le concept du « terroriste
désarmé », qu'il a d'ailleurs déjà commencé à utiliser.
Erdoğan, qui adore
s'opposer aux États occidentaux dans ses discours, ne fait en
réalité que les imiter. Erdoğan et le gouvernement AKP utilisent
les mêmes méthodes que les gouvernements impérialistes des
États-Unis, de France et autres, en saisissant la moindre occasion
qui s'offre à eux pour restreindre les droits démocratiques et
renforcer les pouvoirs de la police. Ils comptent passer des lois
allant dans ce sens, forts du sentiment de crainte que la dernière
attaque a forcément suscité parmi de larges couches de la
population.
Toutes les lois et
régulations prévues par Erdoğan et par son gouvernement sont
destinées à réprimer l'ensemble des revendications et droits des
travailleurs turcs et kurdes. Tout cela sert une fin politique, qui
est d'empêcher le moindre mouvement de se développer contre la
corruption, le chômage, la cherté de la vie et la destruction de
l'environnement (comme à Artvin où la population s'est
organisée contre des activités minières afin de protéger le cadre naturel), en plus de contrer les revendications des Kurdes pour
plus de droits nationaux. Ces lois seront utilisées contre les
métallurgistes qui se battent pour de meilleurs salaires, et contre
tout autre mouvement ouvrier qui surviendra dans la période à
venir.
Erdoğan et l'AKP
sont responsables
Erdoğan et ses
partisans du gouvernement AKP sont les premiers responsables de cette
situation. Ils ont transformé la question kurde en une véritable guerre
civile et ont soutenu des groupes djihadistes, poussés par
leurs ambitions impérialistes « néo-ottomanes » vis-à-vis de la Syrie.
Aucun attentat
terroriste ne pourra jamais empêcher un État de perpétrer des
massacres. La population kurde connait une véritable tragédie
depuis juillet 2015. Suite aux élections de juin qui ont vu une
importante percée du HDP, Parti démocratique du peuple (Halkların Demokratik Partisi, de gauche majoritairement kurde, mais pas seulement), Erdoğan a
mis un terme brutal aux négociations avec les Kurdes pour se lancer
dans une grande guerre au nom de la lutte « antiterroriste »
en utilisant l'ensemble des sections des forces armées.
La situation
à Cizre [pron. « Djizré »] après un couvre-feu de trois mois est semblable à celle
que l'on connait à Alep ou à Kobanê, détruites par le siège des
troupes de EI. Le mois passé, 200 civils, dont de nombreux
blessés, ont été enfermés dans le sous-sol d'un bâtiment et tués
devant les yeux de toute la Turquie. Rester insensible face à un tel
massacre contre les Kurdes revient à garder le silence sur les
attaques terroristes qui se produisent à Ankara et à İstanbul.
L'AKP n'a jamais
hésité à soutenir des organisations djihadistes ultraviolentes,
poussé par ses ambitions « néo-ottomanes » et par la
peur de voir son « cauchemar » se réaliser : voir
les Kurdes du nord de la Syrie prendre leur indépendance. C'est pour
ça que l'État turc s'est tourné vers les djihadistes. Ces
djihadistes ont commis des attaques contre les Kurdes, contre des
syndicalistes, contre des socialistes et contre des touristes non
musulmans. Ces bouchers ont tué 33 jeunes socialistes à Suruç,
102 manifestants demandant « La paix, la démocratie et du
travail » à Ankara et 16 touristes à İstanbul.
Apparemment, EI n'a pas visé les forces étatiques. Lorsqu'il
commencera à s'en prendre à l'État, ce sera le début de la
« pakistanisation » de la Turquie. Les partisans de EI en
Turquie et les militants qui combattent dans leurs rangs en Syrie
apprécieraient certainement de faire de la Turquie un nouvel
Afghanistan ou un nouveau Pakistan, où toute l'infrastructure
sociale est détruite et où des gens perdent la vie chaque jour ;
bien que la société turque soit bien plus développée que dans ces
pays et que la classe ouvrière y soit beaucoup plus forte.
Pendant ce temps,
Erdoğan et son gouvernement continuent à accuser chaque voix
critique et chaque opposant au régime d'être des agents étrangers
ou de soutenir le terrorisme. Les journalistes Can Dündar et Erdem Gül ont ainsi été accusés
et condamnés pour espionnage après avoir révélé des
documents d'État sur la politique de soutien à des forces
djihadistes. Se taire face à cette situation revient à accepter la
« pakistanisation » de notre pays.
Nos méthodes sont
les grèves, les marches et les occupations
Il est vraiment
ironique de constater que les deux attaques perpétrées par les TAK
qui prétendent lutter ainsi pour les droits du peuple kurde sont
perçues aux yeux de la population comme identiques à celles
perpétrées par EI qui décapite des gens ou les brule vivants sans
distinction.
Dans son interview à
la BBC, M. Serhat Varto, porteparole du KCK, Groupe des
communautés du Kurdistan (Koma Civakên Kurdistan, lié au PKK),
disait : « Nous ne luttons pas uniquement pour le peuple
kurde. Nous luttons pour que l'ensemble des peuples de Turquie
puissent vivre dans l'égalité, dans la liberté et dans la
fraternité … De tels actes nuisent à nos objectifs. Nous appelons
tout le monde à tout faire pour éviter cela. Tout en accomplissant
des actions orientées contre les forces étatiques, nous devons nous
distancer des attitudes qui pourraient nuire au désir et à la
volonté de coexistence des différents peuples ». Il a nié
tout lien avec les attaques. Cependant, on peut encore douter du fait
que les attaques perpétrées par les TAK le soient sans que le PKK (Parti des travailleurs kurdes, ex-stalinien et anciennement partisan de la lutte armée) ne soit consulté.
Si cette situation
continue, il sera de plus en plus difficile de construire une unité
entre la lutte légitime du peuple kurde et la lutte de la classe
prolétaire au sens large. Le HDP a condamné les attentats
terroristes. Cette prise de position correcte a déçu Erdoğan et
les nationalistes. Sosyalist Alternatif (militants du CIO en Turquie)
applaudit cette déclaration du HDP. La population qui vit dans
l'ouest de la Turquie n'est pas responsable des massacres accomplis
par l'État contre les Kurdes de Turquie ou de Syrie ; les
citoyens Kurdes qui réclament des droits démocratiques ne sont pas
eux non plus responsables des attaques terroristes.
Il faut une lutte
contre Erdoğan et l'AKP. Un régime qui détruit jusqu'aux derniers
vestiges de la légalité, qui arrête des professeurs d'université
pour le simple fait d'avoir signé une déclaration en faveur de la
paix, qui enferme des journalistes qui n'ont rien fait d'autre que
leur travail, qui répond à la moindre petite manifestation par des
canons à eau, – un tel régime ne peut survivre que par la
division systématique de la population.
Nous devons rejeter toute
tentative de la part de la classe dirigeante de maintenir son règne
en nous divisant. Si nous regardons la réalité de la lutte de
classes, nous remarquons que nous sommes une immense majorité, et
qu'ils ne sont qu'une poignée de gens. Nous sommes plus forts, à
condition que nous soyons organisés consciemment pour cette lutte.
La classe ouvrière détient un grand pouvoir au sein du processus de
production et de l'économie dans son ensemble. Rien ne pourra jamais
changer tant que nous ne déclenchons pas ce pouvoir par des grèves,
des marches et des occupations de masse.
Non à la guerre,
aux massacres et à l'exploitation, que ce soit à Ankara ou à
Cizre !
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