Quand les revendications légitimes des
travailleurs sont rangées au placard !
Ce 1er mai 2016 semblait très
attendu de tous les Ivoiriens, travailleurs comme non-travailleurs
(ces derniers vivant souvent chez ces premiers), vu la grogne sociale visible sur toute la ligne de front.
En effet, partout les gens se
plaignaient des prix élevés des denrées alimentaires (la flambée
des prix du manioc, de la banane, de la viande et de la tomate…), du renouvèlement du permis de conduire décrété par le
tout puissant ministre Gaoussou sans aucune forme d'explication, de l'augmentation de nos factures d'eau et d'électricité, sans oublier
les troubles survenus en avril à l'université publique.
Bref ! Partout on annonçait le
dépôt de préavis de grève à la fonction publique, dans les
hôpitaux, dans les écoles…… La liste était trop longue, et
tout le monde craignait que le Palais n'explose ce 1er Mai suite
à un affrontement entre nos dirigeants et leurs invités du jour.
Or, les gens avaient oublié que « notre » président
maitrise à fond l'art de déplacer les problèmes sans jamais leur
trouver une solution efficace.
– camarade Zova
En effet, prenant la parole, le chef de
l'État commence à exprimer sa gratitude envers les travailleurs
qui, dit-il, lui ont permis de relever le pays et de faire face à
tous les défis qu'il a connus. Poursuivant, ADO ajoutera que cette
reconnaissance aux travailleurs se traduit par l'augmentation du
SMIG, des investissements dans la santé, l'éducation et les
infrastructures routières (On dirait pas hein, parce que des parents
paient encore cher pour soigner et scolariser leurs enfants ! sans compter la route qui elle aussi devient payante…) Enfin,
Ouattara justifie à quoi ont servi les fruits de sa croissance à
nulle autre pareille. Notamment les revalorisations sociales, la
création d'emplois, la hausse des revenus des paysans qui est passée
de 300 à 500 milliards en 2015, soit une hausse de 67 %.
Cet homme est un vrai banquier !
Il a une maitrise parfaite des chiffres ! Là où il va nous
surprendre, c'est lorsqu'il apprend à ceux qui viennent d'arriver en
Côte d'Ivoire pour la première fois, que le prix d'achat du cacao
aurait désormais atteint le seuil symbolique de 1000 fr CFA par kilo.
Par ailleurs, selon Ouattara, l'argent de la croissance aurait servi à la
« scolarisation obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans »,
la création de centaines d'établissements scolaires et
d'universités à l'intérieur du pays, la signature d'un protocole
avec les fondateurs d'établissements privés pour sortir
définitivement du cycle infernal des passifs accumulés depuis les
années '2000, ainsi que la création d'un ministère et d'une
agence spécifiquement dédiés à l'emploi des jeunes et la mise en
place d'un fonds d'appui aux femmes de Côte d'Ivoire (FAFCI). Autant de mesures invisibles ?
À propos de la sécurité dont ont
parlé les différentes centrales, je me demande bien si notre chef
et ses convives du jour se sont compris. En effet, alors que les
centrales font référence à l'incurable phénomène des microbes
qui a sévi ces derniers temps à Abidjan, ADO a quant à lui rappelé
les douloureux évènements de Grand Bassam et salué la bravoure
avec laquelle son armée les a canalisés. C'est aussi ça, un
« chef » hein, que voulez-vous ? Est-ce qu'il n'a
pas répondu à la question de la sécurité ?
Quant à la réconciliation et la
cohésion sociale, Ouattara dit avoir donné des instructions au
ministre de tutelle pour la reprise du dialogue politique avec les
partis de l'opposition avant de rappeler sa formule devenue proverbe
depuis peu : « Si nous voulons être un pays moderne, il
faut allier le pardon à l'État », qu'il utilise pour
justifier la détention (pour la plupart sans jugement) de centaines
d'opposants politiques.
Cependant, que dit Ouattara dans tout
ça des préoccupations fâcheuses qui dominent l'actualité ?
Avant de répondre, l'homme fort d'Abidjan fera cette mise en garde :
« Je voudrais donc que les syndicats et leurs faitières
sensibilisent leurs membres, afin que l'exercice légitime de leurs
droits ne dégénère pas en chantage ou en prise d'otage de la
structure qui les emploie ou de la communauté » – il
s'agit d'une attaque en bonne et due forme contre le droit de grève !
Poursuivant, Ouattara reconnait la légitimité des préoccupations
des travailleurs ; il s'exclame d'ailleurs devant l'augmentation
de l'eau et de l'électricité – effet de communication ou
sincérité ? seules les divinités pourront répondre –
où il promet que le trop perçu sera rendu à tous les abonnés,
avant de proposer une ouverture (comme si c'était ça qui allait
régler le problème !) des secteurs de l'eau et de
l'électricité à la concurrence. Mais comme le brave tchè est
tellement sûr de son idée, il crie fort : « Oui, c'est
la concurrence qui fera baisser le prix de l'électricité ! ».
Quant à la mesure fantaisiste du
renouvèlement du permis de conduire voulue par sieur Gaoussou, ADO a
demandé sa suspension pure et simple.
Le chef de l'État reconnait également
que les prix des denrées alimentaires élevés ne sont pas à la
portée des Ivoiriens, même s'il tente en vain d'ironiser sur la
question. Mais là encore, aucune solution concrète, si ce n'est que
la rareté du manioc ne serait pas seulement due à la sècheresse,
mais aussi au remplacement des champs de manioc par des plantations
d'hévéa. Un agent de développement nous est maintenant né. Bravo
président !
C'est presque à la fin de son
allocution que notre président va demander aux travailleurs de
déployer davantage d'efforts pour augmenter leur production et donc,
le revenu de l'État (?), ce qui lui permettrait, à lui, de réaliser
son vœu le plus cher : l'émergence de la Côte d'Ivoire.
En guise de conclusion, ADO va clore son discours avec cette
phrase qui continue certainement de troubler la tête des dirigeants
de nos centrales syndicales : « Comme l'a indiqué le
ministre Moussa Dosso, vos doléances feront l'objet d'un examen par
le gouvernement d'ici là, j'ai décidé que le gouvernement débloque
un montant de 800 millions de francs pour soutenir les centrales
syndicales ».
800 millions pour soutenir les
centrales syndicales, certes, mais pour quoi faire ? Pour
qu'elles puissent intensifier leur lutte ? Ce qui serait une
bonne chose étant donné que les dirigeants eux-mêmes ont reconnu
la pertinence de leurs revendications auxquelles aucune solution
concrète n'a été proposée. Ou pour baisser la garde et abandonner
finalement les revendications légitimes des travailleurs ? Ce
qui serait considéré comme une haute trahison et donc passif de la
destitution des responsables de ces centrales au cours d'assemblées
générales organisées avec leurs bases.
En tout état de cause, les nombreux
fonctionnaires et travailleurs de notre pays ont le regard tourné
vers les responsables de leurs structures qui, depuis qu'ils ont reçu
cette cagnotte, se sont murés dans un silence suspect malgré la
non-satisfaction de leurs revendications légitimes.
Voilà comment on désamorce une bombe
sociale en Côte d'Ivoire !
Les travailleurs ivoiriens, toute ouïe devant sa majesté. Rien de concret sauf les 800 millions à prendre avec le sourire ? |
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