vendredi 1 juillet 2016

CI : Discours d'Alassane Ouattara face aux travailleurs ce 1er mai 2016

Quand les revendications légitimes des travailleurs sont rangées au placard !


Ce 1er mai 2016 semblait très attendu de tous les Ivoiriens, travailleurs comme non-travailleurs (ces derniers vivant souvent chez ces premiers), vu la grogne sociale visible sur toute la ligne de front.

En effet, partout les gens se plaignaient des prix élevés des denrées alimentaires (la flambée des prix du manioc, de la banane, de la viande et de la tomate…), du renouvèlement du permis de conduire décrété par le tout puissant ministre Gaoussou sans aucune forme d'explication, de l'augmentation de nos factures d'eau et d'électricité, sans oublier les troubles survenus en avril à l'université publique.

Bref ! Partout on annonçait le dépôt de préavis de grève à la fonction publique, dans les hôpitaux, dans les écoles…… La liste était trop longue, et tout le monde craignait que le Palais n'explose ce 1er Mai suite à un affrontement entre nos dirigeants et leurs invités du jour. Or, les gens avaient oublié que « notre » président maitrise à fond l'art de déplacer les problèmes sans jamais leur trouver une solution efficace.

camarade Zova



En effet, prenant la parole, le chef de l'État commence à exprimer sa gratitude envers les travailleurs qui, dit-il, lui ont permis de relever le pays et de faire face à tous les défis qu'il a connus. Poursuivant, ADO ajoutera que cette reconnaissance aux travailleurs se traduit par l'augmentation du SMIG, des investissements dans la santé, l'éducation et les infrastructures routières (On dirait pas hein, parce que des parents paient encore cher pour soigner et scolariser leurs enfants ! sans compter la route qui elle aussi devient payante…) Enfin, Ouattara justifie à quoi ont servi les fruits de sa croissance à nulle autre pareille. Notamment les revalorisations sociales, la création d'emplois, la hausse des revenus des paysans qui est passée de 300 à 500 milliards en 2015, soit une hausse de 67 %.

Cet homme est un vrai banquier ! Il a une maitrise parfaite des chiffres ! Là où il va nous surprendre, c'est lorsqu'il apprend à ceux qui viennent d'arriver en Côte d'Ivoire pour la première fois, que le prix d'achat du cacao aurait désormais atteint le seuil symbolique de 1000 fr CFA par kilo. Par ailleurs, selon Ouattara, l'argent de la croissance aurait servi à la « scolarisation obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans », la création de centaines d'établissements scolaires et d'universités à l'intérieur du pays, la signature d'un protocole avec les fondateurs d'établissements privés pour sortir définitivement du cycle infernal des passifs accumulés depuis les années '2000, ainsi que la création d'un ministère et d'une agence spécifiquement dédiés à l'emploi des jeunes et la mise en place d'un fonds d'appui aux femmes de Côte d'Ivoire (FAFCI). Autant de mesures invisibles ?

À propos de la sécurité dont ont parlé les différentes centrales, je me demande bien si notre chef et ses convives du jour se sont compris. En effet, alors que les centrales font référence à l'incurable phénomène des microbes qui a sévi ces derniers temps à Abidjan, ADO a quant à lui rappelé les douloureux évènements de Grand Bassam et salué la bravoure avec laquelle son armée les a canalisés. C'est aussi ça, un « chef » hein, que voulez-vous ? Est-ce qu'il n'a pas répondu à la question de la sécurité ?

Quant à la réconciliation et la cohésion sociale, Ouattara dit avoir donné des instructions au ministre de tutelle pour la reprise du dialogue politique avec les partis de l'opposition avant de rappeler sa formule devenue proverbe depuis peu : « Si nous voulons être un pays moderne, il faut allier le pardon à l'État », qu'il utilise pour justifier la détention (pour la plupart sans jugement) de centaines d'opposants politiques.

Cependant, que dit Ouattara dans tout ça des préoccupations fâcheuses qui dominent l'actualité ? Avant de répondre, l'homme fort d'Abidjan fera cette mise en garde : « Je voudrais donc que les syndicats et leurs faitières sensibilisent leurs membres, afin que l'exercice légitime de leurs droits ne dégénère pas en chantage ou en prise d'otage de la structure qui les emploie ou de la communauté » – il s'agit d'une attaque en bonne et due forme contre le droit de grève ! 

Poursuivant, Ouattara reconnait la légitimité des préoccupations des travailleurs ; il s'exclame d'ailleurs devant l'augmentation de l'eau et de l'électricité – effet de communication ou sincérité ? seules les divinités pourront répondre – où il promet que le trop perçu sera rendu à tous les abonnés, avant de proposer une ouverture (comme si c'était ça qui allait régler le problème !) des secteurs de l'eau et de l'électricité à la concurrence. Mais comme le brave tchè est tellement sûr de son idée, il crie fort : « Oui, c'est la concurrence qui fera baisser le prix de l'électricité ! ».

Quant à la mesure fantaisiste du renouvèlement du permis de conduire voulue par sieur Gaoussou, ADO a demandé sa suspension pure et simple.

Le chef de l'État reconnait également que les prix des denrées alimentaires élevés ne sont pas à la portée des Ivoiriens, même s'il tente en vain d'ironiser sur la question. Mais là encore, aucune solution concrète, si ce n'est que la rareté du manioc ne serait pas seulement due à la sècheresse, mais aussi au remplacement des champs de manioc par des plantations d'hévéa. Un agent de développement nous est maintenant né. Bravo président !

C'est presque à la fin de son allocution que notre président va demander aux travailleurs de déployer davantage d'efforts pour augmenter leur production et donc, le revenu de l'État (?), ce qui lui permettrait, à lui, de réaliser son vœu le plus cher : l'émergence de la Côte d'Ivoire.

En guise de conclusion, ADO va clore son discours avec cette phrase qui continue certainement de troubler la tête des dirigeants de nos centrales syndicales : « Comme l'a indiqué le ministre Moussa Dosso, vos doléances feront l'objet d'un examen par le gouvernement d'ici là, j'ai décidé que le gouvernement débloque un montant de 800 millions de francs pour soutenir les centrales syndicales ».

800 millions pour soutenir les centrales syndicales, certes, mais pour quoi faire ? Pour qu'elles puissent intensifier leur lutte ? Ce qui serait une bonne chose étant donné que les dirigeants eux-mêmes ont reconnu la pertinence de leurs revendications auxquelles aucune solution concrète n'a été proposée. Ou pour baisser la garde et abandonner finalement les revendications légitimes des travailleurs ? Ce qui serait considéré comme une haute trahison et donc passif de la destitution des responsables de ces centrales au cours d'assemblées générales organisées avec leurs bases.

En tout état de cause, les nombreux fonctionnaires et travailleurs de notre pays ont le regard tourné vers les responsables de leurs structures qui, depuis qu'ils ont reçu cette cagnotte, se sont murés dans un silence suspect malgré la non-satisfaction de leurs revendications légitimes.


Voilà comment on désamorce une bombe sociale en Côte d'Ivoire !

Les travailleurs ivoiriens, toute ouïe devant sa majesté.
Rien de concret  sauf les 800 millions à prendre avec le sourire ?

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