jeudi 16 août 2018

CI : Affaire Bendjo

Toujours le même opportunisme


Le maire du Plateau, Noël Akossi Bendjo, récemment « révoqué » par le Conseil des ministres pour faux et usage de faux (une accusation dont on n'a toujours pas vu la moindre preuve), a de son exil parisien officialisé le nouveau slogan : « Redonnons vie à notre terre d'espérance ». Comme quoi le ridicule ne tue pas.
Ce nouveau slogan est semble-t-il celui du PDCI dans le but de fédérer l'opposition derrière lui. Il a été dévoilé lors d'une cérémonie ce dimanche 12 aout, sous les auspices du président Bédié (« un homme exceptionnel, qui toute sa vie a consenti d’immenses sacrifices pour son parti et son pays »), à laquelle ont notamment pris part le FPI et le Cojep. Comme d'habitude, on peinera à trouver la moindre trace d'un programme politique ou d'une revendication concrète.
Le FPI et le Cojep confirment donc ainsi le caractère bourgeois ou petit-bourgeois de leur opposition. Pour eux, toutes les alliances sont permises, tant que ça va dans le sens d'un rapprochement de la mangeoire étatique. « L'ennemi de mon ennemi est mon ami ». Pas besoin de se soucier de savoir qui est monsieur Bendjo, ce qu'il a fait ou n'a pas fait. La seule chose qui compte est qu'il soit pour l'heure opposé à Ouattara. Le reste, on s'en fout.

Quelle lutte contre la corruption ?
La question de la corruption de M. Bendjo mérite pourtant d'être soulevée. Il est évident que l'argument de la corruption est un outil très utile pour tout régime désireux de se débarrasser d'éventuels adversaires. L'ensemble de notre caste dirigeante est par nature corrompue. Il est donc extrêmement facile, en cas de nécessité, de trouver des éléments tendant à démontrer la corruption de telle ou telle personne. Tant les petits trafics de comptabilité sont monnaie courante. On le voit au Nigeria aussi, où la soi-disant guerre contre la corruption menée par M. Buhari a été extrêmement sélective, s'attaquant exclusivement aux cadres de l'ancienne administration Jonathan. Dans les pays développés aussi, il aura fallu en France que M. Sarkozy quitte le pouvoir pour voir le début d'une enquête contre lui.
Il est donc évident que le gouvernement Ouattara agit de façon opportuniste en choisissant exactement ce moment-ci pour « révoquer » M. Bendjo, sans l'ombre du début d'un jugement ; tout comme ce n'est pas un hasard si c'est précisément aujourd'hui qu'il a décidé d'amnistier les dirigeants du FPI. Tout cela répond à des objectifs politiques. La manière dont s'est effectuée la révocation de M. Bendjo est donc à dénoncer.
Mais faut-il pour autant partir soutenir ce monsieur comme s'il était entièrement propre ? Quand deux voleurs se battent, faut-il forcément aller les départager pour savoir qui est le moins voleur des deux ? En tant que socialistes, nous sommes contre la corruption. Une position correcte de la part des dirigeants de l'opposition serait d'exiger que la lumière soit faite sur cette affaire, tout en appelant à un scrutin populaire pour élire un maire intérimaire, tout en présentant leur propre candidat avec un programme convainquant pour la gestion de la commune. En même temps, il faudrait appeler à des mesures énergiques pour débusquer la corruption à tous les niveaux, en encourageant la population à une grande campagne de dénonciations publiques, et en mettant sur pied des tribunaux populaires pour juger chaque personne accusée.

La corruption n'est que l'arbre qui cache la forêt
D'ailleurs, la corruption n'est qu'une facette de l'ampleur du problème. Quand monsieur Bictogo profite de ses relations pour obtenir des marchés juteux avec l'État, cela est parfaitement légal. Mais c'est pourtant une forme de corruption. Quand monsieur Ouattara se sert de la crise ivoirienne pour aider ses proches à réaliser des opérations de spéculation fructueuses sur le cacao, cela est répréhensible, mais c'est à nouveau parfaitement légal.
M. Bendjo a fait partie pendant des années de conseils d'administration de grandes structures financières et industrielles (NSIA, BIAO, SIR…) et autres partenariats avec des structures de l'impérialisme (FMI, Banque mondiale, Forum économique mondial…), participant activement à l'exploitation de la population ivoirienne.
M. Bendjo est un cadre du capitalisme, il fait partie intégrante de cette caste de parasites qui s'engraissent de notre sueur et de notre sang, tout en bradant le patrimoine national. Cela est évidemment légal aux yeux du système. Mais ce n'est pas quelque chose que nous cautionnons. Le FPI et le Cojep, eux, cautionnent. Ces partis ne sont donc pas du côté du prolétariat. Ce sont des partis bourgeois.
Nous sommes pour un système de gouvernement dans lequel les dirigeants ne recevront pas plus que le salaire moyen d'un travailleur qualifié. Nous ne trouvons pas cela normal que des leaders du Front « populaires » comme Lida Kouassi Moïse se plaignent qu'on leur ait volé huit véhicules après leur arrestation, quand la majorité de la population est contrainte de marcher, faute de moyens de transport public corrects. Pour nous, les dirigeants qui prétendent « consentir à d’immenses sacrifices pour leur parti et leur pays » doivent connaitre le même sort que le peuple qu'ils prétendent gouverner, et non pas se construire des palais dans leur village ou aller se faire soigner à Paris à chaque fois qu'ils ont un peu mal aux dents.

Le Plateau – une commune en déliquescence sous monsieur Bendjo
De plus, soutenir M. Bendjo reviendrait à cautionner sa politique de gestion de la commune du Plateau depuis près de 20 ans. Or que constatons-nous ? Le Plateau, présenté partout comme la fierté d'Abidjan, le centre des affaires de la Côte d'Ivoire – donc de l'Afrique de l'Ouest, est en réalité un calvaire la journée, une ville fantôme la nuit. Il fut un temps où c'était un véritable centre urbain rempli de cafés, de cinémas, de centres commerciaux dynamiques, où la population se retrouvait pour passer la soirée. Aujourd'hui, c'est à peine si on trouve un trottoir pour s'y promener. En même temps, il est quasiment impossible d'y accéder sans être véhiculé, puisque le même maire a déguerpi les gares de wôrô-wôrô et de gbakas.
Des gens comme M. Bendjo ont pourtant l'habitude de visiter de véritables centres urbains en Europe. On ne dirait pas. Notre vision du Plateau est celle d'un quartier purement piétonnier, entouré de grands parking souterrains gratuits en bord de lagune (qui seront à terme reliés entre eux pour permettre une circulation entièrement souterraine), avec un système d'ascenseurs et d'escaliers automatiques permettant de passer facilement de haut en bas. Les rues, débarrassées des voitures, seront équipées de larges trottoirs avec des minibus gratuits qui suivront des lignes fixes à échéances régulières (maximum 5 minutes), reliant entre eux tous les points stratégiques de la commune ainsi que la gare Sotra et la gare lagunaire. Des logements sociaux seront aménagés pour repeupler cette commune en perdition. On créera de grands espaces gastronomiques à prix modique où les fonctionnaires et autres travailleurs pourront manger et se détendre. Les différents bâtiments seront reliés entre eux à plusieurs niveaux (passerelles au niveau des étages) pour faciliter le transit et permettre la création de nouveaux espaces commerciaux et de loisir. Les tours à l'abandon (comme le Pyramide) seront réquisitionnées pour être réhabilitées par l'État. Différentes structures seront mises en place pour l'accueil des touristes. Les déchets seront ramassés chaque jour par des brosses automatiques, comme cela se fait dans les grandes villes modernes. Tout cela, dans le cadre plus global d'une économie socialiste.
Une véritable opposition politique, surtout une opposition se disant « populaire », « patriotique » ou « socialiste », aurait sauté sur l'occasion pour dénoncer la gestion profondément bourgeoise et antisociale du Plateau par M. Bendjo et la régression de cette commune entre ses mains depuis toutes ces années, tout en proposant sa propre alternative. Au lieu de cela, on voit ces gens se précipiter chez lui pour le soutenir, et applaudir son soi-disant slogan de « Redonner la vie à notre terre d'espérance » – en faisant quoi, on se le demande ? S'il s'agissait de nous faire rire, au moins, c'est réussi.
Être leader, cela signifie avoir une vision. Mais les opposants qui prétendent vouloir nous diriger dans deux ans n'ont rien à proposer : pour eux, seul compte le positionnement afin de pouvoir s'accrocher à la mangeoire.

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