Le problème du RDR n'est pas l'origine de ses candidats, mais la nature de son programme !
Nous écrivions la semaine passée que
la libération des prisonniers politiques par le régime devait
certainement répondre à un objectif politique de ce même régime
plus qu'à de supposées « pressions » qui n'ont jamais
véritablement existé. Après la sortie de Mme Gbagbo sur
l'Éternel des armées, voici M. Lida Kouassi qui repart dans
une polémique. Tout cela confirme donc la double utilité de leur
libération : 1) mélanger l'opposition à l'heure où Bédié
est devenu opposant ; 2) effrayer la population nordiste pour la
forcer à revoter RDR alors qu'elle était de plus en plus découragée
du régime en place et de sa politique antisociale (et qui finalement
ne contribue aucunement au développement du Nord).
Que dit en substance M. Lida
Kouassi ? Qu'il est anormal qu'en pays dida, le RDR présente un
candidat dioula. Le monsieur a rectifié sa position quelques jours
après pour dire qu'il n'est pas contre le fait qu'un Dioula se
présente à Lakota, mais qu'il voulait simplement faire ressortir le
fait que le RDR est un parti ethniciste.
Nous observons nous aussi effectivement
que l'immense majorité des députés du RDR sont des individus
portant des noms à consonance nordiste. Ceci dit, c'est le choix du
RDR. Si un Dioula se présente à Agboville, où la population n'est
pas majoritairement dioula, et qu'il se trouve une majorité de
votants pour élire ce Dioula, où est le problème ? En
réalité, le vrai problème du RDR est qu'il continue à imposer
dans les circonscriptions des candidats sans aucune consultation avec
sa base. Mais il n'est pas le seul parti de notre pays à avoir de
telles pratiques.
M. Lida Kouassi compare la
situation avec celle qui prévalait au temps d'Houphouët, où le
PDCI faisait l'effort de choisir des candidats parmi les ethnies
traditionnelles de chaque région. Mais il semble oublier que du
temps d'Houphouët, il n'y avait pas de partis d'opposition ni de
candidats indépendants ! De plus, la Côte d'Ivoire d'Houphouët
était un pays à base beaucoup plus agricole qu'il ne l'est
aujourd'hui, où l'autorité des chefs traditionnels comptait bien
plus que de nos jours. Houphouët se présentant comme le président
des planteurs, il était logique qu'il renforce cette base en
cooptant les candidats qui convenaient aux autorités terriennes.
Aujourd'hui, la majorité des Ivoiriens vivent en ville, ce sont des
prolétaires, ouvriers, employés ou de petits commerçants et
artisans. Le brassage interethnique est bien plus important, sans
oublier le fait que près d'un tiers de notre population cosmopolite
a des racines étrangères.
Si un candidat vous gêne, présentez
votre candidat ! Est-ce que c'est obligé de voter quelqu'un ?
On pourrait argumenter sur le fait que les élections en Côte
d'Ivoire ne sont pas totalement libres. C'est vrai. Mais cependant,
cela n'a pas empêché toute une série de candidats indépendants de
se faire élire contre l'avis de leurs directions, pendant que le FPI
boycottait chaque scrutin électoral et annonçait ensuite avec des
chiffres d'abstention farfelus… ce qui ne le rapprochait de toute
façon pas du pouvoir.
Car qu'a fait le FPI toutes ces
années ? Ce parti a démontré au cours des huit dernières
années que sans Laurent Gbagbo, il ne peut rien faire. Toute la
stratégie du parti, toutes les palabres entre militants ne tournent
qu'autour de la libération de Gbagbo. Certes, des mouvements ont été
organisés ici et là pour protester contre la réforme de la
constitution, etc. Mais où est le FPI quand il s'agit de lutter
contre la hausse du prix de l'électricité, contre les
déguerpissements, contre les licenciements abusifs dans les zones
industrielles, pour les arriérés de salaire dus aux fonctionnaires,
contre les conséquences des inondations, pour la réhabilitation des
résidences universitaires, etc. ? Le FPI laisse entendre qu'il
ne peut jouer le moindre rôle tant qu'il n'est pas revenu au
pouvoir, et cela ne peut se faire qu'une fois Laurent Gbagbo sorti de
prison.
Quand le FPI prétend qu'il vaut mieux
élire un candidat dida qu'un Dioula à Lakota, quand le FPI affirme
que Ouattara est inéligible en raison de sa nationalité douteuse,
etc. tout ce que ce parti fait, c'est confirmer qu'il n'a aucun
programme et aucune méthode pour faire appliquer son programme –
et qu'il n'est certainement pas de gauche.
En tant que socialistes, nous sommes
pour que chaque individu participe à la vie politique de là où il
se trouve, quelle que soit son ethnie, son âge ou sa nationalité,
quel que soit son état de santé physique ou mentale. Chacun doit
être libre de présenter s'il le désire – ce sera au peuple de
juger. Si le peuple désire voir un vieillard, un enfant ou un fou à
la tête du pays, c'est le choix du peuple. Celui qui est convaincu
du contraire doit mener campagne avec un programme politique
alternatif capable de convaincre les électeurs que l'élire lui
serait le meilleur choix. Mais les arguments dont le seul but est de
dénigrer un candidat sous prétexte qu'il serait étranger ne valent
rien.
Imaginons à présent que le RDR
présente un candidat dida à Lakota ? Est-ce que le RDR cessera
d'être un parti libéral antisocial pour autant ? Est-ce que
cela empêchera ce candidat de soutenir à l'assemblée nationale une
politique de déguerpissements, de cadeaux aux multinationales, de
privatisations et d'endettement ? Mais alors, c'est qu'il ne
s'agit pas d'un député RDR ! C'est que ce candidat aura trompé
son monde en se présentant sur la liste du RDR. Ou bien il
appliquera le programme du RDR en tant que député dida RDR et la
population dida s'en mordra les doigts, tout comme la population
dioula se plaint de la politique menée par les députés et les
ministres dioulas.
On le voit, quelle que soit la manière
de considérer la question, le discours du doyen n'a finalement aucun
sens et ne sert qu'à créer une division inutile au sein de la
population, tout en évitant de parler du programme du RDR, de peur
qu'on ne lui demande son programme à lui… Et tout cela ne fait
finalement que profiter au régime.
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