samedi 18 mai 2013

Italie : crise politique

La crise économique devient une crise politique et institutionnelle

 


Les derniers événements qui se sont produits dans la vie politique italienne marquent une nouvelle phase dans le développement de la crise de la troisième plus grande puissance industrielle européenne.

Article par Marco Veruggio, dirigeant de ControCorrente, section italienne du CIO



La tempête économique qui a dévasté l'économie italienne s'est tout d'abord transformée en une crise sociale, avant de se changer à présent en une crise institutionnelle.

Le chômage des jeunes dépasse aujourd'hui 30 %. Plus de 450 000 travailleurs risquent de se retrouver sans revenu d'un jour à l'autre, à cause du fait que les fonds prévus pour les allocations de licenciement payées par les gouvernements régionaux sont en train de s'assécher. En 2012, plus de mille entreprises ont fermé chaque jour. On voit de plus en plus de suicides : rien que dans la journée du 14 avril, un marchand de fruits et deux chômeurs se sont suicidés.

Dans ce contexte tragique, l'extrême fragmentation de la classe capitaliste italienne et l'absence d'une représentation politique des travailleurs produit une fragmentation similaire et une perte de contrôle de la part de ce qu'on appelle la “classe politique”. Les travailleurs, et de très grandes sections de la classe moyenne, accusent les politiciens de continuer à leur demander de faire des sacrifices, tout en restant en même temps en possession de tous leurs privilèges. Tandis que la bourgeoisie italienne, appelle d'un côté les partis à poursuivre leur politique antisociale sans écouter ce qui se dit dans les rues, de l'autre elle les critique pour leur incapacité à trouver un consensus afin de garantir la “gouvernabilité” et exige d'eux de mettre sur pied une “unité de classe” afin d'accomplir les réformes selon elle “nécessaires pour le pays”, c'est-à-dire nécessaires pour elle, au détriment des travailleurs et de la classe moyenne.

La vague croissante de suicides, tout comme l'acte extrême posé par un chômeur du Sud qui, pendant la prestation de serment des ministres, a tiré sur trois policiers de la garde parlementaire, déclarant après coup que sa véritable cible était les politiciens, montre bien à quel point l'humeur est au désespoir. Mais en même temps cela indique le fait qu'en l'absence d'une issue politique et sociale, l'exaspération peut se traduire en de tels actes – désespérés mais en même temps rien de plus que symboliques.

“Chômeur : inscrit dans la boucherie sociale”
L'Italie connait en ce moment une vague de suicides

 

Berlusconi ressuscité par le Parti démocrate


Fin 2011, lorsque Berlusconi était réduit à un niveau de crédibilité historiquement bas, le Parti démocratique a eu peur de dire non à la Banque centrale européenne qui voulait faire de lui son agent et d'aller aux élections, et a pour cela réussi à partir de là jusqu'à aujourd'hui à faire tout ce qui était en son pouvoir pour restaurer la crédibilité de Berlusconi, risquant la sienne. Le Parti démocratique a voté avec lui le relèvement de l'âge de la retraite, l'annulation de l'article 18 du Code du travail, une taxe inique sur le premier logement, et, après avoir ainsi gouverné pendant un an et demi avec la droite, a ensuite fait campagne sous le slogan “Aucun accord avec Berlusconi”. Et pendant que le dirigeant du PD, Bersani, expliquait dans ses interviews d'un ton très confus ce que son parti ferait s'il gagnait les élections, Berlusconi passait sur tous les plateaux télé pour y promettre qu'il annulerait la taxe sur le logement.

Le comédien Beppe Grillo remplissait les places en demandant la fin des privilèges des politiciens, mais aussi la mise en place d'un salaire citoyen, la nationalisation des banques et des grandes entreprises comme Monte dei Paschi et Telecom, des coupes dans le budget de l'armée, et le retrait des troupes italiennes en Afghanistan et au Mali.

Le résultat de ces élections a suivi les lois de la technique marketing : dans un marché rempli de produits tous de même qualité et de même prix, un quart des consommateurs ont décidé de ne rien acheter, un quart a choisi la nouvelle marque originale et à bas cout (le MoVimento Cinque Stelle – Mouvement 5 étoiles, de Beppe Grillo), le reste s'est réparti de manière égale entre les autres produits, préférant les marques traditionnelles (le Parti démocrate et le Popolo della libertà – Peuple de la liberté, de Berlusconi) aux produits tout aussi couteux mais sans aucune histoire (Monti, le banquier qui avait été nommé premier ministre en 2011 par le président sans passer par les élections, ndlr).

Après les élections, Bersani, secrétaire du PD, qui n'est plus que la deuxième force après le MoVimento Cinque Stelle (M5S) en nombre de voix, mais qui reste la première en termes de nombre de députés au parlement, a usé de tout son art tactique pour commettre son suicide politique. Il a demandé le poste de formateur du gouvernement malgré le fait qu'il n'avait pas une quantité suffisante de voix, et l'a obtenu. Il a continué à répéter que jamais, jamais il ne conclurait le moindre accord avec Berlusconi (qui avait quant à lui déclaré être prêt à un pacte avec Bersani “pour le bien du pays).

Il a rédigé un programme de gouvernement de huit points, qui est le fruit d'un compromis entre la moitié du PD qui voulait aller avec Berlusconi, et l'autre moitié qui s'y opposait et comptait sur un soutient de la part de Grillo pour former un gouvernement PD. Le premier des points de ce programme consistait à : « Réconcilier la discipline budgétaire avec des investissements publics productifs et obtenir à moyen terme une flexibilité maximale dans les objectifs des finances publiques ». Cette proposition était si ridicule que même un comédien n'aurait pas pu l'accepter. Grillo l'a donc proprement rejetée, provoquant ainsi l'indignation du centre-gauche et de sa presse : « Grillo – irresponsable : il joue le jeu de Berlusconi ». Il s'est même attiré les foudres de Ferrero, le dirigeant de la Rifondazione comunista à l'agonie, qui, au point où lui en est, aurait accepté ces huit points même sans les avoir lus.

Berlusconi doit sa résurrection politique au PD

Une élection présidentielle compliquée

Au même moment, un autre jeu institutionnel très délicat se faisait de plus en plus proche : l'élection du nouveau président de la république (en Italie, le président n'a quasiment aucun pouvoir de décision, un peu comme dans les monarchies constitutionnelles en Belgique, Espagne, Pays-Bas ; il doit uniquement jouer un rôle de “sage”, garant de la constitution ; il représente l'État italien en signant les traités internationaux, mais toujours sur demande du parlement et du gouvernement ; il est élu pour sept ans non pas par les citoyens directement, mais par les députés, les sénateurs, et des représentants des conseils régionaux, ndlr). Berlusconi a déclaré qu'il était d'accord de voter pour un candidat du PD, à condition que ce ne soit pas quelqu'un d'“hostile” (c'est-à-dire, quelqu'un qui lui garantirait à lui, Berlusconi, son impunité, sa survie et la survie de ses nombreux business).

À ce moment, Grillo a mis en avant Stefano Rodotà, un membre du PD, un intellectuel “sans gloire ni infamie” (à la réputation totalement neutre), qui était bien en vue parmi les rangs de la gauche caviar pseudo-radicale et de l'électorat PD. Mais Bersani a rencontré Berlusconi, et s'est avec lui mis d'accord sur un autre candidat : Marini, l'ancien secrétaire général de la confédération syndicale chrétienne-démocrate, la CISL (Confederazione italiana sindacati lavoratori) et un des membres fondateurs du PD. Ce choix avait été interprété par tous comme constituant le prélude à un gouvernement “large”.

Si Bersani avait accepté Rodotà, celui-ci serait devenu président de la république avec les votes de Grillo et du centre-gauche ; il aurait confié la tâche de former le gouvernement à des représentants de centre-gauche hostiles à Berlusconi, ce que lui-même aurait jugé inacceptable, et à ce moment-là, ç'aurait été très difficile pour Grillo de ne pas soutenir ce gouvernement. Toutefois, tout le monde a compris, y compris les électeurs du PD, que la contre-proposition de Bersani était due à une réalité politique : le PD a plus d'intérêts en commun avec le PdL de Berlusconi qu'avec le M5S (d'ailleurs, à chaque fois au cours des vingt dernières années que le PD a eu la possibilité d'achever Berlusconi, il s'est toujours arrêté au dernier moment). C'est ainsi qu'une révolte a éclaté dans le parti.

Le PD a dû enlever la candidature de Marini, et a mis en avant à la place Prodi (l'ancien premier ministre italien et président de la Commission européenne, membre du PD et adversaire politique de Berlusconi, ndlr). Berlusconi a alors crié à la trahison. La candidature de Prodi a été acclamée à l'unanimité par les candidats de centre-gauche. Mais pourtant, le même jour, lors du vote secret des députés destiné à élire le président, 100 députés PD ont voté pour d'autres candidats (empêchant de nouveau l'élection d'un président, vu qu'il faut un vote à la majorité des deux-tiers, ndlr).

Le dernier recours avant que ne s'installe le chaos institutionnel complet, a été la réélection du président sortant Napolitano, lui-même ancien membre du PD, et très acceptable aux yeux de Berlusconi, qui a lui-même été le premier à suggérer sa reconduction. Bersani a accepté, avant d'annoncer finalement sa démission en tant que secrétaire de son parti. Après cela, des dizaines de cadres du PD ont brulé leur carte de membre en public dans la rue.
C'est finalement le vieux Napolitano qui a été réélu président

Napolitano et la “responsabilité nationale”


Après la réélection du président de la république, des étudiants sont descendus dans les rues avec des panneaux dont les slogans paraphrasaient le titre d'un film des frères Cohen : « Ce n'est pas un pays pour les jeunes ». Napolitano est un vieux, une relique archéologique de l'ère soviétique ; selon lui, alors qu'il était à l'époque dirigeant de l'aile droite du Parti communiste italien (financé par Berlusconi), l'intervention de l'Union soviétique contre la révolution hongroise de 1956 était la seule solution pour “empêcher le pays de sombrer dans le chaos et la contre-révolution”, et de “préserver la paix mondiale”. Il était ami de Benitto Craxi, le dirigeant corrompu du Parti socialiste italien, et il a été le premier “communiste” italien à avoir été invité aux États-Unis. C'est lui qui est devenu la véritable figure dominante de la vie politique italienne des dernières années. Il est le meilleur représentant à Rome des intérêts de la Commission européenne, et le plus ardent soutien de Mario Monti.

Napolitano a été loué pendant l'ère Berlusconi en tant que “défenseur” ardent de la moralité. En fait, en 2004, lorsqu'il siégeait au parlement européen, un journaliste allemand l'a surpris à réclamer le remboursement de 800 € pour un vol Bruxelles-Rome qui n'en coutait que 80 ; il a réagi en envoyant la police arrêter ce journaliste. Récemment, il a tenté d'interférer dans le procès mené par les magistrats de Palerme concernant les accords entre mafia et État dans les années '90, et a réussi à détruire des cassettes sur lesquelles étaient enregistrées ses coups de fil à Nicola Mancino, qui était ministre de l'Intérieur à l'époque, et entre les principaux protagonistes du procès. Après le récent scandale financier de Monte dei Paschi, Napolitano a demandé à la presse de “ne pas faire trop de bruit”.

Quelques heures après que la nouvelle de sa réélection ait été diffusée, des milliers de gens, dont beaucoup de jeunes, ont assiégé le parlement en criant « Rodotà ! Rodotà ! » et « Napolitano, on ne veut pas de toi ! ». Après l'élection, les députés du PD et du PdL ont dû être escorté par la police pour pouvoir quitter le parlement. Les gens jetaient des pièces au dirigeant du PD “de gauche”. L'ex-vice-secrétaire Franceschini a été assiégé par des centaines de gens dans un restaurant de Rome.

Un épisode de la vie politique qui est entièrement lié à la superstructure d'État, tel que l'élection du président, est devenu pour des milliers de gens, éreintés par la crise économique et dégoutés par la politique, le symbole d'une classe politique qui prêche le changement mais pratique le conservatisme, est devenu une étincelle capable de déclencher un incendie. Une vieille dame interviewée devant le parlement, disait : « Il y a un mois, j'étais sur la place Saint-Pierre pour célébrer le nouveau pape François I. L'Église catholique nous donne l'impression de vouloir effectuer des changements. Mais l'État italien n'est pas capable de faire la même chose ».

Grillo a décrit la réélection de Napolitano comme un “mini-coup d'État”. Le soir même, il invitait les Italiens à assiéger le parlement, annonçant que lui-même y sera tard dans la soirée. « Nous devons être des millions ». Mais quelques heures plus tard, il a annulé la manifestation, sous prétexte qu'il vaudrait mieux « Isoler les personnes violentes », et a donné l'heure d'un meeting sur une place le lendemain. Mais ce jour-là, il n'est apparu pour parler que quelques minuter. Les députés “grillinis”, qui sont les seuls députés encore capables de se promener dans les rues de Rome sans escorte, ont répondu aux gens qui demandaient à marcher sur la résidence du président que “Ça n'en vaut pas la peine”. « Au parlement nous sommes déjà nombreux, nous pouvons faire beaucoup de trucs “cools” ! ».

Une gauche avec un minimum de crédibilité serait parvenue à se glisser dans ce vide politique et à jouer un rôle politique. Mais au lieu de ça, les dirigeants auto-proclamés de la gauche radicale ont préféré se limiter à critiquer Grillo pour ne pas avoir ce que eux-mêmes auraient dû avoir fait

Le comédien Beppe Grillo et son “Mouvement cinq étoiles”
est devenu l'expression du ras-le-bol contre les politiciens

Responsabilité nationale


Napolitano, qui malgré ses 88 ans est à nouveau prêt à se battre pour éviter au pays de “tomber dans le chaos”, a donné la responsabilité de former le gouvernement à Enrico Letta, un “jeune” dirigeant chrétien-démocrate du PD, libéral, neveu de Gianni Letta. Ce dernier est un des bras droits de Berlusconi, et un négociateur précieux dans le cadre des palabres entre le “Cavalier” (Berlusconi), le centre-gauche et le capitalisme italien et international ; il fait aussi partie du conseil d'administration de Goldman Sachs depuis 2007.

Letta Junior a réussi à mettre sur place un gouvernement techno-politique, confirmant à leur poste divers ministres de Monti (mais pas Monti lui-même), dont le ministre des Relations européennes – un signal rassurant pour Bruxelles.

Sur la piste politique, alors que de hauts cadres du PdL entrent au gouvernement afin d'y veiller aux intérêts personnels de Berlusconi, la plupart des dirigeants du PD restent en-dehors (Bersani et D'Alema compris). On n'y trouve que Letta et Franceschini, qui tous deux viennent de la démocratie chrétienne, quelques petits ex-dirigeants du Parti communiste, et de nombreux illustres inconnus, des femmes et des jeunes (dont une femme noire d'origine congolaise, ancienne championne de canoë et aujourd'hui docteur), qui devront une gratitude éternelle à Letta pour les avoir choisi après ce casting pour ce véritable nouveau “reality show” des “Nouvelles têtes du palais Chigi”.

Mais les ministères les plus importants restent fermement entre les mains de politiciens vétérans et de fonctionnaires d'État expérimentés. Parmi eux, on trouve à l'Économie l'ancien directeur général de la Banque d'Italie. Ce gouvernement est censé être un gouvernement stable, capable de durer juste assez longtemps pour pouvoir restructurer le système politique afin d'éviter de se retrouver à nouveau sans une majorité claire après les prochaines élections.

La version sociale de ce gouvernement de “responsabilité nationale” est le pacte entre les producteurs proposé à Turin par l'organisation patronale, Confindustria, aux fédérations syndicales – CGIL, CISL, UIL – « Afin de sauver les usines et le pays », parce que « Nous sommes tous dans le même bateau » ; ce pacte a été promptement signé par les syndicats. Quelques semaines plus tard, les syndicats à Bologne ont invité les représentants de la Confindustria à parler sur une plate-forme lors de la manifestation du 1er Mai, devant à peine 300 personnes, dont beaucoup de pensionnés et de bureaucrates syndicaux.

Landini, secrétaire général du syndicat des métallurgistes Fiom, a répondu à la Confindustria que « Tout comme à bord du Titanic, nous sommes tous dans le même bateau, mais ceux qui sont dans la salle des machines seront les premiers à se noyer », suscitant les reproches du secrétaire général de la CGIL, Camusso. Le Fiom a appelé à une manifestation nationale le 18 mai regroupant les ingénieurs, les étudiants et les mouvements sociaux pour le droit au travail, le droit à l'éducation, à la santé, à la justice sociale et à la démocratie. Cela aurait pu être la première occasion de mesurer l'ampleur avec laquelle les derniers développements politiques ont changé l'humeur dans les rues.

Mais la Fiom, sans un relais politique clair, risque de se voir broyée dans un étau : Landini a déjà commencé à jouer un “demi-rôle” politique, vu le vide à gauche, suscitant de grands espoirs, plus politiques que syndicaux, plus parmi les militants en général que parmi sa propre base d'ouvriers métallurgistes. D'un autre côté, il se voit contraint d'opérer une retraite sur le front syndical à cause de subites défaites, de son isolation politique et sociale et même d'une certaine désorientation parmi le groupe dirigeant de la Fiom, sans une stratégie syndicale claire et suspendu politiquement entre certaines illusions vis-à-vis du centre-gauche et l'absence d'une alternative de gauche crédible.

Beaucoup de gens aimeraient voir le syndicat Fiom jouer un rôle politique

La gauche n'a pas de plan


Le PD sort de tous ces événements avec les os brisés. Il a réussi de manière incroyable à passer d'une situation où la droite était plongée dans le coma et où il avait la victoire en poche, à la situation actuelle, où il a lui-même remis Berlusconi au pouvoir, accompli des accords avec lui sous le nez de son électorat, sans la moindre honte. Le PD s'est comporté comme un pompier qui met le feu à sa voiture en plein jour et devant sa propre maison afin de toucher l'assurance. À présent, il est en train de préparer un congrès dans lequel Fabrizio Barca, ancien ministre de Monti, devrait représenter la “gauche interne”. Pendant ce temps, des voix très critiques se dressent parmi le groupe dirigeant et des réalignements sont en train de se produire, avec le vote de confiance pour Letta. Mais la véritable fracture, incurable, qui indique clairement la fin du PD, est celle qui se trouve entre lui et sa propre base social, et son électorat. Cette fracture se révélera au grand jour au sein du syndicat CGIL, qui se dirige vers son congrès qui sera marqué par cette crise dévastatrice sur le plan politique, syndical et financier.

Si on peut dire que le PD a les os brisés, alors les autres partis de gauche, dont la Rifondazione comunista (RC), sont maintenant en phase de décomposition. Nichi Vendola, du SEL (Gauche écologie liberté), après un score électoral extrêmement embarrassant, s'est vu forcé de rompre avec le PD et de soutenir la candidature de Rodotà à la présidence. Il a également annoncé la création d'une opposition “constructive et responsable” à Letta, et le lancement d'un nouvel “atelier” de la gauche le 8 mai, afin de rallier l'aile droite de la Rifondazione et certains renégats du PD.

À la gauche de la RC, Cremaschi, l'ancien numéro deux du syndicat Fiom, s'est maintenant retiré pour lancer un nouvel appel à former un “mouvement libertaire et anti-capitaliste”, avec la moitié des forces qui appartenaient à “No debito” (”Non à la dette”) (un groupe dans lequel ContoCorrente a entretenu des discussions, sans le rejoindre pour autant).

L'Alba (Alliance pour le travail, les ressources publiques et l'environnement) continue à proposer le lancement d'une “nouvelle force politique), mais n'est dirigée que par une poignée d'intellectuels, ne possède aucune base sociale, aucune force organisée et aucun programme politique clair.

Le secrétaire de la RC, Ferrero, qui a démissionné à la suite du résultat électoral désastreux, mais qui sera responsable de l'organisation du prochain congrès (qui a été fixé à la fin de l'année, malgré l'urgence de la situation), ne dirige déjà plus qu'un parti virtuel qui n'existe plus que sur sa page Facebook, sur laquelle il commente les initiatives des autres groupements et donne des conseils à Grillo sur la tactique à utiliser face au PD, que Grillo a la sagesse de ne pas suivre. Au sein de la RC, sans son propre projet politique indépendant, Ferrero suit l'Alba avec intérêt. Une partie de ses membres se sont ralliés à l'appel de Cremaschi, l'autre tente un dialogue avec Vendola.

Le Parti communiste des travailleurs, la seule liste à affiche le Marteau et la Faucille – un symbole qui possède toujours pour nous un certain appel – a atteint un score historiquement bas lors de ces dernières élections. La “Gauche critique” – la section italienne du SUQI (Secrétariat unifié de la Quatrième internationale) – traverse en ce moment sa énième scission. Falce Martello (Faucillle Marteau), section italienne de l'IST (International Marxist Tendancy), se prépare avec grand enthousiasme pour le congrès de la RC, dans lequel ils se battront contre le centre et la droite dirigées par Ferrero pour les reliques posthumes de la RC.

C'est une véritable “traversée du désert” que connait la gauche italienne en ce moment. L'absence d'une réponse sociale généralisée contre l'offensive lancée par le grand capital fait de l'ensemble des appels à “reconstruire la gauche” autant de tentatives pathétiques de recoller quelques morceaux de la bureaucratie syndicale et politique sans aucune idée politique claire et incapable d'exercer le moindre pouvoir d'attraction sur les travailleurs et les jeunes – tout cela au bénéfice de Grillo.

Ces dirigeants de “gauche”, tout en passant leur temps à citer Gramsci (dirigeant historique de la gauche italienne), souvent à tort, se placent aujourd'hui sur le terrain de “la lutte pour l'hégémonie” sur les couches populaires de l'électorat, lui courent après, un jour le louant, l'autre jour le traitant de fasciste. D'un autre côté, dans ce pays qui connaissait naguère le plus grand Parti communiste d'Europe occidentale et un mouvement de gauche extra-parlementaire extrêmement dynamique, aujourd'hui, dans le contexte de crise syndicale et de stagnation de la lutte de classes, nous voyons toute une génération de militants de plus de 40 ans qui vivent avec le sentiment d'être orphelins du passé et qui ne parviennent pas à devenir une référence pour les jeunes. Le résultat en est que les meilleurs de ces militants aujourd'hui passent leur temps à squatter de manière informelle les tables des diverses organisations de gauche sans s'engager, et se limitent à attendre de voir ce qui va se passer.

Seul un dégel, ne serait-ce que partiel, du conflit de classes peut débloquer la situation, faire naitre de nouvelles forces politiques et restaurer l'enthousiasme des vieux militants. Le choc représenté par ce énième compromis entre la droite et le centre-gauche, la perte définitive de toute crédibilité de la part du PD et de la démocratie bourgeoise elle-même, la nouvelle vague de mesures anti-sociales qui nous attend, pourrait forcer des millions de gens à réaliser qu'il n'y a pas d'autre solution que la lutte, en comptant sur leurs propres forces. Il serait nécessaire de tenter de rebâtir de nos propres mains ce que les dirigeants de la gauche ont détruit : un parti capable de donner une voix, un programme et une organisation aux travailleurs et au peuple.

En attendant la reprise de la lutte…

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