mercredi 29 mai 2013

Nigeria : état d'urgence

Le président Jonathan déclare l'état d'urgence


 
Une voie rapide vers des attaques sur nos droits démocratiques ! Pour des comités d'auto-défense populaires de masse et démocratiques !

Segun Sango, Président national temporaire du Socialist Party of Nigeria (SPN)


Le Socialist Party of Nigeria (SPN) considère l'imposition de l'état d'urgence dans les états de Borno, Adamawa et Yobe comme une nouvelle fausse manœuvre de la part du président Jonathan et de son gouvernement dans le cadre de sa soi-disant “guerre contre le terrorisme”. Même si cela sur le court terme parvenait à empêcher la violence qui empoisonne bel et bien le nord-est du pays depuis maintenant trois ans, il ne pourra s'agir que d'un répit temporaire. Loin d'être une solution, la déclaration de l'état d'urgence, qui n'est en réalité qu'un terme déguisé pour parler d'une répression brutale et généralisée par l'armée, ne fera en réalité, surtout sur le moyen et le long termes, que mener à une intensification du conflit dans des proportions inimaginables.

Cela est parce que, tout comme les autres mesures militaires adoptées par le gouvernement au cours des trois dernières années, cette nouvelle décision néglige la recherche d'une solution efficace et durable pour déraciner les causes mêmes de l'extrémisme violent, ce qui n'est possible en réalité qu'en résolvant la crise causée par l'état de misère au milieu d'une grande abondance, l'absence d'infrastructures sociales, et l'inquiétante inégalité de revenus au Nigeria, qui constitue le terreau d'aliénation sur lequel pousse et se renforce l'extrémisme violent.

En outre, la conséquence de l'état d'urgence qui, selon le président, implique le déploiement d'encore plus de troupes armées, sera l'intensification de la militarisation en cours du pays, sous couvert de la lutte contre les terroristes du Boko Haram. Nous rappelons que le détachement militaire spécial (Joint Task Force) qui se trouve déjà dans la région depuis plusieurs années est plus célèbre pour ses attaques sur les droits démocratiques de travailleurs innocents que pour ses combats contre les rebelles du Boko Haram. 

Par conséquent, nous estimons que la proclamation d'état d'urgence n'est rien de plus qu'un déploiement de plus de troupes et de plus de tanks dans ces états, et une nouvelle limitation sur les droits démocratiques. Il est d'ailleurs instructif de voir que cet état d'urgence a été proclamé à peine quelques semaines après le massacre de près de 200 civils innocents perpétré à Baga par les soldats du gouvernement en une journée de violence. Cela montre bien à quoi doit s'attendre la population des zones affectées de la part de cet état d'urgence.

La présence de l'armée ne fera qu'aggraver les problèmes sociaux

Le Socialist Party of Nigeria (SPN) est totalement opposé aux activités réactionnaires de groupes terroristes tels que le Boko Haram. Nous sommes de fait opposés à tout acte ou à toute méthode de terrorisme individuel dans le cadre de la lutte contre la politique et le comportement des élites dirigeants voleuses. Mais comme nous l'avons déjà dit lors de notre dernière déclaration au sujet du massacre de Baga, la cause profonde de l'insurrection du Boko Haram, tout comme des autres crises violentes que nous voyons dans les autres parties du pays et que le président a également mentionnées dans son discours, est la question de la nationalité qui reste non-résolue, en plus du mécontentement largement répandu envers les questions de la pauvreté, du chômage, du manque de logements, et de la corruption sans limite de l'élite dirigeante capitaliste, dans un pays qui jouit pourtant d'immenses richesses pétrolières et minières. 

La brutale répression militaire et policière ne peut résoudre cette crise, elle ne fera que l'aggraver. N'oublions pas que l'assassinat en 2009 du dirigeant du Boko Haram, Mohammed Yusuf, après qu'il ait été arrêté et trainé dans tous les médias, n'a en réalité fait que renforcer ce groupe. La vérité est que le gouvernement, qui est fermement ancré dans sa défense du système capitaliste actuel, est incapable résoudre les causes véritables économiques et sociales de la crise nigériane, ni de maintenir les droits démocratiques, puisque cela fait partie intégrale de sa politique de pillage systématique des ressources du pays.

À une plus large échelle, nous rappelons que ce n'est pas la première fois qu'un état d'urgence a été déclaré dans le Nord par l'administration Jonathan. Depuis décembre 2011, quinze communes dans quatre états (dont justement Yobe et Borno, et aussi Niger et Plateau) ont été soumises à une intense invasion et occupation militaires en raison d'un état d'urgence, mais sans pour autant que cela n'influe sur les activités du Boko Haram. Nous sommes d'accord sur le fait que cette dernière expédition militaire dans le Nord-Est puisse temporairement forcer un apaisement, mais, comme nous le voyons au Mali, en Afghanistan, en Iraq, au Pakistan, etc., il est évident que cette méthode est incapable d'extirper définitivement les rebelles et les activistes terroristes, tant que la cause fondamentale du problème n'est pas résolue. Qui plus est, les derniers rapports montrent que cette rigueur imposée au Nord-Est a déjà commencé à provoquer une explosion d'activités terroristes dans d'autres régions du Nord.

Les terroristes du Boko Haram tirent leur force de la misère dans le Nord
 
Il est également à nos yeux important de prévenir du fait que l'état d'urgence, qui accorde le pouvoir à l'armée, soumet à son seul commandement les autorités civiles et supprime les droits démocratiques dans les états affectés, représente pour d'éventuels aventuriers issus de l'armée une invitation en or pour se saisir du pouvoir politique dans le pays. Cela donne en effet l'impression de l'inaptitude du pouvoir civil à empêcher la croissance de l'insécurité dans le pays.

Par conséquent, alors que le Rassemblement syndical du Nigeria a donné sous soutien à cette offensive militaire déguisée sous le faux nom d'“état d'urgence”, nous appelons urgemment cette structure à soutenir à la place notre revendication qui est la formation de comités d'auto-défense démocratiques de masse dans les entreprises, dans les quartiers et dans les rues, sous le contrôle démocratique des syndicats et des organisations de masse des paysans pauvres et des travailleurs, en tant que première étape vers une lutte contre la menace du Boko Haram et des autres groupes terroristes. Ces comités d'auto-défense démocratiques doivent impliquer l'ensemble des travailleurs, des paysans et des jeunes, au-delà des divisions ethniques ou religieuses, et auront le devoir de patrouiller et de maintenir la sécurité de jour comme de nuit, d'organiser la surveillance et les enquêtes nécessaires afin d'identifier les terroristes et les criminels, et de mobiliser la masse de la population pour les liquider.

Ce n'est que si les syndicats acceptent de mener une telle stratégie qu'il sera possible de voir le début de la fin pour la menace du Boko Haram, d'une manière qui réponde aux préoccupations et à l'intégrité de la population, et qui nous évite également le glissement vers un conflit religieux et ethnique national. La réalité est que la Joint Task Force, qui se comporte comme une armée d'occupation et qui maintenant a reçu encore plus de pouvoirs antidémocratiques grâce à la déclaration d'état d'urgence, est incapable de s'attirer la sympathie de la population, dont le soutien est pourtant crucial pour pouvoir vaincre le Boko Haram.

 
C'est à la population elle-même de s'organiser
pour chasser les terroristes
 
Ayant dit ceci, le SPN désire exprimer sa sympathie aux simples soldats, policiers et autres simples travailleurs des forces de sécurité, qui sont également victimes au premier rang de la violence terroriste suscitée par la politique menée par l'élite corrompue qui dirige le Nigeria. Le SPN est du côté des simples soldats et policiers, dont beaucoup sont en train de saigner et de mourir au nom de leur devoir, en échange d'un salaire de misère. Nous appelons le mouvement syndical à lancer un appel public envers les simples soldats et policiers leur demandant de ne pas tourner leurs armes vers la population sous prétexte de la lutte contre le Boko Haram, et de refuser toute action qui aille à l'encontre des droits démocratiques des travailleurs. 

Cela requiert cependant que les activités de la police et de l'armée soient soumises au contrôle démocratique de délégués élus par les régions touchées. Les syndicats doivent également montrer leur intérêt pour la lutte pour de meilleures conditions de salaires et de travail pour les policiers et soldats, en exigeant le droit pour les simples policiers et soldats de former et de rejoindre des syndicats, grâce auxquels ils pourront lutter pour de meilleures conditions salariales et de travail.

Il est également impératif que le mouvement syndical élabore un programme d'action qui reconnaisse que la nature non démocratique de la fondation du Nigeria, ainsi que la condition d'exploitation et de misère de masse qui vit la majorité de la population nigériane, sont les deux causes fondamentales de la recrudescence de la violence ethno-religieuse partout dans le pays. Cela est très important si on veut pouvoir freiner, voire faire cesser, la menace posée par le Boko Haram et autres groupes terroristes. 

Un tel programme devra comporter la construction par le mouvement syndical de campagnes et actions nationales massives, avec des grèves et des manifestations de masse, pour unifier les masses laborieuses, les pauvres et les jeunes de tout le pays dans la lutte contre le chômage, le manque de logements, la commercialisation de l'enseignement, les bas salaires et le système capitaliste qui n'engendre qu'inégalités et chaos.

Les simples soldats sont en première ligne, pour un salaire de misère

L'intensification de la crise ethno-religieuse dans le pays doit être un signal pour le mouvement syndical et les organisations pro-travailleurs, qui doivent se réveiller et mener campagne pour la convocation urgente d'une Conférence nationale souveraine indépendante, sans attendre la permission du gouvernement, basée sur une pleine représentation des travailleurs, des jeunes, des différents groupes ethniques, etc. et dont le but serait de débattre de l'avenir du Nigeria, de son maintien ou non en tant que nation unie, et si oui, selon quels termes et quelles conditions. C'est-à-dire que nous voulons que la soi-disant unité éternelle du Nigeria dont on parle tellement ne soit pas considérée comme quelque chose qui nous a été légué, mais comme quelque chose que nous aurons démocratiquement établi – ou pas.

Les syndicats doivent réaliser que la détérioration rapide de la situation dans le pays est un terrible avertissement quant à une potentielle rapide aggravation des divisions ethno-religieuses, et de la nature des mesures répressives qui pourraient être adoptées par le gouvernement. Les syndicats doivent agir dès maintenant, et ne pas simplement rejeter cette occasion, comme ils l'ont fait lors de grève générale de masse de janvier 2012.

Seules les masses laborieuses du Nigeria peuvent unifier le pays grâce à une lutte commune contre l'élite dirigeante. Nous ne devons accorder aucune confiance à ce gouvernement qui a, comme ses prédécesseurs, agi uniquement pour défendre le pouvoir et la richesse de l'élite. Ce gouvernement ne fait quasi rien pour “punir” les corrompus qui font sombrer le pays, alors qu'en même temps il se prépare à nous enlever nos droits démocratiques, comme par exemple lorsqu'il a interdit de diffusion le documentaire “Fuelling Poverty” qui parle de la grève générale de janvier 2012. 
 
Les syndicats doivent prendre leurs responsabilités
et ne pas laisser le mouvement comme en 2012

Si nous voulons éviter le désastre, le mouvement syndical doit intervenir pleinement en tant que force sociale capable de guider les Nigérians hors du chaos et du désordre créé par l'élite dirigeante, en appelant à une Conférence nationale souveraine indépendante et en construisant un parti politique des travailleurs de masse capable de mettre en application les résolutions de cette conférence en arrachant le pouvoir politique des mains de l'élite dirigeante corrompue et en formant un gouvernement des travailleurs et des pauvres sur base d'un programme socialiste. La première étape vers la formation d'un tel parti de masse des travailleurs, des jeunes et des pauvres est de rejoindre le Socialist Party of Nigeria pour nous aider à le construire.

Segun Sango

Président national temporaire

Socialist Party of Nigeria 

 

Segun Sango, président national temporaire du SPN

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