Le président Jonathan déclare l'état d'urgence
Une voie rapide vers
des attaques sur nos droits démocratiques ! Pour des comités
d'auto-défense populaires de masse et démocratiques !
Segun Sango,
Président national temporaire du Socialist Party
of Nigeria (SPN)
Le Socialist Party
of Nigeria (SPN) considère l'imposition de l'état
d'urgence dans les états de Borno, Adamawa et Yobe comme une
nouvelle fausse manœuvre de la part du président Jonathan et
de son gouvernement dans le cadre de sa soi-disant “guerre contre
le terrorisme”. Même si cela sur le court terme parvenait à
empêcher la violence qui empoisonne bel et bien le nord-est du
pays depuis maintenant trois ans, il ne pourra s'agir que
d'un répit temporaire. Loin d'être une solution, la déclaration de
l'état d'urgence, qui n'est en réalité qu'un terme déguisé pour
parler d'une répression brutale et généralisée par l'armée, ne
fera en réalité, surtout sur le moyen et le long termes, que mener
à une intensification du conflit dans des proportions inimaginables.
Cela est parce que,
tout comme les autres mesures militaires adoptées par le
gouvernement au cours des trois dernières années, cette
nouvelle décision néglige la recherche d'une solution efficace et
durable pour déraciner les causes mêmes de l'extrémisme violent,
ce qui n'est possible en réalité qu'en résolvant la crise causée
par l'état de misère au milieu d'une grande abondance, l'absence
d'infrastructures sociales, et l'inquiétante inégalité de revenus
au Nigeria, qui constitue le terreau d'aliénation sur lequel pousse
et se renforce l'extrémisme violent.
En outre, la
conséquence de l'état d'urgence qui, selon le président, implique
le déploiement d'encore plus de troupes armées, sera
l'intensification de la militarisation en cours du pays, sous couvert
de la lutte contre les terroristes du Boko Haram. Nous rappelons
que le détachement militaire spécial (Joint Task Force)
qui se trouve déjà dans la région depuis plusieurs années est
plus célèbre pour ses attaques sur les droits démocratiques de
travailleurs innocents que pour ses combats contre les rebelles du
Boko Haram.
Par conséquent, nous estimons que la proclamation
d'état d'urgence n'est rien de plus qu'un déploiement de plus de
troupes et de plus de tanks dans ces états, et une nouvelle
limitation sur les droits démocratiques. Il est d'ailleurs
instructif de voir que cet état d'urgence a été proclamé à peine
quelques semaines après le massacre de près de 200 civils
innocents perpétré à Baga par les soldats du gouvernement en une
journée de violence. Cela montre bien à quoi doit s'attendre la
population des zones affectées de la part de cet état d'urgence.
La présence de l'armée ne fera qu'aggraver les problèmes sociaux |
Le Socialist Party
of Nigeria (SPN) est totalement opposé aux activités
réactionnaires de groupes terroristes tels que le Boko Haram.
Nous sommes de fait opposés à tout acte ou à toute méthode de
terrorisme individuel dans le cadre de la lutte contre la politique
et le comportement des élites dirigeants voleuses. Mais comme nous
l'avons déjà dit lors de notre dernière déclaration au sujet du
massacre de Baga, la cause profonde de l'insurrection du Boko Haram,
tout comme des autres crises violentes que nous voyons dans les autres
parties du pays et que le président a également mentionnées dans
son discours, est la question de la nationalité qui reste
non-résolue, en plus du mécontentement largement répandu envers
les questions de la pauvreté, du chômage, du manque de logements,
et de la corruption sans limite de l'élite dirigeante capitaliste,
dans un pays qui jouit pourtant d'immenses richesses pétrolières et
minières.
La brutale répression militaire et policière ne peut
résoudre cette crise, elle ne fera que l'aggraver. N'oublions pas
que l'assassinat en 2009 du dirigeant du Boko Haram,
Mohammed Yusuf, après qu'il ait été arrêté et trainé dans
tous les médias, n'a en réalité fait que renforcer ce groupe. La
vérité est que le gouvernement, qui est fermement ancré dans sa
défense du système capitaliste actuel, est incapable résoudre les
causes véritables économiques et sociales de la crise nigériane,
ni de maintenir les droits démocratiques, puisque cela fait partie
intégrale de sa politique de pillage systématique des ressources du
pays.
À une plus large
échelle, nous rappelons que ce n'est pas la première fois qu'un
état d'urgence a été déclaré dans le Nord par
l'administration Jonathan. Depuis décembre 2011,
quinze communes dans quatre états (dont justement Yobe et
Borno, et aussi Niger et Plateau) ont été soumises à une intense
invasion et occupation militaires en raison d'un état d'urgence,
mais sans pour autant que cela n'influe sur les activités du
Boko Haram. Nous sommes d'accord sur le fait que cette dernière
expédition militaire dans le Nord-Est puisse temporairement forcer
un apaisement, mais, comme nous le voyons au Mali, en Afghanistan, en
Iraq, au Pakistan, etc., il est évident que cette méthode est
incapable d'extirper définitivement les rebelles et les activistes
terroristes, tant que la cause fondamentale du problème n'est pas
résolue. Qui plus est, les derniers rapports montrent que cette
rigueur imposée au Nord-Est a déjà commencé à provoquer une
explosion d'activités terroristes dans d'autres régions du Nord.
Les terroristes du Boko Haram tirent leur force de la misère dans le Nord |
Il est également à
nos yeux important de prévenir du fait que l'état d'urgence, qui
accorde le pouvoir à l'armée, soumet à son seul commandement les
autorités civiles et supprime les droits démocratiques dans les
états affectés, représente pour d'éventuels aventuriers issus de
l'armée une invitation en or pour se saisir du pouvoir politique
dans le pays. Cela donne en effet l'impression de l'inaptitude du
pouvoir civil à empêcher la croissance de l'insécurité dans le
pays.
Par conséquent,
alors que le Rassemblement syndical du Nigeria a donné sous soutien
à cette offensive militaire déguisée sous le faux nom d'“état
d'urgence”, nous appelons urgemment cette structure à soutenir à
la place notre revendication qui est la formation de comités
d'auto-défense démocratiques de masse dans les entreprises, dans
les quartiers et dans les rues, sous le contrôle démocratique des
syndicats et des organisations de masse des paysans pauvres et des
travailleurs, en tant que première étape vers une lutte contre la
menace du Boko Haram et des autres groupes terroristes. Ces
comités d'auto-défense démocratiques doivent impliquer l'ensemble
des travailleurs, des paysans et des jeunes, au-delà des divisions
ethniques ou religieuses, et auront le devoir de patrouiller et de
maintenir la sécurité de jour comme de nuit, d'organiser la
surveillance et les enquêtes nécessaires afin d'identifier les
terroristes et les criminels, et de mobiliser la masse de la
population pour les liquider.
Ce n'est que si les
syndicats acceptent de mener une telle stratégie qu'il sera possible
de voir le début de la fin pour la menace du Boko Haram, d'une
manière qui réponde aux préoccupations et à l'intégrité de la
population, et qui nous évite également le glissement vers un
conflit religieux et ethnique national. La réalité est que la
Joint Task Force, qui se comporte comme une armée
d'occupation et qui maintenant a reçu encore plus de pouvoirs
antidémocratiques grâce à la déclaration d'état d'urgence, est
incapable de s'attirer la sympathie de la population, dont le soutien
est pourtant crucial pour pouvoir vaincre le Boko Haram.
Ayant dit ceci, le
SPN désire exprimer sa sympathie aux simples soldats, policiers et
autres simples travailleurs des forces de sécurité, qui sont
également victimes au premier rang de la violence terroriste
suscitée par la politique menée par l'élite corrompue qui dirige
le Nigeria. Le SPN est du côté des simples soldats et policiers,
dont beaucoup sont en train de saigner et de mourir au nom de leur
devoir, en échange d'un salaire de misère. Nous appelons le
mouvement syndical à lancer un appel public envers les simples
soldats et policiers leur demandant de ne pas tourner leurs armes
vers la population sous prétexte de la lutte contre le Boko Haram,
et de refuser toute action qui aille à l'encontre des droits
démocratiques des travailleurs.
Cela requiert cependant que les
activités de la police et de l'armée soient soumises au contrôle
démocratique de délégués élus par les régions touchées. Les
syndicats doivent également montrer leur intérêt pour la lutte
pour de meilleures conditions de salaires et de travail pour les
policiers et soldats, en exigeant le droit pour les simples policiers
et soldats de former et de rejoindre des syndicats, grâce auxquels
ils pourront lutter pour de meilleures conditions salariales et de
travail.
Il est également
impératif que le mouvement syndical élabore un programme d'action
qui reconnaisse que la nature non démocratique de la fondation du
Nigeria, ainsi que la condition d'exploitation et de misère de masse
qui vit la majorité de la population nigériane, sont les deux
causes fondamentales de la recrudescence de la violence
ethno-religieuse partout dans le pays. Cela est très important si on
veut pouvoir freiner, voire faire cesser, la menace posée par le
Boko Haram et autres groupes terroristes.
Un tel programme devra
comporter la construction par le mouvement syndical de campagnes et
actions nationales massives, avec des grèves et des manifestations
de masse, pour unifier les masses laborieuses, les pauvres et les
jeunes de tout le pays dans la lutte contre le chômage, le manque de
logements, la commercialisation de l'enseignement, les bas salaires
et le système capitaliste qui n'engendre qu'inégalités et chaos.
Les simples soldats sont en première ligne, pour un salaire de misère |
L'intensification de
la crise ethno-religieuse dans le pays doit être un signal pour le
mouvement syndical et les organisations pro-travailleurs, qui doivent
se réveiller et mener campagne pour la convocation urgente d'une
Conférence nationale souveraine indépendante, sans
attendre la permission du gouvernement, basée sur une pleine
représentation des travailleurs, des jeunes, des différents groupes
ethniques, etc. et dont le but serait de débattre de l'avenir du
Nigeria, de son maintien ou non en tant que nation unie, et si oui,
selon quels termes et quelles conditions. C'est-à-dire que nous
voulons que la soi-disant unité éternelle du Nigeria dont on parle
tellement ne soit pas considérée comme quelque chose qui nous a été
légué, mais comme quelque chose que nous aurons démocratiquement
établi – ou pas.
Les syndicats doivent
réaliser que la détérioration rapide de la situation dans le pays
est un terrible avertissement quant à une potentielle rapide
aggravation des divisions ethno-religieuses, et de la nature des
mesures répressives qui pourraient être adoptées par le
gouvernement. Les syndicats doivent agir dès maintenant, et ne pas
simplement rejeter cette occasion, comme ils l'ont fait lors de grève
générale de masse de janvier 2012.
Seules les masses
laborieuses du Nigeria peuvent unifier le pays grâce à une lutte
commune contre l'élite dirigeante. Nous ne devons accorder aucune
confiance à ce gouvernement qui a, comme ses prédécesseurs, agi
uniquement pour défendre le pouvoir et la richesse de l'élite. Ce
gouvernement ne fait quasi rien pour “punir” les corrompus qui
font sombrer le pays, alors qu'en même temps il se prépare à nous
enlever nos droits démocratiques, comme par exemple lorsqu'il a
interdit de diffusion le documentaire “Fuelling Poverty” qui
parle de la grève générale de janvier 2012.
Si nous
voulons éviter le désastre, le mouvement syndical doit intervenir
pleinement en tant que force sociale capable de guider les Nigérians
hors du chaos et du désordre créé par l'élite dirigeante, en
appelant à une Conférence nationale souveraine
indépendante et en construisant un parti politique des travailleurs
de masse capable de mettre en application les résolutions de cette
conférence en arrachant le pouvoir politique des mains de l'élite
dirigeante corrompue et en formant un gouvernement des travailleurs
et des pauvres sur base d'un programme socialiste. La première étape
vers la formation d'un tel parti de masse des travailleurs, des
jeunes et des pauvres est de rejoindre le Socialist Party
of Nigeria pour nous aider à le construire.
Segun Sango
Président national temporaire
Socialist Party of Nigeria
Segun Sango, président national temporaire du SPN |
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