Le 1er Mai aujourd'hui
Aujourd'hui, le 1er Mai en Côte d'Ivoire ne représente pas grand-chose, mis à part un simple jour de congé, la “fête du Travail”. Les directions syndicales vont quant à elles rencontrer le premier ministre (le président ayant décidé de s'enfuir à Man à la place, comme il s'était enfui en France l'année passée) pour lui faire part de leurs doléances – qui sont essentiellement les mêmes que celles de l'année passée, vu que rien n'a été fait depuis en termes d'emploi, de cherté de la vie, etc. – au contraire, tout a depuis empiré.
Cependant, le 1er Mai n'est pas une journée
innocente, mais est le fruit de la longue lutte du mouvement ouvrier
depuis plus d'un siècle. Le 1er Mai doit redevenir, en Côte
d'Ivoire aussi, une journée de lutte, de protestations et de
manifestations contre la misère et contre le capitalisme, une
journée de préparation au conflit social qui devient inévitable.
Nous proposons ci-dessous à nos lecteurs deux
articles retraçant l'histoire de cette fête du Travail.
Quelles sont les origines du 1er Mai ?
Rosa Luxemburg lors d'un meeting
Article rédigé en 1894 par Rosa Luxemburg,
dirigeante révolutionnaire, fondatrice du Parti communiste allemand
en 1918, morte assassinée lors de la révolution allemande de 1919
L’heureuse idée d’utiliser la célébration d’une journée de repos prolétarienne comme un moyen d’obtenir la journée de travail de 8 heures (au lieu des 10-12 h par jour à l'époque, ndr), est née tout d’abord en Australie. Les travailleurs y décidèrent en 1856 d’organiser une journée d’arrêt total du travail, avec des réunions et des distractions, afin de manifester pour la journée de 8 heures. La date de cette manifestation devait être le 21 avril. Au début, les travailleurs australiens avaient prévu cela uniquement pour l’année 1856. Mais cette première manifestation eut une telle répercussion sur les masses prolétariennes d’Australie, les stimulant et les amenant à de nouvelles campagnes, qu’il fut décidé de renouveler cette manifestation tous les ans.
De fait, qu’est-ce qui pourrait donner aux
travailleurs plus de courage et plus de confiance dans leurs propres
forces qu’un blocage du travail massif qu’ils ont décidé
eux-mêmes ? Qu’est-ce qui pourrait donner plus de courage aux
esclaves éternels des usines et des ateliers que le rassemblement de
leurs propres troupes ? Donc, l’idée d’une fête
prolétarienne fut rapidement acceptée et, d’Australie, commença
à se répandre à d’autres pays jusqu’à conquérir l’ensemble
du prolétariat du monde.
Les premiers à suivre l’exemple des Australiens
furent les États-uniens. En 1886 ils décidèrent que le
1er mai serait une journée universelle d’arrêt du travail.
Ce jour-là, 200 000 d’entre eux quittèrent leur travail et
revendiquèrent la journée de 8 heures. Plus tard, la
police et le harcèlement légal empêchèrent pendant des années
les travailleurs de renouveler des manifestations de cette ampleur.
Cependant, en 1888 ils renouvelèrent leur décision en
prévoyant que la prochaine manifestation serait le 1er mai 1890.
Entre temps, le mouvement ouvrier en Europe s’était
renforcé et animé. La plus forte expression de ce mouvement
intervint au Congrès de l’Internationale ouvrière en 1889.
À ce Congrès, constitué de 400 délégués, il fut décidé
que la journée de 8 heures devait être la première
revendication. Sur ce, le délégué des syndicats français, le
travailleur Lavigne de Bordeaux, proposa que cette revendication
s’exprime dans tous les pays par un arrêt de travail universel. Le
délégué des travailleurs américains attira l’attention sur la
décision de ses camarades de faire grève le 1er mai 1890,
et le Congrès arrêta pour cette date la fête prolétarienne
universelle.
Affiche appelant à manifester le 1er mai 1890 |
À cette occasion, comme trente ans plus tôt
en Australie, les travailleurs pensaient véritablement à une seule
manifestation. Le Congrès décida que les travailleurs de tous les
pays manifesteraient ensemble pour la journée de 8 heures
le 1er mai 1890. Personne ne parla de la répétition de la
journée sans travail pour les années suivantes. Naturellement,
personne ne pouvait prévoir le succès brillant que cette idée
allait remporter et la vitesse à laquelle elle serait adoptée par
les classes laborieuses. Cependant, ce fut suffisant de manifester le
1er mai une seule fois pour que tout le monde comprenne que le
1er Mai devait être une institution annuelle et pérenne.
Le 1er Mai revendiquait l’instauration de la
journée de 8 heures. Mais même après que ce but fût atteint,
le 1er Mai ne fut pas abandonné. Aussi longtemps que la lutte
des travailleurs contre la bourgeoisie et les classes dominantes
continuera, aussi longtemps que toutes les revendications ne seront
pas satisfaites, le 1er Mai sera l’expression annuelle de ces
revendications. Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la
classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors aussi
l’humanité fêtera probablement le 1er Mai, en l’honneur
des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé.
(Biographie de Rosa Luxemburg sur Wikipedia)
Affiche du 1er Mai en Russie soviétique |
Le Premier mai : Journée internationale de lutte et de solidarité pour le socialisme !
Le 1er Mai, fête des travailleurs, constitue
l’une des plus grandes traditions du mouvement ouvrier. Cette
journée de lutte est étroitement liée au combat destiné à
imposer la journée des 8 heures et à l’avènement de la
Deuxième Internationale, à la fin du 19ème siècle. Le
mouvement ouvrier était alors en pleine expansion et de nouvelles
organisations de masse voyaient le jour.
Affiche du 1er Mai en Turquie |
Article par notre camarade Kim du
Linkse Socialistische Partij/Parti socialiste de lutte,
section belge du CIO
Le 1er Mai est né dans la lutte des
travailleurs américains pour la journée des 8 heures
Le 1er Mai puise ses racines aux États- Unis
où, le 1er mai 1886, une grève nationale fut organisée
pour revendiquer l’instauration de la journée des 8 heures. À
cette époque, le 1er mai était aux USA le “Moving Day”,
c’est-à-dire le jour où tous les contrats de travail annuels
étaient renouvelés. Au total, environ 340 000 travailleurs
se mirent en grève de concert, un énorme succès pour le pays. Le
résultat de cette grève variait selon les régions, mais, à
certains endroits, la journée des 8 heures fut effectivement
appliquée.
À Chicago, où 40 000 travailleurs
étaient entrés en grève, les revendications furent rejetées.
Le 3 mai, la grève se poursuivait toujours aux usines
McCormick. Les patrons tentèrent alors de casser la grève en
recourant à des briseurs de grève, et les affrontements furent
violents.
L’intervention des forces de l’ordre fit perdre
la vie à six grévistes. Le 4 mai, un meeting de
protestation massif à Haymarket Square, avec environ
15 000 participants, eut également à affronter l’attaque
de la police. Un agent provocateur lança une bombe dans les rangs de
la police, qui se mit ensuite à tirer sur la foule sans
discernement. Huit dirigeants syndicaux furent arrêtés,
certains condamnés à mort, d’autres condamnés à la prison à
vie. Quelques années plus tard, la fédération syndicale américaine
prit l’initiative de réorganiser une journée d’action
le 1er mai, toujours pour revendiquer l’application
générale des 8 heures.
La bataille de Haymarket Square à Chicago, le 4 mai 1886 |
Naissance du 1er Mai en Europe
À cette époque, de nombreux pays européens
connaissaient l’essor de partis ouvriers de masse, comme par
exemple le Parti ouvrier belge (POB, l’ancêtre du PS
actuel), fondé en 1885. Un siècle après la Révolution
française, ces différents partis ouvriers se réunirent à Paris,
en 1889 pour fonder la Deuxième Internationale, un
regroupement international des organisations du monde du travail.
Lors de son congrès de fondation, l’idée d’une journée
d’action internationale dans le cadre de la lutte pour la journée
des 8 heures fut soulevée. Quand il devint clair que les
Américains allaient de toute manière organiser une action dans leur
pays le 1er mai 1890, il fut facile de mettre cette date en
avant auprès de tous.
En Belgique, ce jour-là, partirent en grève
quelque 150 000 travailleurs. Le mot d’ordre fut
particulièrement bien suivi dans le secteur minier :
environ 100 000 des 110 000 mineurs s’étaient
mis en grève à cette occasion ! Des manifestations eurent lieu
à Bruxelles et dans toutes les villes du pays.
Au niveau international, les manifestations furent
massives à Vienne en Autriche, à Prague en Tchéquie, à Budapest
en Hongrie, à Bucarest en Roumanie, en Suisse, aux Pays-Bas et en
Suède. En Angleterre et en Espagne, les manifestations eurent lieu
le dimanche 4 mai. En Allemagne, encore sous la botte
de Otto von Bismarck (le général qui unifia l'Allemagne
en 1871, ndr) et de ses lois antisocialistes, la grève toucha
tout de même un travailleur sur dix dans les centres industriels,
entrainant par la suite une vague de licenciements et de grèves.
L’enthousiasme autour du 1er mai 1890 fut si grand et si
évident que la date devint une journée de lutte annuelle sur le
plan international.
Une fête à la signification oubliée
L’élite capitaliste a depuis lors tenté par tous
les moyens de minimiser l’impact du 1er Mai. Aux États-Unis,
le président Cleveland (président entre 1885 et 1889 et
entre 1893 et 1897) a exigé de déplacer la journée
d’action au début du mois de septembre afin d’éviter qu’elle
ne devienne une commémoration des évènements de Haymarket. Dans
beaucoup de pays, le 1er Mai est tout simplement devenu un jour
férié, afin d’empêcher les grèves de prendre place.
Aujourd’hui, les célébrations du 1er Mai sont souvent
limitées en taille et en combativité.
Mais dès que le mouvement des travailleurs entre en
lutte, il revient aux origines de la tradition de cette journée. Aux
États-Unis par exemple, le 1er mai 2006, une grève
générale des sans-papiers a rencontré un gigantesque succès, avec
des millions de participants, contre un projet de loi contre
l’immigration clandestine. En 2011, il y avait
100 000 manifestants à Milwaukee, au Wisconsin, contre les
attaques antisyndicales du gouverneur Walker. En 2010, le régime
turc a été forcé d’accepter, pour la première fois depuis plus
de 30 ans, que le 1erMai puisse être commémoré sur la
place Taksim dans le centre d'Istanbul. Des centaines de
milliers de manifestants étaient présents. En Espagne, le
1er mai 2011 s’est déroulé tout juste avant le début
du mouvement des Indignés, mais au moins 200 000 personnes
étaient descendues dans les rues contre les mesures d’austérité
des gouvernements.
C'est l’organisation mondiale de la résistance
contre le capitalisme et l’exploitation qui est à la base de la
tradition du 1er Mai. Refaisons de cette fête des travailleurs
à nouveau une journée de lutte pour la solidarité et le
socialisme !
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