La revendication d'un État palestinien et les solutions du conflit
Le
secrétaire d'État américain John Kerry a récemment discuté
avec des cadres de la Ligue arabe d'une éventuelle relance du processus de paix entre Israël et la
Palestine. Cependant, vu que les différents gouvernements israéliens ne font
qu'augmenter le nombre de colonies juives en Cisjordanie et à
Jérusalem-Est, grignotant de plus en plus de territoire palestinien,
de plus en plus de gens se posent la question de savoir s'il est
vraiment possible d'envisager un État palestinien viable au côté
d'Israël. Certains ont donc décidé d'oublier l'idée d'une
solution à “deux États” pour rejoindre ceux qui
préconisent “un État”. Mais cette lutte pour un État uni
israélo-palestinien est-elle possible ?
Judy Beishon,
membre du comité exécutif du Socialist Party (section anglaise
du CIO), se penche dans cet article sur cette question cruciale :
quel programme les socialistes devraient-ils adopter aujourd'hui dans
le but de résoudre la question nationale palestinienne et du même
coup, mettre un terme à ce conflit qui n'a déjà que trop duré ?
Les plus
de quatre millions de Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza
souffrent terriblement de l'occupation israélienne ; le taux de
chômage et de pauvreté dans ces territoires est effarant. Les
Palestiniens sont soumis à des incursions brutales et à des tirs de
missiles réguliers en provenance d'Israël visant à tuer, blesser,
et intimider : plus de 6500 Palestiniens ont été tués de
la sorte au cours des douze dernières années. Désespérés de
trouver une solution à ces conditions cauchemardesques, les
Palestiniens ont été grandement inspirés par le renversement des
dictateurs arabes en Égypte et en Tunisie, en 2011, et ont
espéré pouvoir sur base de cet exemple renouveler et faire
progresser leur propre lutte.
Ces
deux dernières années, on a vu toute une série de
manifestations un peu partout en Cisjordanie en solidarité avec les
grèves de la faim et révoltes des prisonniers palestiniens, et
contre l'austérité. On a aussi eu une grève de 48 heures des
fonctionnaires de l'Autorité palestinienne (AP), en
décembre 2012, pour revendiquer le paiement des arriérés
salariaux. La seule réponse qu'ils ont obtenue a été des lacrymos
et des matraques de la part des forces de sécurité de l'AP elle-même.
La
majeure partie de la colère suscitée par l'austérité imposée par
l'AP est dirigée contre l'occupation. Néanmoins, elle est aussi
dirigée contre les dirigeants palestiniens qui collaborent avec
l'occupation ; parmi les revendications des différents
mouvements, se trouvait la demande de démission du premier ministre
de l'AP Salam Fayyad et de son président Mahmoud Abbas,
qui ont tous deux misérablement échoué à obtenir la moindre
avancée pour la cause palestinienne.
Les
élections municipales en Cisjordanie en octobre 2012 ont montré
la perte de soutien du parti Fatah dirigé par Abbas : dans des
villes importantes comme Naplouse, Ramallah ou Jénine, et ailleurs,
les postes de maire ont été remportés par des candidats
indépendants.
On a
aussi vu des manifestations être organisées récemment à Gaza,
surtout contre la fin de l'aide étrangère. Il y a un soutien large
partout en Palestine pour la fin de la séparation entre le
gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas, et celui de Cisjordanie,
dirigé par le Fatah, séparation qui dure depuis 2007. La
pression populaire a forcé les deux parties à signer trois accords
de réconciliation depuis mai 2011, mais sans que cela
n'ait apporté quoi que ce soit de concret en termes de réunification
du gouvernement palestinien.
L'appel à l'ONU
Une chose sur laquelle Israéliens et Palestiniens sont d'accord : “Quand les Américains arrêteront-ils de me faire perdre le temps avec ces réunions inutiles ?” |
Abbas,
face au désespoir de sa population et à sa propre incapacité à
faire quoi que ce soit pour améliorer son sort, a en novembre 2012
décidé d'appeler les Nations-Unies à promouvoir le statut de la
Palestine au sein de l'ONU afin qu'elle soit considérée comme un
“État” et non plus comme une “entité”. La pression à la
base l'a également contraint à adopter un langage plus acerbe
qu'auparavant, parlant par exemple de “nettoyage ethnique”
perpétré à Jérusalem-Est et ailleurs.
Ses
efforts ont été récompensés par le passage de la Palestine au
statut d'“État observateur” (c'est-à-dire, toujours pas État
membre). Cela a été fort bien reçu par les Palestiniens, mais tout
le monde est bien conscient du fait que cette victoire n'est que
purement symbolique, contribuant uniquement à infliger une nouvelle
humiliation internationale bien méritée à la classe dirigeante
israélienne, qui se retrouve de plus en plus isolée. Seul huit pays
sur les 193 membres de l'ONU ont voté avec Israël contre cette
résolution.
Le
gouvernement israélien – avec à l'esprit l'approche des
élections nationales – a répondu au vote de l'ONU par la
rétention de millions de dollars d'argent provenant d'impôts et dû
à l'AP, et par l'annonce de projets de nouvelles colonies. Alors
qu'on a déjà atteint le nombre record de 500 000 colons
juifs, le nouveau plan de logements E1 menace d'accroitre encore
leur nombre en divisant la Cisjordanie en deux (une moitié Nord, une
moitié Sud), et en séparant Jérusalem-Est de la Cisjordanie. Il
est aussi prévu de construire 2610 logements entre Jérusalem
et Bethléem.
Même le
négociateur-en-chef de l'AP, Saeb Erekat, s'est senti obligé
de répondre à ces attaques : « Ne parlez plus d'une
solution à deux États… parlez plutôt d'une réalité avec
un seul État, du fleuve Jourdain jusqu'à la Méditerranée ».
Le vote à l'ONU pour accepter la Palestine en tant que membre observateur. En rouge : ont voté “non”; en vert : ont voté “oui” (noir : abstention) |
L'origine de la solution à “deux États”
La
résolution 181 de l'ONU datant de 1947, qui a jeté les
bases pour des décennies de conflit sanglant, a décidé la
partition de la Palestine sous mandat britannique afin de créer un
État israélien. Israël a ensuite occupé de plus en plus de
territoires, jusqu'à s'assurer le contrôle complet de toutes les
zones palestiniennes après les guerres de 1948-9 et de 1967.
Aujourd'hui, en conséquence de ces guerres, près de cinq millions
de Palestiniens sont des réfugiés déclarés auprès de l'ONU, dont
plus de trois millions vit dans les pays voisins (Jordanie,
Syrie, Liban, Égypte…).
En 1988,
l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) a décidé
d'abandonner la revendication d'un État palestinien unique selon les
frontières d'avant la partition, et s'est résigné à la place à
une solution à deux États – la Palestine aux côté
d'Israël. L'État palestinien qui serait ainsi créé devrait être
basé sur les territoires qui restaient aux Palestiniens avant la
guerre de Six Jours, en 1967, c'est-à-dire la Cisjordanie,
Gaza, et Jérusalem-Est en tant que capitale, soit 22 % de la
Palestine d'avant 1948.
En 1990,
les dirigeants de l'OLP ont été plus loin en votant leur acceptation
de l'existence d'Israël. Même les dirigeants islamistes de droite
du Hamas, qui se trouve en-dehors de l'OLP, tout en refusant de
reconnaitre Israël, ont de temps à autre eux-mêmes mentionné une
possible co-existence négociée entre les deux États sur le
long terme.
L'évolution du territoire aux mains des Palestiniens depuis 1947 |
L'échec du capitalisme
La lutte
contre l'austérité et la lutte pour la libération nationale sont
étroitement liées, parce qu'aucune de ces deux luttes ne peut être
victorieuse sans une transformation fondamentale de la société. Le
capitalisme s'est avéré absolument incapable de mettre un terme à
ce conflit qui porte sur la terre, sur les ressources, les marchés,
etc.
Les
principaux responsables de la souffrance des Palestiniens sont
clairement l'impérialisme occidental et la classe dirigeante
israélienne. Mais la responsabilité est également partagée par
les élites capitalistes arabes qui n'ont aucun véritable désir de
défendre la cause des masses palestiniennes, parce que le moindre
pas en avant pour les Palestiniens constituerait une source
d'inspiration pour une nouvelle vague de luttes des travailleurs et
des pauvres dans tous les pays arabes – y compris de la part
des minorités nationales et religieuses opprimées –, ce qui
menacerait les privilèges et la richesse de ces élites.
Les
élites arabes, ce qui inclut les riches Palestiniens, ont plus de
choses à faire avec les riches du monde entier – y compris
ceux d'Israël – qu'avec la vie des simples Palestiniens. Ils
veulent donner l'impression d'être à la recherche d'une solution
pour la Palestine uniquement pour préserver leur part de soutien à
domicile, tout en continuant à conclure des accords commerciaux
secrets avec leurs partenaires juifs israéliens et avec les
multinationales du monde entier.
Aucun
stratège capitaliste, nulle part dans le monde, n'est capable de
venir avec une solution qui puisse voir apparaitre un État
palestinien capable de recevoir les investissements nécessaires, et
qui satisfasse en même temps les grands patrons qui se cachent
derrière la classe dirigeante israélienne.
Les
capitalistes israéliens ont de nombreuses raisons pour empêcher
toute tentative d'aller vers l'établissement d'un véritable État
palestinien. Tout d'abord, ils refusent de voir s'installer à leur
porte un régime armé et revendiquant des terres qui sont occupées
par Israël depuis maintenant 65 ans ; ensuite, toute
avancée risquerait d'encourager la population palestinienne d'Israël
dans leur lutte contre les discriminations, et de même de susciter
des mouvements parmi les réfugiés palestiniens qui se trouvent dans
les pays voisins ; de même, cela risquerait d'inspirer les
travailleurs et les classes moyennes israéliens, juifs comme
musulmans, et de les faire partir en lutte pour de meilleures
conditions de vie ; et enfin, cela provoquerait inévitablement
la colère des colons juifs d'extrême-droite et de leurs partisans,
pour qui la “Judée et la Samarie” (qui recouvrent la plupart de
la Cisjordanie) sont pour les juifs seulement.
Pour les
capitalistes israéliens donc, le moindre prétexte est bon pour
faire trainer les négociations et les remettre à plus tard ;
par exemple, le fait que des milices palestiniennes tirent des
missiles sur Israël (que le Hamas ou l'AP soit complice de ces tirs
de missiles ou non), ou bien l'exigence que l'AP reconnaisse avant
toute chose l'existence d'Israël en tant qu'État ou patrie juif. Le
président américain Obama a repris cette dernière
revendication pour la première fois lors de sa visite en Israël au
mois de mars 2013, malgré le fait que les dirigeants de l'AP
aient depuis très longtemps accepté officiellement l'existence
d'Israël et que leur appareil de sécurité coopère étroitement
avec celui d'Israël.
Cela ne
veut pas dire que, entre deux épisodes de recrudescence du
carnage, les dirigeants israéliens ne changeront jamais d'attitude,
vu l'énorme pression internationale qu'ils subissent, ou au cas où
ce changement d'attitude ne leur serait imposé par l'inévitable
réapparition d'une lutte de masse par les Palestiniens – ou
afin d'éviter au dernier moment l'apparition d'une telle lutte. À
chaque étape du conflit, on les a vu à un moment ou l'autre
reprendre des négociations pour la “paix” ou se sentir obligés
de faire quelques concessions d'une manière ou d'une autre.
L'élite
israélienne est extrêmement inquiète de l'isolement international
de son pays et du tour que prend l'actualité de sa sous-région
(développement du nucléaire en Iran, changement de régime
en Égypte, guerre civile en Syrie, manifestations contre
l'austérité en Jordanie, etc.), et beaucoup de ses membres
cherchent à renforcer sa position et à éviter une nouvelle
insurrection palestinienne en s'engageant dans un nouveau processus
de paix.
Cependant,
les différents politiciens israéliens divergent grandement sur le
type d'ouvertures qu'il conviendrait de faire ; certains n'en
veulent aucune, d'autres ne cessent de clamer qu'il faut reprendre
les discussions avec l'AP. L'ancien chef du Shin Bet (services
secrets israéliens) Yaakov Peri, élu à la Knesset (parlement
israélien) sur la liste Yesh Atid (centre laïc) lors des
élections de janvier, disait carrément : « Sommes-nous
au bord d'une troisième intifada ? C'est une véritable
possibilité, vu l'ampleur du désespoir, couplé au statu quo
politique », avant d'avertir du fait que sans un processus de
paix, ce sont les “groupes islamistes fondamentalistes” qui
prendront l'initiative.
Le
gouvernement formé après les récentes élections, toujours dirigé
par Netanyahu, a confié à l'ancienne ministre des
Affaires étrangères Tzipi Livni la tâche de redémarrer
les pourparlers de paix. Quelle blague, quand on sait que c'est elle
qui était ministre des Affaires étrangères lors du brutal
massacre de Gaza en 2008-9. Selon elle, la victoire des
Palestiniens à l'ONU en novembre était une “attaque terroriste
stratégique”.
Néanmoins,
elle s'est sentie obligée de présider à plusieurs concessions ;
et sur un plus long terme, un accord pourrait être trouvé qui aille
jusqu'à accorder l'idée d'un “État” palestinien d'une sorte ou
d'une autre, tant que dure le capitalisme. Mais cet État serait sans
doute démuni de toutes griffes sur le plan militaire ou économique,
et ne pourrait jamais satisfaire la soif d'autodétermination des
Palestiniens, ni contribuer à augmenter leur niveau de vie.
La
classe dirigeante israélienne a tout fait pour s'assurer que les
accords d'Oslo en 1993 n'étaient pas une étape vers une
véritable indépendance de la Palestine. Tout au long de ce
processus de “paix”, la construction des colonies juives s'est
poursuivie. En 1990, juste avant que ce processus ne soit
entamé, il y avait 78 600 colons juifs en Cisjordanie ;
en 1997, à peine quatre ans après la signature de
l'accord, ce nombre avait doublé pour atteindre 154 400. Parmi
ses nombreuses restrictions et limitations, l'appendice du protocole
de Paris de 1994 subordonnait l'économie palestinienne à
Israël. L'AP devait selon cet accord utiliser la monnaie israélienne
et acheter son eau, son électricité et son pétrole uniquement à
Israël. La TVA en Palestine devait être fixée sur la TVA
israélienne, et de nombreuses clauses limitaient le droit de l'AP au
commerce international.
L'État israélien, prisonnier de sa propre logique ?
Il faut une lutte de masse
La
section du CIO en Israël-Palestine (Maavak Sotzyalisti /
Nidal Eshteraki) et partout dans le monde appelle les
Palestiniens à construire une action de masse démocratiquement
organisée. Cela est crucial pour faire progresser leur lutte et pour
leur défense urgemment nécessaire contre les opérations brutales
perpétrées par l'armée israélienne – par les armes si
nécessaire –, et contre les attaques meurtrières organisées
par certains colons juifs d'extrême-droite assoifés de sang.
Les
Palestiniens se sont soulevés en masse lors de la première intifada
qui avait début en 1987 et qui avait mené à la concession du
processus de paix d'Oslo et à l'établissement de
l'Autorité palestinienne en 1994. Lorsqu'il est devenu
clair que ce processus non seulement n'avait pas apporté la moindre
amélioration au sort des Palestiniens ni à un État, mais l'avait
en réalité même fait empirer à de nombreux égards, une deuxième
intifada a éclaté. Mais ce mouvement a fait l'erreur de s'écarter
de l'action de masse pour lui préférer des actes individuels tels
que des attaques-suicides et autres contre d'innocents civils
israéliens.
Ces opérations tiraient leur énergie du désespoir et
n'étaient pas du tout coordonnées de manière démocratique, tout
le pouvoir de décision reposant entre les mains de quelques petites
organisations secrètes. Mais les attaques contre les civils
israéliens sont en réalité contre-productives, parce qu'elles
incitent fortement les juifs israéliens à se détourner de tout
soutien à la cause palestinienne et au contraire à courir chercher
refuge entre les bras de la propagande de leur gouvernement de
droite. La nature arbitraire de ces attentats cause des pertes de vie
absolument inutiles du côté des Israéliens – y compris des
enfants et des Palestiniens vivant en Israël.
Des
luttes de masse pourraient être organisées contre de nombreuses
cibles, comme le mur de séparation, les barrages routiers, les
confiscations de terrain, les démolitions de maisons et autres
aspects repoussants de l'occupation. La classe dirigeante israélienne
est en ce moment terrifiée par l'idée que les Palestiniens puissent
s'unir en un mouvement déterminé et qui irait s'intensifiant, parce
qu'elle ne pourrait pas se débarrasser d'un tel mouvement par des
moyens militaires.
Les
travailleurs et les pauvres en Tunisie et en Égypte ont démontré à
quel point l'action de masse peut être efficace, même si les
révolutions dans leurs pays n'ont pas encore été jusqu'au bout.
En même
temps que mener la lutte contre l'occupation, les Palestiniens des
territoires occupés sont confrontés à la tâche nécessaire de se
débarrasser de leurs propres dirigeants politiques pro-capitalistes,
qu'ils soient du Fatah, du Hamas, du Djihad islamique, etc. ;
tous ces dirigeants bourgeois et petits-bourgeois sont en effet
incapables d'apporter la moindre amélioration en ce qui concerne le
niveau de vie ou la libération nationale. Il faut construire des
comités de base qui s'organisent dans les quartiers, sur les
entreprises, dans les écoles, etc. et qui se coordonnent pour la
construction d'un nouveau parti de masse des travailleurs capable de
remettre en question le capitalisme, et de le jeter à bas.
La première intifada, soulèvement de masse de la population palestinienne, avait donné des résultats, là où le terrorisme et la guérilla avaient échoué |
Un État ?
Tout en
résistant obstinément à toute idée de développement d'un
véritable État palestinien à côté d'Israël, l'idée d'un seul
État, d'un “grand Israël” ou d'une “grande Palestine”
qui regrouperait à la fois la population israélienne et l'ensemble
des territoires palestiniens, dont les habitants recevraient les
mêmes droits que les autres Israéliens, n'est pas perçu comme une
option sérieuse par la plupart des stratèges israéliens. Dans un
tel État en effet, les juifs israéliens seraient une minorité – au
moins d'ici 2020 – dans l'État qu'ils auraient pourtant
bâti comme étant le leur, en tant que havre et refuge pour les
juifs à la suite de l'Holocauste.
Puisqu'en
même temps, il est évident que l'occupation des territoires
palestiniens ne pourra pas durer indéfiniment, l'ancien
premier ministre Ariel Sharon avait décidé de mettre un
terme à toute tentative de solution à un État en tentant une
séparation unilatérale, justement à cause de la situation
démographique – le taux de natalité plus élevé parmi la
population palestinienne que parmi la population juive.
Ce
dilemme donc pour les capitalistes israéliens – le conflit
national et la tendance démographique – les a mené à
utiliser la répression militaire et l'établissement de colonies et
d'un programme d'infrastructures afin de progressivement parquer les
Palestiniens dans quelques enclaves ravagées par la misère.
D'autres “solutions” tout aussi révoltantes sont régulièrement
discutées, surtout parmi les politiciens les plus droitiers, comme
par exemple la sous-traitance de la répression des Gazaouis à une
élite arabe, l'annexion de la Cisjordanie, ou le déguerpissement
complet de tous les Palestiniens hors de Palestine-Israël.
Contrairement
à leur classe dirigeante, les travailleurs juifs israéliens n'ont
rien à gagner de ce conflit national, qui n'est pour eux qu'un
apparemment éternel piège sanglant. Une majorité des Israéliens
soutient l'idée d'un État palestinien à côté de l'État
israélien, ne serait-ce que pour mettre un terme à l'insécurité
constante à laquelle ils sont confrontés. Mais l'idée d'“un État”
dans lequel ils deviendraient une minorité ethnique est pour eux
absolument impossible à envisager. Ils craignent de se voir
discriminés dans ce même pays où leurs parents et grands-parents
sont arrivés dans l'espoir d'y trouver une patrie juive, pour lequel
ils ont fait tellement de sacrifices. Ce serait aussi un retournement
de situation par rapport à ce qui se passe actuellement, où ce sont
les Palestiniens, en Israël et en-dehors d'Israël, qui subissent la
discrimination. Un
sondage réalisé en octobre 2012 a par exemple démontré que
69 % des Israéliens sont contre l'idée de, dans le cas où la
Cisjordanie serait annexée par Israël, donner le droit de vote aux
Palestiniens.
Des
décennies de conflit et de propagande sioniste en Israël, en plus
de la stratégie du cul-de-sac adoptée par les dirigeants
palestiniens, ont créé d'immenses obstacles sur la route de la
confiance mutuelle, qui ne pourront être pleinement écartés que
lorsque sera mis à terme à l'interférence impérialiste et au
capitalisme dans la région. Entretemps, les socialistes en
Israël-Palestine et partout dans le monde, plutôt que de rejeter
les craintes des travailleurs israéliens – et des
travailleurs palestiniens – au sujet de la solution à
“un État”, comme certains le font, doivent pointer du doigt
les divisions de classe qui existent en Israël – les intérêts
diamétralement opposés de la classe ouvrière et de la classe
capitaliste. La classe ouvrière israélienne possède la force
potentielle – via son rôle dans la production – de
bloquer l'économie israélienne et de mettre à genoux le
capitalisme israélien.
De
nombreux marxistes se sont opposés à la création d'Israël dans ce
qui était à l'époque la Palestine sous mandat britannique, sachant
que cela aurait d'amères conséquences pour les Palestiniens et que
cela ne serait qu'une fausse solution pour les juifs. Mais maintenant
qu'Israël existe, et qu'une fervente conscience nationale
israélienne a été établie, cette réalité ne peut être
simplement balayée de la main. Un État israélien avec six millions
d'habitants juifs et avec à sa disposition un des plus puissants
appareils militaires au monde, doté entre autres d'armes nucléaires,
ne peut être vaincu militairement par les Palestiniens ou par les
forces armées des États arabes afin d'imposer une solution à
un État ou la fin d'Israël.
20 % des citoyens israéliens sont d'ethnie palestinienne ou arabe. En cas de solution à “un État”, les Israéliens ont peur de se retrouver minoritaires dans leur propre pays. |
Des pistes pour une solution
Bien
qu'elle bénéficie en général d'un meilleur niveau de vie que les
Palestiniens d'Israël (qui sont au nombre de 1,5 millions), la
population juive israélienne connait elle aussi une pauvreté fort
répandue et l'insécurité financière. Vague après vague
d'attaques néolibérales se sont abattues sur la population,
promulguées par les divers gouvernements israéliens qui ont coupé
les services publics, détruit des emplois, supprimé des droits et
toutes sortes d'allocations.
En
conséquence de cela, on a vu beaucoup de mouvements de protestation
et de grèves se développer parmi les travailleurs israéliens
– juifs ou palestiniens – autour de thèmes sociaux ou
économiques. Les conflits en entreprise incluent les luttes contre
la privatisation, pour le paiement des arriérés salariaux, contre
les salaires de misère. Certains mouvements ont aussi ciblé les
attaques contre les droits démocratiques, comme par exemple une loi
qui visait à empêcher les gens à appeler à des boycotts.
En 2011,
un vaste mouvement de “ville de tentes” s'est développé pour
protester contre le manque de logements et contre la hausse des
loyers et des prix de l'immobilier, et de manière générale contre
“l'injustice sociale”. Ce mouvement a vu se dérouler des
manifestations d'une ampleur sans précédent pour Israël, faisant
descendre dans les rues des centaines de milliers de personnes.
C'est
uniquement par le développement de tels mouvements – armés
d'un programme pour le changement et d'un appel à former un nouveau
parti de masse des travailleurs israéliens – que la classe
dirigeante israélienne verra son pouvoir remis en cause et pourra se
voir contrainte de dégager, malgré toute sa brutalité (qui n'est
soit dit en passant pas l'apanage des seuls capitalistes
israéliens !).
Le mouvement Occupy Tel-Aviv en 2011, quand les masses israéliennes ont défié leur gouvernement |
Deux États ?
Tout
comme il sera capable d'adopter un programme pour une société
socialiste démocratique qui aura pour but de desservir les
véritables intérêts des simples Israéliens, y compris de la
minorité palestinienne en Israël, un nouveau parti des travailleurs
de masse en Israël sera également capable d'exiger la fin de
l'occupation et de l'exploitation des territoires palestiniens. Dans
son programme, l'idée d'une solution à deux États serait bien
plus acceptée par la majorité des travailleurs des deux camps
nationaux que la solution à un État. Cela ne veut pas dire que
beaucoup de gens sont extrêmement sceptiques quant à la possibilité
de réaliser ce plan, vu les nombreuses tentatives malheureuses,
voire destructrices, qui ont déjà été effectuées en ce sens par
les politiciens capitalistes.
Bien que
seule une petite minorité des juifs israéliens soient aujourd'hui
actifs dans les campagnes pour un État palestinien, il y a
réellement une remise en question et un malaise parmi la société
israélienne quant à l'occupation des territoires palestiniens, et
un très grand nombre des soldats et réservistes ne veulent pas y
être envoyés. Mais au même moment, le gouvernement israélien
diffuse une intense et constante propagande visant à justifier son
étouffement des territoires palestiniens, au nom de la sécurité
d'Israël. Le moindre tir de missiles en provenance de Gaza sert de
prétexte pour intensifier la répression ou pour démontrer la
nécessité du mur de séparation et des restrictions qui sont
imposées aux déplacements et au commerce des Palestiniens, afin de
sauvegarder les habitants d'Israël.
Mais ils
sont très peu nombreux, les travailleurs juifs qui désirent vivre
dans une situation de conflit permanent ; du coup, toute une
série de développements pourraient les amener à se rapprocher de
la cause palestinienne et à y contribuer directement, y compris
leurs propres luttes contre les grands patrons israéliens, le fait
de voir leurs luttes être soutenues par les travailleurs
palestiniens et ailleurs dans le monde, l'inspiration puisée dans
l'apparition de nouvelles luttes de masse des travailleurs
palestiniens ou d'autres pays, ou la fin des meurtres arbitraires de
civils israéliens par les Palestiniens.
Rabbins juifs à une manif pro-Palestine :
“Le sionisme est l'opposé du judaïsme”
“Le sionisme est l'opposé du judaïsme”
Pour le socialisme
L'adoption
d'un programme socialiste des deux côtés de la division nationale
pourrait jeter les bases d'une nouvelle ouverture de véritables
négociations, qui seraient menées par des représentants élus
démocratiquement par les travailleurs palestiniens et israéliens,
afin de résoudre l'ensemble des problèmes qui sous le capitalisme
n'ont jamais pu trouver une solution.
Les
sociétés socialistes ne peuvent être construites sur base de
l'oppression d'une autre nationalité ; il est important pour
elles de défendre l'égalité des droits et l'auto-détermination.
La tâche de décider des modalités exactes de l'accord – les
frontières, l'accès à l'eau et autres ressources, la partition de
Jérusalem, la gestion du retour des réfugiés, les garanties de
protection des droits des minorités, et autres enjeux importants –
reviendra aux travailleurs et aux pauvres dans la sous-région.
Les
“faits” qui sont imposés par les diverses classes capitalistes
peuvent être changés sur base de débats et de consensus
démocratiques, et de droits garantis. Contrairement aux immenses
obstacles qui sont placés sur la route de la paix par le
capitalisme, il sera possible sous le socialisme d'arriver à un
accord parce chacun pourra recevoir un logement décent et un niveau
de vie rehaussé du fait que les forces productives y seront libérées
par la collectivisation et par la planification de l'économie,
mettant par la même occasion un terme au chômage.
La
proposition de deux États – une Palestine socialiste et
un Israël socialiste – est la voie vers le socialisme qui
reçoit aujourd'hui le plus d'attentions favorables, étant donné la
situation actuelle. À n'importe quel moment sur cette route ou
après, sur base d'une hausse de la confiance réciproque et en la
possibilité de bénéfices mutuels, il pourrait être décidé de
voter démocratiquement pour continuer la vie dans un seul État, en
tant que partie prenante d'une confédération socialiste du
Moyen-Orient.
Quoiqu'il
en soit, grâce au socialisme, le Moyen-Orient pourrait se trouver
sur les rails d'une transformation radicale qui le feraient passer
d'une des sous-régions avec les plus graves et les plus complexes
questions nationales au monde, à une dans laquelle les différentes
nationalités vivent en harmonie les unes avec les autres,
enrichissant leur vie sur les plans économique, social et culturel.
Pour une lutte unie des Palestiniens et des juifs contre le capitalisme – seule solution pour sortir du conflit |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire