dimanche 16 juin 2013

Théorie : l'opppression des femmes, exemple du Nigeria

Les femmes nigérianes subissent l'inégalité, la brutalité et l'exploitation

Pour une lutte de masse et une alternative socialiste afin d'obtenir l'égalité des sexes




Sous le capitalisme, les femmes subissent une double oppression : d'abord de part leur sexe, ensuite, pour l'immense majorité, du fait qu'elles appartiennent à la classe ouvrière. Une grave inégalité caractérise la situation de la femme au Nigeria. Afin d'obtenir une véritable égalité entre les sexes, il faut une lutte de masse afin de défendre les droits des femmes et pour le renversement du capitalisme.

 

Article rédigé en mars 2013 par Oluwaseun Ogunniyi, Democratic Socialist Movement (section nigériane du CIO), à l'occasion de la journée de la Femme



Il est dit que le “visage” de la pauvreté est celui d'une femme. Cela est on ne peut plus vrai au Nigeria – un pays où plus de 70 % de la population ne gagne même pas 1 $ par jour. Une très grande partie de ces Nigérians pauvres sont des Nigérianes. Les femmes constituent une part considérable des 28 millions de chômeurs.

Simplement du fait de leur sexe, une femme est dès sa naissance déjà moins bien lotie que ses frères. Que ça soit pour l'accès à l'emploi, à l'enseignement, à la santé et aux opportunités sociales, les femmes sont désavantagées. Selon l'enquête démographique et sanitaire réalisée en 2003, le taux d'abandon dans les écoles secondaires est de 44 % pour les filles contre 39 % pour les garçons. De même, les garçons avaient un taux de fréquentation plus élevé, de 64 %, contre 56 % pour les filles. La discrimination sur base du sexe affecte les filles et les femmes durant toute leur vie ; elles sont celles qui souffrent le plus de la pauvreté.

Même lorsqu'elles parviennent à obtenir un emploi, cela ne veut pas dire qu'elles sont moins opprimées ; au contraire, leur oppression n'en est que renforcée. Les femmes nigérianes travaillent souvent plus que les hommes. Alors qu'elles descendent en même temps que leurs collègues masculins, elles doivent encore se payer de longues heures de travail non-payé une fois qu'elles arrivent à la maison. Alors que souvent, elles reçoivent un moins bon salaire que les hommes. Les femmes ont moins de chances de gagner un revenu – elles sont les dernières à être embauchées, et les premières à se faire virer. Les patrons les considèrent comme étant moins productives que les hommes, à cause de leur rôle reproducteur. Le travail des femmes est souvent moins bien considéré et moins bien remercié, quand il n'est pas tout simplement non-reconnu.

Les femmes passent en moyenne 4 h par jour à travailler
gratuitement à la maison (1 h 30 pour les hommes)
Les hommes ont en moyenne plus d'occasion de nouer des relations


Alors qu'elles se voient demander beaucoup, elles ne reçoivent que très peu. Ce sont les femmes qui doivent s'occuper de leurs familles et de leurs communautés. Si la nourriture ou les ressources font défaut, les femmes se servent toujours en dernier. On voit souvent dans les familles pauvres la femme donner à manger aux enfants et à son mari avant de regarder s'il reste quelque chose pour elle.

Peu d'attention est donnée à la santé et aux besoins nutritionnels des femmes. Les femmes manquent d'éducation et de services d'encadrement. Elles n'ont aussi que peu de chances de pouvoir participer à la prise de décision concernant des choix qui affecteront leur vie tout entière. Beaucoup de gens pensent que la question des droits des femmes n'est un problème que dans les pays soumis à la loi religieuse, comme dans beaucoup de pays musulmans. Pire, certains pensent qu'il n'y a en réalité aucun problème et que tout a déjà été résolu.

Non seulement il est plus difficile pour les femmes
de trouver un emploi décent, mais en plus elles doivent
s'occuper des enfants et de leur foyer
 
Il y a pourtant toujours tellement de violence contre les femmes, la violence domestique par exemple – pour chaque histoire heureuse où on pense voir un progrès dans la situation des femmes, il y a d'innombrables histoires malheureuses qui montrent bien à quel point la société est loin de l'égalité des sexes. Selon les statistiques portant sur la violence conjugale, une femme sur trois dans le monde aura à subir du harcèlement sexuel à un moment au cours de sa vie ; la moitié des actes de violence sexuelle sont commis contre des filles âgées de moins de 16 ans. Au Nigeria, 50 % des femmes sont battues ou violées par leurs maris sans que cela n'émeuve personne.

Au Nigeria, vu le contexte culturel et religieux, la situation est très grave. La plupart des ethnies du Nigeria considèrent que la femme n'est pas l'égal de l'homme et doit se soumettre à son autorité. On apprend aux femmes que quelle que soit la situation, elles doivent se soumettre sans chercher d'explications. Lorsqu'une femme ose s'exprimer, c'est elle qui sera considérée comme responsable de la violence qu'elle recevra en guise de réaction. On lui dit que cela fait partie du mariage, qu'elle n'a qu'à accepter cela – c'est comme ça. Beaucoup de femmes meurent au Nigeria dans de telles circonstances. De nombreux cas de violence conjugale ne sont jamais rapportés, car la femme est honteuse du fait que son mariage ne fonctionne pas, et pour la plupart des femmes, le divorce n'est pas envisageable du tout, parce que la procédure judiciaire est trop chère pour les femmes de la classe des travailleurs ; elle souffrent donc en silence.

Les lois spécifiques à certaines régions du pays sont aussi orientées contre les femmes, les forçant à continuer à vivre dans des relations abusives. Selon la section 55 (d) du Code pénal en vigueur dans les états du nord du Nigeria dit qu'un homme a le droit de “corriger” sa femme, tant qu'il ne lui cause pas de blessures physiques trop graves et que cela corresponde à la loi tradaitionnelle et à la coutume de l'ethnie à laquelle appartient le couple.

Il y a aussi le problème du viol et de l'inceste. Cela semble incroyable, mais le nombre de cas d'inceste et de viol au Nigeria sont en augmentation. Les statistiques des viols au Nigeria sont inadaptées, car ce type de crime reste souvent non-déclaré. Par exemple, selon les statistiques publiées en 2011 par l'enquête sur le crime et sur la sécurité, à peine 28 % des viols sont déclarés à la police. La cause fondamentale du viol se trouve dans la manière dont la société en général traite les femmes.

Les femmes sont aussi très vulnérable aux pires formes d'exploitation

L'inceste est un crime silenciux dont on n'a que récemment commencé à parler, surtout à cause du manque d'accès à l'information et du fait que ce crime en général reste caché au sein de la famille. Cela est lié au taux extrêmement élevé d'ignorance et d'inalphabétisme parmi les femmes, surtout en zone rurale. La société capitaliste promeut la suprématie et la domination de l'homme sur la femme d'une manière qui amplifie l'image de l'homme, en particulier d'un homme plus âgé, aux yeux des femmes et des filles. Cet environnement patriarcal encourage les hommes au sein de la famille à croire que les femmes de la famille leur appartiennent et qu'ils peuvent faire avec elles tout ce qui leur passe par la tête.

Ce modèle exige aussi de la femme une soumission au contrôle unilatéral des hommes au sein de la famille, en particulier du père. Il est par conséquent très facile pour un père aux intentions incestueuses d'abuser de sa fille ou d'une nièce, qui croit qu'elle n'a ni la force ni la volonté de lui résister.

Dans un système patriarcal, la femme est soumise
et l'homme crie

La lutte pour l'égalité des sexes fait partie de la lutte pour le développement et pour la survie des enfants, et donc pour le développement de tout un chacun dans la société ; par conséquent, l'importance des droits des femmes et de l'égalité des sexes ne doit pas être sous-estimée. Les droits des femmes partout dans le monde sont un indicateur important du bien-être des sociétés. C'est pour cette raison que le 8 mars est mis en valeur en tant que journée de la Femme. Cette journée devrait être une journée, comme c'était l'idée à l'origine, de réfléchir sur la condition de la femme et de planifier des actions afin de poursuivre la lutte pour la défense des droits des femmes et pour leur libération.

Les femmes devraient être fières d'apprendre que l'idée de cette journée tire son histoire du mouvement ouvrier du début du 20ème siècle, et en particulier de la révolution socialiste d'octobre 1917 en Russie. Cette révolution a été la toute première révolution socialiste victorieuse de l'histoire, et les femmes y ont joué un rôle prépondérant. La révolution était dirigée par le parti bolchévique – un parti politique ouvrier marxiste, tel que nous en avons cruellement besoin afin de diriger la lutte pour en finir avec le capitalisme et sa multiple oppression des femmes.

L'acte qui a déclenché la révolution russe a été la marche des femmes de Saint-Pétersbourg en février 1917, sous le slogan “Pain, terre, liberté”. De 1917 à 1924, le gouvernement des conseils ouvriers (soviets) a connu de grandes avancées dans la condition de la femme, comme par exemple la suppression de lois capitalistes ou féodales qui légalisaient l'oppression des femmes. Le gouvernement révolutionnaire a aussi mis en place de véritables programmes sociaux destinés à obtenir l'égalité entre hommes et femmes dans la vie de tous les jours. Les femmes ont aussi joué un rôle extrêmement important dans la guerre contre l'agression impérialiste contre leur jeune État ouvrier et dans les tentatives d'édification du socialisme après la guerre.

Manifestation de femmes en 1917 en Russie

Il y a beaucoup de choses que les femmes nigérianes peuvent tirer de l'exemple de la révolution russe de 1917 dans le cadre de leur combat pour l'égalité aujourd'hui. Une de ces leçons est le fait que la lutte pour la libération des femmes ne peut être séparée de la lutte de classe menée par les masses pauvres et travailleuses contre les attaques néolibérales sur leur niveau de vie, mais qu'elle y est en fait liée. Par conséquent, les femmes doivent s'engager dans les syndicats étudiants, dans les syndicats ouvriers, et dans les organisations de masse qui se battent contre la politique capitaliste néolibérale anti-pauvres dans les entreprises, sur les campus et dans les quartiers. La deuxième leçon est qu'il ne peut en vérité y avoir d'égalité réelle des sexes dans le cadre du capitalisme, système de profit et d'exploitation. La lutte pour la libération des femmes requiert en même temps une lutte pour le renversement du capitalisme et pour son remplacement par le socialisme.

Tout comme c'est le cas pour les lutte de l'ensemble de la population travailleuse, les luttes des femmes pourraient remporter par elles-mêmes quelques concessions et acquis mais qui ne seront jamais, dans le cadre de ce système, que temporaires. Cela ne veut pas dire que nous devons cesser de chercher une amélioration dès aujourd'hui. Au contraire, nous devons poursuivre l'agitation en faveur de l'égalité des chances, de soins de santé et d'un enseignement gratuits et de qualité, d'emplois décents et de logements pour tous, etc. Toutefois, quels que soient les gains temporaires qui pourraient être obtenus sous le capitalisme grâce à des luttes de masse, ces gains ne pourront devenir permanents que via la reconstruction socialiste de la société, par laquelle la base de la production et de la gouvernance serait les besoins réels de la société, plutôt que l'avidité et la soif de profits de quelques-uns, et par laquelle sera abolie toute forme d'exploitation et d'oppression.

Contrairement au capitalisme, le socialisme ne cherche pas à placer un sexe au-dessus de l'autre, mais cherchera au contraire à assurer l'égalité des chances pour tous. Sous le socialisme, les ressources du pays et de l'État seront judicieusement utilisées pour fournir à tout un chacun des services publics gratuits et de qualité ; l'égalité des chances sera garantie, quel que soit le sexe.

Association de femmes manifestant contre la corruption au Nigeria

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire