Les femmes nigérianes subissent l'inégalité, la brutalité et l'exploitation
Pour une lutte de masse et une alternative socialiste afin d'obtenir l'égalité des sexes
Sous
le capitalisme, les femmes subissent une double oppression :
d'abord de part leur sexe, ensuite, pour l'immense majorité, du fait
qu'elles appartiennent à la classe ouvrière. Une grave inégalité
caractérise la situation de la femme au Nigeria. Afin d'obtenir une
véritable égalité entre les sexes, il faut une lutte de masse afin
de défendre les droits des femmes et pour le renversement du
capitalisme.
Article rédigé en mars 2013 par Oluwaseun Ogunniyi, Democratic Socialist Movement (section nigériane du CIO), à l'occasion de la journée de la Femme
Il est dit que le “visage” de la pauvreté est celui d'une femme. Cela est on ne peut plus vrai au Nigeria – un pays où plus de 70 % de la population ne gagne même pas 1 $ par jour. Une très grande partie de ces Nigérians pauvres sont des Nigérianes. Les femmes constituent une part considérable des 28 millions de chômeurs.
Simplement
du fait de leur sexe, une femme est dès sa naissance déjà moins
bien lotie que ses frères. Que ça soit pour l'accès à l'emploi, à
l'enseignement, à la santé et aux opportunités sociales, les
femmes sont désavantagées. Selon l'enquête démographique et
sanitaire réalisée en 2003, le taux d'abandon dans les écoles
secondaires est de 44 % pour les filles contre 39 %
pour les garçons. De même, les garçons avaient un taux de
fréquentation plus élevé, de 64 %, contre 56 % pour les
filles. La discrimination sur base du sexe affecte les filles et les
femmes durant toute leur vie ; elles sont celles qui souffrent
le plus de la pauvreté.
Même
lorsqu'elles parviennent à obtenir un emploi, cela ne veut pas dire
qu'elles sont moins opprimées ; au contraire, leur oppression
n'en est que renforcée. Les femmes nigérianes travaillent souvent
plus que les hommes. Alors qu'elles descendent en même temps que
leurs collègues masculins, elles doivent encore se payer de longues
heures de travail non-payé une fois qu'elles arrivent à la maison.
Alors que souvent, elles reçoivent un moins bon salaire que les
hommes. Les femmes ont moins de chances de gagner un revenu – elles
sont les dernières à être embauchées, et les premières à se
faire virer. Les patrons les considèrent comme étant moins
productives que les hommes, à cause de leur rôle reproducteur. Le
travail des femmes est souvent moins bien considéré et moins bien
remercié, quand il n'est pas tout simplement non-reconnu.
Les femmes passent en moyenne 4 h par jour à travailler gratuitement à la maison (1 h 30 pour les hommes) Les hommes ont en moyenne plus d'occasion de nouer des relations |
Alors
qu'elles se voient demander beaucoup, elles ne reçoivent que très
peu. Ce sont les femmes qui doivent s'occuper de leurs familles et de
leurs communautés. Si la nourriture ou les ressources font défaut,
les femmes se servent toujours en dernier. On voit souvent dans les
familles pauvres la femme donner à manger aux enfants et à son mari
avant de regarder s'il reste quelque chose pour elle.
Peu
d'attention est donnée à la santé et aux besoins nutritionnels des
femmes. Les femmes manquent d'éducation et de services
d'encadrement. Elles n'ont aussi que peu de chances de pouvoir
participer à la prise de décision concernant des choix qui
affecteront leur vie tout entière. Beaucoup de gens pensent que la
question des droits des femmes n'est un problème que dans les pays
soumis à la loi religieuse, comme dans beaucoup de pays musulmans.
Pire, certains pensent qu'il n'y a en réalité aucun problème et
que tout a déjà été résolu.
Non seulement il est plus difficile pour les femmes de trouver un emploi décent, mais en plus elles doivent s'occuper des enfants et de leur foyer |
Il
y a pourtant toujours tellement de violence contre les femmes, la
violence domestique par exemple – pour chaque histoire
heureuse où on pense voir un progrès dans la situation des femmes,
il y a d'innombrables histoires malheureuses qui montrent bien à
quel point la société est loin de l'égalité des sexes. Selon les
statistiques portant sur la violence conjugale, une femme sur trois
dans le monde aura à subir du harcèlement sexuel à un moment au
cours de sa vie ; la moitié des actes de violence sexuelle sont
commis contre des filles âgées de moins de 16 ans. Au
Nigeria, 50 % des femmes sont battues ou violées par leurs
maris sans que cela n'émeuve personne.
Au
Nigeria, vu le contexte culturel et religieux, la situation est très
grave. La plupart des ethnies du Nigeria considèrent que la femme
n'est pas l'égal de l'homme et doit se soumettre à son autorité.
On apprend aux femmes que quelle que soit la situation, elles doivent
se soumettre sans chercher d'explications. Lorsqu'une femme ose
s'exprimer, c'est elle qui sera considérée comme responsable de la
violence qu'elle recevra en guise de réaction. On lui dit que cela
fait partie du mariage, qu'elle n'a qu'à accepter cela – c'est
comme ça. Beaucoup de femmes meurent au Nigeria dans de telles
circonstances. De nombreux cas de violence conjugale ne sont jamais
rapportés, car la femme est honteuse du fait que son mariage ne
fonctionne pas, et pour la plupart des femmes, le divorce n'est pas
envisageable du tout, parce que la procédure judiciaire est trop
chère pour les femmes de la classe des travailleurs ; elle
souffrent donc en silence.
Les
lois spécifiques à certaines régions du pays sont aussi orientées
contre les femmes, les forçant à continuer à vivre dans des
relations abusives. Selon la section 55 (d) du Code pénal
en vigueur dans les états du nord du Nigeria dit qu'un homme a le
droit de “corriger” sa femme, tant qu'il ne lui cause pas de
blessures physiques trop graves et que cela corresponde à la loi
tradaitionnelle et à la coutume de l'ethnie à laquelle appartient
le couple.
Il
y a aussi le problème du viol et de l'inceste. Cela semble
incroyable, mais le nombre de cas d'inceste et de viol au Nigeria
sont en augmentation. Les statistiques des viols au Nigeria sont
inadaptées, car ce type de crime reste souvent non-déclaré. Par
exemple, selon les statistiques publiées en 2011 par l'enquête
sur le crime et sur la sécurité, à peine 28 % des viols sont
déclarés à la police. La cause fondamentale du viol se trouve dans
la manière dont la société en général traite les femmes.
Les femmes sont aussi très vulnérable aux pires formes d'exploitation |
L'inceste
est un crime silenciux dont on n'a que récemment commencé à
parler, surtout à cause du manque d'accès à l'information et du
fait que ce crime en général reste caché au sein de la famille.
Cela est lié au taux extrêmement élevé d'ignorance et
d'inalphabétisme parmi les femmes, surtout en zone rurale. La
société capitaliste promeut la suprématie et la domination de
l'homme sur la femme d'une manière qui amplifie l'image de l'homme,
en particulier d'un homme plus âgé, aux yeux des femmes et des
filles. Cet environnement patriarcal encourage les hommes au sein de
la famille à croire que les femmes de la famille leur appartiennent
et qu'ils peuvent faire avec elles tout ce qui leur passe par la
tête.
Ce
modèle exige aussi de la femme une soumission au contrôle
unilatéral des hommes au sein de la famille, en particulier du père.
Il est par conséquent très facile pour un père aux intentions
incestueuses d'abuser de sa fille ou d'une nièce, qui croit qu'elle
n'a ni la force ni la volonté de lui résister.
La
lutte pour l'égalité des sexes fait partie de la lutte pour le
développement et pour la survie des enfants, et donc pour le
développement de tout un chacun dans la société ; par
conséquent, l'importance des droits des femmes et de l'égalité des
sexes ne doit pas être sous-estimée. Les droits des femmes partout
dans le monde sont un indicateur important du bien-être des
sociétés. C'est pour cette raison que le 8 mars est mis
en valeur en tant que journée de la Femme. Cette journée devrait
être une journée, comme c'était l'idée à l'origine, de réfléchir
sur la condition de la femme et de planifier des actions afin de
poursuivre la lutte pour la défense des droits des femmes et pour
leur libération.
Les
femmes devraient être fières d'apprendre que l'idée de cette
journée tire son histoire du mouvement ouvrier du début
du 20ème siècle, et en particulier de la révolution
socialiste d'octobre 1917 en Russie. Cette révolution a
été la toute première révolution socialiste victorieuse de
l'histoire, et les femmes y ont joué un rôle prépondérant. La
révolution était dirigée par le parti bolchévique – un
parti politique ouvrier marxiste, tel que nous en avons cruellement
besoin afin de diriger la lutte pour en finir avec le capitalisme et
sa multiple oppression des femmes.
L'acte
qui a déclenché la révolution russe a été la marche des femmes
de Saint-Pétersbourg en février 1917, sous le slogan
“Pain, terre, liberté”. De 1917 à 1924, le
gouvernement des conseils ouvriers (soviets) a connu de grandes
avancées dans la condition de la femme, comme par exemple la
suppression de lois capitalistes ou féodales qui légalisaient
l'oppression des femmes. Le gouvernement révolutionnaire a aussi mis
en place de véritables programmes sociaux destinés à obtenir
l'égalité entre hommes et femmes dans la vie de tous les jours. Les
femmes ont aussi joué un rôle extrêmement important dans la guerre
contre l'agression impérialiste contre leur jeune État ouvrier et
dans les tentatives d'édification du socialisme après la guerre.
Manifestation de femmes en 1917 en Russie |
Il
y a beaucoup de choses que les femmes nigérianes peuvent tirer de
l'exemple de la révolution russe de 1917 dans le cadre de leur
combat pour l'égalité aujourd'hui. Une de ces leçons est le fait
que la lutte pour la libération des femmes ne peut être séparée
de la lutte de classe menée par les masses pauvres et travailleuses
contre les attaques néolibérales sur leur niveau de vie, mais
qu'elle y est en fait liée. Par conséquent, les femmes doivent
s'engager dans les syndicats étudiants, dans les syndicats ouvriers,
et dans les organisations de masse qui se battent contre la politique
capitaliste néolibérale anti-pauvres dans les entreprises, sur les
campus et dans les quartiers. La deuxième leçon est qu'il ne peut
en vérité y avoir d'égalité réelle des sexes dans le cadre du
capitalisme, système de profit et d'exploitation. La lutte pour la
libération des femmes requiert en même temps une lutte pour le
renversement du capitalisme et pour son remplacement par le
socialisme.
Tout
comme c'est le cas pour les lutte de l'ensemble de la population
travailleuse, les luttes des femmes pourraient remporter par
elles-mêmes quelques concessions et acquis mais qui ne seront
jamais, dans le cadre de ce système, que temporaires. Cela ne veut
pas dire que nous devons cesser de chercher une amélioration dès
aujourd'hui. Au contraire, nous devons poursuivre l'agitation en
faveur de l'égalité des chances, de soins de santé et d'un
enseignement gratuits et de qualité, d'emplois décents et de
logements pour tous, etc. Toutefois, quels que soient les gains
temporaires qui pourraient être obtenus sous le capitalisme grâce à
des luttes de masse, ces gains ne pourront devenir permanents que via
la reconstruction socialiste de la société, par laquelle la base de
la production et de la gouvernance serait les besoins réels de la
société, plutôt que l'avidité et la soif de profits de
quelques-uns, et par laquelle sera abolie toute forme d'exploitation
et d'oppression.
Contrairement
au capitalisme, le socialisme ne cherche pas à placer un sexe
au-dessus de l'autre, mais cherchera au contraire à assurer
l'égalité des chances pour tous. Sous le socialisme, les ressources
du pays et de l'État seront judicieusement utilisées pour fournir à
tout un chacun des services publics gratuits et de qualité ;
l'égalité des chances sera garantie, quel que soit le sexe.
Association de femmes manifestant contre la corruption au Nigeria |
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