En
route vers le congrès du FPI !
Le FPI est plongé dans la crise et se prépare à son congrès où Affi N'Guessan, dont le rôle d'agent infiltré du régime RHDP devient chaque jour de plus en plus clair aux yeux de beaucoup de militants, sera probablement démis de ses fonctions. Malheureusement, aucun débat de fond n'a été mené. Si Affi s'incline, est écarté de la direction ou quitte le parti, ce ne sera pas pour des raisons politiques et pour le soutien à tel ou tel programme, mais uniquement pour “déloyauté” envers le FPI et en particulier envers la personne de Laurent Gbagbo. Et c'est bien dommage, alors que tant de questions restent posées concernant l'avenir (et le passé) de la révolution ivoirienne, qui mériteraient d'être approfondies lors du congrès.
Dans cet appel, nous voulons nous adresser à toutes les cellules membres du FPI pour leur demander de préparer des résolutions pour le congrès qui cherchent à dépasser le simple conflit de clans personnels, mais qui touchent directement au programme du parti, au modèle de développement que nous voulons pour la Côte d'Ivoire, et à la stratégie à suivre pour faire triompher ce modèle, qui doit selon nous être un modèle socialiste – le même socialisme auquel il est pourtant fait référence dans les statuts du FPI, mais que tout le monde semble avoir oublié.
Appel par Dalaï et Jules Konan, CIO-CI
Tout cela en plein mouvement de
grève nationale des enseignants, des élèves et des fonctionnaires.
Et alors qu'au même moment, on voyait de nombreux anciens soutiens
de Ouattara (dont l'ex-ambassadeur des États-Unis et le journal
Jeune Afrique) le critiquer et clamer leur désenchantement par
rapport à la corruption et à la politique menée par son
gouvernement. Un cocktail explosif était là, tout prêt – il
aurait suffi d'une étincelle pour mettre le feu aux poudres.
C'est pourquoi, en bon tacticien, ADO a opéré un volte-face surprenant en libérant Affi N'Guessan, sorti de prison comme par magie en juillet 2013. C'est un Affi zélé et déterminé à reprendre le combat pour les libertés démocratiques qui entame une grande tournée dans tout le pays pour restaurer les structures du FPI, prêt à se rabattre sur ses frères d'hier aussi (Akoun, Douaty et autres). Cependant, le CIO-CI ne s'est pas laissé prendre au piège et dès le début, a relevé dans le discours d'Affi des signes trompeurs. Car il s'agissait en réalité d'un plan en trois étapes, bien ficelé par ses concepteurs.
1. Il fallait libérer Affi, mais aussi libérer et faire revenir d'exil tous ceux qui voudraient l'accompagner (Gossio, Augustin Comoé, Alain Dogbou). Tout en maintenant captive Simone Ehivet Gbagbo, probable candidate contre Ouattara, dotée d'une grande influence sur les membres et fine tacticienne.
2. Permettre à Affi de reprendre le contrôle de la machine du FPI afin de museler ceux qui étaient toujours farouchement accrochés à Laurent Gbagbo. C'est ainsi qu'on a vu l'exclusion des “radicaux” et le chamboulement des instances du parti, accompagné d'humiliations à l'encontre de ces militants.
3. Une fois la machine maitrisée, maintenir Simone Gbagbo en détention de manière prolongée, afin qu'Affi petit à petit puisse faire oublier Laurent Gbagbo. Affi aurait alors pu se présenter comme candidat contre Alassane pour lui permettre de légitimer sa victoire de 2015 – cette même légitimité qu'il recherche depuis 2010 !
Mais vu la qualité de ses structures, le parti a résisté à l'effet de cette phagocytose interne. Affi s'est retrouvé mis en minorité dans les instances telles que le comité de contrôle. Néanmoins, Affi refuse d'abdiquer, car ses nouveaux amis au sein du régime savent que pour qu'il puissse jouer son rôle, il faut à tout prix qu'il puisse maitriser le FPI, tout en surfant sur le nom de Laurent Gbagbo. Car l'expérience déjà tentée avec Mamadou Coulibaly leur a servi de leçon. Il faut, coute que coute, qu'Affi reste au sein de cette machine. S'il la quittait, leur plan tomberait à l'eau et Affi deviendrait inutile, tout comme Mamadou Coulibaly.
Par ailleurs, il semblerait que lors de la visite de François Hollande en juillet de cette année, il ait été décidé d'accélérer un peu les choses. C'est en effet à partir de ce moment-là qu'on a vu tout à coup démarrer en plein l'opération “Tourner la page”, avec la crise dans les instances du parti, le vif débat autour de la participation à la CEI, et le positionnement de deux camps, les “pro-Affi” et les “pro-Gbagbo”.
Et voilà que la logique est aujourd'hui devenue claire : Affi est en mission pour le régime, infiltré au sein du FPI, afin d'éviter une remise en cause trop brutale de l'ordre établi, afin de prôner la “réconciliation”. La “réconciliation” de qui ? Celle d'une partie des hommes d'affaires, cadres du FPI, qui ne croient plus au projet de révolution nationale prônée par le FPI, mais qui aujourd'hui cherchent un compromis avec l'impérialisme et aspirent avant tout à la “stabilité” afin de pouvoir développer leur business.
Mais voilà : ayant flairé le piège, la machine du FPI – le vrai FPI, càd sa composante radicale – a décidé de tenter le tout pour le tout, en appelant Laurent Gbagbo de sa cellule à reprendre les rênes du parti. C'était pour eux la seule façon de finalement démasquer Affi de manière incontestable : si celui-ci avait été loyal envers le parti, il se serait forcément incliné afin de laver tout soupçon. Mais Affi, en se rebiffant et en se présentant comme candidat contre Gbagbo dans son propre parti, s'est démasqué de lui-même.
En quoi Affi a-t-il trahi ?
Pour comprendre en quoi Affi est pour nous en train de trahir le FPI, il importe d'effectuer une analyse correcte quant à la nature de ce parti.
La Côte d'Ivoire est un pays capitaliste néocolonial, qui constitue un maillon dans la chaine du système capitaliste mondial dominé par l'impérialisme occidental (bien que cette domination soit aujourd'hui remise en question par de nouveaux impérialismes) où la société, comme toute société humaine de nos jours, est divisée en classes sociales : bourgeoisie, paysannerie, “classes moyennes” (petits commerçants, artisans, petits indépendants, etc.) et prolétariat. Ces différentes classes sont elles-mêmes divisées en divers groupes d'intérêts et diverses couches.
Par exemple, le prolétariat se divise entre ouvriers du privé, fonctionnaires du public (de divers statuts), employés de bureau, manœuvres agricoles, etc. de différentes ethnies, âges, niveaux d'éducation, sexes, religions et nationalités, dont les intérêts immédiats peuvent diverger, qui jouissent de différents niveau de confort et subissent différemment l'exploitation ou l'oppression, mais dont les intérêts de classe sont identiques dans le sens que tous dépendent aujourd'hui d'un salaire pour vivre et non d'une quelconque propriété, et que pour obtenir ce salaire, ils se voient contraints de louer une partie de leur temps de vie et de leur force de travail (intellectuel ou manuel) à un patron qui tire une plus-value de l'exploitation de cette force.
De même, la classe bourgeoise se répartit en diverses couches et factions, aux intérêts immédiats divergents, même si ses intérêts sur le long terme en tant que classe sont les mêmes. Il y a ceux qui tirent leurs bénéfices du commerce, d'autres de l'industrie, d'autres de l'extraction des matières premières – toutes activités qui requièrent une politique différente de la part de l'État –, il y a ceux dont les capitaux sont liés aux capital étranger et ceux dont la base est plus locale. Il y a des patrons de multinationales et des patrons de grande, moyenne ou petite entreprise. Enfin, ils peuvent se regrouper en fonction de leur provenance régionale ou de leurs affinités culturelles, ethniques, religieuses, etc.
La société est composée de divers groupes sociaux aux intérêts divergents, qui se regroupent pour pouvoir être plus forts dans le cadre de la lutte pour la redistribution du surproduit social (ou ce que l'on appelle en langage courant “pour leur part du gâteau national”). C'est là l'origine des partis politiques.
Le RDR est un parti bourgeois dont la base sociale sont les commerçants dioulas, soutenus par la bourgeoisie impérialiste étrangère. Le PDCI est un parti bourgeois d'une certaine aristocratie nationale, représentant le dialogue entre les classes, l'union nationale et la stabilité, lui aussi soutenu par la bourgeoisie étrangère. Le FPI est quant à lui un parti bourgeois particulier dans le sens qu'il regroupe la petite bourgeoisie locale désireuse d'une émancipation économique et politique vis-à-vis de l'impérialisme. L'impérialisme, c'est-à-dire l'influence de la bourgeoisie étrangère qui occupe les secteurs-clés de l'économie et ne laisse pas de place au développement du capital national ivoirien. C'est là le sens profond de la lutte du FPI.
La bourgeoisie radicale nationale regroupée dans et autour du FPI s'est rapidement rendu compte que pour pouvoir mener sa lutte contre l'impérialisme, elle allait devoir mobiliser la population (prolétariat, paysannerie et classes moyennes) afin de peser dans la balance. C'est ainsi qu'a été déclenché le processus révolutionnaire ivoirien. L'impérialisme a cependant répliqué durement, surtout dans la mesure où il ne peut tolérer la mobilisation populaire, car elle provoque la conscientisation de la masse, qui réalise la force de son nombre et la possibilité d'une transformation révolutionnaire de la société. C'est pourquoi toutes les concessions qui ont été faites à la France et au RDR par Laurent Gbagbo n'ont jamais servi qu'à saper les bases du régime FPI et non pas à faire progresser la cause. Car à partir du moment où le FPI avait mobilisé les masses, cela était impardonnable aux yeux de l'impérialisme, qui ne pouvait plus être amadoué, car il s'était fixé l'objectif de déraciner de fond en comble le mouvement populaire avant qu'il ne puisse mener à un mouvement véritablement révolutionnaire qui aurait de plus pu s'étendre à toute la sous-région.
Aujourd'hui, une partie de la bourgeoisie nationale du FPI, intimidée et subjuguée par la réaction de l'impérialisme, a abandonné le rêve d'un capitalisme ivoirien et cherche à parvenir à un accord avec le capital international représenté en Côte d'Ivoire par Alassane Ouattara et le RDR. C'est la faction d'Affi N'Guessan. Une autre partie de la bourgeoise nationale conserve l'idéal d'un développement ivoirien sur une base capitaliste nationale, et veut poursuivre dans la lutte radicale contre l'impérialisme. C'est la fraction pro-Gbagbo. Cependant, cette idéal n'est rien d'autre qu'une utopie romantique. L'histoire a déjà prouvé à maintes reprises que la seule solution pour sortir du carcan de l'impérialisme est de passer à une politique radicale prolétarienne de nationalisation et collectivisation de l'économie, c'est-à-dire, opérer la transition vers un régime socialiste. C'est ce qu'on a vu en Russie en 1917 mais aussi en Chine, au Vietnam, à Cuba… Or, la bourgeoisie du FPI n'était pas prête à entreprendre de telles mesures, parce que cela aurait signifié remettre le pouvoir au peuple mobilisé via les agoras, alors qu'elle ne considérait les agoras et la mobilisation que comme un outil destiné à mener sa révolution “nationale” (bourgeoise) à elle.
C'est pourquoi de ce point de vue, on ne peut pas dire qu'Affi N'Guessan a trahi. Affi représente les intérêts réalistes de la bourgeoisie nationale qui a accepté sa défaite après 10 ans de crise et qui maintenant n'aspire plus qu'à la stabilité pour pouvoir développer ses affaires, à la “réconciliation” avec l'impérialisme pour aller vers un repartage du gâteau national qui prenne en compte également les aspirations des petits et moyens patrons ivoiriens, sans remettre en question l'hégémonie du capital français. Un partenariat “gagnant-gagnant” entre l'impérialisme et la bourgeoisie nationale. Son but est de faire du FPI un parti d'opposition “normal”, un parti bourgeois comme les autres, débarrassé de toute influence révolutionnaire et prolétarienne – et qui pourrait lui en vouloir ?
Mais ce en quoi Affi a trahi, c'est en ce qu'il trahit le rêve d'une véritable indépendance nationale, d'abord vis-à-vis de la couche radicale de la bourgeoisie nationale représentée par Laurent Gbagbo, mais surtout vis-à-vis de toute la jeunesse et les travailleurs radicalisés, mobilisés et qui ont été prêts à mourir pour cette idée, l'idée d'une liberté et d'un développement qui pourraient amener un meilleur niveau de vie pour tous et le juste partage des immenses richesses nationales de la Côte d'Ivoire. C'est cette couche qui aujourd'hui soutient le retour de Laurent Gbagbo à la tête du parti, car il symbolise cet espoir et cette lutte. Cette couche a tout donné pour la révolution ivoirienne, et n'acceptera jamais une réconciliation – une réconciliation qui ne pourra d'ailleurs jamais se faire entre deux classes, deux systèmes économiques, deux modèles de développement opposés – le socialisme révolutionnaire d'une part, le capitalisme agonisant de l'autre.
C'est cette base qui est aujourd'hui en train d'être trahie par Affi. C'est cette base qui doit s'émanciper et mettre en avant ses propres leaders au sein du parti, afin d'écarter l'influence des différents clans petits bourgeois à la tête du parti (dont la stratégie erronée ne nous a jusqu'ici mené qu'à la défaite) et de réorienter le FPI vers une véritable politique révolutionnaire et prolétarienne – ou à défaut, d'aller vers la constitution d'un nouveau parti.
Notre candidat pour le congrès : le socialisme !
Il est à parier que toute la discussion au congrès du FPI tournera uniquement autour des accusations de trahison de part et d'autre, et de la meilleure manière de libérer Gbagbo et de chasser Ouattara. Personne ne posera la question de « Pourquoi Gbagbo ? ». Personne ne discutera de la meilleure manière aujourd'hui de développer le pays et selon quel modèle de développement. C'est pourquoi nous pensons que le fait de réélire Gbagbo à la tête du parti, loin de nous faire avancer, ne fera que nous ramener à la “case départ”.
Car aujourd'hui, la seule manière de faire progresser la lutte et l'avenir de la révolution ivoirienne, est de réclamer un bilan honnête et franc de dix années de gestion du pouvoir et d'opérer un “retour aux sources”, à l'idéal qui est censé animer le FPI, l'idéalsocialiste.
Car c'est justement à cela que doit servir un congrès ! Il ne s'agit pas seulement de l'élection des dirigeants, mais d'une occasion de rassembler tous les militants pour avoir une discussion de fond sur les objectifs globaux que se fixe le parti et la stratégie à employer pour les accomplir.
Car
de nombreuses questions cruciales restent posées. Car le bilan de
ces dix années est clairement celui d'une défaite. Mais une
défaite pourquoi ? Quelles sont les erreurs qui ont été
faites et qui auraient pu être évitées ? Il est trop facile
de remettre la faute sur le camp d'en face : « Le RDR a
fait ceci-cela » – très bien, nous savions qu'il
n'allait pas se laisser faire, qu'il allait s'agir d'une lutte, mais
quels sont les moyens qui ont été mis en œuvre ou qui n'ont pas
été mis en œuvre pour remporter cette lutte ? Comment la
population a-t-elle été mobilisée et à quelles fins ? Et en
quoi une politique véritablement révolutionnaire, qui se serait
attaquée aux racines mêmes de l'économie, aurait pu nous amener à
la victoire, plutôt que les concessions sans fin qui nous ont menées
à la situation actuelle ?
C'est pourquoi nous appelons l'ensemble des sections locales du FPI, lors de leurs discussion en vue de la préparation de ce congrès, à présenter des motions réclamant que quel que soit le candidat qui sera élu à la tête du parti après le congrès, une discussion large sera menée à travers tout le parti afin de faire le bilan de dix ans de soi-disant “négociations” avec les rebelles et leurs soutiens impérialistes, et de discuter de la meilleure manière de remobiliser la population ivoirienne mais cette fois, autour d'un programme véritablement socialiste.
Un programme véritablement socialiste, c'est-à-dire : contre la cherté de la vie, contre la faim et la pauvreté, contre l'injustice, contre la violence, contre la dictature ; pour l'emploi, pour un enseignement et des soins de santé gratuits et de qualité, pour des infrastructures de qualité et réparties à travers tout le territoire, pour un système de transport sécurisé, rapide et bon marché, pour un plan d'investissement public massif dans l'industrie, dans les services publics et dans l'accompagnement aux agriculteurs, pour l'expropriation des grands groupes étrangers sans rachat ni indemnité et pour la nationalisation des secteurs-clés de l'économie (cacao, pétrole, minerais, port, industrie, transports, services publics) sous contrôle de comités populaires démocratiques et dont les dirigeants seront élus, révocables à tout moment et ne recevront aucun privilège matériel pour leur fonction – un salaire du peuple pour les élus du peuple !
Il est temps de sortir des palabres entre vieux cadres du parti. Ces dirigeants ont fait leur temps. Il est temps que la jeunesse de Côte d'Ivoire ouvre les yeux et affiche clairement que ces histoires ne l'intéressent pas, et qu'elle refuse de se ranger aveuglément derrière l'un ou derrière l'autre.
Il est temps que la jeunesse de Côte d'Ivoire mette en avant ses propres dirigeants, inspirés par l'idéalsocialiste censé être celui du FPI. Car c'est la seule solution pour sauver le FPI. C'est la seule solution pour faire triompher la révolution ivoirienne, qui devra ensuite se propager à toute la sous-région.
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