lundi 15 juillet 2013

CI : La vie des planteurs de cacao

Quelles perspectives socialistes ?


Rappelons-le, rappelons-le, la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial de cacao, avec 40 % de la production mondiale. Aujourd'hui, malgré une tendance à la baisse, le cacao reste une richesse nationale de premier plan pour notre pays, représentant 15 % du PIB et 40 % des recettes d'exportation.

De manière générale d'ailleurs, l'agriculture en Côte d'Ivoire occupe toujours 66 % de la population active, et fournit 70 % des recettes d'exportation : café, caoutchouc, huile de palme, anacarde, coco, fruits, élevage… Le principal secteur industriel ivoirien est tout naturellement le secteur agro-alimentaire, qui représente 24 % de la valeur ajoutée du secteur secondaire.

S'il est vrai donc que notre pays a déjà une structure économique typique des pays émergents (avec 25 % du PIB provenant de l'agriculture et des mines, 20 % de l'industrie, et 55 % des services – dans le cas de la Chine, on a 40 %/25 %/35 %), on voit donc l'importance de l'agriculture pour les échanges de notre pays avec le monde extérieur. La principale source de richesses du pays vient de nos produits agricoles. Mais pourtant, force est de constater qu'en brousse, on soufre.

Dans cet article, Jules Konan (CIO-Côte d'Ivoire) décrit la situation des planteurs de Soubré, les enjeux qui pèsent sur la culture du cacao, et quelques pistes socialistes pour remédier aux problèmes de la misère, de la déforestation et des baisses de rendement.

Rappelons par ailleurs que nous avons déjà écrit un article sur l'industrie et l'économie du cacao au lien suivant.

Chez les planteurs, donc, ce n'est pas la fête.

Précisons d'emblée ce que signifie “planteur” en Côte d'Ivoire : nous ne parlons pas ici de riches fermiers blancs disposant de centaines d'hectares, contrairement au sens habituel de ce mot, mais bien d'un ensemble de 800 000 producteurs et de leurs familles (souvent très larges), qui occupent des surfaces d'en moyenne 2-5 hectares (soit l'équivalent d'un carré de 140 à 230 m de côté). Certains planteurs disposent encore de plantations de superficie comprise entre 20-50 ha, mais la tendance est au morcellement des parcelles, chaque planteur répartissant son capital entre ses différents fils avant de décéder (l'âge moyen du planteur ivoirien est de 50-60 ans). Cette masse de petits producteurs tranche fortement avec le faible nombre d'acheteurs et d'exportateurs (qui ne sont que quelques dizaines). Cette situation n'est pas le propre de la Côte d'Ivoire, mais est semblable à celle qui prévaut en Indonésie, etc. Dans le monde, c'est 90 % du cacao est ainsi produit sur de petites exploitations familiales.

Les plantations de cacaoyers sont situées dans le sud de la Côte d'Ivoire, en zone forestière. Les plus vieilles plantations se trouvent dans le sud-est, en pays agni, tandis que la culture s'est petit à petit propagée vers l'ouest en pays bété et krou, sous l'action d'une migration massive de planteurs et manœuvres baoulés et “mossis”, descendus en “basse-côte” pour y chercher “fortune”.

Le cacao, principale richesse de la Côte d'Ivoire

Misère et catastrophe écologique

Le revenu des familles de planteurs ouest-africains se situe aujourd'hui selon l'IITA (International Institute for Tropical Agriculture) entre 30 et 108 $ par personne et par an. Pas besoin de savants calculs pour réaliser qu'avec une telle “somme”, il est impossible de pouvoir mener une vie décente, ni même de base, surtout au vu de l'effondrement de l'infrastructure sociale de ces vingt dernières années. L'alimentation des planteurs est en grande partie assurée par l'autosubsistance : de petites parcelles cultivées en igname, manioc, bananes plantains, riz, maïs, gombo, aubergines, graines de palme et arachides s'intercalent comme elles peuvent entre les vergers de cacaoyers. La quasi-totalité de l'espace a en effet été dévolue à cette culture de rente.

Car les plantations ont beau se situer en “zone forestière”, c'est à grand-peine qu'on aperçoit la moindre forêt. Les cacaoyers s'étalent à perte de vue ; seuls quelques rares grands arbres ont été épargnés afin d'ombrager les plantations. Mais pas n'importe quels arbres : cela fait belle lurette que les essences au bois précieux ont été totalement abattues et évacuées par diverses compagnies forestières. La FAO estimait ainsi le taux de déforestation en Côte d'Ivoire, pour la période 1990-2000, à 265 000 ha par an.

Parallèlement à l'établissement des cultures et à la destruction de l'habitat, s'est accrue l'intensité de la chasse. Le gibier représentait en effet jusqu'à récemment la principale source de protéines pour les planteurs. Mais aujourd'hui, force est de constater que les éléphants, chimpanzés, panthères, antilopes qui peuplaient les verts paysages de Côte d'Ivoire ont virtuellement disparu, sans même pouvoir compter sur les ruines du zoo d'Abidjan pour remédier à cette situation. La cacaoculture est donc avant tout une catastrophe écologique, dont on parle curieusement beaucoup moins que celle occasionnée par le développement de la culture du palmier à huile, allez savoir pourquoi. Mais il est vrai que l'huile de palme a de nombreux concurrents et substituts, tandis que personne ne peut se passer de cacao.

Quelques grands arbres demeurent, mais la forêt a été quasi-totalement
abattue pour faire la place au cacaoyer

Village et campement

Dans la région de Soubré, considérée comme la capitale du cacao ivoirien (30 % de la production ivoirienne, 10 % de la production mondiale), les planteurs vivent en “brousse” dans des cabanes en terre battue recouvertes de toits de chaume ou de tôle, sans fenêtres et sans meubles. Les maisons sont regroupées en “campements” situés à quelques kilomètres les uns des autres, et regroupant une dizaine de ménages (chaque “cour” est celle d'un planteur et de ses 4-5 fils et de leurs femmes, qui ont eux-mêmes chacun 5-8 enfants), souvent issus d'une même famille élargie ou à tout le moins d'un même “village”.

Le concept de “village” est très important : le planteur, même après 40 ans passés en brousse, reste un immigré dont les attaches véritables n'ont jamais quitté son village d'origine, situé dans la savane baoulée ou plus au nord. Ses enfants, dont la plupart sont nés en brousse, sont répartis à la naissance entre le “village” et le “campement”, où ils demeurent soit avec le planteur, soit chez un tonton, de sorte que chaque génération occupe simultanément les deux endroits. Chacun a un frère, une sœur, une mère, un père, des tontons, des tantes, des grands-parents qui se trouvent soit au village, soit au campement. Mais en même temps, le campement fonctionne comme une unité autonome qui a son propre chef de campement, son propre président des jeunes, sa propre équipe de foot, etc.

Cependant, le “campement” reste subordonné au “village”. Les habitants du campement se sacrifient continuellement, acceptant de vivre dans des conditions extrêmement dures, uniquement pour envoyer la quasi-totalité de leurs revenus au village, où ils se font construire de superbes maisons dans lesquelles finir leurs vieux jours. L'argent économisé est évidemment également investi dans la terre et dans les études des jeunes. Payer les études pour un ou deux enfants représente en effet une forme d'investissement dans l'espoir de bénéficier d'un enfant travaillant “dans un bureau” dont le revenu pourra plus tard subvenir aux besoins de toute la famille.

Au campement, les enfants doivent survivre dans des conditions
très peu hygiéniques

Manque d'infrastructures

Mais en attendant une retraite dorée au village, le planteur et sa famille se tuent en brousse dans un état d'inconfort permanent. Alors qu'au village on a l'électricité, au campement, il faut investir dans un panneau solaire (assez courant au marché, bien que fort cher), ou dans un groupe électrogène à essence, dont le fonctionnement est désagréable (bruit, fumée) et cher ; le soir, on s'éclaire le plus souvent de lampes à Led, et on écoute la radio, dont les piles finiront invariablement leur course en tant que déchet hyper-polluant dans la cour des habitations. Absence d'électricité signifie aussi absence de frigo (qui doit être branché en permanence pour être utile), avec toutes les conséquences que cela entraine sur la salubrité des aliments.

Alors qu'au village il y a l'eau courante, au campement, c'est aux femmes d'aller chercher l'eau au “marigot” en portant de grandes bassines en aluminium sur leur tête ; il faut souvent effectuer quatre ou cinq allers-retours sur la journée pour assurer l'approvisionnement d'une famille. En saison des pluies, évidemment, la collecte d'eau est plus facile, mais encore faut-il pour cela disposer d'une citerne assez grande, et d'un toit permettant l'écoulement de l'eau le long d'une gouttière – c'est-à-dire, pas en chaume mais en tôle. Certains campements sont, il est vrai, équipés de pompes (qui coutent assez cher à installer), mais celles-ci tombent souvent en panne et il faut attendre des mois avant que quelqu'un ne vienne les réparer.

Le mobilier étant minime, on se retrouve souvent à manger par terre ou sur des chaises trop basses. Les bébés se roulent souvent nus dans la poussière ; on ne peut les vêtir qu'à partir d'un certain âge, vu l'absence de langes. Il est par contre de tradition de leur administrer un lavement systématique au moyen d'une poire en caoutchouc, en même temps qu'on leur donne le bain.

La cuisine se fait dans une dépendance de la maison, sombre et continuellement enfumée, sur un feu de bois. La collecte du bois est elle aussi une attribution des femmes, qui transportent à nouveau sur leur tête des fagots de buches entières, encombrantes et pesant souvent plus de 20 kg. Certaines personnes peuvent se payer une cuisinière au gaz, mais l'approvisionnement en nouvelles bonbonnes est difficile et très couteux.

Dès leur plus jeune âge, les femmes apprennent
à porter de lourdes charges


Déplacements et communications

La ville se trouve en effet fort loin. Les distances sont typiquement de l'ordre de 30 km de pistes avant d'atteindre le “goudron”. Et cela, en empruntant des raccourcis franchissant des ruisseaux à gué et gravissant des pentes escarpées, accessibles seulement à qui possède une moto ou un vélo. Les transports en commun par taxi-brousse (dinas, gbakas et massas) doivent souvent effectuer d'importants détours qui allongent le trajet de plusieurs heures. Ne pouvant esquiver les innombrables nids de poules aussi facilement que les motos, ils ne peuvent rouler vite : 20-30 km/h de moyenne. Et c'est sans compter les nombreux accidents, pannes et changements de roue, vu l'état de la piste, l'âge vénérable du véhicule et le poids transporté (passagers et bagages, qui incluent souvent moutons, bouteilles de gaz et sacs de riz vietnamien de 20 kg).

En saison des pluies, la route devient pire encore : le bus doit alors littéralement nager dans des flaques souvent profondes d'un mètre, et la route devient en certains endroits si glissante, que certaines côtes doivent être évitées, occasionnant de nouveaux détours. Autre raison qui justifie certains détours inutiles : le manque de ponts. À cet égard, on note à nouveau la capacité des planteurs à s'organiser et à cotiser des millions pour financer eux-mêmes des travaux d'infrastructure, avec pour conséquence… la disparition de l'entrepreneur avec tout l'argent qui lui a été remis !

Seule note positive, les barrages de miliciens (dont le racket sur leurs postes de “péage” coutait 17 millions d'euros par an à l'ensemble de la filière) ont pour la plupart disparus, ne laissant la place qu'à quelques postes de contrôle de gendarmerie qui ne sont – en *théorie – chargés que du contrôle des pièces d'identité.

Au final, un aller-retour en ville prend énormément de temps, au moins toute une journée, généralement deux, et coute très cher. Et cela est également vrai dans l'autre sens : beaucoup de commerçants se rendent régulièrement en brousse en camion pour y animer les divers marchés hebdomadaires, mais les frais de transport font en sorte que les prix pratiqués sont bien plus élevés qu'en ville. À titre d'exemple, une bouteille d'1,5 L de bière Bock (“Drogba”), bien glacée, s'achète 700 f en ville au maquis, alors que la même bière, chaude, vaut 1000 f en brousse !

De manière générale, les moyens de locomotion sont fort peu présents en brousse. Si les petits commerçants dioulas parcourent les campements à vélo pour y colporter lampes de poche, piles, tissus, poissons congelés, bonbons, poulets et viande de bœuf fraichement abattue, les planteurs sont souvent à pied. Les femmes surtout souffrent du fait qu'elles ne se voient jamais confier la moindre moto. Censées être cantonnées à leur cuisine, elles parcourent pourtant des kilomètres pour aller cultiver leur petit potager, pour aller vendre au marché hebdomadaire leur maigre récolte de tomates ou de concombres, pour en ramener les courses (dans un panier sur sa tête) nécessaires à son ménage pour la semaine, pour aller chercher du bois, de l'eau.

Les moyens de communication font cruellement défaut. Bien que tous les planteurs aient un téléphone portable, cela ne signifie pas pour autant qu'ils bénéficient de crédit, ni d'un réseau ! Le réseau téléphonique n'est souvent accessible qu'à certaines heures et en certains endroits (au pied de tel palmier, sur le parvis de l'église, etc.). Les téléphones se fatiguent à chercher le réseau et se déchargent extrêmement rapidement. Ce qui signifie qu'ils sont souvent éteints, et que le planteur doit régulièrement parcourir une certaine distance jusqu'à trouver un voisin muni d'un panneau solaire ou d'un générateur à essence, qui lui fera payer le cout du rechargement (en général 100 f).

Non seulement le transport coute cher et est difficile,
mais en plus l'état de la route rend les pannes très fréquentes

Services publics

Concernant les services publics, il y a en brousse assez d'écoles et de centres de santé, mais ceux-ci ont pour la plupart été construits sur financement des planteurs ou de leur coopérative eux-mêmes ; à moins qu'il ne s'agisse d'un projet d'une ONG. En outre, ils ne sont pas toujours dotés de personnel apte à en assurer le service, et les médicaments, là aussi, ne sont pas gratuits ! De manière générale, quand il se trouve des enseignants et des infirmiers (ne parlons pas de docteurs), il s'agit souvent de personnes sous-qualifiées (stagiaires ou personnes recrutées à la hâte), sous-payées et en sous-effectif (un enseignant pour 50 élèves, classes parfois mélangées), qui en plus préféreraient franchement pouvoir habiter ailleurs. Cela explique donc le fait qu'en ce qui concerne ces fonctionnaires, la gratuité de l'enseignement ou des soins de santé déclarée par le gouvernement ne veut rien dire. Et que la qualité du service s'en ressente : les élèves passent souvent autant de temps à aller chercher de l'eau pour l'école ou à désherber la cour de l'école à la machette, qu'à apprendre à lire. Écoles et centres de santé sont généralement situées uniquement dans les quelques bourgs les plus importants où sont organisés les marchés, et le manque de moyens de locomotion signifie que les enfants doivent souvent parcourir des distances de 5-10 km aller-retour tous les jours pour aller à l'école.

Les planteurs ne voient en outre souvent pas l'intérêt d'envoyer l'ensemble de leurs enfants à l'école, ne voyant pas à quoi peut bien servir une formation où on n'apprend qu'à lire et à compter, sans apprendre le moindre savoir-faire pratique. De leur point de vue, bien souvent, mieux vaut habituer les enfants dès le plus jeune âge à se servir d'une machette et à porter de lourdes charges, à apprendre à cuisiner et faire le ménage, voire à la rigueur à apprendre un métier auprès d'un artisan, que d'aller perdre son temps en bêtises intellectuelles (nous avons déjà parlé de cela dans notre article sur le chômage).

École de brousse

Le travail, c'est la santé !

En zone forestière se trouvent un grand nombre de maladies inconnues ou peu présentes dans les régions d'origine des planteurs. La malaria est omniprésente, et les planteurs se reposent uniquement sur leur connaissance de quelques plantes sauvages pour s'en prémunir. La moindre crise peut être fatale ou demander un retour au village, et durer des semaines, alors que les médicaments modernes permettent normalement d'évacuer les symptômes de crise en quelques heures, voire de s'en prémunir complètement. En brousse vivent un grand nombre de nuisibles : fourmis cannibales, vers de Guinée et autres parasites qui rêvent de pondre leurs œufs dans la chair humaine, toutes sortes de champignons, de moustiques évidemment, une espèce de petites abeilles qui se nourrissent de sueur et n'hésitent pas à s'attaquer directement aux yeux des gens, et bien entendu, toute une série de serpents plus venimeux et mortels les uns que les autres.

Des serpents mortels peuvent se faufiler dans les habitations

Le travail en soi est extrêmement dangereux. Les plantations de cacao sont surplombées par d'immenses arbres desséchés, résidus de la jungle qui recouvrait la région il y a 40 ans. Il n'est pas rare qu'une branche, à elle seule grosse comme un palmier, s'effondre sans prévenir sur le champ en contrebas, avec un fracas qui résonne sur des kilomètres. Mis à part ces cas impressionnants, les cacaoyers eux-mêmes sont susceptibles de blesser les planteurs, lors de l'élagage (qui consiste à supprimer les branches en trop à l'aide d'une machette) mais aussi lors de la récolte. Sur les arbres mal entretenus, certaines cabosses (fruit du cacao, qui contient les fèves) se trouvent à une hauteur de 4 ou 5 m : il faut alors les décrocher au moyen d'une faucille attachée à l'extrémité d'une longue perche. La cabosse, parfois lourde de 1-2 kg, peut alors causer beaucoup de dégâts en tombant.

Après la récolte, les cabosses sont empilées en un grand tas autour duquel tous les voisins et amis sont conviés pour le “cabossage”. Il s'agit d'une activité éminemment sociale, qui célèbre la fin d'une partie de la récolte et permet d'évaluer le travail accompli. L'ambiance est généralement bon enfant et les conversations vont bon train, tandis que les bidons de vin de palme (ou “bangui”, sève de palmier fermentée, boisson sucrée, pétillante et légèrement alcoolisée) et de “koutoukou” (vodka maison à base d'un peu de tout fermenté) font le tour de l'assistance. Il convient cependant de ne pas se laisser trop déconcentrer, car ce travail consiste à fendre en deux la cabosse que l'on tient en main d'un seul grand coup de machette, afin d'en extraire les fèves : la moindre déviation peut vous couter la main.

L'entretien des plantations inclut également le désherbage, qui peut se faire à l'aide d'herbicides (qui coutent cher et mettent en danger la santé du planteur, tout comme les “pompages” récurrents et obligatoires de divers insecticides), mais qui est la plupart du temps effectué à la machette. Le désherbage d'une surface même minime à l'aide d'une machette nécessite une énergie exceptionnelle ainsi qu'un certain savoir-faire. Le planteur, accroupi, attrape une poignée d'herbes à l'aide d'un bâton, et “lance” la machette qu'il ramène avec force aussi près du sol que possible afin de couper l'herbe. C'est une activité absolument épuisante, dangereuse, et qui ne peut être proprement effectuée que par des gens qui la pratiquent depuis leur plus jeune âge (ce qui suppose le travail des enfants). Bref, les journées de travail sont éreintantes, d'autant que nous sommes en Afrique dans un climat équatorial chaud et humide.

C'est fourbu que le planteur rentre chez lui le soir, où l'attend sa femme qui elle, après avoir passé une moitié de la journée à casser son dos à transporter de l'eau et du bois, a ensuite passé tout l'après-midi à cuisiner et à “piler le foutou”. Le foutou est une pâte extrêmement compacte et amidonneuse à base de bananes plantains, d'igname, de manioc ou de taro, qu'on obtient en frappant ces produits féculents dans un mortier avec un bâton pendant des heures et des heures ; alors que ces produits sont tout à fait mangeables simplement bouillis ou frits, tout comme la pomme de terre, les Baoulés considèrent que c'est la marque d'une bonne ménagère de savoir préparer un bon foutou pour son homme. D'où le tour de bras extrêmement viril de la plupart des paysannes baoulées, qui va de pair avec l'oppression dont elles sont victimes.

Le planteur effectue donc un travail dangereux dans un environnement dangereux, et au cas où un docteur ou un certain équipement devient nécessaire, il faut obligatoirement se rendre en ville, ce qui constitue en soi une aventure, et plombe le budget du ménage : une seule visite à l'hôpital peut couter 50 000 fCFA, soit presque deux fois plus que le salaire mensuel légal ivoirien. Le planteur ne bénéficie en effet pratiquement jamais d'une assurance, ni d'un compte bancaire, vu qu'il est la plupart du temps incapable de bénéficier d'entrée d'argent régulière.

Car le cacao est un produit qui ne se récolte que deux fois par an : la grande récolte de septembre-décembre qui produit en une fois presque l'ensemble du revenu annuel (dont une grande partie est dépensé à rembourser les dettes, payer la rentrée scolaire/universitaire et à fêter Noël puis Nouvel An, enfin payer les manœuvres), puis la petite récolte d'avril-mai, qui tombe juste au bon moment pour pouvoir fêter Pâques (date à laquelle tous les Baoulés rentrent au village pour une ou deux semaines). Le restant de l'année, le planteur vit de dettes à des taux usuriers, qu'il devra rembourser en octobre.


Cette scène traditionnelle des campagnes africaines est en réalité
tout un symbole de l'oppression des femmes

Éducation et travail des enfants

Le lecteur attentif aura noté un autre facteur entrant en contradiction avec la scolarité des enfants : la Côte d'Ivoire suit en effet le système d'enseignement français à tous points de vue (mis à part la CP qui est découplée en CP1 et CP2), y compris pour les périodes de congé. Or, chacun sait que si la France a décidé d'accorder au 19ème siècle deux mois de grandes vacances à ses enfants, c'était avant tout pour que les chères têtes blondes puissent passer tout l'été à aider leurs parents aux travaux des champs : moisson du blé et de l'orge, etc.

La Côte d'Ivoire, pays agricole tout comme la France en son temps, a de son côté décidé de fixer elle aussi la période des vacances à juillet-aout, nonobstant le fait que cela, loin de permettre aux enfants de partir en vacances, ne fait que les forcer à rester à la maison où il n'y a rien à manger depuis déjà trois mois, avant de les renvoyer à l'école justement au moment où leurs parents ont besoin d'eux, et sans pouvoir payer les frais d'inscription, les cahiers, et les divers cadeaux requis par les enseignants à la rentrée. En brousse donc, la rentrée se fait en septembre mais l'instituteur est seul dans une classe vide. Ce n'est que vers le mois d'octobre que les premiers élèves commencent à réapparaitre. Dans les universités, la situation est pire encore, d'autant plus que la hausse subite des frais d'inscription (voire prochain article) n'a rien fait pour arranger les choses. Le planteur se retrouve devant un dilemme : envoyer les enfants à l'école, sans personne pour l'aider à récolter le cacao, ou les garder à la maison quelque temps de plus, au risque de mettre en danger leur année scolaire ?

Nombreux sont apparemment ceux qui résolvent cette contradiction en faisant appel à des trafiquants d'enfants. L'ONG Anti-Slavery International, dans son rapport de décembre 2010, fait état de ce phénomène inquiétant qui semble toutefois s'être quelque peu résorbé (ou s'être fait plus discret) après avoir acquis une grande ampleur au cours des années '90. Des enfants ou de jeunes adolescents de familles pauvres du Burkina ou du Mali sont séduits par le discours de trafiquants qui les persuade que malgré la crise, la Côte d'Ivoire reste un pays de cocagne où l'argent coule à flot. Qu'un travail dans une plantation de cacao est une expérience enrichissante qui leur rapportera en quelques années assez d'argent (100 000 fCFA – 150 € – par an) que pour pouvoir à leur retour ouvrir un petit commerce, se construire une case dans leur village et fonder une famille – bien démarrer dans la vie –, en plus d'obtenir un certain statut en tant que “vétéran de Côte d'Ivoire”, très prisé dans leur pays.

À leur arrivée en brousse, les enfants, tout comme la plupart des manœuvres nouvellement arrivés d'ailleurs, sont surpris de se retrouver dans les conditions décrites ci-dessus, certes identiques à celles celles vécues par les planteurs eux-mêmes, moins le cadre d'un entourage familial bienveillant. Les jeunes manœuvres doivent eux-mêmes trouver leur nourriture sur la plantation, ou se voient remettre une petite parcelle pour y planter eux-mêmes igname et manioc. Le travail, comme nous l'avons expliqué, est éreintant et dangereux, et c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles les planteurs préfèrent engager de jeunes gens : eux ne sont pas en mesure de rechigner, là où une personne adulte aurait vite fait de replier bagage. Étant dépourvus d'argent et, bien souvent, de pièces d'identité (qu'ils n'avaient déjà pas au moment de quitter leur chez eux ; mais lors du trajet aller, ils étaient normalement accompagnés ou bénéficiaient d'un “arrangement” avec le chauffeur du bus), perdus en pleine brousse qu'ils ne connaissent pas, ils ne peuvent quitter la plantation.

Au moment où ils demandent au planteur de leur verser le salaire d'une année, le planteur invente l'une ou l'autre excuse et leur promet l'argent pour l'année suivante. L'excuse la plus fréquente est : « Le travail de la première année avait pour but le remboursement de ton voyage jusqu'à la plantation ». Mais la deuxième année, il n'y a pas d'argent non plus – de nouveau le planteur a toujours une excuse. C'est donc lors de la troisième année que le jeune manœuvre s'enfuit, sans argent ni bagages, ou bien muni de tout juste assez d'argent que pour pouvoir payer son ticket retour. Un grand nombre d'entre eux, une fois rentrés chez eux, se sentent trop honteux que pour retourner dans leur famille (qui souvent, sans nouvelles depuis des années, les croit morts), et continuent à mener une vie de galère. Ce phénomène de trafic d'enfants-esclaves est malheureusement à l'heure actuelle extrêmement difficile à chiffrer et à contrôler, vu l'isolement et la dispersion des plantations.

Le travail des enfants est malheureusement perçu comme une nécessité
pour de nombreux planteurs, afin de “former” leurs enfants

Misère culturelle

En plus de toute ces conditions de misère matérielle, s'ajoute également une véritable misère intellectuelle et culturelle. En brousse, vu l'isolement et le manque de moyens de communication, on s'ennuie grave. On côtoie tous les jours les mêmes personnes, avec qui on n'a pas grand-chose à discuter que les derniers ragots et l'avancement des travaux des champs. Le manque d'électricité combiné à l'isolement a aussi pour conséquence la difficulté de trouver une télévision ou un bon film, sans même parler de faire fonctionner un ordinateur ou d'internet. Beaucoup de planteurs étant analphabètes, personne ne vend le moindre journal. N'ayant pas accès à la moindre information venant de l'extérieur, il est impossible de parler de politique ou de sujets plus généraux. Beaucoup de planteurs au campement, déracinés, en viennent à oublier leurs traditions et leurs coutumes, puisque les vieux, qui traditionnellement sont chargés de raconter les histoires au coin du feu une fois la nuit tombée, sont au “village”. Il y a peu de jeux de société, à part le traditionnel awalé. Les petites filles se fabriquent une poupée à l'aide d'une vieille sandale qu'elles attachent à leur dos comme si c'était un bébé. Alors que les hommes gardent une certaine capacité de mouvement et ont plus facilement la possibilité d'aller chercher un travail en ville, les femmes sont particulièrement isolées sur le plan culturel, d'autant plus qu'elles ne savent pas lire, et n'ont que rarement l'occasion de pratiquer le français. Femmes et hommes ne se parlent pratiquement pas.

Bref, les principales et quasi-seules activités de loisirs sont le foot, la boisson, le sexe, et la messe du dimanche. Il ne faut donc pas s'étonner si la plupart des femmes sont enceintes en permanence à partir d'un âge assez jeune, et si beaucoup d'enfants sont malformés (l'alcool, la malnutrition – Il ne s'agit pas ici de sous-alimentation, mais de malnutrition, c'est-à-dire un déséquilibre de l'alimentation causé par une alimentation peu variée, le manque de protéines et de vitamines – et la consanguinité aidant). En plus, la coutume baoulée prônant le fait qu'il faut tester la fertilité d'une femme avant de la marier, beaucoup d'enfants naissent sans père. Les enfants sont en général laissés à eux-mêmes jusqu'à un certain âge, une fois qu'ils ont prouvé leur aptitude à survivre ; on les nourrit avec un peu de riz qu'ils mangent à même le sol à la main, et on préfère garder la viande et les légumes pour les personnes adultes. Avec les maladies endémiques (malaria, etc.) et un mode de vie dangereux (clous, lames de rasoirs jetés par terre et sur lesquels les enfants peuvent tomber et se blesser), la mortalité infantile est relativement élevée. Le dimanche et le vendredi sont jours de prière pour les chrétiens ou pour les musulmans. C'est alors le moment de se faire beau pour aller prier. Et de lire qui la bible, qui le coran, seuls ouvrages littéraires présents dans les campements. On peut ensuite passer le reste de la journée à aller dire bonjour aux voisins. À part cela, la vie n'est rythmée que par les nombreux baptêmes, mariages et funérailles, qui durent plusieurs jours et plusieurs nuits, pendant lesquels on mange, on boit et on danse (pas des danses traditionnelles, mais bien zouglou et coupé-décalé sur fond de sono), et auxquels il est quasi impossible de déroger.

Loisirs en brousse : la loterie “bouteille d'huile” du marché

Les causes de la misère :

Le prix

Pourquoi en est-on arrivé là ? Comme nous l'avons déjà expliqué plus haut, le prix du cacao a été soumis à une tendance baissière depuis les années '80, qui a eu des conséquences dramatiques non seulement pour les planteurs, mais également pour toute la Côte d'Ivoire.

La cacaoculture est une culture de pays pauvres, équatoriaux, dont la quasi-totalité de la production est effectuée par de petits producteurs sur de petites exploitations. Les producteurs sont dispersés, peu ou pas structurés. Là où des coopératives existent, il existe également un nombre incroyable de “fausses coopératives”, entreprises créées par des acheteurs désireux de bénéficier de conditions plus avantageuses, et ne comptant pas le moindre planteur dans leurs rangs. On a ainsi vu certaines de ces “coopératives” à qui on avait remis des sacs, qui ont ensuite vendu ces sacs à leurs affiliés au lieu de les leur remettre gratuitement comme cela était prévu. Sans parler des fameuses primes censées être remises en fin de campagne, mais qui n'arrivent jamais, soit que les responsables de la coopérative ont mystérieusement disparu ou trouvent des excuses, soit que divers “accidents” surviennent à la personne qui s'est vu remettre l'argent à distribuer aux affiliés (ce qui peut aller jusqu'à l'assassinat de la personne par des “coupeurs de route” bien informés).

Les coopératives elles-mêmes ne sont pas ou mal organisées entre elles, avec diverses fédérations dont beaucoup ont pour porte-parole des gens qui n'ont jamais foutu un pied en brousse de leur vie. Ces personnes étaient bien payées et ont tout fait pour éviter la moindre élection au sein de leurs organisations respectives, d'autant qu'aucun recensement des producteurs de cacao à l'échelle du pays n'a jamais été effectué. Alors que la libéralisation était selon le FMI censée profiter aux planteurs en leur permettant de s'asseoir directement à la table des négociations ! Ce phénomène d'escroquerie politique est évidemment un héritage direct des années Gbagbo, pendant lesquelles l'escroquerie avait été érigée en modèle de société. Le marché est resté tenu essentiellement par de grands groupes multinationaux qui sont parvenus à dicter leur loi à l'État ivoirien même du temps d'Houphouët, et à qui la libéralisation sauvage de la filière a énormément profité. Une masse de petits producteurs se retrouve ainsi à la merci d'une poignée de spéculateurs.

Tout au long des années Gbagbo, les planteurs ne touchaient qu'environ 200-300 f/kg, pour un prix indicatif pourtant établi en moyenne à 400 f/kg par le gouvernement. Pour rappel, au cours de ces années, le prix du cacao a fluctué entre 600 et 2400 $ la tonne, soit entre 340 f et 1370 f/kg.

Lors de la campagne 2011-12, le gouvernement d'Alassane avait fixé le prix du cacao à 1000 fCFA par kg. C'était en effet le prix qui avait été fixé au Ghana, et le gouvernement voulait s'aligner sur ce montant afin de mettre un terme au trafic interfrontalier (une grande partie du cacao ivoirien part au Ghana – et au Burkina ! – s'y faire acheter). C'était du même coup l'occasion pour le gouvernement de s'affirmer, la même année où il était finalement parvenu au pouvoir après une lutte sanglante pour les urnes. Ce prix fixé à 1000 f/kg de cacao s'est malheureusement avéré insoutenable pour les acheteurs, qui ont évoqué tous les arguments possibles et imaginables pour y déroger, notamment qu'acheter le cacao à ce prix signifierait qu'ils allaient devoir ensuite vendre à perte. La situation pour les acheteurs au Ghana n'étant pas identique à celle de la Côte d'Ivoire. L'État ne disposant pas encore des moyens pour faire appliquer sa politique, le prix n'a finalement pas été respecté, et les planteurs n'ont reçu en moyenne qu'entre 400 et 800 f/kg.

Finalement, pour la campagne 2012-13, le gouvernement s'était mieux préparé grâce à la réorganisation de la filière (comme expliqué ci-dessus), et un prix a été fixé en commun accord avec les acheteurs, à 725 f/kg (1,10 €), ce qui représente une hausse certes par rapport à ce qui avait été effectivement reçu par les planteurs l'année précédente, tout en équivalent à 50 % du prix du marché mondial, comme promis. Les planteurs sont dans l'ensemble rassurés, mais déçus, vu qu'ils s'attendaient à ce que cette année encore, l'État leur promette les 1000 f/kg, si pas plus. D'autant que le prix au Ghana pour la même année était de 879 fCFA/kg. En plus, cela n'a toujours pas réglé les problèmes au sein de la filière (voir à nouveau à ce sujet notre article sur la filière cacao).

(Au Ghana, l'État est parvenu à maintenir un système d'achat étatique de la production, le Cocobod. Cette institution vend la récolte nationale à l'avance, puis paye les producteurs. Elle est souvent louée pour sa bonne gestion, et est grande favorite des banques. De manière générale, la plus grande stabilité du Ghana a permis aux planteurs de se regrouper en associations fortes qui permettent un réel jeu démocratique. On mentionne aussi la présence de coopératives travaillant en partenariat avec des ONG telles Oxfam, regroupant des dizaines de milliers de planteurs (comme la coopérative Kuapa Kokoo), qui replantent les arbres forestiers, forment les planteurs aux bonnes pratiques agricoles durables, investissent les profits communs dans des projets d'infrastructures collectives, etc. Alors que le prix du cacao en début de campagne au Ghana était cette année supérieur à celui pratiqué en Côte d'Ivoire, une chute du cours du cédi, la monnaie ghanéenne, qui a perdu 20 % de sa valeur, en plus de divers problèmes de retard de paiement par le Cocobod, a vu s'inverser le flux de trafic de cacao en décembre 2012, qui va désormais du Ghana vers la Côte d'Ivoire.)

L'“or brun”


Grèves des planteurs

Les diverses foires d'empoigne autour du prix du cacao ont mené les planteurs à organiser toute une série de grèves pour se faire entendre. En 1999, les planteurs ont organisé leur première grève en novembre, peu de temps avant le coup d'État du général Gueï, réclamant le retour de la Caistab et de l’ancien système de stabilisation des prix. En 2004 de nouveau, on a connu une opération de rétention de cacao pour exiger la fixation du prix. En 2006, des centaines de planteurs ont manifesté devant le ministère de l'Agriculture pour réclamer l'abolition des taxes. Ils ont fini par obtenir 3 milliards de francs CFA (sur les 17 milliards revendiqués), mais qui pour la plupart ont été aussitôt détournés par les fausses coopératives. On a aussi entendu dire que certaines manifestations avaient été “arrangées” par des cadres haut placés de la filière cacao dans le but d'obtenir eux-mêmes une partie de cet argent. Plusieurs leaders paysans ont en outre été emprisonnés pour leur action.

En 2011, les planteurs se sont également mobilisés, en vain, pour faire respecter le prix de 1000 fCFA/kg qui avait été établi par le gouvernement. Les actions incluaient des rétentions de cacao, des barrages routiers, des incendies de récolte, des manifestations et des grèves. La grève a eu un impact certain : au port de San Pedro, on ne comptait plus que 2-3 camions par semaine au lieu de 50 habituellement. Mais les acheteurs sont restés inflexibles : si le prix qui leur est payé au port par les exportateurs est de 800 francs/kg, comment peuvent-ils se permettre d'acheter le cacao à 1000 francs ? L'action elle-même a de nouveau été affaiblie par la désorganisation des planteurs et par la trahison de leur soi-disant leaders autoproclamés. Au final, les planteurs ne peuvent retenir indéfiniment le cacao, devant faire face à leurs dettes et à la scolarité de leurs enfants. Pourtant, dans le documentaire réalisé à l'époque et diffusé sur la chaine de télévision Arte, tous les exportateurs, industriels, etc. s'accordaient à dire qu'il faut soutenir les planteurs sous peine de voir la mort du secteur. Mais personne ne veut faire le premier pas.

Cette année (campagne 2012-13), le gouvernement s'était mieux préparé. La réforme des institutions de la filière a été finalisée, et 858 agents de l'Anader (Agence nationale d'appui au développement rural) ont été déployés dans le pays afin de surveiller les prix. Les contrevenants ont eu à faire face à de lourdes amendes (500 000 francs) et à des retraits de licence, et quatorze acheteurs réfractaires ont été arrêtés et condamnés à trois mois de prison. La fixation du prix a donc dans l'ensemble été un succès. Les planteurs peuvent enfin avoir une visibilité à l'avance de ce que peut leur rapporter leur plantation, ce qui permet d'effectuer des investissements et de mieux utiliser les produits phytosanitaires (engrais, insecticides, etc.). La fixation des prix devrait également encourager une meilleure qualité des fèves : les planteurs auparavant pressés de vendre leur récolte au premier acheteur qui leur proposait un “bon” prix, peuvent maintenant prendre le temps de faire correctement fermenter et sécher leurs fèves avant de les vendre.

Cependant, selon Michel Barel, ancien cadre du Cirad, toute cette action n'a permis de revenir qu'au prix de… 1992, alors que le cout de la vie a fortement augmenté depuis, et que le rendement de leur parcelle a, lui, fortement baissé. Il n'est dès lors pas étonnant que beaucoup de jeunes se détournent de l'agriculture et cherchent une nouvelle activité.

Les planteurs ont tenté plusieurs actions de grève, mais en général sans succès

Un rendement en berne

Car le fléau qui touche les planteurs ivoiriens n'est pas seulement lié au problème du prix. Ils sont eux-mêmes confrontés à un réel problème de rendement. Partout dans tout le pays, les plantations sont vieilles, malades, et mal entretenues. Le planteur repoussant continuellement de nouveaux investissements à plus tard, les arbres restent en place jusqu'à atteindre un niveau zéro de production. À ce moment-là, le sol est déjà complètement épuisé et cela ne vaut même plus la peine de replanter de nouveaux cacaoyers. Les plantations, trop vieilles, sont attaquées par toute une série de maladies, d'insectes et de champignons : mirides contre lesquels il faut traiter à l'insecticide quatre fois par an, pourriture des cabosses contre laquelle la plupart des planteurs s'avouent impuissants, et le fameux virus du “swollen shoot” qui exigent l'abattage et incinération immédiate de tout arbre présentant les moindres symptômes ainsi que de tous ses voisins directs. Il y a aussi le Laurenthus, une sorte de gui, plante parasite très jolie aux fleurs roses fuchsia qui se greffe au sommet des arbres et pompe leur sève jusqu'à finir par les dessécher complètement. Les sols sont épuisés et nécessitent un apport d'engrais raisonné et adéquat, sous forme de compost ou de granulés, la structure du sol est abimée et certaines plantations ont vu les horizons fertiles du sol emportés par l'érosion.

On estime que les pertes causées par les maladies et ravageurs équivalent à 30 % de la récolte. Le rendement en baisse est aujourd'hui d'environ 0,5 t/ha (et encore), quand les planteurs indonésiens tirent au minimum 1,5 t/ha de leurs plantations, avec un potentiel annoncé de 5 t/ha pour les nouvelles variétés greffées.

(Les planteurs indonésiens – qui produisent 13 % de la production de cacao mondiale – ont toutes sortes d'avantages sur les planteurs ivoiriens. Cela inclut une meilleure connaissance du métier d'agriculteur (utilisation raisonnée et régulière d'engrais et produits phytos), un meilleur matériel végétal, de nouvelles techniques de production, un meilleur soutien de l'État (lequel a aussi, comme le Ghana, la possibilité de dévaluer sa monnaie pour favoriser les exportations, contrairement à la Côte d'Ivoire dont le franc CFA est lié à l'euro), la présence d'un large couvert forestier. Aujourd'hui, l'ensemble du personnel de l'ICRAF en Côte d'Ivoire part en Indonésie s'y former avant de revenir en Côte d'Ivoire.)

Face à tous ces maux, il est nécessaire de recevoir une formation de cultivateur adaptée, de bénéficier d'un encadrement qui permette au planteur de connaitre la biologie du cacaoyer, de comprendre d'où viennent les maladies, d'avoir quelques notions de gestion de la fertilité des sols (c'est quoi, un engrais ?). Mais il faut constater que sur le terrain, les planteurs sont très peu informés. Les agents de l'Anader (Agence nationale pour le développement rural) sont très compétents, mais sont en sous-effectif et en plus, sont liés à des clauses qui font qu'ils ne peuvent intervenir qu'après avoir passé un contrat avec une coopérative qui fait appel à eux. En plus, ils ne disposent pas d'un budget leur permettant de visiter le terrain assez régulièrement. Les panneaux d'information avertissant du danger du swollen shoot, maladie extrêmement dangereuse, et de la nécessité de déclarer toute apparation de symptômes à l'État afin d'établir une zone de quarantaine, sont cantonnés au corridor du bureau de l'Anader, situé en ville. La production de semences de cacaoyer améliorées par le CNRA (lui aussi sous-financé) est insuffisante. Les excellentes fiches techniques publiées par le CNRA sont elles aussi disponibles uniquement sur internet. Et encore faudrait-il que le planteur puisse les lire ! L'analphabétisme est aussi un grand problème qui empêche de pouvoir lire les instructions écrites sur les flacons d'insecticide, etc. alors « On pompe médicament là », sans trop savoir quoi ni comment ni pourquoi.

Traditionnellement, la solution des planteurs face à tous les problèmes qui affligeaient leurs plantations était de simplement migrer ailleurs, de s'emparer d'un nouveau morceau de forêt et basta ! Car le cacaoyer est et a toujours été une culture de “front pionnier”. Plante des sous-bois, elle pousse mieux à l'ombre des grands arbres, là où elle peut jouir d'un climat forestier adapté, où elle bénéficie de toutes sortes de services fournis par ces arbres (fertilisation par la chute des feuilles de la canopée, remontée des sels minéraux et de l'eau par les puissantes racines des grands arbres, micro-climat ombragé, abri offert à des prédateurs naturels des parasites du cacaoyer), et aussi de caractéristiques du sol, fruit d'un long de processus de formation sous le couvert de la forêt. Seulement, la surexploitation mène au dessèchement et à la coupe des grands arbres, la chasse et les aspersions intempestives de pesticides ont vu disparaitre bon nombre d'animaux utiles (les chasseurs en sont maintenant réduits à attraper rats et écureuils), le sol forestier se dégrade petit à petit, et on arrive en fin de cycle : il faut aller planter ailleurs. Ce cycle se produit d'ailleurs à l'échelle internationale. Ce n'est pas un hasard si, alors que la culture du cacaoyer est originaire du Mexique, la production de ce pays est devenu aujourd'hui marginale. En 1900, le premier producteur mondial de cacao était l'Équateur. Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez mangé du chocolat équatorien ?

Tout pays producteur de cacao se retrouve à un moment de son histoire confronté à la baisse des rendements qui découle du fait que l'on ne peut pas indéfiniment étendre la culture d'une plante encore et encore. Au bout d'un moment, il n'y a tout simplement plus la place. Il s'agit alors d'effectuer une difficile transition. Celle qui vise à passer d'un système traditionnellement extensif, à un système intensif. Ou de passer à une autre culture.

Trop de cabosses pourrissent sur les arbres, pas par manque
de moyens, mais par ignorance des méthodes de lutte


D'autres cultures

En attendant, la mauvaise situation des planteurs de cacao est une des causes du risque de pénurie de cacao dans le monde.

Il est vrai que même dans les années 1974 à 2000, le prix du cacao restait fixé en-dessous du seuil de pauvreté (le prix pratiqué à l'époque équivaudrait à 800 f/kg à l'heure actuelle). Les planteurs ont par conséquent toujours eu recours à une diversification des cultures : traditionnellement, le cacao alternait avec le café, une des premières richesses de la Côte d'Ivoire. Les cours du café s'étant effondrés (suite notamment au décollage du Vietnam, second exportateur mondial après le Brésil), et vu la pénibilité des travaux nécessaires à sa culture, le café a aujourd'hui quasi disparu du pays. Seuls quelques bosquets demeurent, récoltés par les femmes désireuses de se faire un peu d'argent de poche. On plante aussi des vivriers (ignames, taro, manioc, bananes plantains) afin d'assurer un minimum d'auto-subsistance. Mais de nos jours, le cacao semble en passe de suivre la même trajectoire que le café. Parmi les autres cultures possibles, citons la culture, très artisanale, du riz dans les bas-fonds (on estime le potentiel de terres irrigables à 180 000 hectares dans le pays, alors que seuls 38 000 sont aménagés). Et puis, évidemment, l'hévéa.

Plante elle aussi originaire d'Amazonie, l'hévéa bénéficie en ce moment d'un véritable effet de mode en Côte d'Ivoire. Encouragée par une société monopolistique, la SAPH, la récolte de caoutchouc naturel est rapidement passée de 22 000 tonnes dans les années '80 à 230 000 tonnes aujourd'hui. L'hévéa est une plante non seulement qui donne d'excellents rendements dans le pays (parmi les plus élevés au monde), mais qui, surtout, a l'avantage d'offrir un rendement stable au planteur. En effet, la récolte se fait sur une base mensuelle, tout au long de l'année. Comme nous le disait Arthur Konan, planteur dans la région de Soubré : « Avec l'hévéa, je deviens fonctionnaire ! » Au-delà de la stabilité de revenu, la filière hévéa jouit également d'une bien meilleure réputation que la filière cacao percluse de scandales.

Il n'y a d'ailleurs pas que les paysans qui s'intéressent à cette culture : de nombreux cadres, fonctionnaires, salariés ont décidé d'investir leurs économies dans l'hévéa au cours des dernières années (de manière générale, il est de tradition en Côte d'Ivoire d'investir dans une plantation pour les salariés, qui considèrent cela comme la meilleure assurance-retraite par les salariés). L'hévéa produit pendant 30 ans, au terme desquels, contrairement au cacao, il peut être abattu pour fournir un bois de construction de qualité. Aujourd'hui, les plantations occupent 120 000 hectares en production (le gouvernement veut 300 000 ha d'ici 2020), qui se répartissent entre 60 % de petites plantations paysannes et 40 % de plantations industrielles, et qui font vivre près de 15 000 personnes. Les exportations de caoutchouc naturel valent 15 % des exportations agro-industrielles du pays. Un véritable enthousiasme donc, malgré la présence d'inquiétants risques économiques et écologiques (qui feront le sujet d'un prochain article), qui menace fortement la filière cacao.

La culture du palmier à huile est elle aussi une des favorites des petits planteurs. Les grands groupes comme Wilmar et Olam (tous deux singapouriens) ont fait passer la production d'huile de palme de 323 000 t en 2007, à 430 000 en 2009, avec l'objectif de doubler cette production d'ici cinq ans. Cela passe selon eux par une hausse du rendement en exploitation paysanne (7 t par hectare contre 17 en plantation industrielle). La totalité de la consommation ivoirienne d'huile de palme est couverte par des groupes industriels ivoiriens, qui envisagent une extension de leur production afin de pouvoir exporter à la sous-région pour combler un déficit estimé à 150 000 t/an dans l'Uemoa (Union économique et monétaire d'Afrique de l'Ouest).

Beaucoup de planteurs cherchent à présent un “refuge”
dans l'hévéaculture


La lutte passe par la sortie du capitalisme

La situation des planteurs ivoiriens confirme donc la théorie de la révolution permanente telle qu'avancée par Trotsky dès 1905 (voir notre article). Selon cette théorie, les agriculteurs, de part leur dispersion, leur nature individualiste, leur manque de culture, leur soumission à la ville et aux grands groupes industriels (en 2005, le planteur de cacao ne recevait que 5 % du prix final de la barre de chocolat, contre 75 % pour l'industrie et 20 % pour les transporteurs), et de part leur hétérogénéité sociale (planteurs pauvres travaillant seuls leur lopin de terre, planteurs riches possédant de grandes plantations employant de nombreux manœuvres) et leur fonctionnement capitaliste, sont incapables de s'organiser de manière indépendante. Les seuls cas de révolution paysanne victorieuse étaient basées sur une organisation militaire et soutenue par des États ouvriers plus puissants, qui ont donné naissance à des États ouvriers bureaucratiquement déformés (cas de Cuba, de la Chine, du Vietnam). La paysannerie, comme l'ensemble des “classes moyennes”, oscille en permanence entre le camp de la bourgeoisie et celui du prolétariat, et est incapable de diriger la nation dans la lutte pour l'émancipation politique et économique.

La solution à la question paysanne passe donc par une révolution socialiste dirigée par le prolétariat urbain et en particulier, par la classe ouvrière organisée. Les travailleurs des villes (y compris ceux de la filière cacao dans les usines, les transports et les entreprises exportatrices qui en Côte d'Ivoire, ont entre leurs mains la plus grande partie de la valeur du cacao exporté) ont le potentiel de faire naitre des organisations puissantes et démocratiques, et de prendre le pouvoir pour amener le pays vers le socialisme. Cependant, cette révolution ne pourra se faire “sur le dos” des planteurs, mais au contraire avec eux, dans une alliance où les paysans joueront le rôle d'auxiliaire afin de soutenir le prolétariat dans sa lutte. Sans quoi, ils risquent de se retrouver embrigadés par la bourgeoisie qui les utilisera pour casser le mouvement prolétarien – on a vu des éléments de cela en Turquie et en Égypte, où des paysans et des travailleurs des zones rurales, plus conservatrices, ont été amenés par le pouvoir pour contrer les mouvements de contestation.

Dans le cadre du capitalisme, il n'y a rien à attendre à part des mesurettes mais qui ne règleront jamais les problèmes fondamentaux.

Car il est clair que les beaux discours actuels sur l'aide aux planteurs, etc. n'ont d'autre but que d'accroitre l'auto-exploitation des planteurs par eux-mêmes afin de continuer à approvisionner le marché mondial en un produit qui n'apporte en réalité pas grand-chose au pays. Et encore, cela suppose que les différents vautours qui aujourd'hui parlent d'aider les pauvres planteurs, parviennent à trouver un accord et à se mettre d'accord sur les concessions à faire de la part de chacun. Et en ces temps de crise, c'est pas gagné.

Bien sûr, le prix du cacao a été fixé ; bien sûr, certaines coopératives reçoivent des semences, des produits phytos ; bien sûr, des pistes vont être grattées, des écoles rénovées… mais tout cela ne restera que des gouttes d'eau dans l'océan. En plus, il suffit que le gouvernement décide de faire un peu contribuer les grands groupes cacaoyers (ou plutôt, de mettre un terme à leurs privilèges indus) pour que ces multinationales menacent de quitter le pays le mois prochain ! Où sont passés toutes leurs paroles fleuries sur la nécessité du développement durable de la filière cacao ?

En Côte d'Ivoire, la majeure partie de la valeur du cacao à l'exportation
se trouve entre les mains des ouvriers de la filière

Mais que peut apporter concrètement le socialisme aux planteurs ?

Les premières mesures instaurées par un gouvernement socialiste seraient la nationalisation de l'ensemble de la filière cacao : rachat, transport, broyage et exportation, et l'instauration d'un monopole étatique du commerce extérieur. Afin d'éviter les dérives bureaucratiques et la corruption, les cadres des organes de gestion de la filière seront soumis au contrôle permanent de comités populaires formés de planteurs et petits salariés de la filière, avec un salaire modeste et droit de révocation permanente. Tous ces cadres seraient en outre élus par ces mêmes comités.

Cette nationalisation est nécessaire afin d'éviter les délocalisations et la fuite des capitaux, et aussi pour pouvoir rehausser le prix bord-champ en évitant que ne rouspètent les multinationales. En plus, la nationalisation permettra, grâce à l'avancement de l'industrie de première transformation, la mise en application du plan d'Houphouët-Boigny, à savoir, l'affirmation du rôle de leader du cacao ivoirien sur le marché mondial, pour contraindre les marchés mondiaux à payer un meilleur prix.

Autant que possible, après nationalisation, le personnel engagé par les différents transporteurs, industriels et exportateurs sera maintenu dans ses fonctions (de nouvelles personnes seront d'ailleurs surement engagées) ; une indemnisation pour les petits entrepreneurs sera accordée sur base de besoins prouvés, soumise à l'approbation populaire.

Pour la nationalisation de la filière cacao, sous contrôle des travailleurs

Dans un deuxième temps, les planteurs seront encouragés à former des coopératives, et recevront en cela un véritable soutien de la part de l'État formé par les travailleurs insurgés. Ce soutien se traduira sous la forme de :
  • extension des services de l'Anader par le recrutement d'une nouvelle génération d'agents formateurs et encadreurs, qui vivront au campement et dans les villages, afin d'y être disponibles à tout moment, pour y donner des conseils, organiser les champs-écoles, et faire passer les messages à destination des planteurs (informations météorologiques, lutte contre le swollen shoot, organisation de la campagne, etc.) ;
  • mise à disposition gratuite de semences, engrais, produits phytos, machines, pour les coopératives ; mais aussi aliments et vaccins pour l'élevage ;
  • organisation d'un système national de crédit agricole et d'assurance-récolte ;
  • production et distribution d'engrais biologiques par l'État grâce à la collecte d'ordures ménagères dans les villes pour compostage ;
  • organisation de canaux médiatiques de sensibilisation et de conseils agricoles (affiches dans les campements expliquant les bonnes pratiques agricoles pour les principales cultures, mise à disposition de fiches techniques illustrées et adaptées, rédigées dans toutes les principales langues nationales, chaines télévisée et radio adaptées, etc.) ;
  • rehausse du budget du CNRA et des autres instituts de recherche afin de poursuivre les recherches allant dans le sens de la sélection, la production et la distribution de semences et de clones d'arbres naturellement résistants aux maladies, les analyses de sol et les recommandations adéquates en termes d'application d'engrais raisonnée, et le développement de méthodes de lutte intégrée (biologique, chimique et culturale) contre les principales maladies du cacao et des autres plantes cultivées ;
  • production d'un cacao de qualité grâce aux bonnes pratiques agricoles et de fermentation ;
  • diversification de l'agriculture sur base de conseils judicieux et d'une information libre et transparente ;
  • nationalisation sans rachat ni indemnité des grandes plantations industrielles, sous contrôle de leur personnel et de cadres étatiques ;
  • redistribution des terres non mises en valeur par leurs propriétaires, avec indemnisation uniquement sur base de besoins prouvés : la terre appartient à celui qui la travaille !
  • préservation du patrimoine forestier et replantation d'arbres utiles à l'écosystème agricole (Gliricidia, etc.).
  • encouragement des manœuvres agricoles à créer leur propre syndicat, doté de structures d'accompagnement et de coordination des membres ;
  • mesures d'encouragement pour les planteurs qui désirent regrouper leurs terres afin de la cultiver en commun.
Le rêve de tout planteur ! C'est possible, grâce à une réorganisation
de la filière et une véritable aide de l'État

En outre, sur base de la planification de l'économie nationalisée, et de la mise sous tutelle populaire des vastes ressources du pays, il sera facile au gouvernement socialiste des travailleurs d'organiser :
  • la construction de véritables routes même en brousse, contre le simple “grattage de piste” ;
  • l'électrification des campagnes ou la mise à disposition de panneaux solaires à prix subventionné ;
  • l'exploitation de sources d'énergie renouvelables localement : cuisines à biogaz, fours solaires, etc.
  • le creusage de pompes et l'installation de l'eau courante ;
  • la collecte des déchets et en particulier, la lutte contre les piles et sacs plastiques qui empoisonnent notre sol (et pas uniquement par des mesures autoritaires telles que l'interdiction brutale des sacs plastiques par le gouvernement d'Alassane) ;
  • des entreprises de travaux publics qui seront chargées de donner à chaque planteur une maison en dur, contre les actuelles cases en terre battue “Dahomey” ;
  • la réorganisation du réseau scolaire, à destination des planteurs : assez de l'école “des intellectuels”, pour des cours pratiques où les enfants apprendront non seulement à lire, mais également à exercer un métier, dans une école véritablement gratuite, au calendrier aménagé en fonction des réalités sociales et non pas du “modèle français” (vacances d'octobre à novembre, rentrée en décembre) ;
  • l'extension du système de soins de santé ;
  • une administration communale plus proche de la population ;
  • l'organisation de brigades d'étudiants volontaires, envoyés travailler sur les plantations pendant la récolte afin d'aider les planteurs ;
  • la rénovation et l'aménagement des marchés ruraux (y compris des installations de stockage modernes avec réfrigérateurs, etc.) ;
  • l'extension du réseau de transport ;
  • la mise en place d'infrastructures culturelles en brousse ;
  • etc.

    Au Vietnam, chaque planteur a une maison en béton, l'électricité,
    l'eau et le gaz. Un résultat de la planification de l'économie.

Toutes ces transformations se produisant en même temps que s'opère une véritable industrialisation du pays, la mise en valeur du potentiel minier, la construction du chemin de fer, la mise en place de nouvelles centrales électriques, etc.

À nouveau, toutes ces mesures ne pourront voir le jour et être appliquées que sur base d'un véritable contrôle populaire sur les cadres, afin qu'aucune tentative d'escroquerie ou de détournement ne reste impunie. Au niveau du village, des comités doivent se mettre en place. Ces comités doivent faire la part belle aux jeunes, afin de remettre en question l'immobilisme imposé par les “vieux” et autres garants de la “tradition”. Les comités doivent en outre autant que possible impliquer les femmes (lesquelles sont encouragées à créer leurs propres organes), et intégrer autant que possible l'ensemble de la population de la zone, quelle que soit sa nationalité, son ethnie, sa religion, son âge et son sexe. Ces comités doivent également accueillir les habitants “temporaires”, non propriétaires ou “récemment” arrivés au village. Les comités de village doivent eux-mêmes élire des délégués des femmes, des jeunes et des “sans-terre” qui se réuniront avec ceux d'autres villages pour former des comités régionaux, etc.

Toute cette réorganisation ne pourra cependant jamais voir le jour dans le cadre du système capitaliste mondial, où l'impérialisme ne tarde pas à faire “rentrer dans le rang” tout pays qui cherche à s'émanciper. Les exemples du Burkina, du Congo, etc. sont à cet égard marquants. Face aux complots impérialistes, nous proposons non pas un dictateur éclairé (mais facilement “assassinable”), mais la classe prolétaire consciente, organisée et armée, qui dirige l'économie d'elle-même via ses propres organes populaires : on peut tuer un dictateur révolutionnaire, on ne peut pas tuer tout un peuple.

C'est à l'ensemble de ces tâches que le CIO, déjà présent au Nigeria, en Tunisie et en Afrique du Sud et dans le reste du monde, désire s'atteler durablement en Afrique francophone. Contactez-nous pour de plus amples discussions et pour rejoindre notre lutte !
 
Le train à travers les rizières au Vietnam. Malgré le caractère étouffant de sa bureaucratie stalinienne,
le pays a connu un développement sans précédent sur base de sa révolution qui a rompu
totalement avec l'impérialisme et amené une meilleure distribution des richesses nationales.

1 commentaire:

  1. jusqu'à présent j'estime que c'est la meilleure analyse que j'ai eu à lire sur la cacao culture en cote d'ivoire il va falloir assez de sensibilisation avant de passer à cette véritable révolution escomptée le travail ne fait que commencer et cela passe d'abord à la prise en main par les planteurs des coopératives merci

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