École d'été du CIO
Une alternative socialiste pour un continent en crise
C'est Hannah Sell,
membre dirigeante du Parti socialiste d'Angleterre et pays de
Galles (section anglaise du CIO), qui a introduit la discussion
en session plénière sur la situation en Europe lors de l'école
d'été du CIO qui s'est déroulée la semaine passée en Belgique, à
laquelle ont assisté plus de 400 de nos militants, venus
de 33 pays.
Rapport par Robin
Clapp, membre du Parti socialiste d'Angleterre et pays de Galles
(section anglaise du CIO).
Tout le continent
européen est en proie à une austérité brutale qui est la réponse
de la classe dirigeante à cinq ans de récession économique.
Cela fait six trimestres consécutifs que le PIB de la zone euro
chute. Cette récession cause la panique parmi les capitalistes, qui
sont maintenant aux prises avec les répercussions du ralentissement
économique de plus en plus grand en Chine. Ce ralentissement étouffe
les chances d'une reprise économique dans les quelques parties du
monde qui sont jusqu'ici parvenues à se maintenir et à passer pour
des acteurs de croissance économique.
L'Allemagne, qui
était demeurée la locomotive économique de la zone euro, a
maintenant commencé à stagner. Elle a connu sa plus grande
contraction du PIB en quatre ans lors du premier trimestre
de 2013. Alors que les marchés européens sont ravagés par la
crise, les capitalistes allemands s'étaient en partie tournés vers
le marché chinois, tirant parti de la demande chinoise qui semblait
alors insatiable. Ils étaient ainsi parvenus depuis 2009 à
doubler leurs exportations vers la Chine.
Une crise qui s'ouvre en plein cœur de la zone euro
Merkel est en train
de réaliser qu'une nouvelle phase de la crise est en train de se
développer au cœur même de la zone euro. L'Allemagne va sans
doute bientôt connaitre sa première fermeture d'une usine
automobile depuis 1945, et déjà les prédictions économiques
changeantes ont eu pour répercussions un certain nombre de grèves,
encore petites, mais extrêmement importantes.
L'industrie
automobile européenne est en crise. L'énorme surproduction mène à
des pertes annuelles de 4 milliards d'euro (2500 milliards
de francs CFA) pour les producteurs.
Dans toute la
zone euro, le niveau général de la demande a chuté de 5 %
par rapport au niveau d'avant la crise en 2007, alors qu'en
Europe méridionale (Italie, Espagne, etc.) la demande s'est
littéralement effondrée, avec une chute de 15 %.
L'expression sans
doute la plus choquante de la crise européenne est la hausse sans
précédent du taux de chômage, qui affecte surtout les jeunes. Les
conséquences sociales de cette véritable bombe à retardement se
feront sentir dans tous les pays. Le chômage des jeunes est de 60 %
en Grèce, de 50 % en Espagne, et de 40 % en Italie
et au Portugal.
Il n'est pas un pays
de l'Union européenne qui ne soit pas affecté. Dans un pays
après l'autre, on voit les jeunes quitter leur pays à la recherche
de travail. Notre camarade Laura du Parti socialiste d'Irlande a
expliqué que dans son pays, l'émigration a atteint le même niveau
que celui lors de la grande famine du milieu du 19ème siècle.
Beaucoup de jeunes
européens partent “se chercher” dans les anciennes colonies de
leur pays. C'est ainsi que des légions de jeunes Portugais se
rendent à présent en Angola ou au Mozambique.
Graffiti en Espagne : « Nous voulons du travail, que payent la crise les entreprises, qui s'enrichissent avec notre travail » |
L'inégalité en Suède
La Suède avait
autrefois la réputation d'être un modèle d'“État-providence”
social-démocrate sans son pareil après la Seconde Guerre.
Pourtant, à partir des années '80, l'inégalité s'est accrue
dans ce pays plus rapidement que dans aucun autre pays européen. Un
jeune sur quatre y est maintenant au chômage. Dans les quartiers
ouvriers, le nombre de jeunes chômeurs est encore plus grand. Les
émeutes de Stockholm qui se sont produites récemment reflètent le
fait que là-bas comme ailleurs, ce chômage structurel mène à un
dangereux déséquilibre qui ne peut que causer des explosions
sociales.
Notre camarade Elin
du Parti de résistance socialiste (CIO-Suède) a expliqué comment
le CIO a pu faire une importante intervention dans ce mouvement
explosif, canalisant les très compréhensibles sentiments de colère,
de désespoir et de dégout vis-à-vis des partis politiques en
général, en une explication de pourquoi il nous faut absolument
développer une alternative socialiste. Plus de 500 personnes
ont participé à notre meeting dans le quartier de Husby d'où
étaient parties les émeutes, en soutien à nos revendications pour
la fin de la brutalité policière, pour des emplois et pour des
logements pour les jeunes.
Les mouvements
révolutionnaires sont une conséquence inévitable de la profonde
crise qui affecte toute l'Europe, et les plus malins parmi les
capitalistes en sont fort conscients. C'est de là que viennent leurs
récentes tentatives désespérées, mais absolument inadéquates, de
discuter de plans de création d'emploi lors de leur forum européen
pour l'emploi.
Même là où les
jeunes ont des emplois, ils tombent souvent dans le “précariat”,
c'est-à-dire des contrats à l'heure, sans aucune sécurité
d'embauche. Plus de 1,6 millions de jeunes Italiens survivent
grâce à des emplois temporaires sous-payés ; en Allemagne,
9 millions de travailleurs gagnent moins de 8,5 € de
l'heure dans des emplois qu'on appelle des “mini-jobs”.
Notre camarade
Angelica d'Alternative socialiste (CIO-Allemagne) a fait
remarqué que les salaires de beaucoup de travailleurs allemands sont
si bas que le pays est de plus en plus considéré comme un pays de
pauvres. Les entreprises belges qui se trouvent près de la frontière
allemande ne cessent de se plaindre de la concurrence illégale qui
leur est faite par les entreprises allemandes et qui les force à
fermer.
Au cours des
cinq dernières années, nous avons vu des luttes ouvrières se
développer à l'échelle de tout le continent. Mais ces luttes n'ont
été que le prélude des puissants mouvements qui vont se développer
au cours de la prochaine période.
La base sociale du capitalisme grec
En Grèce, où
le niveau de vie a été attaqué d'une manière qui n'a été vue
nulle part ailleurs en Europe depuis l'époque du fascisme
d'avant-guerre, il y a eu d'innombrables grèves générales d'un
jour, par lesquelles les travailleurs et la classe moyenne ont tenté
de se défendre. La base sociale du capitalisme grec a été
complètement désintégrée : les docteurs, les avocats, les
enseignants, les employés de banque se retrouvent tous dans les
files du chômage ou en train de mendier dans les rues.
Si la classe ouvrière
grecque avait eu un parti révolutionnaire d'une certaine taille,
elle aurait pu prendre le pouvoir déjà plusieurs fois, mais à
cause des capitulations de la part des vieux partis
social-démocrates, et même de la part des nouvelles forces de
gauche comme Syriza, qui refuse de comprendre l'ampleur de cette
crise et par conséquent la nécessité d'une révolution sociale
afin de renverser le capitalisme, la politique d'austérité est
toujours dominante.
La rapidité et
l'énormité de la crise a stupéfait les travailleurs à divers
degrés. Cela, en plus des effets rémanents de l'effondrement du
stalinisme, de la dégénération des anciens partis ouvriers qui se
sont rendus à des positions pro-marché, et de l'échec des
tentatives de construire de nouveaux partis des travailleurs
durables, – tout cela fait que la classe ouvrière aujourd'hui
manque d'une conscience socialiste large.
Toutes ces
complications ont pour effet que le processus révolutionnaire
pourrait tirer en longueur, même alors que la situation est de plus
en plus mure pour une transformation socialiste.
De nouvelles luttes
sont inévitables dans chaque pays. Même là où le niveau
d'organisation des travailleurs s'est dégradé, la lutte va
développer la conscience, et notre intervention peut faciliter cela,
comme le montre l'exemple de l'Afrique du Sud.
Dans ce pays, malgré
nos modestes forces, nous avons été capables d'intervenir de
manière décisive grâce à un programme et une orientation
correctes envers les travailleurs des mines. La création du
Parti ouvrier et socialiste (WASP) marque un point tournant
et constitue un immense pas en avant pour l'ensemble de la classe
ouvrière.
Répression d'une manifestation d'avocats, docteurs et ingénieurs
en Grèce
en Grèce
Tensions de classe, ethniques, et nationales
La crise capitaliste
va non seulement intensifier les tensions de classe, mais aussi les
tensions nationales et ethniques. Les travailleurs connaitront des
replis, des complications et des défaites, mais qui n'auront pas en
général le caractère de défaites fondamentales qui auraient pour
résultat de briser les travailleurs pour toute une période
historique. En Italie par exemple, une situation pré-révolutionnaire
s'est prolongée pendant toute une décennie dans les années '70.
À l'époque comme
maintenant, la principale question est celle de la direction, et
notre défi est de construire un parti révolutionnaire et
d'intervenir dans la construction de partis des travailleurs de masse
qui servent à la fois d'école pour le développement de la lutte de
classe et de structures dans lesquelles la méthode et le programme
du marxisme peuvent être débattus et adoptés.
Dans toute une
section de la société grecque vit un désespoir largement répandu.
La direction du parti de gauche Syriza a commencé à virer à
droite. Ses dirigeants ne portent plus de jeans et de t-shirt, mais
arborent des costumes-cravate et un programme qui abandonne
tranquillement le refus de payer la dette pour remplacer cette
revendication par celle de l'annulation des intérêts de paiement de
la dette. Tsipras, le dirigeant de Syriza, qui avait failli prendre
le pouvoir l'année passée, a vu son taux de soutien dans les
sondages tomber à 10 % – moins que celui du
premier ministre de droite Samaras.
Malgré cela, un
gouvernement Syriza reste la perspective la plus probable après les
prochaines élections, et cela pourrait mener à une nouvelle vague
de lutte de classes en Grèce. Il y a déjà toute une série
d'occupations d'usine, les travailleurs prenant des mesures concrètes
pour défendre leurs emplois, et ces actions pourraient s'étendre à
une échelle de masse sous un gouvernement Syriza.
Tsipras, le dirigeant de Syriza, a failli arriver au pouvoir l'an passé, mais ses hésitations lui ont couté la victoire |
Aube dorée au gouvernement ?
La classe capitaliste
grecque est en train de débattre de la possibilité de laisser
entrer le parti néo-fasciste Aube dorée au gouvernement dans
le cadre d'une coalition dirigée par le parti de droite
Nouvelle Démocratie, maintenant ou afin de former un
gouvernement après les prochaines élections générales.
Une telle manœuvre
de leur part pourrait créer une explosion à travers toute la
société grecque, qui reflèterait la puissante insurrection
asturienne, en Espagne en 1934, lorsque Gil Robles, chef du
parti d'extrême-droite Confédération espagnole des
droits autonomes, est devenu ministre du gouvernement.
Ekaterina, de
Xekinima, section grecque du CIO, a insisté sur le fait que
bien que le soutien à Aube dorée dans les sondages se soit
élevé à entre 10 % et 15 %, cela n'a pas mené à
un accroissement de sa puissance de combat de rues. La menace que
pose Aube dorée a cependant nécessité la création de comités
anti-fascistes dans lesquels nous jouons un rôle majeur.
Il ne fait aucun
doute qu'une victoire de Syriza provoquerait une nouvelle phase de
crise redoublée, pendant laquelle Aube dorée pourrait
s'accroitre si aucune opposition ne leur était offerte. Sur le long
terme, au fur et à mesure que les vieilles normes sont ébranlées,
la classe dirigeante de chaque pays va se préparer pour de grands
conflits de classe, y compris pour la guerre civile.
Toutes les
institutions du capitalisme sont en effet de plus en plus démasquées
et discréditées, au fur et à mesure que la crise s'approfondit. En
Tchéquie et au Luxembourg, les dirigeants ont été forcés de
démissionner à la suite de scandales d'espionnage ; le
gouvernement bulgare a été chassé du pouvoir par les plus grandes
manifestations jamais vues dans ce pays depuis la chute du Mur il y a
20 ans.
Tout comme ses
camarades en Espagne, le gouvernement portugais a été appelé de
gouvernement “zombie” (cadavre qui continue à marcher) :
les ministres démissionnent l'un après l'autre à la suite d'une
grève générale qui a explicitement réclamé la démission de tout
le gouvernement. 80 % des travailleurs portugais ont participé
à cette grève, y compris une grande partie de la police et des
forces armées.
Le scandale de
corruption qui a submergé le premier ministre Rajoy en Espagne
a révélé la pourriture au cœur même du gouvernement. Le journal
El Mundo parle à juste titre d'un esprit pré-révolutionnaire
qui s'est emparé de larges couches parmi les masses. La seule raison
pour laquelle ce gouvernement n'est pas encore tombé est que les
capitalistes n'ont pas d'autre alternative viable, et ont peur de la
hausse du soutien pour le parti Gauche unie, qui se trouve juste
derrière le Parti socialiste espagnol dans les sondages.
Les fascistes de Aube dorée occupent de plus en plus d'espace dans les rues Des comités de résistance se créent un peu partout dans le pays pour les contrer |
La pause espagnole
Le camarade Rob
du groupe Socialisme révolutionnaire (CIO-Espagne) a expliqué
qu'il y a eu cette année une certaine pause dans la lutte à la
suite de la terrible grève des mineurs de 2012 qui contenait en
elle-même les germes d'une guerre civile, à la suite de
l'occupation des hôpitaux partout dans le pays, et de deux grèves
générales qui ont entrainé respectivement 10 et 11 millions
de travailleurrs. Mais cette année a en réalité été une année
de meetings et de débats intenses. Ainsi, on a vu une assemblée de
la gauche locale attirer 1000 personnes pour discuter de la
prochaine étape dans la lutte.
Nous avons mis en
avant la revendication d'une grève générale de 48 heures liée
à l'établissement d'assemblées partout dans le pays afin de lutter
pour faire tomber le gouvernement. Il faut un front uni de la gauche
avec les mouvements sociaux, autour des mots d'ordre « Non à
l'Europe des patrons », « Nationalisation des moyens de
production », et « Droit à l'auto-détermination »
pour les Catalans et les autres nationalités qui le demanderaient.
Notre camarade Éric
du Parti socialiste de lutte (CIO-Belgique) a souligné la
férocité sans précédent des attaques qui sont perpétrées sur
leurs travailleurs par les capitalistes belges. La Belgique est
restée sans gouvernement officiel pendant 540 jours, parce que
la classe dirigeante était perdue en palabres quant à la meilleure
façon d'avancer dans un contexte d'antagonismes nationaux
croissants. Ni la majorité de la classe dirigeante, ni la classe
ouvrière ne désirait la scission de la Belgique, mais dans une
période de crise, les divisions peuvent devenir plus aigües entre
la Flandre et la Wallonie.
Mais inévitablement,
vu le manque d'une alternative socialiste large à portée des
masses, il y a aussi la montée de sentiments nationalistes
anti-européens.
En
Europe méridionale, même si la troïka (FMI,
Commission européenne et Banque centrale européenne) est
absolument détestée, on voit que même en Grèce, les travailleurs
sont très prudents et craignent de demander la sortie de l'UE, car
ils ont peur de ce que pourrait représenter l'alternative.
Notre camarade
Sascha, dirigeant de notre section allemande, a fait remarquer que le
point de départ devrait être une lutte pan-européenne contre
l'austérité. Nous avons vu en novembre dernier la première
tentative d'organiser une grève générale pan-européenne de 24 h
dans plusieurs pays.
Après les manifs en Espagne… |
Un système en perdition
Cette crise n'est pas
seulement celle de la monnaie européenne, mais du système tout
entier. Aucune politique économique alternative de type keynésienne
(dépenser l'argent de l'État en grands travaux pour relancer la
croissance) ne pourra reboucher complètement les failles
fondamentales qui se sont ouvertes de manière si visible au cours
des quelques dernières années.
Nous avons compris
dès le départ que le projet de la monnaie euro n'était pas
tenable. Ce n'est que grâce à la phase de croissance qui a duré
jusqu'en 2007 que son échec a pu être reporté. Mais à
présent, nous voyons devant nos yeux se dérouler une réaction en
chaine au ralenti qui va à un certain moment faire éclater la zone
euro.
Déjà, ce processus
est très visible en Chypre, où, à la suite de la crise bancaire,
l'imposition du contrôle des capitaux par les capitalistes est
contraire aux règlements de l'UE, mais est justifiée par la gravité
exceptionnelle de la situation. L'économie chypriote est une
catastrophe, et on s'attend à ce qu'elle se contracte d'un chiffre
record – -25 % l'an prochain.
Le Portugal est au
bord d'une deuxième demande de renflouement, tandis que les
bureaucrates européens à Bruxelles ne parviennent pas à dormir à
cause de leurs cauchemars de la faillite de l'Espagne ou de l'Italie,
dont les dettes collectives s'élèvent à plus de 3000 milliards
d'euros (2 millions de milliards de fCFA) – soit
six fois plus que l'argent disponible dans le fonds de secours
européen.
Tout est en train
d'être fait pour éviter une autre crise avant les élections
générales en Allemagne du 22 septembre. Mais les
problèmes s'accumulent et deviennent de plus en plus graves. Les
dettes souveraines italiennes sont de plus en plus considérées
comme n'ayant aucune valeur ; une autre très grande source
d'inquiétude est l'état de zombie de nombreuses banques, qui sont
sur perfusion dans tous les pays, même en Allemagne et en Autriche.
Le système bancaire bouffe pendant que le gouvernement lui sert du vin. Pendant ce temps, le peuple regarde… sans rien dire ? |
La classe ouvrière n'accepte pas l'austérité de manière passive
Une véritable union
bancaire européenne ne peut être obtenue sous le capitalisme, et
bien que nous ne puissions prédire les délais exacts, et que le
processus de décomposition de l'Union européenne pourrait
tirer en longueur, il est clair que de nouvelles crises peuvent faire
irruption à tout moment, jusqu'à devenir si grandes dans le futur
qu'elles seront impossibles à contenir.
Ce qui est clair, est
que la classe ouvrière ne va pas accepter passivement la misère qui
est en train de lui être imposée.
Dans chaque pays, les
dirigeants syndicaux freinent la lutte. Il refusent encore, à cette
étape, malgré l'énorme pression, d'appeler à des grèves
générales de 24 heures en Espagne et au Royaume-Uni. Au
Royaume-Uni, le Rassemblement syndical (TUC) “discute” de cette
question depuis déjà onze mois, alors qu'en France les
syndicats ont finalement cédé et annoncé une journée d'actions
début septembre.
Notre camarade
Christine de Gauche révolutionnaire (CIO-France) a souligné
l'impressionnante impopularité de Hollande. Alors qu'il avait été
élu dans l'enthousiasme après les années brutales de Sarkozy, il
est à présent le président le moins populaire de toute l'histoire
de la cinquième république, moins populaire même que Sarkozy !
Notre camarade Leila,
de France, a ajouté que chaque jour, 6 grèves sont déclarées
en France, en réaction au fait que le pouvoir d'achat des
travailleurs a été repoussé à son niveau de 1984.
Ce n'est que par le
développement des mouvements à partir de la base et avec une
pression croissance de la part de la classe ouvrière, que les
syndicats seront forcés à organiser des actions. Nous jouons à ce
titre un rôle très important au Royaume-Uni via le NSSN, Réseau
national des délégués syndicaux.
Même certains
dirigeants syndicaux de gauche affichent leurs hésitations vis-à-vis
de telle ou telle question. Le capitalisme exerce une incroyable
pression sur eux afin de les contraindre à agir de manière
“responsable” ; mais au bout du compte, ils peuvent être
– et le seront – contraints par la pression de la
classe ouvrière à appeler à des actions.
Manifestation où se mêlent drapeaux grecs, tunisiens et portugais |
Des conflits généralisés
En outre, dans une
telle période de remous sociaux, chaque lutte syndicale a le
potentiel de déborder en un conflit plus généralisé, contre le
système lui-même.
En Grèce, dix-sept
des syndicats les plus combatifs se sont unis pour forger un
programme de lutte. En particulier le syndicat de l'électricité a
articulé toute une série de revendications que nous soutenons
pleinement. Mais en cette période, ce qui est décisif n'est pas un
programme bien rédigé, mais l'action.
Ce blocage ne peut
être contenu pour toujours. La lutte magnifique des travailleurs
afin de contrer la fermeture de la radio-télévision nationale
grecque, ERT, montre comment des mouvements peuvent et vont se
développer à partir de la base, malgré le fait que les
travailleurs semblent de prime abord pieds et poings liés.
En Irlande, la
campagne contre la taxe des ménages est devenue un phare au milieu
de toute la frustration accumulée envers l'austérité. L'imposition
de la brutale taxe sur le nombre de chambres au Royaume-Uni peut être
perçu comme un catalyseur similaire pour une lutte industrielle et
sociale plus large.
Le mouvement contre
les expulsions de domicile en Espagne a jusqu'à présent obtenu plus
de 1000 victoires. Lorsque ce mouvement a débuté, on a vu une
réponse hystérique dans les médias qui qualifiaient les
manifestants de “nazis” ou de “terroristes”. Pourtant, 89 %
de la population soutiennent le mouvement, plus que la cote de
popularité de tous les politiciens pris tous ensemble.
La haine envers les
partis politiques est une expression de la conscience anticapitaliste
grandissante parmi les travailleurs, bien que cela ne se traduise pas
encore en un soutien conscient au socialisme. Cette tendance est sans
doute la plus grande en Espagne, mais elle est en réalité un
phénomène qui se produit à l'échelle continentale.
Le cynisme vis-à-vis
des politiciens corrompus et ne prêchant que l'austérité est une
phase inévitable du développement de la conscience – on peut
comparer ça à la coquille d'œuf qui abrite le poussin de la
conscience révolutionnaire future. Nous devons comprendre ce
processus et intervenir de manière adéquate et délicate en luttant
pour une représentation politique indépendante de la classe
ouvrière.
Manif contre la taxe sur les ménages en Irlande « Peux pas payer, paie pas ! » |
Les forces populistes
Au même moment, le
vide politique peut être en partie rempli par toutes sortes de
forces populistes particulières, de gauche comme de droite. En
Italie, le très instable Mouvement 5 étoiles a paru
surgir de nulle part, mais malgré une légère baisse de soutien
depuis les dernières élections, lors desquelles son succès a
complètement abasourdi la classe dirigeante, il bénéficie toujours
de 18-20 % dans les sondages.
En Belgique, le Parti
du Travail de Belgique, ex-maoïste, a lui aussi tiré profit de ce
processus. Au Royaume-Uni, le Parti pour l'indépendance du
Royaume-Uni (UKIP), populiste de droite et nationaliste, a obtenu un
score impressionnant lors des dernières élections municipales, sur
base d'une campagne anti-UE, anti-immigrés.
Il est tout à fait
possible que le UKIP devienne le plus grand parti du pays (en termes
de vote) au Royaume-Uni lors des élections européennes de l'année
prochaine, et même qu'il se consolide en même temps que des partis
tels que le Front national français ou le Parti libéral
autrichien (FPÖ). Cette perspective est loin d'être certaine
cependant, et dans tous ces pays, l'établissement d'un véritable
parti des travailleurs peut mettre un terme à ce processus de
développement de la droite populiste ou radicale.
On voit un exemple de
cela au Portugal, où le Parti communiste et le Bloc de gauche
bénéficient ensemble d'un soutien de plus de 20 % dans les
sondages. S'ils avaient bien voulu former un “Front uni”,
comme les militant du CIO le réclament depuis, ils auraient pu
proposer une véritable alternative, ensemble avec les mouvements
sociaux. Ils auraient pu attirer des millions de personnes en plus
avec une bannière qui aurait proclamé la prise du pouvoir et non
pas simplement plus de manifestations.
Leur échec a
cependant mené à une légère reprise électorale pour le
Parti socialiste, qui est maintenant de plus en plus perçu
comme une alternative viable au gouvernement de droite (alors que ce
parti avait été chassé du pouvoir après sa déculottée
électorale magistrale d'il y a deux ans à peine, pour avoir
appliqué la même politique que celle qui est en ce moment appliquée
par la droite).
Le comédien Beppe Grillo en Italie et son “Mouvement 5 étoiles” ont obtenu un score hallucinant aux dernières élections |
Le virage à droite de Syriza
En Grèce, la
question de ce que la gauche doit faire s'est posée de manière très
vivante. L'appel initial de Syriza à former un gouvernement de
gauche a vu son soutien croitre de manière exponentielle. Mais
l'abandon de la promesse de nationalisations à grande échelle, et
le refus de Syriza de soutenir le préavis de grève des enseignants
(alors que 90 % avaient voté pour l'action), ont désorienté
ses anciens sympathisants, et en ont même dégouté plus d'un.
À présent une
nouvelle constitution a été imposée à Syriza, créant un parti
“unifié” qui interdit la double appartenance politique (alors
que Syriza était au départ une coalition de différentes forces) et
qui rend le parti plus “sûr” pour le capitalisme.
Bien qu'il y ait un
large scepticisme par rapport à Syriza, notre camarade Andros, de
Grèce, a expliqué comment nous utilisons notre position en tant que
force indépendante pour intervenir dans diverses luttes sociales et
industrielles, y compris avec la construction des comités
antifascistes.
Au même moment, nous
cherchons à construire l'“Initiative des 1000” – lancée
par les forces de gauche hors et dans Syriza – et à
travailler de manière de plus en plus étroite avec ceux qui à
gauche gravitent vers la nécessité d'un programme de transition qui
appelle à un “front uni” des partis ouvriers, à un gouvernement
de la gauche et à une politique socialiste.
Un grand pas en avant
en Espagne, et un indice du fait que les travailleurs sont prêts à
soutenir des formations de gauche qui mettent en avant ne serait-ce
qu'une embauche de programme de lutte, est la résurgence de
Gauche unie (Izquierda Unida, IU) qui reçoit maintenant
16-17 % de soutien dans les sondages. IU appelle à la démission
du gouvernement et a maintenant changé sa position par rapport à la
Catalogne – alors qu'elle était opposée à
l'auto-détermination de cette nation, elle soutient à présent le
droit des Catalans à décider eux-mêmes de leur situation
nationale.
Mais le processus ne
se déroule pas de manière linéaire : certaines sections de la
direction d'IU ont leurs yeux sur une éventuelle coalition avec le
Parti socialiste, comme c'est d'ailleurs déjà le cas dans la
région d'Andalousie. Cependant, du fait que IU est un parti fluide
qui est toujours susceptible de subir une pression de sa base, il
n'est pas prédéterminé à suivre un virage à droite qui aura un
succès immédiat.
Les marxistes doivent
chercher à organiser les forces les plus larges possibles à gauche,
y compris les mouvements sociaux et ceux qui se trouvent au sein de
IU et qui opposent le “coalitionnisme” avec les forces
pro-austérité telles que le Parti socialiste.
En même temps, ici
comme partout ailleurs, nous devons développer un noyau marxiste qui
puisse servir de colonne vertébrale pour la gauche.
Syriza n'est déjà plus le parti qui rassemblait les foules l'an passé, mais rien n'est encore joué |
Les attaques du Labour britannique sur le syndicat Unite
De nouvelles
possibilités s'ouvrent au Royaume-Uni dans la lutte pour la
construction d'un nouveau parti des travailleurs. L'attaque sur le
syndicat Unite par la direction Labour (parti “socialiste”
britannique) menée par Ed Miliband – après que Unite
ait demandé au parti de rendre plus de compte au syndicat en
cherchant à ce que des membres du syndicat soient sélectionnés en
tant que candidats pour les élections nationales – illustre
pleinement la futilité de toute tentative de “réformer” le
Labour.
Miliband a appelé la
police pour qu'elle mène une enquête sur le comportement de Unite
(la police a répondu qu'il n'y avait pas la moindre raison d'entamer
pareille enquête), et a commencé à mener campagne pour supprimer
tout lien entre son parti et les syndicats. Cela a fait scandale
parmi les syndicalistes. Certains dirigeants syndicaux de droite vont
maintenant jusqu'à soulever la question de savoir comment leurs
membres pourront encore accepter de cotiser pour leur carte de parti
Labour.
La section Unite de
la région Nord-Ouest a maintenant, à la suite d'une initiative de
la part de nos camarades, appelé le syndicat à se désaffilier du
Labour – un pas en apparence petit mais potentiellement
historique en vue de la formation d'un nouveau parti des
travailleurs, travail déjà débuté par nos membres en
collaboration avec le syndicat du rail RMT, qui a mené à la
création de la Coalition syndicale et socialiste (TUSC).
Ed Milliband, dirigeant du Parti “travailliste” britannique, est parti en croisade contre sa propre base syndicale |
Une crise prolongée
C'est Tony Saunois,
président du Secrétariat international du CIO, qui a conclu la
discussion. Cette crise est d'une nature prolongée, et cela est
essentiellement le résultat de la capitulation des anciens partis
ouvriers face au marché, ce qui a laissé la classe ouvrière
dépourvue d'organisations politiques combatives.
À ce stade, le
rythme des évènements est différent dans le nord ou dans le sud de
l'Europe. Bien que la classe dirigeante fera tout pour surmonter la
crise, et pourrait même bénéficier de périodes de pause
temporaire dans la lutte de classe, ces pauses ne seront que de brève
durée et ne seront pas basées sur la moindre reprise réelle, ni
sur aucune fondation solide.
Des millions de vies
ont été brisées partout en Europe au cours des cinq dernières
années. Étant donné la gravité de la crise, les travailleurs ont
été frustrés du fait que les évènements ne se soient pas
développés plus rapidement. Cela vient avant tout des trahisons
historiques des soi-disant dirigeants officiels du mouvement ouvrier,
dans tous les pays. Aucun nouveau parti de masse de la classe
ouvrière n'est né depuis, ou n'a paru capable de s'opposer à
l'austérité néolibérale tout en articulant un programme
socialiste qui montre la voie hors de cette crise étouffante.
Mais la capacité de
la classe ouvrière à lutter, à tirer derrière elle la classe
moyenne et les légions de jeunes désœuvrés et d'autres, a été
démontrée sans que ne subsiste le moindre doute à cet égard – et
particulièrement en Grèce, où on a cherché à repousser les
forces du néolibéralisme avec une grève générale après l'autre.
La montée de
l'extrême-droite, et même l'émergence d'organisations ouvertement
néo-fascistes en tant que menaces réelles dans des pays comme la
Hongrie ou la Grèce, devrait nous rappeler que dans les périodes de
crise massive, les graines de la contre-révolution peuvent germer
dès le moment où le mouvement ouvrier ne parvient pas à offrir une
alternative.
Aube dorée est
l'expression du désespoir. Bien que son noyau soit bel et bien
néofasciste, de nombreuses autres personnes peuvent être tirées
hors de ses rangs ou dissuadées d'y entrer pour peu que nous
parvenions à offrir une alternative socialiste à la Grèce.
« Démocrates de l'Europe, HONTE à vous ! » manifestation en Roumanie |
Leçons profondes
Des leçons profondes
sont en train d'être emmagasinées par les travailleurs et les
jeunes, au fur et à mesure que sous la surface, la conscience
change. D'importants nombres de travailleurs commencent à comprendre
le fait que le capitalisme ne peut mener qu'à l'austérité, et que
par conséquent un changement fondamental est nécessaire dans la
manière dont la société elle-même est organisée – une
transformation socialiste.
Nous devons nous
préparer pour ces développements explosifs qui aujourd'hui semblent
être encore loin de la surface, mais qui demain feront irruption
partout à la fois. Nous devons nous apprêter pour de nouvelles
vagues de lutte de masse, y compris des grèves et sans doute des
occupations d'usine et d'entreprise.
Nous pouvons
contribuer à pousser l'histoire pour qu'elle aille plus vite. Notre
tâche est d'accélérer ce développement moléculaire grâce à nos
interventions dans tous les pays. Nous devons habilement développer
notre programme, nos tactiques et nos revendications, afin
d'atteindre la classe ouvrière qui a démontré à de nombreuses
reprises déjà sa volonté de lutte.
Tic-tac tic-tac tic-tac… |
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