Burkina Faso, Côte d'Ivoire : même combat !
Blaise, dégage !
Blaise, dégage !
Le
Burkina connait depuis plusieurs semaines un renouveau de la lutte,
dont on parle malheureusement très peu dans les médias
internationaux. L'ampleur du mouvement a cependant été remarqué
par différents groupes tels que International Crisis Group,
qui dans son rapport de 59 pages enjoint le président Burkinabé
à quitter le pouvoir en 2015, afin de préserver la
“stabilité”. Les répercussions d'une éventuelle crise
burkinabée se feraient en effet sentir dans toute la sous-région.
Il est d'une extrême importance pour les révolutionnaires, les
socialistes et la gauche panafricaniste en général de suivre de
très près les développements en cours de ce pays, qui pourraient
déclencher une nouvelle période révolutionnaire dans toute
l'Afrique de l'Ouest, similaire à celle qu'a connu la sous-région
au tournant des années '1990.
LIRE AUSSI NOTRE ANALYSE ET NOS MOTS D'ORDRE CONCERNANT LA NOUVELLE CRISE RÉVOLUTIONNAIRE QUE TRAVERSE LA TUNISIE EN CE MOMENT
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Article
par Jules Konan, représentant du CIO en Côte d'Ivoire, et
Pierre Dalaï, sympathisant du CIO–CI
La
« dépigmentation » de la situation socio-politique au
pays des hommes intègres a connu une ascendance vertigineuse et nous
donne à réfléchir sur le dernier sursaut d’un peuple longtemps
soumis à la répression, plus de
25 ans durant et cela continue.
Plusieurs évènements se sont succédé très rapidement.
Le facteur déclencheur de la récente crise a été la décision du régime de se doter d'un “sénat”, structure visant à doter des proches du pouvoir de postes bien juteux et en même temps visant à consolider le pouvoir du président Blaise Compaoré en cas de révolte du parlement, surtout en vue de modifier la constitution (le fameux “article 37”) qui lui permettrait de se représenter pour un énième mandat en 2015. C'est ce qui a suscité le déclenchement d'un nouveau mouvement de masse, à l'appel du Comité contre la vie chère (CCVC), une plate-forme large regroupant une quarantaine de mouvements sociaux et syndicats. Le mouvement a été rejoint par l'opposition politique, qui elle aussi a apporté ses propres revendications et militants.
Entamé le 29 juin avec 50 000 personnes afin de dénoncer la vie chère, le mouvement s'est rapidement mué en une force anti-Compaoré, président du Burkina depuis plus de 25 ans, arrivé au pouvoir en assassinant le dirigeant révolutionnaire Thomas Sankara.« Non au pouvoir à vie ! », « 25 ans de pouvoir c'est trop, va-t-en ! », « Blaise, dégage ! ».
Le 16 juillet, on a vu la toute première manifestation de journalistes dans l'histoire du pays, pour dénoncer les pressions exercées sur eux par le pouvoir afin de dénigrer l'opposition. Le même jour se déroulait une manifestation de soutien au pouvoir, dont les participants, payés chacun 1000-2000 francs par le régime, portaient des affiches pleines de fautes d'orthographe réclamant la candidature de Blaise en 2015 « à jamais et pour toujours ». Ces manifestants ont été copieusement hués par les spectateurs.
De nouvelles grandes manifestations se sont encore produites notamment le 20 juillet et le 28 juillet. Depuis, on a vu des batailles entre étudiants et police avec 16 véhicules incendiés et deux blessés graves dans les rangs des policiers. Cela en raison du déguerpissement forcé des étudiants hors des cités universitaires par la police, alors que les étudiants n'avaient reçu qu'un préavis de 48 heures pour vider les lieux, contrairement à ce qui se fait habituellement.
Voila le peuple héroïque des “hommes intègres” sur la vraie voie d’une révolution populaire. Devant la menace, Compaoré est de plus en plus lâché par ses soutiens parmi la bourgeoisie et l'impérialisme, qui lui recommandent de passer la main. Même l'église catholique, une des forces les plus conservatrices dans la société, et dont le clergé fait traditionnellement partie de l'establishment, a dénoncé le pouvoir dans un réquisitoire où est rappelée la situation de catastrophe que connait le Burkina, qualifiant le gouvernement de « régime déconnecté des réalités sociopolitiques ». Corruption galopante, pauvreté grandissante (la pauvreté absolue touchait 44 % de la population en 2010), impunité totale (l’assassin supposé du journaliste Norbert Zongo court toujours, depuis 15 ans), patrimonialisation de l’État, etc.
Selon les évêques du Burkina, « l’espace socioéconomique qui, normalement, doit être le plus large possible pour éviter l’exclusion et la marginalisation d’un grand nombre, s’est au contraire dangereusement réduit avec, en sus, le développement d’une ploutocratie, (gouvernement de riches) ». Voilà qui est bien dit, même si l'Église est loin d'appeler à la révolte. Au contraire, elle enjoint l'opposition à éviter tout “débordement” et propose sa contribution à l'“édification d'un État de droit”.
Un petit groupe détient tout et décide de tout, quelle aberration démocratique ?
Le
peuple burkinabé et la révolution
Mais que peut ce peuple face au système capitaliste international, géré par un “consortium” local ? Ce qui se passe au Burkina, est le combat d’un peuple héroïque. Un peuple qui cherche à prendre depuis plusieurs années son destin en main. Rappelons les évènements de ces dernières années :
La révolte burkinabée a commencé le 22 février 2011, dans le sillage du printemps arabe, et à la suite du décès d'un élève, battu à mort par la police, dans un contexte de misère populaire et de pouvoir autoritaire. À l’appel de plusieurs syndicats et mouvements (étudiants, Collectif contre la vie chère (CCVC), syndicats ANEB, UGEB, CEEB et autres corps de métiers, plus l’opposition politique), le peuple se dresse contre un régime impopulaire et illégitime. La révolte dure plusieurs jours.
Alors
que le mouvement réclame une enquête sur la mort de l'élève, il
est brutalement réprimé, donnant lieu à une explosion en mars puis
avril 2011. Plusieurs commissariats sont incendiés dans
plusieurs villes du pays, des sièges du CDP (Congrès pour la
démocratie et le progrès, le parti au pouvoir), des mairies, etc.
sont pillés.
Le
chaos s'empare du pays avec une mutinerie de l'armée, qui proteste
contre les bas salaires et les conditions de vie et de travail
difficiles, et dont la violence suscite des manifestations des
commerçants de Ouagadougou et une grève des magistrats. Au mois de
mai, les enseignants, soutenus par les élèves et les étudiants,
entrent en grève. C'est à ce moment que Blaise déjà, prend la
fuite.
Mais
finalement, le pouvoir est parvenu à calmer le mouvement en
accordant des hausses de salaire, en condamnant plusieurs suspects de
meurtres d'État et en renvoyant toute une série de gouverneurs
régionaux. Mais cela n'était pour lui, on le voit, qu'une bouffée d'oxygène
de relativement courte durée.
Cette année encore, le peuple Burkinabé a remis le couvert avec des manifestations multiples et réunissant toutes les couches sociales. Cependant, ce n'est pas dire que la situation était restée calme dans le pays au cours des deux dernières années. On a ainsi vu une vague de grèves des mineurs fin 2011.
L'autorité du pouvoir, lâché par l'armée, ne repose plus sur rien, à part le corps d'élite connu sous le nom de RSP (Régiment de sécurité présidentielle). C'est d'autant plus le cas qu'afin de sauver sa seule personne, Blaise a viré toute une série de pontes de son régime, cherchant des boucs-émissaires afin de se protéger. Cela n'a évidemment fait qu'accroitre la dissension au sein de la classe dirigeante burkinabée. La seule personne de confiance du président, à qui il semble s'apprêter à passer le relais (en le propulsant président du sénat), est son frère François Compaoré, un autre valet de l'impérialisme et assassin, dont le nom est lié à l'affaire Norbert Zongo.
La tentative de trouver pour de bon des solutions à la crise de 2011 avec la convocation d'un CCRP (Conseil consultatif des réformes politiques) a été un flop, ce conseil ayant été boycotté par une grande partie de la société civile et de l'opposition, vu le non-respect des engagements qui avaient été pris en 1999 après la crise engendrée par l'assassinat de Norbert Zongo. D'ailleurs, on voit la vacuité de telles structures de concertation, quand on sait que c'est ce même CCRP qui a accouché de l'idée de créer un sénat.
Une opposition très molle ou acquise à l'impérialisme
Du côté de l'opposition politique, il n'y a rien à attendre. Il est vrai que la plate-forme de l'opposition a adopté les slogans très radicaux de “Non à la vie chère ! Non au chômage des jeunes ! Non à l'augmentation du prix du gaz ! […] Non au pouvoir à vie !”… mais quand on sait que cette coalition est dirigée par l'UPC (Union pour le progrès et le changement) de Zéphirin Diabré, ancien ministre des Finances de Blaise et ex-directeur d'Areva (la compagnie nucléaire française, un des piliers de l'impérialisme dans la sous-région), disposant d'un important carnet d'adresses international et d'un grand financement, on peut se poser beaucoup de questions quant à sa véritable nature…
Lors de la manifestation du 29 juin par exemple, les chefs de l'opposition, à la tête de la manifestation, voulaient simplement aller porter un “message” au chef de l'État. Mais c'était sans compter sur la fougue des manifestants qui ont brisé les cordons de sécurité pour aller en découdre avec la police.
Le 20 juillet, Tolé Sagnon, chef de la CCVC et secrétaire général de la CGT-B (Confédération générale du travail du Burkina), posait la question : « Il ne faut pas changer pour changer. Nous ne voulons pas que Blaise Compaoré se pérennise au pouvoir, mais nous ne devons pas avoir peur de nous poser cette question : par qui allons-nous le remplacer ? […] Nous devons développer notre esprit critique vis-à-vis des différentes forces politiques qui tentent aujourd’hui de se présenter comme des alternatives au pouvoir actuel mais qui, pour la plupart, partagent les fondamentaux de la politique néolibérale du régime en place. […] Le processus actuel de mise en place du sénat, les velléités de révision de l’article 37, malgré leur actualité et leur importance, ne doivent pas figer toute l’attention du peuple burkinabé ! La plus grande vigilance doit être observée ».
Zéphirin Diabré s'est empressé de répondre en révélant son rôle traitre, affirmant que « Personne ne parle de comment sera l’après Blaise Compaoré ; on se bat contre le Sénat, contre la révision de l’article 37 ». Dans un point presse le 25 juillet, il allait jusqu'à dire : « Mesdames et messieurs, aujourd’hui, le monde nous appartient, nous les néolibéraux ; nous l’avons vaincu et conquis […] Plus j’avance dans mon parcours, plus j’observe la marche du monde, plus je suis en phase avec elle ». L'impérialisme aurait donc déjà trouvé son champion ! Pour M. Diabré, le rôle des syndicats « n’est pas de conquérir le pouvoir ou de chercher à savoir qui va remplacer Blaise », mais de « défendre des intérêts catégoriels, quel que soit le parti politique au pouvoir ». Traduction : « Ta gueule le vieux, laisse-moi prendre le pouvoir que veulent me remettre mes copains français et américains ».
Il s'agit également du même Diabré qui, convaincu qu’au CDP, « Beaucoup sont contre le sénat et la révision de l’article 37 », a dit leur tendre « une main fraternelle et républicaine et leur demander de prendre leur courage et de quitter le navire pendant qu’il est temps ».
Mais le plus grave est quand Diabré dit que malgré le fait qu'« Au sein du CFOP (l'opposition politique), il y a des sankaristes, des socialistes, des socio-démocrates », pour lui, cela est constitutif d’une richesse qui permet à l’opposition politique d’éviter de graves erreurs dans la prise de ses décisions. Avant de conclure : « J’adore les conflits idéologiques, car c’est ça qui nous fait avancer ». Car cela signifie que l'opposition sankariste, socialiste, “de gauche”, accepte en fait de se ranger derrière cet homme et son parti sans remettre en cause ni dénoncer son rôle de traitre. C'est de telles hésitations et une telle tendance à “l'unité” (des forces progressistes avec les forces réactionnaires) qui nous a couté de nombreuses révolutions partout dans le monde et à toute époque, comme en Espagne en 1936, ou comme, dans une certaine mesure, en Libye l'an passé (où la récupération du mouvemente populaire initial par l'opposition bourgeoise a permis à Kadhafi de se faire passer pour le “véritable défenseur du peuple contre la conspiration impérialiste”, faisant passer le pays de la révolution à la guerre civile, avec les conséquences que l'on sait).
Qu'est-ce que cela veut dire en définitive ? Ça veut dire tout simplement qu'au cas où Blaise dégageait sans qu'une alternative populaire ne se profile, et si Zeph était élu, le Burkina connaitrait une situation tout simplement identique à celle de la Tunisie ou de l'Égypte. On ne ferait que changer de visage mais le système resterait le même. Zeph accomplirait une politique néolibérale qui ne ferait qu'enfoncer encore plus le pays dans la crise économique, un an plus tard, un mouvement se profilerait pour le faire dégager, et les quelques partisans qu'il aurait encore se prépareraient pour la guerre civile. Est-ce cela que nous voulons ? Non !
Bref, d'un côté nous avons un leader syndical “responsable” qui refuse de faire chuter Blaise tant qu'il n'est pas sûr de qui va prendre le pouvoir après lui (lui qui a déjà déclaré un jour dans le passé : « Si ce n’est Blaise, qui peut gérer ce pays ? »), de l'autre, une coalition d'opposition politique hétéroclite dans laquelle la gauche se range derrière un néolibéral affirmé, au nom sans doute de “l'unité” et du “débat d'idées” – tout comme le Front populaire tunisien se range derrière l'Union pour la Tunisie alors que l'heure est clairement à la révolution contre le système tout entier, et non pas au compromis avec l'un ou l'autre groupe de politiciens bourgeois.
Vu une telle opposition, il n'est pas étonnant que beaucoup de jeunes ruent dans les brancards et se tournent vers “l'action spontanée” et les combats de rue.
Plus intéressant est la décision par les chanteurs Smockey (dont on se souvient notamment de l'excellente contribution sur le non moins excellent album de Didier Awadi “Présidents d'Afrique”) et Sams'k le Jah de créer un mouvement “apolitique” de contestation à l'image du “Y en a marre” sénégalais, dénommé “Le Balais citoyen”, même s'il est encore trop tôt pour voir dans quelle direction se dirigera ce mouvement. Mais si ce mouvement parvenait à fédérer derrière lui la société civile, les jeunes et les travailleurs, et à aider la population à organiser ses propres organes de lutte de manière indépendante par rapport à tout politicien pro-capitaliste, alors nous sommes de tout cœur avec lui.
Bref, Blaise est visiblement paniqué, vu qu'il n'ose même plus envoyer l'armée réprimer les manifestations, de peur de voir sa répression se retourner contre lui. Car non seulement le moindre mort pourrait mener à l'explosion sociale, mais en plus, l'armée pourrait tout simplement refuser de tirer sur les manifestants et rejoindre le mouvement. Son parti est divisé et de nombreux cadres abandonnent le régime, soit qu'ils démissionnent, soit qu'ils sont congédiés par leur président : les “rats quittent le navire”. Blaise attend sans doute de voir dans quelle direction ira le mouvement avant de prendre sa décision. Mais ce qui est sûr, c'est qu'avec l'opposition “officielle” actuelle, l'impérialisme n'a pas trop de soucis à se faire.
Mesures concrètes pour le triomphe de la révolution
Les travailleurs, la jeunesse et les pauvres du Burkina ne doivent compter que sur leurs propres forces. Pour ébranler Blaise, tous les mouvements devraient être coordonnés et relayés dans les quartiers et autres localités par des comités locaux de résistance dans les quartiers, dans les écoles, dans les universités et dans les entreprises, regroupant les travailleurs, les jeunes et les paysans, quelle que soit leur nationalité d'origine. Sur base de ces comités, agissant de manière autonome par rapport aux dirigeants bourgeois et petits-bourgeois de l'opposition, mais coordonnés entre eux par un organe dirigeant composé de délégués de ces comités, il serait possible d'organiser des manifestations encore plus grandes et régulières, mais surtout, d'appeler à la grève générale et à des occupations.
La CCVC et les syndicats doivent prendre leurs responsabilités et appuyer une politique en ce sens, plutôt que de suivre l'opposition bourgeoise et petite-bourgeoise. Le Balai citoyen a également le potentiel de jouer un rôle de force indépendante capable d'encourager la création et la coordination de tels comités.
Une attention particulière doit être accordée au mouvement des soldats, en “palabre” avec le gouvernement de Blaise. Les soldats devraient former leurs propres comités dans les casernes et organiser des grèves afin de protester contre le régime, et éviter d'être utilisés contre la population en lutte.
Ces mouvements pourraient avoir des ramifications dans d’autres contrées où se trouvent des Burkinabés, pour une meilleure gestion des actions, en coordination avec les révolutionnaires, syndicalistes et forces d'opposition de ces pays, comme la Côte d’Ivoire.
Il faut créer un nouveau parti des travailleurs et appeler au départ de Blaise, en convoquant une nouvelle assemblée constituante composée de représentants des travailleurs, des jeunes et des paysans, afin d'écrire une nouvelle page de l'histoire de ce pays.
Cette année encore, le peuple Burkinabé a remis le couvert avec des manifestations multiples et réunissant toutes les couches sociales. Cependant, ce n'est pas dire que la situation était restée calme dans le pays au cours des deux dernières années. On a ainsi vu une vague de grèves des mineurs fin 2011.
L'autorité du pouvoir, lâché par l'armée, ne repose plus sur rien, à part le corps d'élite connu sous le nom de RSP (Régiment de sécurité présidentielle). C'est d'autant plus le cas qu'afin de sauver sa seule personne, Blaise a viré toute une série de pontes de son régime, cherchant des boucs-émissaires afin de se protéger. Cela n'a évidemment fait qu'accroitre la dissension au sein de la classe dirigeante burkinabée. La seule personne de confiance du président, à qui il semble s'apprêter à passer le relais (en le propulsant président du sénat), est son frère François Compaoré, un autre valet de l'impérialisme et assassin, dont le nom est lié à l'affaire Norbert Zongo.
La tentative de trouver pour de bon des solutions à la crise de 2011 avec la convocation d'un CCRP (Conseil consultatif des réformes politiques) a été un flop, ce conseil ayant été boycotté par une grande partie de la société civile et de l'opposition, vu le non-respect des engagements qui avaient été pris en 1999 après la crise engendrée par l'assassinat de Norbert Zongo. D'ailleurs, on voit la vacuité de telles structures de concertation, quand on sait que c'est ce même CCRP qui a accouché de l'idée de créer un sénat.
Émeutes d'avril 2011 |
Une opposition très molle ou acquise à l'impérialisme
Du côté de l'opposition politique, il n'y a rien à attendre. Il est vrai que la plate-forme de l'opposition a adopté les slogans très radicaux de “Non à la vie chère ! Non au chômage des jeunes ! Non à l'augmentation du prix du gaz ! […] Non au pouvoir à vie !”… mais quand on sait que cette coalition est dirigée par l'UPC (Union pour le progrès et le changement) de Zéphirin Diabré, ancien ministre des Finances de Blaise et ex-directeur d'Areva (la compagnie nucléaire française, un des piliers de l'impérialisme dans la sous-région), disposant d'un important carnet d'adresses international et d'un grand financement, on peut se poser beaucoup de questions quant à sa véritable nature…
Lors de la manifestation du 29 juin par exemple, les chefs de l'opposition, à la tête de la manifestation, voulaient simplement aller porter un “message” au chef de l'État. Mais c'était sans compter sur la fougue des manifestants qui ont brisé les cordons de sécurité pour aller en découdre avec la police.
Le 20 juillet, Tolé Sagnon, chef de la CCVC et secrétaire général de la CGT-B (Confédération générale du travail du Burkina), posait la question : « Il ne faut pas changer pour changer. Nous ne voulons pas que Blaise Compaoré se pérennise au pouvoir, mais nous ne devons pas avoir peur de nous poser cette question : par qui allons-nous le remplacer ? […] Nous devons développer notre esprit critique vis-à-vis des différentes forces politiques qui tentent aujourd’hui de se présenter comme des alternatives au pouvoir actuel mais qui, pour la plupart, partagent les fondamentaux de la politique néolibérale du régime en place. […] Le processus actuel de mise en place du sénat, les velléités de révision de l’article 37, malgré leur actualité et leur importance, ne doivent pas figer toute l’attention du peuple burkinabé ! La plus grande vigilance doit être observée ».
Zéphirin Diabré s'est empressé de répondre en révélant son rôle traitre, affirmant que « Personne ne parle de comment sera l’après Blaise Compaoré ; on se bat contre le Sénat, contre la révision de l’article 37 ». Dans un point presse le 25 juillet, il allait jusqu'à dire : « Mesdames et messieurs, aujourd’hui, le monde nous appartient, nous les néolibéraux ; nous l’avons vaincu et conquis […] Plus j’avance dans mon parcours, plus j’observe la marche du monde, plus je suis en phase avec elle ». L'impérialisme aurait donc déjà trouvé son champion ! Pour M. Diabré, le rôle des syndicats « n’est pas de conquérir le pouvoir ou de chercher à savoir qui va remplacer Blaise », mais de « défendre des intérêts catégoriels, quel que soit le parti politique au pouvoir ». Traduction : « Ta gueule le vieux, laisse-moi prendre le pouvoir que veulent me remettre mes copains français et américains ».
Il s'agit également du même Diabré qui, convaincu qu’au CDP, « Beaucoup sont contre le sénat et la révision de l’article 37 », a dit leur tendre « une main fraternelle et républicaine et leur demander de prendre leur courage et de quitter le navire pendant qu’il est temps ».
Mais le plus grave est quand Diabré dit que malgré le fait qu'« Au sein du CFOP (l'opposition politique), il y a des sankaristes, des socialistes, des socio-démocrates », pour lui, cela est constitutif d’une richesse qui permet à l’opposition politique d’éviter de graves erreurs dans la prise de ses décisions. Avant de conclure : « J’adore les conflits idéologiques, car c’est ça qui nous fait avancer ». Car cela signifie que l'opposition sankariste, socialiste, “de gauche”, accepte en fait de se ranger derrière cet homme et son parti sans remettre en cause ni dénoncer son rôle de traitre. C'est de telles hésitations et une telle tendance à “l'unité” (des forces progressistes avec les forces réactionnaires) qui nous a couté de nombreuses révolutions partout dans le monde et à toute époque, comme en Espagne en 1936, ou comme, dans une certaine mesure, en Libye l'an passé (où la récupération du mouvemente populaire initial par l'opposition bourgeoise a permis à Kadhafi de se faire passer pour le “véritable défenseur du peuple contre la conspiration impérialiste”, faisant passer le pays de la révolution à la guerre civile, avec les conséquences que l'on sait).
Qu'est-ce que cela veut dire en définitive ? Ça veut dire tout simplement qu'au cas où Blaise dégageait sans qu'une alternative populaire ne se profile, et si Zeph était élu, le Burkina connaitrait une situation tout simplement identique à celle de la Tunisie ou de l'Égypte. On ne ferait que changer de visage mais le système resterait le même. Zeph accomplirait une politique néolibérale qui ne ferait qu'enfoncer encore plus le pays dans la crise économique, un an plus tard, un mouvement se profilerait pour le faire dégager, et les quelques partisans qu'il aurait encore se prépareraient pour la guerre civile. Est-ce cela que nous voulons ? Non !
Bref, d'un côté nous avons un leader syndical “responsable” qui refuse de faire chuter Blaise tant qu'il n'est pas sûr de qui va prendre le pouvoir après lui (lui qui a déjà déclaré un jour dans le passé : « Si ce n’est Blaise, qui peut gérer ce pays ? »), de l'autre, une coalition d'opposition politique hétéroclite dans laquelle la gauche se range derrière un néolibéral affirmé, au nom sans doute de “l'unité” et du “débat d'idées” – tout comme le Front populaire tunisien se range derrière l'Union pour la Tunisie alors que l'heure est clairement à la révolution contre le système tout entier, et non pas au compromis avec l'un ou l'autre groupe de politiciens bourgeois.
Vu une telle opposition, il n'est pas étonnant que beaucoup de jeunes ruent dans les brancards et se tournent vers “l'action spontanée” et les combats de rue.
Plus intéressant est la décision par les chanteurs Smockey (dont on se souvient notamment de l'excellente contribution sur le non moins excellent album de Didier Awadi “Présidents d'Afrique”) et Sams'k le Jah de créer un mouvement “apolitique” de contestation à l'image du “Y en a marre” sénégalais, dénommé “Le Balais citoyen”, même s'il est encore trop tôt pour voir dans quelle direction se dirigera ce mouvement. Mais si ce mouvement parvenait à fédérer derrière lui la société civile, les jeunes et les travailleurs, et à aider la population à organiser ses propres organes de lutte de manière indépendante par rapport à tout politicien pro-capitaliste, alors nous sommes de tout cœur avec lui.
Bref, Blaise est visiblement paniqué, vu qu'il n'ose même plus envoyer l'armée réprimer les manifestations, de peur de voir sa répression se retourner contre lui. Car non seulement le moindre mort pourrait mener à l'explosion sociale, mais en plus, l'armée pourrait tout simplement refuser de tirer sur les manifestants et rejoindre le mouvement. Son parti est divisé et de nombreux cadres abandonnent le régime, soit qu'ils démissionnent, soit qu'ils sont congédiés par leur président : les “rats quittent le navire”. Blaise attend sans doute de voir dans quelle direction ira le mouvement avant de prendre sa décision. Mais ce qui est sûr, c'est qu'avec l'opposition “officielle” actuelle, l'impérialisme n'a pas trop de soucis à se faire.
Zéphirin Diabré, leader de l'opposition bourgeoise, néolibéral déclaré |
Mesures concrètes pour le triomphe de la révolution
Les travailleurs, la jeunesse et les pauvres du Burkina ne doivent compter que sur leurs propres forces. Pour ébranler Blaise, tous les mouvements devraient être coordonnés et relayés dans les quartiers et autres localités par des comités locaux de résistance dans les quartiers, dans les écoles, dans les universités et dans les entreprises, regroupant les travailleurs, les jeunes et les paysans, quelle que soit leur nationalité d'origine. Sur base de ces comités, agissant de manière autonome par rapport aux dirigeants bourgeois et petits-bourgeois de l'opposition, mais coordonnés entre eux par un organe dirigeant composé de délégués de ces comités, il serait possible d'organiser des manifestations encore plus grandes et régulières, mais surtout, d'appeler à la grève générale et à des occupations.
La CCVC et les syndicats doivent prendre leurs responsabilités et appuyer une politique en ce sens, plutôt que de suivre l'opposition bourgeoise et petite-bourgeoise. Le Balai citoyen a également le potentiel de jouer un rôle de force indépendante capable d'encourager la création et la coordination de tels comités.
Une attention particulière doit être accordée au mouvement des soldats, en “palabre” avec le gouvernement de Blaise. Les soldats devraient former leurs propres comités dans les casernes et organiser des grèves afin de protester contre le régime, et éviter d'être utilisés contre la population en lutte.
Ces mouvements pourraient avoir des ramifications dans d’autres contrées où se trouvent des Burkinabés, pour une meilleure gestion des actions, en coordination avec les révolutionnaires, syndicalistes et forces d'opposition de ces pays, comme la Côte d’Ivoire.
Il faut créer un nouveau parti des travailleurs et appeler au départ de Blaise, en convoquant une nouvelle assemblée constituante composée de représentants des travailleurs, des jeunes et des paysans, afin d'écrire une nouvelle page de l'histoire de ce pays.
Il faut organiser la lutte à la base ! |
Peuple de Côte d’Ivoire et du Burkina Faso, une impérieuse nécessité ide collaboration contre un système mondial
À l’instar du peuple burkinabé, les Ivoiriens et habitants de Côte d'Ivoire connaissent un sort similaire dans un climat de terreur et de répression, soumis à une omerta qui dit pas son nom. Les séquelles de la crise postélectorale sont là et tétanisent le peuple ivoirien. Mais comme au Burkina, la situation reste explosive et peut éclater à tout moment.
Comme le Burkina, la Côte d’Ivoire, connait une pauvreté endémique (+ 46 % de pauvres en 2012). Les prix des denrées flambent de manière exponentielle et le panier de la ménagère s’est transformé en sachet, la faute à un monopole sans pareil. Là encore, le capitalisme et le visage hideux de la mondialisation frappent, et continueront tant que la révolution sera une vue d’esprit dans ce pays.
Ainsi, comme au Burkina, il y a nécessité d’une alerte populaire et de leaders réels. Comme au Burkina, il faut vaincre la peur et les clichés ethniques, car c’est là la force de l'impérialisme et de leurs valets parmi la bourgeoisie nationale. Se libérer de toutes contingences politiques, pour entamer la lutte de la survie face au monstre capitaliste.
La presse ivoirienne ne fait état des manifestations contre Blaise que dans la mesure où cela corroborerait les fameuses soi-disant “prophéties” du prophète auto-proclamé Malachie. Pourtant, le départ de Blaise face à un mouvement populaire aurait des répercussions dans toute la sous-région. La France et les États-Unis perdraient leur dernier allié sûr dans la région, et leur dernier bastion où parquer leurs avions et régiments d'intervention en Afrique de l'Ouest. Cela donnerait un immense espoir à la communauté burkinabée en Côte d'Ivoire, qui pourrait être tentée de rentrer au pays participer à sa reconstruction. Au-delà de cela, cela constituerait un signal fort pour l'ensemble des travailleurs et des jeunes de la sous-région, qui les encouragerait à reprendre confiance en leurs propres forces en tant qu'acteurs de changement, plutôt que d'abandonner leur sort à des politiciens corrompus (RDR, PDCI) ou à des aventuriers petits-bourgeois (FPI).
C’est dans cette optique que s'impose une politique de solidarité révolutionnaire entre ces deux peuples. Les Ivoiriens doivent, à l’instar du peuple burkinabé, braver la peur pour affronter une clique pro-capitaliste corrompue installée par une mafia ignoble.
La situation est mure pour la révolution, il ne reste que de vrais révolutionnaires pour la concrétiser.
Si ce n'est la solidarité révolutionnaire, c’est la solidarité des capitalistes qui viendra à nous.
On veut le départ de Blaise ! Au Burkina comme en Côte d'Ivoire ! |
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